L’Essentiel : Madame [W] [U], hospitalisée sans consentement depuis 2004, a vu sa mesure d’isolement prolongée par le juge des libertés. Le 6 décembre 2024, elle a fait appel de cette décision, arguant de l’irrégularité du certificat médical et du non-respect des dispositions légales par le psychiatre. Le parquet général a soutenu la confirmation de l’ordonnance initiale. Cependant, la cour a constaté l’absence d’éléments médicaux actualisés et le non-respect des droits de la patiente. En conséquence, elle a ordonné la mainlevée de l’isolement, infirmant ainsi la décision du juge et notifiant toutes les parties concernées.
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Contexte de l’hospitalisationMadame [W] [U], née le 28 août 1971, a été placée sous une mesure d’hospitalisation sans consentement (SDRE) initiée le 9 septembre 2004. Le 6 décembre 2024, une mesure d’isolement a été ordonnée à son encontre, qui a été prolongée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 27 décembre 2024, autorisant la poursuite de cette mesure au-delà de la durée de 72 heures prévue par la loi. Appel de la patienteLe même jour, à 18h28, Madame [W] [U] a fait appel de cette ordonnance, soutenue par son conseil. Elle a demandé l’infirmation de la décision du juge, arguant que le certificat médical justifiant l’isolement était irrégulier et que le psychiatre [V] [T] n’avait pas respecté les dispositions légales en vigueur. Elle a également demandé la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement et la condamnation du directeur du centre hospitalier aux dépens. Position du parquet généralLe parquet général a exprimé son avis le 28 décembre à 17 heures 59, en faveur de la confirmation de l’ordonnance initiale du juge des libertés et de la détention, sans toutefois apporter d’éléments nouveaux sur la situation de la patiente. Recevabilité de l’appelLa cour a examiné la recevabilité de l’appel, se fondant sur les articles du code de procédure civile et du code de la santé publique. L’acte d’appel a été jugé recevable, ayant été effectué dans les formes et délais légaux. Examen des éléments médicauxLa cour a constaté qu’il n’y avait pas d’informations actualisées concernant la nécessité de maintenir la mesure d’isolement, ni sur la capacité de Madame [W] [U] à comparaître. De plus, il a été noté que la patiente n’avait pas été informée de son droit d’être entendue en appel. Décision de la courEn raison de l’absence d’éléments médicaux et d’informations sur les droits de la patiente, la cour a décidé d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention a été infirmée, et la décision a été notifiée à toutes les parties concernées, y compris à la patiente et à son avocate. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de l’appel dans cette affaire ?L’appel de Madame [W] [U] est jugé recevable, conformément aux dispositions des articles 640 à 642 du Code de procédure civile. Ces articles stipulent que : – **Article 640** : « L’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. » – **Article 641** : « La déclaration d’appel doit indiquer les noms et prénoms des parties, ainsi que l’objet de l’appel. » – **Article 642** : « L’appel est suspensif, sauf disposition contraire. » Dans le cas présent, l’acte d’appel a été déclaré dans les formes et délais légaux, ce qui le rend recevable. Il est important de noter que la procédure d’appel a été respectée, permettant ainsi à la cour d’examiner le fond de l’affaire. Quelles sont les conditions de maintien de la mesure d’isolement selon le Code de la santé publique ?Les conditions de maintien de la mesure d’isolement sont clairement définies par l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique. Cet article précise que : – **I** : « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. » – « Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre. » – « La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures. » – « Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement. » Dans cette affaire, la cour a constaté que les conditions de maintien de la mesure d’isolement n’étaient pas réunies, ce qui a conduit à la décision de mainlevée. Quels sont les droits de la patiente en matière d’information et de comparution ?Les droits de la patiente en matière d’information et de comparution sont garantis par plusieurs dispositions légales, notamment celles relatives à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. L’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique stipule que : – « La personne hospitalisée sans consentement doit être informée de ses droits, notamment de son droit d’être entendue par le juge des libertés et de la détention. » – « Elle a le droit d’être assistée par un avocat et d’être informée des décisions la concernant. » Dans le cas présent, il n’est pas établi que Madame [W] [U] ait été informée de son droit d’être comparante en appel ou d’être entendue. Cette absence d’information a été un élément déterminant dans la décision de la cour d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement. Quelles sont les conséquences de l’absence d’éléments médicaux actualisés dans cette affaire ?L’absence d’éléments médicaux actualisés a eu des conséquences significatives sur la décision de la cour. En effet, la cour a souligné que : – « Les éléments médicaux se prononçant sur la nécessité de maintenir la mesure d’isolement n’ont pas été fournis. » – « Il n’y avait pas d’évaluation de la capacité de la patiente à comparaître ou à être entendue par la cour. » Cette situation a conduit la cour à conclure qu’elle ne pouvait pas statuer de manière éclairée sur la nécessité de maintenir la mesure d’isolement. Ainsi, la cour a ordonné la mainlevée de la mesure, soulignant l’importance de la transparence et de l’information dans le cadre des soins psychiatriques. |
N° 24/74
N° RG 24/00684 – N° Portalis DBVL-V-B7I-VP6S
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique
Ordonnance statuant sur les recours en matière d’isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement
Monsieur Alain DESALBRES, Président de chambre à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique, assisté de Madame Julie ROUET, greffière,
Vu l’ordonnance du magistrat en charge des hospitalisations sous contrainte du tribunal judiciaire de Rennes rendue le 27 Décembre 2024, autorisant le maintien de la mesure d’isolement de :
Mme [W] [U]
née le 28 Août 1971 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Actuellement hospitalisée au Centre hospitalier [4]
Ayant pour conseil Me Emilie BELLENGER, avocat au barreau de RENNES
Vu la déclaration d’appel formée par Me Emilie Bellenger, conseil de Mme [W] [U] contre cette ordonnance et transmise par courriel au greffe de la cour d’appel le 27 Décembre 2024 à 18 heures 28.
Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,
Vu le dossier de la procédure ;
Vu les demandes d’observations adressées au ministère public, au centre hospitalier, au patient et à son avocat ;
Vu les observations du ministère public, pris en la personne de Monsieur Ronan LE CLERC, avocat général à la Cour d’appel de Rennes, en date du 28 décembre 2024, lesquelles ont été communiquées au conseil de Mme [U] ;
A mis l’affaire en délibéré et ce jour par mise à disposition au greffe a rendu la décision suivante :
Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 27 décembre 2024 ayant autorisé, dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation sans consentement (SDRE initiée le 9 septembre 2004), la poursuite de la mesure d’isolement ordonnée au profit de Madame [W] [U], née le 28 août 1971, en cours depuis le 6 décembre 2024, au-delà d’une durée de 72 heures prévue par l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique ;
Vu l’appel de Madame [W] [U] en date du 27 décembre 2024 à 18h28 et les conclusions de son conseil en date du 27 décembre 2024 à 18h28 aux termes desquelles elle demande au magistrat délégué par le premier président de la cour :
– d’infirmer l’ordonnance rendue le 27 décembre 2024 à 9H59 et, statuant à nouveau:
– de dire et juger que le certificat médical ‘état médical du patient incompatible avec son audition par le juge des libertés’ est irrégulier au regard de l’article R3211-12 du Code de la santé publique et que le psychiatre [V] [T], qui participe à la mesure d’isolement, ne pouvait pas établir régulièrement ce certificat médical du 26/12/2024 sans violer le texte précité ;
– d’ordonner en conséquence la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement ;
– de condamner le Directeur du centre hospitalier [4] aux entiers dépens.
Vu l’avis du parquet général en date du 28 décembre à 17 heures 59 tendant à la confirmation de l’ordonnance objet de l’appel ;
Sur la recevabilité de l’appel :
Vu les articles 640 à 642 du code de procédure civile, R.3211-42 et R.3211-43 du code de la santé publique ;
L’acte d’appel est recevable pour avoir été déclaré dans les formes et délais légaux ;
Sur le fond :
Vu la loi numéro 2011/803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et les modalités de prise en charge modifiée par la loi du 27 septembre 2013, et notamment les articles L 3211’12’1, L 3211- 12’2 et suivants du code de la santé publique ;
Vu le décret numéro 2011/846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, et notamment des articles R 3211’8, R 3211’27 et R 3211’28 du code de la santé publique ;
Vu le décret numéro 2014/897 du 15 août 2014, modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques ;
Vu l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 et le décret du 2022-419 du 23 mars 2022 ;
Aux termes de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique :
I – l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ‘uvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.
La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.
La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.
II – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un l’acte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.
Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.
Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.
Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.
Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un l’acte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.
Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.
Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.
Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1.
III – Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.
Le conseil de la patiente, et non la patiente elle-même, a relevé appel de la décison le jour de son prononcé à 18 heures 28.
Il n’est pas établi que Mme [W] [U] en ait été informée.
A la suite, dans un premier temps d’un retard de communication au centre hospitalier de l’existence de la voie de recours exercée par l’avocate de la patiente (13 heures 38 le 28 décembre 2024), puis, dans un second temps, de l’absence de réponse de celui-ci dans les délais légaux, il s’avère que la cour ne dispose pas des éléments actualisés relatifs à :
– l’information de la patiente quant à son droit d’être comparante en appel ou d’être entendue ;
– des éléments médicaux se prononçant d’une part sur la nécessité ou non de maintenir la mesure postérieurement à la décision du juge des libertés et d’autre part sur la capacité de la patiente à comparaître ou à être entendue par la cour.
Ces éléments n’ont donc pu être adressés au parquet général afin que celui-ci prenne ses réquisitions ni communiqués au conseil de l’appelante.
En conséquence, la cour ne peut qu’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement.
Nous, président de chambre, magistrat délégué par monsieur le premier président de la cour d’appel de Rennes, statuant dans les limites de l’appel ;
Déclarons l’appel recevable ;
Infirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 27 décembre 2024 et, statuant à nouveau ;
– Ordonnons la mainlevée de la mesure d’isolement de madame [W] [U] ;
Disons que la présente décision sera notifiée à l’intéressée, à son avocate, au directeur du centre hospitalier spécialisé ainsi qu’au ministère public ;
Disons que les dépens seront laissés à la charge de l’État ;
Fait à Rennes, le 28 Décembre 2024 à 18 heures 25
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Alain DESALBRES, Président de chambre
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [W] [U], à son avocat, au CH
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD
Le greffier
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