Journaliste pigiste : le lien de subordination impératif

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Journaliste pigiste : le lien de subordination impératif

L’Essentiel : La Cour de cassation a clarifié que la constance des commandes de piges par un éditeur ne suffit pas à établir un lien de subordination, condition essentielle pour reconnaître un contrat de travail. Dans une affaire impliquant un journaliste pigiste, les juges d’appel ont erronément conclu à l’existence d’un contrat de travail, négligeant l’indépendance du journaliste, qui travaillait sans horaires imposés et collaborait avec d’autres médias. La décision des juges a été censurée, car ils n’ont pas vérifié si l’absence de lien de subordination annulait la présomption de salariat prévue par le code du travail.

Commande constante de piges

Mise au point importante de la Cour de cassation : la constance dans la commande de piges par un éditeur de presse n’emporte pas ipso facto requalification de la relation du journaliste en contrat de travail.

Pour reconnaître à un journaliste la qualité de salarié, les juges d’appel se sont fondés à tort sur la constance de la collaboration des parties : durant seize mois, l’éditeur France Soir avait  employé un journaliste pigiste. Le journaliste s’était ainsi vu reconnaître l’existence d’un contrat de travail et l’éditeur avait été condamné à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire et d’indemnités de rupture.

Preuve du lien de subordination

L’existence du contrat de travail est caractérisée par le lien de subordination dans lequel se trouve le salarié ; ne bénéficie donc pas du statut de salarié le journaliste qui exerce son activité en toute indépendance et en toute liberté. A ce titre, la présomption de contrat de travail dont bénéficie le journaliste professionnel est simple et peut être renversée par l’employeur. Dans l’affaire soumise, le journaliste semblait bien exercer son activité en toute liberté et indépendance puisqu’il ne travaillait pas dans les locaux de l’entreprise (situés à Paris), habitait à Montpellier, n’était soumis à aucun horaire, n’était pas intégré au sein d’un quelconque service, rédigeait ses piges dans des conditions d’autonomie totale et collaborait avec d’autres journaux.

Censure des juges suprêmes

En estimant que le pigiste était titulaire d’un contrat de travail, au regard du « caractère constant du concours qu’il apportait à l’entreprise de presse » sans rechercher si l’absence totale de lien de subordination entre les parties et l’indépendance dont bénéficiait le pigiste ne venaient pas détruire la présomption de salariat instituée par l’article L. 7112-1 du code du travail au profit des journalistes professionnels, les juges d’appel ont privé leur décision de toute base légale.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la position de la Cour de cassation concernant la commande constante de piges par un éditeur de presse ?

La Cour de cassation a clairement établi que la constance dans la commande de piges par un éditeur de presse ne conduit pas automatiquement à la requalification de la relation entre le journaliste et l’éditeur en contrat de travail.

Cette décision souligne que la simple régularité des collaborations ne suffit pas à établir un lien de subordination, qui est un critère essentiel pour reconnaître un statut de salarié.

Ainsi, même si un journaliste collabore de manière régulière avec un éditeur, cela ne signifie pas qu’il bénéficie des droits associés à un contrat de travail.

Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un journaliste soit considéré comme salarié ?

Pour qu’un journaliste soit reconnu comme salarié, il doit être en situation de lien de subordination avec son employeur. Ce lien se manifeste par un contrôle de l’employeur sur le travail du journaliste, notamment en termes d’horaires, de lieu de travail et d’intégration dans une équipe.

Dans le cas évoqué, le journaliste travaillait de manière indépendante, sans horaires imposés, et n’était pas intégré dans les locaux de l’entreprise.

Il rédigeait ses piges de manière autonome et collaborait également avec d’autres journaux, ce qui renforce l’idée qu’il n’était pas sous l’autorité de l’éditeur.

Comment les juges d’appel ont-ils justifié leur décision initiale concernant le statut du journaliste ?

Les juges d’appel ont fondé leur décision sur la constance de la collaboration entre le journaliste et l’éditeur, considérant que cette régularité suffisait à établir un contrat de travail.

Ils ont estimé que le journaliste, ayant travaillé pendant seize mois pour l’éditeur, devait être considéré comme salarié, ce qui a conduit à une condamnation de l’éditeur à verser des rappels de salaire et des indemnités.

Cependant, cette approche a été critiquée, car elle ne tenait pas compte de l’absence de lien de subordination, qui est un critère fondamental pour établir un contrat de travail.

Quelle a été la critique formulée par la Cour de cassation à l’égard des juges d’appel ?

La Cour de cassation a critiqué les juges d’appel pour avoir conclu à l’existence d’un contrat de travail sans examiner si le journaliste était réellement en situation de subordination.

Elle a souligné que les juges n’avaient pas pris en compte l’indépendance du pigiste, qui ne travaillait pas dans les locaux de l’entreprise et n’était soumis à aucune contrainte horaire.

Cette omission a conduit à une décision dépourvue de base légale, car la présomption de salariat ne peut être maintenue en l’absence d’un lien de subordination clair.


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