Irregularités procédurales et droits des retenus dans le cadre de la retenue administrative

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Irregularités procédurales et droits des retenus dans le cadre de la retenue administrative

L’Essentiel : En présence d’un interprète assermenté, la personne retenue a été informée de ses droits selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers. L’affaire, enregistrée sous le dossier N° RG 24/03053, a vu la jonction de deux procédures pour une meilleure administration de la justice. Le conseil a soulevé des irrégularités, notamment l’absence d’avis au procureur lors de la retenue administrative, ce qui a conduit à la déclaration d’irrégularité de la procédure. La mise en liberté de la personne a été ordonnée, tout en rappelant l’obligation de se conformer à la mesure d’éloignement.

Contexte de l’affaire

En présence d’un interprète assermenté pour la langue anglaise, la personne retenue a été informée de ses droits selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’affaire est enregistrée sous le dossier N° RG 24/03053, avec la participation d’avocats représentant à la fois la personne retenue et le préfet de police.

Junction des procédures

Il a été décidé de joindre deux procédures distinctes, l’une introduite par le préfet de police et l’autre par la personne retenue, afin d’assurer une bonne administration de la justice. Cette jonction est conforme à l’article 367 du code de procédure civile.

Irregularités soulevées

Le conseil de la personne retenue a soulevé des irrégularités concernant l’interpellation, notamment l’absence de flagrance et le manque d’avis au procureur de la République lors de la retenue administrative. Ces points ont été examinés pour déterminer la validité de la procédure.

Absence d’avis au procureur

Le conseil a argumenté que la procédure était irrégulière en raison de l’absence d’avis au procureur de la République concernant le placement en retenue administrative. Selon l’article L813-4, le procureur doit être informé dès le début de la retenue, et tout retard injustifié dans cette notification nuit aux intérêts de la personne concernée.

Décision sur la requête préfectorale

Il a été constaté qu’aucune preuve n’atteste que le procureur ait été informé de la mesure de retenue. En conséquence, la requête préfectorale a été rejetée, et il n’a pas été nécessaire d’examiner d’autres moyens ou la demande de prolongation.

Conclusion de la procédure

La procédure a été déclarée irrégulière, et le recours de la personne retenue a été jugé recevable. La mise en liberté de la personne a été ordonnée, sous réserve de l’appel suspensif du procureur. Il a également été rappelé à la personne retenue qu’elle devait se conformer à sa mesure d’éloignement.

Notification et droits de la personne retenue

La notification de l’ordonnance a été remise à la personne retenue, qui a été informée de ses droits, y compris la possibilité de contacter un avocat ou un médecin. Des informations sur les recours possibles et les droits en rétention ont également été fournies.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure à suivre en cas de placement en retenue administrative ?

La procédure de placement en retenue administrative est régie par l’article L813-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que :

« Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue et peut y mettre fin à tout moment. »

Il en résulte que l’officier de police judiciaire doit aviser le procureur de la République dès le début de la mesure de retenue.

Tout retard dans cette notification, qui ne serait pas justifié par des circonstances insurmontables, est susceptible de porter préjudice aux droits de la personne concernée.

Dans l’affaire en question, il a été constaté qu’aucune pièce de la procédure ne prouve que le procureur de la République ait été informé de la mesure de retenue.

Cela constitue une irrégularité qui a conduit à l’accueil du moyen soulevé par le conseil du retenu, entraînant le rejet de la requête préfectorale.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de retenue ?

Les conséquences d’une irrégularité dans la procédure de retenue sont significatives. Selon la jurisprudence, notamment l’arrêt de la 1ère chambre civile du 19 septembre 2018 (pourvoi n° 17-27.230),

« tout retard dans la mise en œuvre de l’obligation d’informer le procureur de la République fait nécessairement grief aux intérêts de la personne objet de cette mesure. »

Dans le cas présent, l’absence de notification au procureur a été jugée comme une irrégularité, ce qui a conduit à la déclaration de la procédure comme irrégulière.

Cela a également entraîné la mise en liberté de M. [L] [V] [O], sous réserve de l’appel suspensif du procureur de la République.

Ainsi, une irrégularité dans la procédure peut non seulement entraîner l’annulation de la mesure de retenue, mais également avoir des répercussions sur la légalité de la détention.

Quels sont les droits de la personne retenue en matière de recours ?

La personne retenue dispose de plusieurs droits en matière de recours, notamment le droit de contester la mesure de retenue.

Elle peut demander l’assistance d’un avocat, d’un interprète, ainsi que d’un médecin.

De plus, elle a le droit de communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix.

L’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que :

« La personne retenue peut demander à tout moment que sa privation de liberté prenne fin, par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège. »

Cette requête doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives.

En cas de décision mettant fin à la rétention, celle-ci doit être notifiée au procureur de la République, et l’étranger est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures.

Ce cadre légal garantit que les droits de la personne retenue sont respectés tout au long de la procédure.

Quelles sont les implications d’un appel du procureur de la République ?

L’appel du procureur de la République a des implications importantes sur la situation de la personne retenue.

Lorsque le procureur décide de faire appel d’une ordonnance mettant fin à la rétention, cet appel est suspensif.

Cela signifie que la personne reste maintenue à la disposition de la justice jusqu’à ce que le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue sur la demande du procureur.

L’article L. 512-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que :

« L’appel du procureur de la République ou du préfet est transmis par tout moyen au greffe de la Cour d’appel. »

Ainsi, tant que l’appel est en cours, la personne retenue ne peut pas être libérée, ce qui peut prolonger sa détention.

Il est donc crucial pour la personne concernée de bien comprendre les implications de cet appel et de se préparer en conséquence.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
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CONTENTIEUX DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE
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[Adresse 17]

Ordonnance statuant sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention et sur la première requête en prolongation d’une mesure de rétention administrative

Ordonnance du 21 Novembre 2024
Dossier N° RG 24/03053

Nous, Virginie BARRAUD, magistrat du siège au tribunal judiciaire de Meaux, assisté de Ahlem CHERIF, greffier ;

Vu les articles L742-1 à L 742-3, L 741-10, L 743-3, L 743-19, L 743-20, R 741-1 à R 743-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté pris le 29 juillet 2024 par le préfet de Police de [Localité 21] faisant obligation à M. [L] [V] [O] de quitter le territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 16 novembre 2024 par le PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21] à l’encontre de M. [L] [V] [O], notifiée à l’intéressé le 16 novembre 2024 à 15h28 ;

Vu le recours de M. [L] [V] [O] daté du 19 novembre 2024, reçu et enregistré le 19 novembre 2024 à 19h13 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d’annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

Vu la requête du PRÉFET DE POLICE DE PARIS datée du 20 novembre 2024, reçue et enregistrée le 20 novembre 2024 à 08h58 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt six jours de :

Monsieur [L] [V] [O], né le 08 Juin 1994 à [Localité 18], de nationalité Sud-africaine

Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En l’absence du procureur de la République régulièrement avisé par le greffier, dès réception de la requête, de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la présente audience ;

En présence de [S] [I], interprète inscrit sur la liste établie par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny, assermenté pour la langue anglaise déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du français ;
Dossier N° RG 24/03053

Après avoir, en audience publique, rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puis entendu en leurs observations, moyens et arguments :
– Me Bogos BOGHOSSIAN, avocat de permanence au barreau de Meaux désigné d’office à la demande de la personne retenue pour l’assister ;
– Me Nicolas RANNOU (substituant le cabinet SCHWILDEN), avocat représentant le PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21] ;
– M. [L] [V] [O] ;
Dossier N° RG 24/03053

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA JONCTION DES PROCÉDURES:

Attendu qu’il convient en application de l’article 367 du code de procédure civile et pour une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures à savoir, celle introduite par la requête de PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21] enregistrée sous le N° RG 24/03052 et celle introduite par le recours de M. [L] [V] [O] enregistré sous le N° RG 24/03053;

SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE

Attendu que le conseil du retenu a soulevé deux moyen d’irrégularité ; le premier relatifs à l’irrégularité de l’interpellation en l’absence de flagrance, le second relatif à l’absence d’avis au procureur de la République lors de la retenu administrative qui a succédé à la garde à vue ;

Sur le moyen tiré de l’absence d’avis au procureur de la République du placement en retenue

Attendu que le conseil du retenu soutient que la procédure serait irrégulière en ce que la procédure ne fait apparaître aucun avis au procureur de la République du placement en retenue administrative ;

Attendu que l’article L813-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose “Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue et peut y mettre fin à tout moment”

Qu’il résulte de ce texte que l’officier de police judiciaire qui place une personne sous le régime de la retenue administrative doit aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure et que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation qui ne serait pas justifié par des circonstances insurmontable fait nécessairement grief aux intérêts de la personne objet de cette mesure (1 re Civ., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-27.230) ;

Attendu qu’en l’espèce aucune pièce de la procédure ne permet de s’assurer que le procureur de la République ait bien été avisé de ladite mesure étant précisé que si une mesure de garde à vue précédée la mesure de retenue, le procureur de la République n’avait nullement donné pour instruction de poursuivre en retenue administrative mais sollicitait seulement de lever la garde à vue et notifier une ordonnance pénale ;

Attendu que le moyen sera par conséquent accueilli et la requête préfectorale rejetée sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, sur la requête en contestation et sur la demande de prolongation ;

SUR LA CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION:

Attendu que la procédure est irrégulière, disons n’y avoir lieu à statuer ;

Dossier N° RG 24/03053

PAR CES MOTIFS,

ORDONNONS la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [L] [V] [O] enregistré sous le N° RG 24/03053 et celle introduite par la requête de PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21] enregistrée sous le N° RG 24/03052 ;

DÉCLARONS le recours de M. [L] [V] [O] recevable ;

DÉCLARONS la procédure irrégulière ;

REJETONS la requête du PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21] ;

ORDONNONS en conséquence la mise en liberté de M. [L] [V] [O] sous réserve de l’appel suspensif du procureur de la République ;

DISONS n’y avoir lieu à statuer sur la requête en contestation de M. [L] [V] [O] ;

RAPPELONS à M. [L] [V] [O] qu’il devra se conformer à sa mesure d’éloignement ;

Prononcé publiquement au palais de justice du [20], le 21 Novembre 2024 à 13h37  .

Le greffier, Le juge,

qui ont signé l’original de l’ordonnance.

Pour information :

– Lorsqu’une ordonnance met fin à la rétention, elle doit être notifiée au procureur de la République. A moins que ce dernier n’en dispose autrement, l’étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur. Durant cette période, l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat ou un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter. Dans le cas où, dans ce délai de vingt quatre heures le procureur de la République décide de former appel en demandant que son recours soit déclaré suspensif, l’intéressé reste maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue sur la demande du procureur, voire sur le fond s’il apparaît justifié de donner un effet suspensif à l’appel du ministère public.
– Le préfet peut aussi faire appel mais, en ce cas, son recours n’est pas suspensif.
– L’appel du procureur de la République ou du préfet est transmis par tout moyen au greffe de la Cour d’appel de Paris (Service des étrangers – Pôle 1 Chambre 11), notamment par télécopie au n° : [XXXXXXXX03] ou par courriel à l’adresse mail [Courriel 19] .
– Tant que la rétention n’a pas pris fin, la personne retenue peut demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix.
– La personne retenue bénéficie également du droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([Adresse 12] ; www.cglpl.fr ; tél. : [XXXXXXXX05] ; fax : [XXXXXXXX02]) ;
• le Défenseur des droits ([Adresse 15] ; tél. : [XXXXXXXX08]) ;
• France Terre d’Asile ([Adresse 13] ; tél. : [XXXXXXXX04]) ;
• Forum Réfugiés Cosi ([Adresse 14] ; tél. : [XXXXXXXX07]) ;
• Médecins sans frontières – MSF ([Adresse 16] ; tél. : [XXXXXXXX01]).
– La CIMADE, association indépendante de l’administration présente dans chacun des centres de rétention du [20] (Tél. CIMADE CRA2 : [XXXXXXXX010] / [XXXXXXXX011] – Tél. CIMADE CRA 3 : [XXXXXXXX09] / [XXXXXXXX06]) est à la disposition de toute personne retenue, sans formalité, pour l’aider dans l’exercice effectif de ses droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
– A tout moment, la personne retenue peut demander que sa privation de liberté prenne fin, par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.
– L’ordonnance qui met fin à la rétention ne fait pas disparaître l’obligation de quitter le territoire français imposée par l’autorité administrative tant que la personne concernée n’en est pas relevée. Si celle-ci n’a pas quitté la France en exécution de la mesure d’éloignement ou si elle revient en France alors que cette mesure est toujours exécutoire, elle peut faire l’objet d’une nouvelle décision de placement en rétention, à l’expiration d’un délai de 7 jours à compter du terme de sa rétention ou d’un délai de 48 heures en cas de circonstances nouvelles de fait ou de droit.

Reçu le 21 novembre 2024, dans une langue comprise, notification de la présente ordonnance avec remise d’une copie intégrale, information du délai d’appel et des modalités d’exercice de cette voie de recours, ainsi que le rappel des droits en rétention.
La personne retenue, L’interprète ayant prêté son concours

Reçu copie intégrale de la présente ordonnance le 21 novembre 2024.
L’avocat du PRÉFET DE POLICE DE [Localité 21],

Reçu copie intégrale de la présente ordonnance le 21 novembre 2024.
L’avocat de la personne retenue,


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