La présomption de salariat des mannequins résidants en Suisse : affaire Next Management 

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La présomption de salariat des mannequins résidants en Suisse : affaire Next Management 

Si vous travaillez avec des mannequins étrangers suisses, la présomption de contrat de travail de l’article L. 7123-3 du code du travail leur reste applicable, même s’ils sont enregistrés en indépendants auprès du registre des sociétés.

La présomption de salariat de mannequin

Mini séisme dans le monde du mannequinat : les mannequins établis en Suisse, bien qu’enregistrés au registre du commerce en indépendants et facturant donc leur agence, bénéficient tout de même de la présomption de salariat de mannequin.   

Présomption de contrat de travail et couverture sociale

Par arrêt du 14 mai 2020 (CJUE, Bouygues travaux publics e.a., C-17/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit qu’un certificat E 101 (1), délivré par l’institution compétente d’un Etat membre, au titre de l’article 14 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, à des travailleurs exerçant leurs activités sur le territoire d’un autre État membre, et un certificat A 1, délivré par cette institution, au titre de l’article 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, à de tels travailleurs, s’imposent aux juridictions de ce dernier État membre uniquement en matière de sécurité sociale.

Le certificat E101

Il en résulte que le maintien d’un certificat E101 ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Etat membre d’accueil applique les règles nationales de droit du travail relatives à la relation de travail en cause et sanctionne la violation par l’employeur d’obligations que le droit du travail met à la charge de celui-ci.

Pour rappel, le formulaire E101 est utilisé pour attester de la législation applicable à un travailleur qui n’est pas affilié dans le pays de travail.

Il est établi en cas d’application des articles 13.2 d, 14.1 a, 14.2 a,14.2 b, 14 bis 1 a,14 bis 2, 14 bis 4, 14 ter 1,14 ter 2, 14 ter 4, 14 quater a, 14 sexies et l’article 17 du règlement (CEE) n° 1408/71.

Sont visés par ces dispositions : i) le travailleur salarié et le travailleur non salarié détachés pour une durée initiale d’un an, ii) le fonctionnaire qui exerce son activité sur un territoire autre que celui où se trouve l’administration qui l’occupe,
le travailleur des transports internationaux, iii) les marins détachés, les pluri actifs, iv) il est également utilisé en cas de détachement exceptionnel, après échange de lettres des autorités compétentes des deux États en cause. Dans ce dernier cas, les références de l’accord des autorités compétentes sont mentionnées sur le formulaire.

Les organismes compétents pour délivrer le formulaire E101 sont l’Urssaf, la
caisse de mutualité sociale agricole dont relève le travailleur, et l’Enim pour les salariés de la mer.

L’article L. 7123-3 du code du travail

Aux termes de l’article L. 7123-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail.

Selon l’article L. 7123-4-1 du même code, la présomption de salariat prévue aux articles L. 7123-3 et L. 7123-4 ne s’applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant.

Une exception d’incompétence fondée 

Pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société, l’arrêt relève (à tort) que les règlements (CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009 prévoyant la délivrance de ce certificat sont applicables dans les relations entre la Suisse et les Etats membres.

Il ajoute que la mannequin justifie être inscrite au registre du commerce du canton de [Localité 4], en Suisse, depuis le 21 février 2011, son entreprise ayant notamment pour objet le marketing international et national, la coordination, le regroupement et activité de conseil en Suisse et à l’étranger dans le domaine du mannequinat, de la mode, du cinéma, du théâtre, de l’art.

Il retient ensuite qu’elle verse aux débats une attestation de Mme [J], ancienne Office Manager de la société Next Management, qui indique qu’en arrivant en 2014, Mme [F] a manifesté le souhait de devenir mannequin indépendant auprès de l’agence, qu’elle n’a jamais accepté de signer le contrat standard qui lui avait été transmis, en raison de son statut de travailleur indépendant et qu’elle a très vite fourni les documents nécessaires (formulaire A1 et attestation de société) qui ont été immédiatement adressés au service administratif de la société.

L’arrêt retient encore que l’intéressée produit le certificat concernant la législation de sécurité sociale applicable (formulaire A1) justifiant qu’elle a été affiliée en Suisse du 1er octobre au 31 décembre 2015 et une attestation justifiant qu’elle est affiliée à la caisse de sécurité sociale suisse et qu’elle a versé des cotisations en Suisse sur la rémunération qu’elle a perçue en France lorsqu’elle travaillait pour la société Next Management pour la période du 1er octobre 2014 au 31 août 2015. Il relève enfin qu’elle communique des courriels échangés avec la société au mois de février et mars 2015 sur le paiement des charges sociales démontrant qu’elle n’acceptait pas le statut de salarié.

La cour d’appel en a déduit à tort que, si la société a employé Mme [F] dans le cadre habituel réservé aux mannequins, celle-ci remplissait les conditions pour être travailleur indépendant par rapport à son pays d’origine en ce qu’elle était inscrite au registre du commerce et payait ses cotisations sociales en Suisse.

En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle avait constaté que l’intéressée était établie en Suisse, pays non membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ce dont il résultait que la présomption de salariat lui était applicable, nonobstant son activité exercée à titre indépendant en Suisse, la cour d’appel a violé le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 et les articles L. 7123-3 et L. 7123-4-1 du code du travail. 

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les conditions justifiant un licenciement économique selon le Code du travail ?

Le licenciement économique est encadré par l’article L. 1233-3 du Code du travail. Pour qu’un licenciement soit considéré comme économique, il doit être fondé sur des motifs non inhérents à la personne du salarié. Ces motifs peuvent inclure la suppression ou la transformation d’emploi, ou la modification d’un élément essentiel du contrat de travail. Les difficultés économiques doivent être caractérisées par des indicateurs tels qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, ou une dégradation de la trésorerie. La durée de cette baisse doit être significative, variant selon la taille de l’entreprise. Par exemple, pour une entreprise de moins de onze salariés, une baisse d’un trimestre est suffisante, tandis que pour une entreprise de plus de trois cents salariés, il faut quatre trimestres consécutifs.

Pourquoi la société On parle de vous n’a-t-elle pas pu justifier le licenciement économique ?

La société On parle de vous n’a pas réussi à fournir des éléments probants pour justifier le licenciement économique de M. [E] [F]. Les documents comptables présentés montrent en réalité une augmentation du chiffre d’affaires entre 2016 et 2017, contredisant ainsi les allégations de baisse. En 2016, le chiffre d’affaires était de 1 610 262 euros, tandis qu’en 2017, il a atteint 1 956 501 euros. De plus, les arguments avancés par le liquidateur judiciaire, tels que la baisse de la marge et de l’EBITDA, ont été jugés insuffisants. La cour a noté que la baisse de la marge était minime, à seulement 1,25 %, et que l’EBITDA, bien qu’en baisse, ne constitue pas un indicateur suffisant pour établir des difficultés économiques.

Quels éléments ont été considérés comme non pertinents pour justifier les difficultés économiques ?

Plusieurs éléments présentés par le liquidateur judiciaire ont été jugés non pertinents pour établir la réalité des difficultés économiques de la société. Par exemple, la diminution de la rémunération de la gérante, la présence de créances douteuses, et le changement de local pour réduire les coûts de loyer n’ont pas suffi à prouver que la société était en difficulté au moment du licenciement. La cour a souligné que ces éléments ne démontraient pas de manière concluante une situation économique précaire. En effet, la baisse de chiffre d’affaires, qui était l’argument principal, était contredite par les preuves comptables, rendant ainsi le licenciement injustifié.

Quelles sont les implications d’un licenciement économique jugé sans cause réelle et sérieuse ?

Lorsqu’un licenciement économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, cela signifie que l’employeur n’a pas respecté les conditions légales pour procéder à un tel licenciement. Dans ce cas, le salarié peut avoir droit à des indemnités de licenciement, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Cela peut également entraîner des conséquences pour l’employeur, notamment des frais juridiques et une atteinte à sa réputation. De plus, l’employeur pourrait être contraint de réintégrer le salarié ou de lui verser des compensations financières substantielles, selon les décisions judiciaires.

Quels sont les critères d’évaluation des difficultés économiques dans une entreprise ?

Les difficultés économiques d’une entreprise sont évaluées en fonction de plusieurs critères. Parmi ceux-ci, on trouve l’évolution des indicateurs économiques tels que le chiffre d’affaires, les commandes, les pertes d’exploitation, et la trésorerie. L’évaluation doit se faire au niveau de l’entreprise, sauf si celle-ci fait partie d’un groupe, auquel cas l’analyse doit être effectuée au niveau du secteur d’activité commun. Les critères incluent également des éléments tels que les mutations technologiques, la nécessité de réorganiser l’entreprise pour maintenir sa compétitivité, ou encore la cessation d’activité. Ces critères permettent de déterminer si les difficultés économiques sont suffisamment graves pour justifier un licenciement économique, en tenant compte de la nature des produits ou services offerts, de la clientèle ciblée, et des modes de distribution.

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