Isolement psychiatrique : irrégularité de procédure en l’absence de convocation du tuteur

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Isolement psychiatrique : irrégularité de procédure en l’absence de convocation du tuteur

L’Essentiel : Madame [J] [N], hospitalisée au Centre Hospitalier de [Localité 5], est représentée par Me Vanessa LANDAIS. Les intimés incluent le Centre Hospitalier et Madame [G] [C] [F]. L’affaire est régie par l’article 17 de la loi n°2022-46 et le décret n°2022-419 concernant l’isolement en soins psychiatriques. Mme [N] est sous hospitalisation complète depuis le 2 janvier 2025, avec une mesure d’isolement prolongée par le tribunal. Une irrégularité a été relevée, le tuteur de Mme [N] n’ayant pas été convoqué. En conséquence, la décision du magistrat a été infirmée, ordonnant la levée immédiate de l’isolement.

Parties en présence

Madame [J] [N], actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier de [Localité 5], est représentée par Me Vanessa LANDAIS, avocat au barreau de Versailles. En face, le Centre Hospitalier de [Localité 5] et Madame [G] [C] [F], née le 28 août 1969, sont les intimés. Le Procureur Général de la Cour d’Appel de Versailles est également partie jointe, ayant rendu un avis écrit.

Contexte législatif

L’affaire est encadrée par l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022, qui renforce les outils de gestion de la crise sanitaire, ainsi que par le décret n°2022-419 du 23 mars 2022, relatif à la procédure applicable en matière d’isolement et de contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement.

Hospitalisation et mesures d’isolement

Mme [J] [N] est sous hospitalisation psychiatrique complète depuis le 2 janvier 2025. Le 9 janvier 2025, le directeur du centre hospitalier a saisi le tribunal pour prolonger la mesure d’isolement, qui a été maintenue par le magistrat. Un appel a été interjeté par le conseil de Mme [N] le 10 janvier 2025.

Audition et décision

Une audition a été réalisée par communication téléphonique, en raison de l’impossibilité d’utiliser un moyen de communication audiovisuelle. La décision a été rendue après cette audition, prenant en compte les éléments présentés.

Réglementation sur l’isolement et la contention

Selon l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique, l’isolement et la contention ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent. Ces mesures doivent être justifiées par un psychiatre et faire l’objet d’une surveillance stricte.

Irregularité de la procédure

Il a été constaté que le tuteur de Mme [N], Mme [F], n’avait pas été convoquée, ce qui constitue une irrégularité de fond. Cette irrégularité peut être soulevée à tout moment, même en appel, et n’est pas couverte par le fait que la patiente était assistée par un avocat.

Conclusion de la décision

En raison de l’irrégularité de la procédure, la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 9 janvier 2025 a été infirmée. La mainlevée immédiate de la mesure d’isolement a été ordonnée, avec un rappel que toute nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures, sauf en cas d’éléments nouveaux.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’isolement et la contention en milieu psychiatrique ?

L’article L 3222-5-1 du code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles l’isolement et la contention peuvent être appliqués.

Il stipule que :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement.

Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient.

Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures. »

Ces dispositions montrent que l’isolement et la contention doivent être justifiés par des raisons précises et encadrés par des évaluations régulières.

Quelles sont les conséquences du défaut de convocation du tuteur dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement ?

L’article 468 du code civil impose que, lorsque le patient bénéficie d’une mesure de protection, le curateur ou le tuteur doit être convoqué.

L’article 475 du même code précise que cette convocation est essentielle pour garantir les droits du patient sous tutelle.

De plus, l’article 119 du code de procédure civile indique que :

« Le défaut d’information et de convocation du curateur par le greffier du juge en charge du contrôle de l’hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle, constitue une irrégularité de fond qui ne requiert pas la preuve d’un grief, n’est pas couverte par le fait que le patient a été assisté par un avocat et peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel. »

Dans le cas présent, il a été établi que Mme [N] était sous tutelle de l’ATFPO, Mme [F], qui n’a pas été convoquée.

Cette absence de convocation a conduit à une irrégularité de la procédure, justifiant l’infirmation de la décision initiale et la mainlevée de la mesure d’isolement.

Quelles sont les implications de la décision de mainlevée de la mesure d’isolement ?

La décision de mainlevée de la mesure d’isolement a des implications importantes pour le patient et l’établissement.

Selon la décision rendue, il est rappelé que :

« Aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. »

Cela signifie que, après la mainlevée, l’établissement doit attendre 48 heures avant de pouvoir envisager une nouvelle mesure d’isolement ou de contention, sauf si des circonstances nouvelles justifient une telle action.

Le directeur de l’établissement est également tenu d’informer sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à toute nouvelle mesure.

Cette procédure vise à protéger les droits du patient tout en assurant la sécurité de tous.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14P

N° RG 25/00154 – N° Portalis DBV3-V-B7J-W6G7

(article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique)

Copies délivrées le :

à :

[J] [N]

la SELARL CABINET LANDAIS

Etablissement CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 5]

[G] [C] [F]

Min. Public

ORDONNANCE

ISOLEMENT ET CONTENTION

Le 10 Janvier 2025

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique) assistée de Madame Rosanna VALETTE, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Madame [J] [N]

actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier de [Localité 5]

représentée par Me Vanessa LANDAIS de la SELARL CABINET LANDAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648

APPELANTE

ET :

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non représenté

Madame [G] [C] [F]

née le 28 Août 1969 à [Localité 6]

[Adresse 2]

ATFPO

[Localité 3]

non représentée

INTIMEES

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES

ayant rendu un avis écrit

Vu l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ;

Vu le décret n°2022-419 du 23 mars 2022 relatif à la procédure applicable devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire en matière d’isolement et de contention mis en ‘uvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement ;

Vu l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet :

Mme [J] [N] née le 9 mars 1963 à [Localité 4] ;

Vu la saisine en date du 9 janvier 2025 émanant du directeur du centre hospitalier de [Localité 5] aux fins de prolongation de la mesure d’isolement ;

Vu la décision du 9 janvier 2025 par laquelle le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles a dit que la mesure d’isolement ordonnée dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet Mme [J] [N] sera maintenue ;

Vu l’appel interjeté par le conseil de Mme [N] le 10 janvier 2025 à 13H56 ;

Vu l’avis du procureur général en date du 10 janvier 2025 ;

La requérante a sollicité une audition devant la cour et après audition de cette dernière par le truchement d’une communication téléphonique à laquelle elle a consenti, vu l’impossibilité de recourir à un moyen de communication audio-visuelle, la décision suivante a été rendue.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions nouvelles de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ‘uvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire du renouvellement de ces mesures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le magistrat du siège du tribunal judiciaire avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le magistrat du siège du tribunal judiciaire autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire en application du IV de l’article L. 3211-12-1 » ;

Il est rappelé que l’office du magistrat du siège du tribunal judiciaire consiste à opérer un contrôle de la régularité de la mesure et de son bien-fondé, ce qui suppose d’exercer un contrôle des motifs évoqués par l’autorité médicale et non de se prononcer sur l’opportunité de l’isolement ou de la contention.

Mme [J] [N] a été placée sans son consentement sous le régime de l’hospitalisation psychiatrique complète depuis le 2 janvier 2025.

Par décision en date du 2 janvier 2025, le Docteur [E], psychiatre de l’établissement d’accueil, a placé la patiente sous le régime de l’isolement, renouvelé dans la limite maximale de 48 heures sur une période de 15 jours.

Sont versées au dossier les deux évaluations par 24 heures.

Sur le défaut de convocation du tuteur

L’application combinée des articles 468 et 475 du code civil impose que, lorsque le patient bénéficie d’une mesure de protection, le curateur ou le tuteur doit être convoqué.

Il résulte de l’article 119 du code de procédure civile que le défaut d’information et de convocation du curateur par le greffier du juge en charge du contrôle de l’hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle, constitue une irrégularité de fond qui ne requiert pas la preuve d’un grief, n’est pas couverte par le fait que le patient a été assisté par un avocat et peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

En l’espèce, il résulte des pièces produites et particulièrement du jugement dont appel que Mme [N] est placée sous tutelle de l’ATFPO, Mme [F] laquelle n’a pas été convoquée.

Par conséquent, la procédure étant irrégulière, il y a lieu d’ordonner l’infirmation de la décision entreprise et d’ordonner la main levée de la mesure d’isolement.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 9 janvier 2025,

Statuant à nouveau,

ORDONNE la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement ordonnée dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet Mme [J] [N] ;

RAPPELLE qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui ;

RAPPELLE que dans cette hypothèse le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Le 10 janvier 2025 à heures

Le greffier, La première présidente de chambre,


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