Irrégularités dans la notification des obligations fiscales et leurs conséquences sur le recouvrement

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Irrégularités dans la notification des obligations fiscales et leurs conséquences sur le recouvrement

L’Essentiel : Dans le cadre d’un contrôle fiscal sur l’ISF des consorts [Z] pour 2014 à 2016, la direction de contrôle fiscal a contesté la valeur de leurs biens. Après des rehaussements partiels et des réclamations rejetées, les consorts ont saisi le tribunal de Nanterre. Celui-ci a constaté une irrégularité dans la notification de l’avis de mise en recouvrement, entraînant un dégrèvement total des droits supplémentaires dus. Le tribunal a également condamné la directrice régionale des finances publiques à verser 4 000 euros aux consorts, tout en appliquant les dispositions sur les dépens et l’exécution provisoire.

Exposé du litige et de la procédure

Dans le cadre d’un contrôle fiscal concernant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des consorts [Z] pour les années 2014, 2015 et 2016, la direction de contrôle fiscal d’Île-de-France a remis en cause la valeur des biens immobiliers et des parts de sociétés civiles immobilières détenues par les consorts. Deux propositions de rehaussement ont été émises le 22 décembre 2017. Les consorts ont contesté ces rehaussements par des observations, mais la direction a maintenu partiellement ses décisions. Ils ont ensuite saisi les Commissions départementales de conciliation, dont les avis ont été notifiés en avril 2021. En juillet 2021, un avis de mise en recouvrement a été envoyé pour un montant total de 199 356 euros, contesté par les consorts par une réclamation contentieuse qui a été rejetée. Une seconde réclamation a également été rejetée, conduisant les consorts à assigner la directrice régionale des finances publiques devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Motifs de la décision

Les consorts [Z] ont soulevé plusieurs moyens concernant la régularité de la procédure, notamment l’absence de motivation de la proposition de rectification et une irrégularité dans la notification de l’avis de mise en recouvrement. Le tribunal a examiné la question de la notification, concluant que l’avis de mise en recouvrement n’avait pas été notifié dans les délais légaux, ce qui a rendu la procédure irrégulière. En conséquence, le tribunal a prononcé le dégrèvement total des droits supplémentaires dus au titre de l’ISF pour les années concernées, ainsi que des intérêts de retard et des majorations.

Sur les dépens

Le tribunal a appliqué l’article R. 207-1 du Livre des procédures fiscales, stipulant que les frais de signification et d’enregistrement doivent être remboursés lorsque la réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie.

Sur l’indemnité réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le tribunal a décidé de condamner la directrice régionale des finances publiques à verser aux consorts [Z] la somme de 4 000 euros, tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

Sur l’exécution provisoire

Le tribunal a rappelé que les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

Conclusion du jugement

Le tribunal a déclaré la procédure de redressement engagée contre les consorts [Z] irrégulière, prononcé le dégrèvement total des droits supplémentaires dus au titre de l’ISF, condamné la directrice régionale des finances publiques aux dépens, et ordonné le versement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la régularité de la procédure de redressement fiscal ?

La régularité de la procédure de redressement fiscal est un point central dans cette affaire. Les consorts [Z] soutiennent que la procédure est entachée d’irrégularités, notamment en ce qui concerne la notification de l’avis de mise en recouvrement.

L’article L. 256 du Livre des procédures fiscales (LPF) stipule que :

« Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité. »

Cet article précise que l’avis de mise en recouvrement doit être notifié au redevable pour produire ses effets.

Les consorts [Z] affirment que l’avis de mise en recouvrement a été notifié après l’expiration du délai de reprise, ce qui est corroboré par l’article L. 180 du LPF, qui énonce que :

« Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration. »

En l’espèce, l’avis de mise en recouvrement a été adressé le 8 juillet 2021, soit après le délai de reprise, ce qui rend la procédure irrégulière.

Quels sont les effets de l’avis de mise en recouvrement ?

L’avis de mise en recouvrement a des effets juridiques importants, notamment en ce qui concerne la prescription de l’action en recouvrement. Selon l’article L. 189 du LPF :

« La prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d’un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables. »

Cela signifie que tant que l’avis de mise en recouvrement n’est pas régulièrement notifié, la prescription ne peut être interrompue.

L’article R. 256-7 du LPF précise que :

« L’avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié :
a) Dans le cas où l’ » ampliation  » a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ;
b) Lorsque la lettre recommandée n’a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation. »

Dans cette affaire, l’administration fiscale n’a pas pu prouver que l’avis de mise en recouvrement avait été notifié dans les délais, ce qui signifie qu’il n’a pas produit ses effets.

Quelles sont les conséquences de l’irrégularité de la procédure ?

L’irrégularité de la procédure de redressement fiscal entraîne des conséquences directes sur les droits des consorts [Z]. En vertu de l’article L. 256 du LPF, l’avis de mise en recouvrement doit être notifié pour être exécutoire.

Le tribunal a constaté que l’avis de mise en recouvrement n’a pas été notifié dans les délais, ce qui a conduit à la décision de prononcer le dégrèvement total des droits supplémentaires d’un montant de 199 356 euros, ainsi que des intérêts de retard et des majorations.

L’article R. 207-1 du LPF stipule que :

« Lorsqu’une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, les frais de signification ainsi que, le cas échéant, les frais d’enregistrement du mandat sont remboursés. »

Ainsi, les consorts [Z] ont également droit au remboursement des frais engagés, en raison de l’irrégularité de la procédure.

Quel est le fondement de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ?

L’indemnité réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile est destinée à couvrir les frais exposés par la partie gagnante qui ne sont pas compris dans les dépens.

L’article 700 dispose que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a décidé de condamner la directrice régionale des finances publiques à verser aux consorts [Z] la somme de 4 000 euros, en tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

Cette décision est conforme à la jurisprudence qui reconnaît le droit à une indemnité pour couvrir les frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire, lorsque la partie adverse est reconnue comme responsable.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

1ère Chambre

JUGEMENT RENDU LE
08 Janvier 2025

N° RG 22/08790 – N° Portalis DB3R-W-B7G-X5PO

N° Minute :

AFFAIRE

[O] [Z], [N] [Z] épouse [Z]

C/

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE

Copies délivrées le :

DEMANDEURS

Monsieur [O] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [N] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]

tous deux représentés par Maître Christophe CODET de la SELARL COLISEE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E1221

DEFENDERESSE

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE
Pôle de gestion fiscale 1
Pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 3]

L’affaire a été débattue le 06 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Sandrine GIL, 1ère Vice-présidente
Quentin SIEGRIST, Vice-président
Alix FLEURIET, Vice-présidente

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Henry SARIA, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Dans le cadre d’un contrôle de déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ci-après ISF) de M. [O] [Z] et Mme [N] [Z] (ci-après les consorts [Z]) au titre des années 2014, 2015 et 2016, la direction de contrôle fiscal d’Île-de-France a, par deux propositions en date du 22 décembre 2017 (n°2120 et n°3905), remis en cause la valeur des biens immobiliers détenus directement par les consorts [Z], ainsi que la valeur de parts de différentes société civiles immobilières, et proposé en conséquence des rehaussements de cet impôt.

Par deux courriers du 22 février 2018, les consorts [Z] ont présenté leurs observations auxquelles la direction de contrôle a répondu par courrier du 30 avril 2018, en maintenant partiellement ses rehaussements.

Les consorts [Z] ont sollicité la saisine des Commissions départementales de conciliation des Hauts-de-Seine, d’une part, et du Val-de-Marne, d’autre part. Les avis de ces deux commissions ont été notifiés aux demandeurs le 27 avril 2021.

Par lettre recommandée en date du 8 juillet 2021, la direction de contrôle a adressé aux consorts [Z] un avis de mise en recouvrement au titre de l’ISF des années 2014, 2015 et 2016 pour un montant global de 199 356 euros que les demandeurs ont contesté par une réclamation contentieuse présentée le 29 juillet 2021, qui a fait l’objet d’une décision de rejet le 4 mars 2022.

Une seconde réclamation contentieuse a été présentée le 17 mai 2022 et fait l’objet d’un nouveau rejet par courrier du 29 août 2022.

Par acte de commissaire de justice du 20 octobre 2022, les consorts [Z] ont fait assigner la directrice régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives signifiées par acte de commissaire de justice le 16 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le complet exposé de ses moyens, les consorts [Z] demandent au tribunal de :
-à titre principal, juger que la procédure de redressement est entachée d’irrégularité,
-à titre subsidiaire, juger que la valorisation des biens et des SCI ne saurait excéder la somme de 3 562 576 euros au titre de l’ISF 2014, de 3 595 646 euros au titre de l’ISF 2015 et de 3 726 586 euros au titre de l’ISF 2016,
en conséquence :
-prononcer le dégrèvement total des droits supplémentaires d’un montant de 199 356 euros au titre de l’ISF 2014, 2015 et 2016,
-prononcer le dégrèvement total des intérêts de retard d’un montant de 19 716 euros et des majorations d’un montant de 19 589 euros,
-condamner la direction régionale des finances publiques aux dépens,
-condamner la direction régionale des finances publiques à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives signifiées par acte de commissaire de justice le 15 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour le complet exposé de ses moyens, la directrice régionale des finances publiques demande au tribunal de :
-confirmer les décisions de rejet en date du 4 mars 2022 et du 29 août 2022,
-rejeter les demandes formées par les consorts [Z],
-condamner les consorts aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure

Les consorts [Z] font à ce titre valoir trois moyens : une absence de motivation de la proposition de rectification, une irrégularité quant à la convocation devant les commissions départementales de conciliation, et une absence de notification de l’avis de mise en recouvrement dans le délai de reprise.

Le tribunal commencera par examiner ce dernier moyen.

Les consorts [Z] indiquent, au visa de l’article L. 256 du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF) et de la doctrine administrative, que l’avis de mise en recouvrement ne produit ses effets qu’à compter de sa notification qui consiste en la première présentation de la lettre recommandée avec avis de réception lorsque l’administration fiscale opte pour ce mode de notification ; que l’avis de mise en recouvrement devait être notifié dans le délai de reprise de l’administration, soit en l’espèce, après une interruption de la proposition de rectification et une prorogation du fait de l’ordonnance n°2020-306, avant le 14 juin 2021 ; que l’avis ne leur a pourtant été adressé que par une lettre recommandée avec avis de réception datée du 8 juillet 2021 et reçue le 12 juillet 2021.
Ils opposent que la lettre recommandée du 14 mai 2021, invoquée par l’administration fiscale, ne leur a pas été notifiée ; que celle-ci ne produit qu’une capture d’écran qui démontre tout au plus une remise du pli aux services postaux le 27 mai 2021, qui peut être assimilée à une notification au justiciable.

La directrice régionale des finances publiques oppose que l’avis de mise en recouvrement a été adressé aux consorts [Z] le 14 mai 2021 ; que ce pli a été pris en charge par La Poste et qu’il a donc été présenté dans les délais légaux, en l’occurrence avant le 14 juin 2021 ; qu’en l’absence de retour de l’accusé réception, un second courrier a été envoyé et remis le 12 juillet 2021.

Appréciation du tribunal,

L’article L. 180 du LPF, dans sa version antérieure à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, énonce :
« Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du code général des impôts ou, pour l’impôt sur la fortune immobilière des redevables ayant respecté l’obligation prévue à l’article 982 du même code, jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Toutefois, ce délai n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité ou, pour l’impôt sur la fortune immobilière, par le dépôt de la déclaration et des annexes mentionnées au même article 982, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ».

L’administration fiscale ne conteste pas l’application de ce délai triennal de prescription, dit délai abrégé.

L’article L. 189 du même livre dispose :
« La prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d’un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun.
La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l’article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu’elles pourront être éventuellement appliquées ».

En l’espèce, la prescription abrégée a été interrompue par la délivrance des propositions de rectification survenue le 22 décembre 2017.

Il est acquis aux débats que l’avis de mise en recouvrement aurait donc dû être délivré avant le 31 décembre 2020 et que ce délai a été prorogé jusqu’au 14 juin 2021 conformément à l’article 10 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

Sur l’avis de mise en recouvrement, l’article L. 256 du LPF énonce :
« Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité.
Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l’Etat.
L’avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l’autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration. Les pouvoirs de l’autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».

L’article R. 256-6 du LPF, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 22 novembre 2024, dispose que :
« La notification de l’avis de mise en recouvrement comporte l’envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l’adresse qu’il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l’ » ampliation  » prévue à l’article R. * 256-3.
Au cas où la lettre recommandée ne pourrait, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire ou à son fondé de pouvoir, il doit être demandé à la Poste de renvoyer au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects expéditeur, le pli non distribué annoté :
a) D’une part, de la date de sa première présentation à l’adresse indiquée à la souscription ou, s’il y a lieu, à la nouvelle adresse connue de La Poste ;
b) D’autre part, du motif de sa non-délivrance.
Dans cette éventualité, l’ » ampliation  » renvoyée reste déposée au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement où il peut en être délivré copie, à tout moment et sans frais, au redevable lui-même ou à son fondé de pouvoir.
La notification de l’avis de mise en recouvrement peut également être effectuée par le ministère d’un huissier. Elle est alors soumise aux règles de signification des actes d’huissier ».

L’article R. 256-7 du LPF, dans la version précitée, ajoute :
« L’avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié :
a) Dans le cas où l’ » ampliation  » a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ;
b) Lorsque la lettre recommandée n’a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation ».

Il résulte de la combinaison des trois textes précités que l’avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l’administration qui, d’une part, interrompt la prescription de l’action en répétition et, d’autre part, ouvre le délai de la prescription de l’action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre, ne produit ces effets qu’à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné (Conseil d’État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 19 décembre 2008, n°284064).

Cette position est par ailleurs conforme à la doctrine administrative qui énonce : « L’AMR ne produit ses effets qu’à partir du moment où il a été régulièrement notifié au redevable qui y est visé. S’agissant du cas le plus général d’une notification par la voie postale, un principe domine la matière, à savoir qu’il n’est pas indispensable pour que cette notification soit régulière qu’elle soit parvenue au contribuable mais qu’il suffit qu’elle ait pu lui parvenir. On remarquera à cet égard que la procédure décrite plus haut (II-A-1 § 190) est organisée de telle sorte que le redevable, à moins qu’il ne fasse délibérément obstacle à son déroulement normal, soit en refusant le pli recommandé, soit en quittant son domicile sans en avertir l’administration, est toujours mis à même, soit de prendre livraison du titre, soit de s’en faire délivrer copie » (BOI-REC-PREA-10-10-20, n°270).

L’administration fiscale, qui ne conteste pas que l’avis de mise en recouvrement du 8 juillet 2021 n’a pas été notifié dans les délais, se prévaut d’un avis de mise en recouvrement notifié par une lettre recommandée avec avis de réception du 14 mai 2021.

La seule pièce qu’elle fournit à ce titre (sa pièce n°5) consiste en une copie du courrier valant avis de mise en recouvrement, comportant un numéro de lettre recommandée ajouté à la main, et une capture d’écran du site internet de la société La Poste portant sur le suivi de ce recommandé.

Toutefois, cette capture d’écran relate une remise du courrier aux services postaux le 27 mai 2021 mais ne fait état d’aucune autre mention. Cette pièce ne saurait donc démontrer que cette lettre recommandée a été remise ou tenté d’être remise aux époux [Z] conformément aux articles R. 256-6 et R. 256-7 précités. En cette absence, il ne peut qu’être retenu que cet avis de mise en recouvrement n’a pas été notifié et n’a donc pas produit ses effets.

Partant, il sera jugé que le seul avis de mise en recouvrement ayant produit ses effets est celui daté du 8 juillet 2021, soit après l’expiration du délai de reprise de l’administration fiscale. Par conséquent, la présente procédure est irrégulière.

Dès lors, il sera prononcé le dégrèvement total des droits supplémentaires d’un montant de 199 356 euros au titre de l’ISF des années 2014, 2015 et 2016, et des intérêts de retard de 19 716 euros et des majorations de 19 589 euros.

Sur les dépens

Il sera en l’espèce fait application de l’article R. 207-1 du LPF qui dispose que lorsqu’une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, les frais de signification ainsi que, le cas échéant, les frais d’enregistrement du mandat sont remboursés.

Sur l’indemnité réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile, auquel les articles L. 207 et R. 207-1 LPF ne dérogent pas, dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation. En l’espèce, et compte tenu de la situation économique des parties et de l’équité, il y a lieu de condamner la directrice régionale des finances publiques à verser aux consorts [Z] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il sera rappelé que l’article 514 du code de procédure civile énonce que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare que la procédure de redressement engagée à l’encontre de M. [O] [Z] et Mme [N] [Z] au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2014, 2015 et 2016 est irrégulière,

Prononce le dégrèvement total des droits supplémentaires d’un montant de 199 356 euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2014, 2015 et 2016, des intérêts de retard de 19 716 euros et des majorations de 19 589 euros,

Condamne la directrice régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, dans les limites fixées par l’article R*207-1 du livre des procédures fiscales,

Condamne la directrice régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris à payer à M. [O] [Z] et Mme [N] [Z] la somme globale de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.

Jugement signé par Sandrine GIL, 1ère Vice-présidente et par Henry SARIA, Greffier présent lors du prononcé .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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