L’Essentiel : M. [D] [S], avocat, a rédigé un acte de cession de fonds de commerce en 2015. En 2020, M. [X] [I] et la SCP [12] ont assigné M. [D] [S] pour obtenir une indemnisation. Les exceptions d’irrecevabilité soulevées par M. [S] ont été rejetées en 2021. En 2022, la cour d’appel a déclaré irrecevable l’action en responsabilité contractuelle de M. [I]. En 2023, M. [D] [S] a demandé l’irrecevabilité des demandes délictuelles de M. [I]. L’audience des plaidoiries a eu lieu en décembre 2024, et le jugement final est attendu en janvier 2025.
|
Contexte de l’affaireM. [D] [S], avocat, a rédigé un acte de cession de fonds de commerce le 31 août 2015, impliquant la société [15] gérée par M. [X] [I] et la société [16]. Procédures judiciairesLe 28 août 2020, M. [X] [I] et la SCP [12], en tant que liquidateur judiciaire de la société [15], ont assigné M. [D] [S], la société [13] et la société [16] devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une indemnisation des préjudices liés à l’acte de cession. Décisions judiciairesLe 20 mai 2021, le juge de la mise en état a rejeté les exceptions d’irrecevabilité et d’incompétence soulevées par M. [S], la société [13] et la société [16]. La cour d’appel de Paris a, le 7 juin 2022, débouté la société [16] et la société [13] de leur appel, déclarant irrecevable l’action en responsabilité contractuelle de M. [I] contre Me [S]. Ordonnances et conclusionsLe 2 mars 2023, le juge de la mise en état a débouté M. [S] de sa demande de prescription. La cour d’appel a confirmé cette décision le 5 décembre 2023. Le 30 avril 2024, M. [D] [S] a demandé la déclaration d’irrecevabilité de M. [X] [I] concernant ses demandes délictuelles, tout en réclamant 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réactions des partiesLe 21 mai 2024, M. [X] [I] et la SCP [12] ont contesté la fin de non-recevoir et ont demandé le débouté de M. [S] ainsi qu’une condamnation de ce dernier à 4 000 euros au titre de l’article 700. Audience et délibérationL’audience des plaidoiries d’incident a eu lieu le 19 décembre 2024, et l’ordonnance a été mise en délibéré pour le 16 janvier 2025. Motivations du jugeLe juge a rappelé que l’autorité de la chose jugée s’applique aux décisions sur les fins de non-recevoir. M. [I] a tenté de reformuler ses demandes sur un fondement délictuel, mais celles-ci ont été jugées irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens. Conclusion de l’affaireLe juge a déclaré M. [X] [I] irrecevable dans sa demande d’indemnisation, a décidé que les frais suivraient le sort de ceux du fond, et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 mars 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’autorité de la chose jugée dans le cadre de la responsabilité délictuelle ?L’autorité de la chose jugée est régie par l’article 1355 du Code civil, qui stipule que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement ». Cela signifie que pour qu’une décision ait autorité de la chose jugée, il faut que : – La chose demandée soit la même ; Ainsi, dans le cas présent, l’arrêt du 7 juin 2022 a déclaré irrecevable l’action de M. [I] sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Cette décision a autorité de la chose jugée et empêche M. [I] de soulever une nouvelle demande, même si celle-ci est fondée sur un autre fondement juridique, tel que la responsabilité délictuelle. En effet, l’autorité de la chose jugée vise à éviter toute remise en cause de la vérification juridictionnelle opérée par le premier juge, interdisant ainsi la formation d’une nouvelle demande identique par son objet et sa cause. Quelles sont les implications du principe de concentration des moyens dans cette affaire ?Le principe de concentration des moyens, établi par la jurisprudence, impose aux parties de présenter l’ensemble des moyens de nature à fonder leur demande dès la première instance. Ce principe est illustré par la décision de la Cour de cassation du 7 juillet 2006, qui stipule que « le demandeur qui ne soulève pas l’ensemble des moyens n’est plus admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’est abstenu de soulever en temps utile ». Dans le cas présent, M. [I] a tenté de former des demandes tendant aux mêmes fins que celles rejetées par la cour d’appel, mais en changeant de fondement juridique. Cela constitue une violation du principe de concentration des moyens, car il a omis de soulever ce fondement délictuel lors de la première instance. Ainsi, sa demande d’indemnisation est déclarée irrecevable, car elle se heurte à l’autorité de la chose jugée résultant de l’arrêt du 7 juin 2022. Comment le juge de la mise en état a-t-il statué sur les fins de non-recevoir ?L’article 122 du Code de procédure civile définit les fins de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir. Cela inclut des motifs tels que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, et la chose jugée. Dans cette affaire, M. [S] a soulevé une fin de non-recevoir en invoquant l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 7 juin 2022. Le juge de la mise en état a examiné cette fin de non-recevoir et a constaté que M. [I] ne pouvait pas contester l’identité de cause des deux demandes, car il avait changé de fondement juridique sans avoir soulevé ce dernier en temps utile. En conséquence, le juge a déclaré M. [I] irrecevable en sa demande d’indemnisation, confirmant ainsi l’application des articles 122 et 1355 du Code de procédure civile. Quelles sont les conséquences des demandes accessoires dans cette procédure ?Les demandes accessoires, telles que les frais irrépétibles et les dépens, sont régies par le principe selon lequel elles suivent le sort de ceux du fond. Cela signifie que si la demande principale est déclarée irrecevable, les demandes accessoires le seront également. Dans cette affaire, le juge a décidé que les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond, ce qui implique que M. [I] ne pourra pas obtenir de remboursement de ses frais, étant donné que sa demande principale a été déclarée irrecevable. Cette décision est conforme à l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Ainsi, les conséquences des demandes accessoires sont directement liées à l’issue de la demande principale, renforçant l’importance de la décision du juge de la mise en état. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
■
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 20/08792
N° Portalis 352J-W-B7E-CSYFP
N° MINUTE :
Assignation du :
28 Août 2020
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 16 Janvier 2025
DEMANDEURS
S.C.P. [12] prise en la personne de Maître [V] [O] ou Maître [Y] [M], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [15]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Monsieur [X] [I]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentés par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2440
DEFENDEURS
Monsieur [D] [S]
[Adresse 6]
[Localité 9]
représenté par Maître Jérôme DEPONDT de la SELAS IFL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0042
S.A.S. [13]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 11]
représentée par Maître Georges QUINQUET DE MONJOUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0171
Décision du 16 Janvier 2025
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 20/08792 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSYFP
S.A.S. [16]
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par Maître David PINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R189
PARTIE INTERVENANTE
Société [14] venant aux droits de la société [13] SA
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 11]
représentée par Maître Georges QUINQUET DE MONJOUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0171
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
assistée de Madame Marion CHARRIER, Greffier lors des débats, et de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors de la mise à disposition.
DEBATS
A l’audience du 19 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Janvier 2025.
ORDONNANCE
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcée par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
M. [D] [S], avocat, a rédigé un acte de cession de fonds de commerce portant sur un fonds situé dans la [Adresse 1], [Adresse 1] à [Localité 17], signé le 31 août 2015 par la société [15], gérée par M. [X] [I], et la société [16].
Par acte extrajudiciaire du 28 août 2020, M. [X] [I] et la SCP [12] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [15] ont fait assigner M. [D] [S], la société [13] et la société [16] devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de la signature de l’acte de cession du 31 août 2015.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le juge de la mise en état a rejeté l’incident d’irrecevabilité et l’exception d’incompétence formés par M. [S], la société [13] et la société [16]. Par un arrêt du 7 juin 2022, la cour d’appel de Paris a débouté la société [16] et la société [13] de leur appel tout en estimant irrecevable l’action en responsabilité contractuelle exercée par M. [I] à l’encontre de Me [S] au motif que Me [S] était contractuellement lié à la société [15] et non à son gérant.
Par ordonnance du 2 mars 2023, le juge de la mise en état a débouté M. [S] de sa demande fondée sur l’éventuelle prescription de l’action intentée à son encontre par la société [15]. Par un arrêt du 5 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du 2 mars 2023.
Aux termes de nouvelles conclusions d’incident notifiées en leur dernier état par RPVA le 30 avril 2024, M. [D] [S] demande au juge de la mise en état de déclarer M. [X] [I] irrecevable en ses demandes formées sur le fondement délictuel à l’encontre de M. [S], et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 21 mai 2024, M. [X] [I] et la SCP [12], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [15], sollicitent le rejet de la fin de non recevoir soulevée, le débouté de M. [S] de son incident et la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience des plaidoiries d’incident du 19 décembre 2024, l’ordonnance a été mise en délibéré au 16 janver 2025.
En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Sur l’autorité de chose jugée et le principe de la concentration des moyens
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’autorité de la chose jugée est attachée à la décision tranchant une contestation pour éviter toute remise en cause de la vérification juridictionnelle opérée par le premier juge. Elle interdit donc la formation d’une nouvelle demande, identique à la précédente par les parties, par son objet et par sa cause.
Les ordonnances du juge de la mise en état ont autorité de la chose jugée au principal lorsqu’elles statuent sur les fins de non recevoir (Civ 2e, 9 janvier 2020, n° 18-21.997).
Le principe de la concentration des moyens implique quant à lui que les parties présentent, dès la première instance, l’ensemble des moyens de nature à fonder leur demande et interdit l’introduction par la suite d’une nouvelle instance tendant à la même fin. Aux termes de ce principe prétorien, le demandeur qui ne soulève pas l’ensemble des moyens n’est plus admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’est abstenu de soulever en temps utile (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672).
En l’espèce, M. [S] soulève, dans ses dernières conclusions d’incident, l’irrecevabilité de la demande indemnitaire formée par M. [I] à son encontre fondée sur sa responsabilité délictuelle en lui opposant l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 7 juin 2022 et en rappelant le principe de concentration des moyens.
Dans son arrêt du 7 juin 2022, la cour d’appel de Paris a déclaré irrecevable l’action de M. [I] qui sollicitait, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation de Me [S] à lui payer les sommes de 76 168,98 euros au titre de son compte courant d’associé dans la société [15], 118 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut de perception des salaires escomptés en sa qualité de gérant de ladite société et 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Cet arrêt, statuant sur une fin de non recevoir, a autorité de la chose jugée au principal.
Aux termes de ses conclusions des 2 et 16 avril 2024, M. [I] forme des demandes tendant aux mêmes fins que celles rejetées par la cour d’appel, entre les mêmes parties et fondées sur la même cause, tout en changeant de fondement juridique.
Ce faisant, en vertu tant de l’autorité de la chose jugée résultant de l’article 1355 du code civil que du principe de concentration des moyens dégagé par la Cour de cassation, M. [I] ne peut être admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique, en l’espèce délictuel, qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que sa demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation.
Dans ces conditions, les demandes d’indemnisation formées par M. [I] doivent être déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires
Les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond.
L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 mars 2025 à 9h30 aux fins de modification des conclusions en demande.
Nous, juge de la mise en état statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
Déclarons M. [X] [I] irrecevable en sa demande d’indemnisation ;
Disons que les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond ;
Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 mars 2025 à 9h30 aux fins de modification des conclusions en demande.
Faite et rendue à Paris le 16 Janvier 2025.
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Gilles ARCAS Marjolaine GUIBERT
Laisser un commentaire