L’Essentiel : La société Trimax développement a émis des obligations avec bon de souscription d’actions le 30 juillet 2019, en collaboration avec OCM Luxembourg ECS Retails France. Un contrat de fiducie a été établi pour garantir le remboursement des titres. Le 27 janvier 2022, M. [E] a été révoqué de son poste de président, remplacé par M. [B], ce qui a conduit à une action en justice. M. [E] a demandé un sursis à statuer, invoquant une procédure en cours au Luxembourg. La cour d’appel a jugé sa demande irrecevable, considérant qu’elle n’avait pas été présentée dans les délais requis.
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Contexte de l’affaireLa société Trimax développement, filiale de la société Trimax, a émis des obligations avec bon de souscription d’actions (OBSA) le 30 juillet 2019. Cette opération a été réalisée en collaboration avec la société OCM Luxembourg ECS Retails France, à travers un contrat de souscription. Pour garantir le remboursement de ces titres, un contrat de fiducie a été établi, transférant les titres de Trimax développement à Equitis gestion. Changements de directionLe 27 janvier 2022, la société Equitis Gestion a révoqué M. [E] de son poste de président de Trimax développement, nommant M. [B] à sa place. Cette décision a conduit M. [E] et la société Trimax à agir en justice. Procédure judiciaireLe 2 mars 2022, M. [E] et la société Trimax ont assigné en référé la société Trimax développement et M. [B] pour demander la désignation d’un administrateur provisoire. M. [E] a soulevé une demande de sursis à statuer, invoquant une procédure en cours devant les juridictions luxembourgeoises. Arguments de M. [E]M. [E] a contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré irrecevable sa demande de sursis à statuer. Il a soutenu que cette demande n’était pas tardive et qu’elle était une réponse à un nouveau moyen soulevé en appel. Il a également affirmé que la cour n’avait pas correctement examiné si sa demande était fondée sur des faits révélés postérieurement. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a rappelé que, selon le code de procédure civile, une demande de sursis à statuer doit être présentée avant toute défense au fond, sauf si des faits nouveaux sont révélés. Elle a constaté que M. [E] avait connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise avant l’audience et qu’il n’avait pas formulé sa demande de sursis à statuer à temps. Par conséquent, la cour a jugé la demande irrecevable. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature et la procédure d’une demande de sursis à statuer selon le Code de procédure civile ?La demande de sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, conformément à l’article 73 du Code de procédure civile. Cet article stipule que : « Le juge peut, à la demande d’une partie, surseoir à statuer sur une affaire lorsque la solution du litige dépend d’une question préjudicielle. » De plus, l’article 74 précise que : « La demande de sursis à statuer doit être présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, sauf à la partie qui en fait la demande à démontrer que les faits justifiant cette demande lui ont été révélés postérieurement. » Ainsi, pour qu’une demande de sursis à statuer soit recevable, il est impératif que la partie qui la formule n’ait pas eu connaissance des éléments justifiant cette demande avant de présenter sa défense au fond. En l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. [E] avait connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise avant l’audience du juge des référés, ce qui a conduit à la déclaration d’irrecevabilité de sa demande de sursis à statuer. Quelles sont les conséquences d’une irrecevabilité de la demande de sursis à statuer ?L’irrecevabilité d’une demande de sursis à statuer a pour conséquence que le juge peut poursuivre l’examen du litige sans attendre la décision de la juridiction préjudicielle. En effet, lorsque la demande est déclarée irrecevable, cela signifie que le juge des référés peut statuer sur le fond de l’affaire, sans être contraint d’attendre une décision d’une autre juridiction. Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que M. [E] avait connaissance des éléments justifiant la demande de sursis avant de présenter sa défense au fond. Cela a conduit à la conclusion que sa demande était irrecevable, permettant ainsi au juge de continuer l’examen de l’affaire sans interruption. Il est donc crucial pour les parties de s’assurer qu’elles respectent les délais et les conditions de forme pour la présentation de telles demandes, afin d’éviter des conséquences préjudiciables sur le déroulement de la procédure. |
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 24 FS-B
Pourvoi n° R 22-20.526
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025
1°/ la société Trimax, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg),
2°/ M. [W] [E], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° R 22-20.526 contre l’arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Trimax développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à M. [J] [B], domicilié [Adresse 6],
3°/ à la société Equitis gestion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
4°/ à la société OCM Luxembourg ECS Retail France, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg),
5°/ à la société Roosevelt 15-17 SPF, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 4] (Luxembourg),
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Trimax et de M. [E], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société OCM Luxembourg ECS Retail France, de la SCP Spinosi, avocat de la société Trimax développement et de M. [B], et l’avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, M. Alt, Mme de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Trimax du désistement de son pourvoi.
2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022), le 30 juillet 2019, la société Trimax développement, filiale de la société Trimax, laquelle est détenue à concurrence de 95 % par M. [E], son dirigeant, et à concurrence de 5 % par la société Roosevelt 15-17 SPF (la société Roosevelt), a émis des obligations avec bon de souscription d’actions (OBSA) et, à cette fin, a conclu un contrat de souscription de ces obligations avec la société OCM Luxembourg ECS Retails France (la société OCM).
3. En garantie du remboursement de ces titres, la société Trimax a conclu un contrat de fiducie avec les sociétés OCM, Trimax développement et Equitis gestion prévoyant le transfert, à cette dernière, de l’intégralité des titres qu’elle détenait dans le capital de la société Trimax développement.
4. Le 27 janvier 2022, la société Equitis Gestion a révoqué M. [E] de ses fonctions de président de la société Trimax développement et a nommé M. [B] en cette qualité.
5. Le 2 mars 2022, M. [E] et la société Trimax ont assigné en référé devant le président d’un tribunal de commerce la société Trimax développement et M. [B] aux fins de voir désigner un administrateur provisoire de la société Trimax développement.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. M. [E] fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive à intervenir des juridictions luxembourgeoises, alors :
« 1°/ que la demande de sursis à statuer n’est pas tardive lorsqu’elle est soulevée en appel, en réponse à un moyen nouveau en appel ; qu’au cas présent, la société Trimax et M. [E] faisaient valoir dans leurs conclusions que le juge est tenu de rechercher la date à laquelle le plaideur qui soulève une exception de procédure a eu connaissance du fait générateur de cette exception et que la demande de sursis à statuer qu’ils formaient était, en l’espèce, la réponse à un nouveau moyen qui n’avait été développé qu’en cause d’appel par les appelants ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel, qui a entaché sa décision d’un défaut de motifs, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut déclarer irrecevable une demande de sursis à statuer formulée la première fois en cause d’appel sans préalablement rechercher si cette demande n’a pas été effectuée en réponse à un moyen nouveau soulevé par la partie adverse en cause d’appel ; qu’au cas présent, la cour d’appel a retenu que la société Trimax et M. [E] avaient eu connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise appelée à statuer sur les demandes formées par la société OCM à l’encontre de Monsieur [E] avant l’audience du juge des référés français, et ce pour déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par la société Trimax et M. [E] ; qu’en statuant ainsi, sans avoir préalablement recherché si cette demande n’avait pas été elle-même effectuée en réponse à un moyen nouveau soulevé par la partie adverse en cause d’appel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 74 du code de procédure civile. »
7. Après avoir énoncé, à bon droit, qu’en vertu des articles 73 et 74 du code de procédure civile, une demande de sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, sauf au demandeur au sursis à démontrer que les faits justifiant la demande lui ont été révélés postérieurement, l’arrêt relève que l’audience devant le juge des référés s’est déroulée le 25 mars 2022 et que le 15 mars 2022, la société OCM a fait délivrer à M. [E] une assignation à comparaître devant la juridiction luxembourgeoise aux fins notamment de lui faire interdiction de se prévaloir, à quelque titre que ce soit, de la qualité d’administrateur et de président du conseil d’administration de la société Trimax. Il retient que lors de l’audience devant le juge des référés, M. [E] avait connaissance de la saisine de la juridiction luxembourgeoise appelée à statuer sur les demandes formées par la société OCM et, la procédure étant orale, qu’il pouvait, former avant toute défense au fond une demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction luxembourgeoise, ce qu’il n’a pas entendu faire.
8. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que la demande de sursis à statuer formée pour la première fois en cause d’appel par M. [E], cependant que l’événement la fondant était connu de lui antérieurement à sa défense au fond, était irrecevable.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
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