L’Essentiel : Le 29 décembre 2024, le préfet du Var a placé Monsieur [Z] [P] en rétention, une décision contestée par son avocate, Me Domnine ANDRE. Elle a soulevé l’irrégularité de la garde à vue, arguant que les droits de Monsieur [Z] n’avaient été notifiés que 15h30 après le début de la mesure. Cette notification tardive a conduit le tribunal à juger la procédure de rétention irrégulière. En conséquence, l’ordonnance du magistrat a été infirmée, rappelant à Monsieur [Z] l’obligation de quitter le territoire, assortie d’une interdiction de retour d’un an. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation.
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Contexte JuridiqueLes articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent la procédure d’éloignement et de rétention des étrangers en situation irrégulière. Dans ce cadre, un arrêté a été pris le 20 août 2024 par le préfet du Var, imposant à Monsieur [Z] [P] l’obligation de quitter le territoire national. Placement en RétentionLe 29 décembre 2024, le préfet du Var a décidé de placer Monsieur [Z] [P] en rétention, une décision notifiée le même jour. Le 2 janvier 2025, un magistrat a ordonné le maintien de Monsieur [Z] [P] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, suite à un contrôle des mesures d’éloignement. Déclarations de Monsieur [Z] [P]Lors de son audition, Monsieur [Z] [P] a exprimé son besoin d’un interprète et a expliqué son parcours. Originaire de Tunisie, il est venu en France pour améliorer sa situation, a été marié à une Française et a des enfants en France. Il a mentionné des difficultés dans ses démarches administratives, notamment pour le renouvellement de son passeport. Arguments de la DéfenseL’avocate de Monsieur [Z] [P], Me Domnine ANDRE, a soulevé plusieurs points. Elle a contesté la recevabilité de la requête préfectorale, arguant qu’elle n’était pas accompagnée des pièces justificatives nécessaires. Elle a également signalé un défaut de notification des droits, précisant que ceux-ci n’avaient été notifiés que le lendemain de son placement en garde à vue, soit 10 heures après le début de celle-ci. Irregularité de la Garde à VueLa garde à vue de Monsieur [Z] [P] a été jugée irrégulière en raison de la notification tardive de ses droits. Bien qu’il ait été placé en garde à vue le 28 décembre 2024, ses droits n’ont été notifiés que le 29 décembre à 10h, soit 15h30 après le début de la mesure. Les circonstances de son état d’ébriété n’ont pas justifié ce retard, car aucune vérification de son état de compréhension n’a été effectuée durant cette période. Décision du TribunalEn raison de l’irrégularité de la garde à vue, la procédure préalable au placement en rétention a également été jugée irrégulière. Par conséquent, l’ordonnance du magistrat a été infirmée. Monsieur [Z] [P] a été rappelé à l’obligation de quitter le territoire, avec une interdiction de retour pendant un an. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention ?La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée. Les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité. En effet, selon l’article L 740-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), « Les décisions de placement en rétention administrative peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention. » Ainsi, l’appel est recevable et doit être examiné sur le fond. Quelles sont les conséquences de la notification tardive des droits en garde à vue ?La notification tardive des droits en garde à vue a des conséquences significatives sur la régularité de la procédure. L’article 63-1 du Code de procédure pénale stipule que « la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de ses droits, notamment du droit d’être assistée par un avocat et d’être examinée par un médecin. » En l’espèce, les droits de Monsieur [Z] [P] ont été notifiés avec un retard de 15 heures et 30 minutes, ce qui constitue une violation des exigences légales. Les circonstances insurmontables, telles qu’un état d’ébriété, doivent justifier un retard dans la notification des droits. Cependant, le tribunal a constaté qu’aucune diligence n’a été réalisée pour vérifier l’évolution de son état de compréhension, rendant ainsi la garde à vue irrégulière. Cette irrégularité entraîne également l’illégalité de la procédure de placement en rétention, comme le précise la jurisprudence. Quels sont les droits d’une personne placée en garde à vue selon le Code de procédure pénale ?Les droits d’une personne placée en garde à vue sont clairement énoncés dans l’article 63-1 du Code de procédure pénale. Cet article prévoit que la personne doit être informée de : 1. Son placement en garde à vue et de la durée de la mesure. Il est également précisé que si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète. La mention de l’information donnée doit être portée au procès-verbal de la garde à vue, ce qui n’a pas été respecté dans le cas présent. Quelles sont les implications de l’irrégularité de la garde à vue sur la mesure de rétention ?L’irrégularité de la garde à vue a des implications directes sur la mesure de rétention. En effet, si la garde à vue est déclarée irrégulière, cela entraîne l’irrégularité de la procédure préalable au placement en rétention. Comme le souligne la jurisprudence, « toute irrégularité dans la procédure de garde à vue affecte la légalité des mesures subséquentes, y compris la rétention administrative. » Dans le cas de Monsieur [Z] [P], la notification tardive de ses droits a conduit à l’invalidation de la garde à vue, et par conséquent, à l’invalidation de la mesure de rétention qui en a découlé. Le tribunal a donc infirmé l’ordonnance du magistrat, rappelant que la décision de quitter le territoire doit être exécutée, mais dans le respect des droits fondamentaux de l’individu. |
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 03 JANVIER 2025
N° RG 25/00015 – N° Portalis DBVB-V-B7J-BOFSX
Copie conforme
délivrée le 03 Janvier 2025 par courriel à :
-l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Marseille en date du 02 Janvier 2025 à 10H50.
APPELANT
Monsieur [Z] [P]
né le 21 Juillet 1984 à [Localité 3] -TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 2] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.
Assisté de Maître Domnine ANDRE, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commise d’office.
et de Madame [T] [R], interprète en langue arabe , inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
INTIMÉ
MONSIEUR LE PRÉFET DU VAR,
domicilié [Adresse 1]
Avisé et non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé, non représenté
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DÉBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 03 Janvier 2025 devant Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Carla D’AGOSTINO, greffière lors de l’audience,
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 à 19h30,
Signée par Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre et Monsieur Nicolas FAVARD , greffier lors du prononcé ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 août 2024 par le PREFET DU VAR , notifié le même jour à 17h30 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 29 décembre 2024 par le PRÉFET DU VAR notifiée le même jour à 17h31 ;
Vu l’ordonnance du 02 Janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [Z] [P] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu l’appel interjeté le 03 Janvier 2025 à 17H17 par Monsieur [Z] [P] ;
Monsieur [Z] [P] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare
Oui j’ai besoin d’un interprète. Je m’appelle [P] [Z], je suis né le 21.07.1984 à [Localité 3] en Tunisie. Je suis venu en France pour améliorer ma situation. J’ai commencé à faire des démarches. J’ai eu des embrouilles avec mon ex. Je me suis marié en 2015. Je suis revenu en Tunisie en 2016. Je suis revenu à nouveau pour améliorer ma situation. Il y a beaucoup de documents à donner pour régulariser ma situation. Oui, j’ai des enfants en France. J’ai un fils. Je suis revenu depuis 2 ans en France. J’ai fait une demande de renouvellement de mon passeport. C’est pas facile pour faire les démarches.
Me Domnine ANDRE est entendue en sa plaidoirie :
– Irrecevabilité de la requête préfectorale sur le fondement de l’article R744-2 du CESEDA : La requête doit être motivée et accompagnée des pièces justificatives utiles. Les diligences consulaires doivent y figurer. La copie du registre ne mentionne aucune diligence consulaire qui doit intervenir dès le début de la rétention.
– Défaut de notification des droits L611-1-1 du CESEDA : En l’espèce, monsieur a été placé en GAV à 17h35. Ses droits ne lui ont été notifiés que le lendemain. Soit 10h après le début de GAV (63-1 CPP). On nous dit que monsieur était en état d’ébriété . Le PV indique qu’il sent l’alcool, qu’il refuse de se soumettre à un test d’alcoolémie. Mais il n’y a pas d’éléments objectifs qui viennent corroborer ces constatations.
– Monsieur n’a pas de passeport. Il a été marié à une française. Il a eu un fils. Il veut régulariser sa situation.
Le retenu a eu la parole en dernier : Je n’ai rien à ajouter. Je demande une chance pour faire le nécessaire.
Le préfet du Var n’était pas représenté.
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur l’irrégularité de la mesure de garde à vue pour notification tardive des droits
Préalablement à son placement en rétention, monsieur [P] a été placé en garde-à-vue le 28 décembre 2024 à 18h35.
L’article 63-1 du code de procédure pénale prévoit:
‘La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :
1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;
2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;
3° Du fait qu’elle bénéficie :
-du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l’article 63-2 ;
-du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;
-du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;
-s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;
-du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l’article 63-4-1 ;
-du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu’il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n’est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d’audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu’il ne statue sur la prolongation de la mesure
-du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.
Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu’un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.
Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d’émargement, il en est fait mention.
En application de l’article 803-6, un document énonçant ces droits est remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue’.
Seules des circonstances insurmontables peuvent justifier un retard dans la notification des droits notamment un état d’ébriété empêchant la personne placée en garde à vue de comprendre la portée de ses droits.
Les droits afférents à cette mesure lui ont été notifiés le 29 décembre 2024 à 10h.
Il s’est en conséquence écoulé 15h30 avant cette notification.
Si le procès-verbal de transport et interpellation fait état du constat d’une odeur d’alcool, de la tentative d’établissement de son alcoolémie par éthylotest et de l’impossibilité ou la mauvaise volonté de l’intéressé à procéder au dépistage, et est accompagné d’un examen du comportement qui décrit une haleine sentant l’alcool, des explications embrouillées, une élocution pâteuse et le fait qu’il titube, il a été placé en chambre de dégrisement à 19h le temps nécessaire à ce qu’il recouvre ses esprits selon la pièce n°4
Aucune nouvelle diligence n’a été réalisée aux fins de vérification de l’évolution de son état de compréhension au cours des 15h qui ont suivi de sorte qu’il n’est pas justifié de la persistance de circonstances insurmontables empêchant de procéder plus tôt à la notification des droits pour répondre aux éxigences du texte susvisé.
En raison de la notification tardive des droits, la garde à vue est irrégulière et entraîne l’irrégularité de la procédure préalable au placement en rétention et par voie de conséquence de celui-ci.
La décision du premier juge sera en conséquence infirmée
Statuant publiquement par décision Par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 02 Janvier 2025.
Rappelons à monsieur [Z] [P] qu’il doit quitter le territoire en exécution d’une décision du préfet du Var en date du 20 août 2024 avec interdiction de retour pendant 1 an
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [Z] [P]
Assisté d’un interprète
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