L’Essentiel : Le dépôt de la marque « Je suis Charlie » a été refusé par l’INPI en raison de son manque de caractère distinctif, suite à plus de 140 tentatives d’appropriation à des fins mercantiles. Les juges ont confirmé que ce slogan, largement utilisé, ne pouvait pas être enregistré comme marque, car il contrevient à l’ordre public. De plus, un particulier a demandé le remboursement des frais de dépôt, mais a été débouté, l’INPI n’ayant pas déclaré le dépôt irrecevable. Ce cas illustre les enjeux liés aux dépôts frauduleux, qui, bien que fréquents, peinent à obtenir une validation.
|
Dépôt de marque refuséCette décision sur la validité du dépôt de la marque « Je suis Charlie » était attendue. L’INPI avait décidé, suite aux nombreuses demandes de dépôt à titre de marque du slogan solidaire « Je suis Charlie » (pas moins de 140 personnes ont cru pouvoir tenter de s’approprier ce slogan à des fins mercantiles), de ne pas enregistrer ces demandes de dépôt en ce qu’elles ne répondaient pas au critère du caractère distinctif. En effet, la marque a pour fonction essentielle d’identifier les produits et services du déposant, or ce slogan a fait l’objet d’une utilisation généralisée et indifférenciée. Saisis de l’affaire, les juges ont confirmé l’impossibilité de ce dépôt en raison de l’une des conditions clés de la validité d’un dépôt de marque : ne peut être adopté comme marque un signe contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (L711-3 du code de la propriété intellectuelle). Remboursement des frais de dépôtSuite au refus d‘enregistrement opposé par l’INPI sur « Je suis Charlie », un particulier l’a mise en demeure de lui rembourser la somme de 200 euros qu’il avait acquittée à titre de redevance de dépôt par paiement en ligne. Là aussi le déposant a été débouté : les frais de dossier INPI ne peuvent être remboursés qu’en cas d’irrecevabilité du dépôt. Or, en l’espèce, l’INPI n’a pas déclaré le dépôt irrecevable, mais y a fait objection, mesure provisoire avant rejet. En cas d’opposition, le déposant dispose d’un délai de deux mois pour régulariser la demande ou contester l’objection. Florilège de dépôts frauduleux de marquesA noter qu’en matière de dépôt de marque, les dépôts frauduleux ont le vent en poupe mais peu aboutissent. On en retiendra deux exemples récents : « LOL » : la marque communautaire verbale « LOL » (laughing out loud) a été déclarée nulle pour défaut de caractère distinctif. Doté d’un sens autonome fort pour le consommateur moyennement attentif, il est de nature, en raison de son caractère banal et universel, à focaliser son attention sur cette signification communément admise, privant le signe de la fonction qu’il est censé remplir, à savoir celle de garantir l’origine du produit, le consommateur ne lui associant pas une origine commerciale déterminée. « Halloween » : La Cour de cassation a jugé frauduleux et a annulé le dépôt du terme Halloween par une société exerçant dans le domaine du conseil aux entreprises. Les juges ont retenu le caractère frauduleux de ce dépôt sur la base de mises en demeure envoyées par le déposant, à des professionnels de la confiserie et leur interdisant d’utiliser le terme « Halloween » sauf conclusion d’un contrat de licence de marque. Cette tentative de « battre monnaie » associée à l’activité réelle du déposant ont emporté la conviction des juges : le dépôt avait été effectué dans un but étranger à la protection ou l’identification des produits/services de la société. Fraus omnia corrumpitEn application du principe « fraus omnia corrumpit » (« la fraude corrompt tout »), un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure. La fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue. La notion de fraude est d’interprétation stricte. |
Q/R juridiques soulevées :
Pourquoi le dépôt de la marque « Je suis Charlie » a-t-il été refusé ?Le dépôt de la marque « Je suis Charlie » a été refusé par l’INPI en raison de l’absence de caractère distinctif. En effet, ce slogan a été largement utilisé et diffusé, ce qui a conduit à une appropriation collective de son sens. La fonction principale d’une marque est d’identifier les produits et services d’un déposant. Or, dans ce cas, le slogan était devenu un symbole de solidarité, utilisé par de nombreuses personnes, ce qui a rendu impossible son identification à un seul déposant. De plus, les juges ont confirmé que le dépôt ne pouvait pas être validé car il contrevenait à l’ordre public et aux bonnes mœurs, conformément à l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle. Quelles sont les conditions pour obtenir le remboursement des frais de dépôt ?Suite au refus d’enregistrement de la marque « Je suis Charlie », un particulier a demandé le remboursement des frais de dépôt de 200 euros. Cependant, sa demande a été rejetée. Les frais de dossier de l’INPI ne peuvent être remboursés que si le dépôt est déclaré irrecevable. Dans ce cas, l’INPI n’a pas déclaré le dépôt irrecevable, mais a émis une objection, ce qui est une mesure provisoire avant le rejet final. Le déposant a alors un délai de deux mois pour régulariser sa demande ou contester l’objection. Cela signifie que tant que l’INPI n’a pas statué sur l’irrecevabilité, le remboursement des frais n’est pas possible. Quels exemples récents illustrent les dépôts frauduleux de marques ?Il existe plusieurs exemples récents de dépôts frauduleux de marques, dont deux sont particulièrement notables. Le premier est le dépôt de la marque « LOL » (laughing out loud), qui a été déclaré nul en raison de son manque de caractère distinctif. Ce terme, étant banal et largement utilisé, ne permettait pas d’identifier un produit ou service spécifique, privant ainsi le signe de sa fonction essentielle. Le second exemple concerne le terme « Halloween », dont le dépôt a été annulé par la Cour de cassation. La société qui avait déposé ce terme a été jugée frauduleuse, car elle avait envoyé des mises en demeure à des professionnels de la confiserie, leur interdisant d’utiliser le terme sans contrat de licence. Que signifie le principe « fraus omnia corrumpit » dans le contexte des dépôts de marque ?Le principe « fraus omnia corrumpit », qui se traduit par « la fraude corrompt tout », s’applique aux dépôts de marque lorsque ceux-ci sont effectués dans le but de priver autrui d’un signe essentiel à son activité. La fraude est caractérisée lorsque le dépôt est réalisé non pas pour distinguer des produits ou services, mais pour empêcher des concurrents d’utiliser un signe nécessaire à leur activité. Il est important de noter que le caractère frauduleux d’un dépôt est évalué au moment du dépôt lui-même et ne peut être présumé. La charge de la preuve de la fraude incombe à celui qui l’allègue, et la notion de fraude doit être interprétée de manière stricte. |
Laisser un commentaire