Irrecevabilité d’un appel principal en raison des délais procéduraux

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Irrecevabilité d’un appel principal en raison des délais procéduraux

L’Essentiel : L’affaire concerne un litige entre une acheteuse et une société civile immobilière, ainsi qu’un notaire et sa société. L’acheteuse a interjeté appel d’un jugement rendu par un tribunal judiciaire, tandis que le notaire et sa société ont également relevé appel du même jugement. Suite à ces appels, le notaire et sa société ont assigné en intervention forcée un mandataire d’une autre société ainsi qu’une mutuelle d’architectes. Un conseiller de la mise en état a déclaré l’appel du notaire et de sa société irrecevable, ce qui a été contesté devant la cour d’appel.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre une acheteuse et une société civile immobilière, ainsi qu’un notaire et sa société. L’acheteuse a interjeté appel d’un jugement rendu par un tribunal judiciaire, tandis que le notaire et sa société ont également relevé appel du même jugement.

Interventions et procédures

Suite à ces appels, le notaire et sa société ont assigné en intervention forcée un mandataire d’une autre société ainsi qu’une mutuelle d’architectes. Un conseiller de la mise en état a déclaré l’appel du notaire et de sa société irrecevable et a joint les deux autres procédures, ce qui a été contesté devant la cour d’appel.

Arguments des parties

Le notaire et sa société ont contesté la décision de la cour d’appel, arguant que l’intimé (l’acheteuse) pouvait former son propre appel principal dans les délais légaux. Ils ont soutenu que la cour avait mal interprété les articles du code de procédure civile concernant les délais pour former un appel principal ou incident.

Analyse de la cour d’appel

La cour d’appel a examiné les articles pertinents du code de procédure civile, précisant que l’intimé dispose d’un délai pour remettre ses conclusions et former un appel incident ou provoqué. Elle a conclu que l’intimé ne pouvait pas former un appel principal tant que les délais pour les appels incident ou provoqué n’étaient pas expirés.

Conclusion de la cour

En confirmant l’ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour a statué que l’intimé ne pouvait pas former un appel principal, car les conclusions de l’appelante n’avaient pas été notifiées. Cependant, cette décision a été contestée, car l’intimé aurait pu former un appel principal, ce qui a conduit à une violation des textes de loi en vigueur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 909 du code de procédure civile concernant l’appel principal ?

L’article 909 du code de procédure civile stipule que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Ce texte précise que l’intimé doit agir dans ce délai pour éviter l’irrecevabilité de son appel incident ou provoqué.

Cependant, il est important de noter que cet article ne limite pas la possibilité pour l’intimé de former un appel principal contre un jugement qui ne lui a pas été notifié tant que les délais des articles 905-2 et 909 ne sont pas expirés.

Ainsi, si l’intimé n’a pas reçu notification des conclusions de l’appelant, il peut toujours former un appel principal, ce qui a été mal interprété dans l’arrêt attaqué.

Comment l’article 911-1 du code de procédure civile s’applique-t-il dans ce contexte ?

L’article 911-1, alinéa 4, du code de procédure civile précise que n’est plus recevable à former appel principal l’intimé qui a reçu régulièrement notification des conclusions de l’appelant et qui n’a pas formé un appel incident ou provoqué dans les délais impartis.

Ce texte vise à protéger le droit de l’appelant en évitant que l’intimé ne puisse contester indéfiniment le jugement.

Cependant, il est crucial de comprendre que cet article ne s’applique que lorsque l’intimé a effectivement reçu notification des conclusions de l’appelant.

Dans le cas présent, puisque les conclusions de l’appelante n’avaient pas été notifiées à l’intimé au moment où celui-ci a relevé appel, l’article 911-1 ne pouvait pas être invoqué pour déclarer l’appel principal irrecevable.

Ainsi, la cour d’appel a commis une erreur en appliquant cet article dans une situation où l’intimé n’avait pas été informé des conclusions de l’appelant.

Quelles conséquences juridiques découlent de la violation des articles 909 et 911-1 ?

La violation des articles 909 et 911-1 par la cour d’appel a pour conséquence directe l’irrecevabilité de l’appel interjeté par l’intimé, qui aurait dû être déclaré recevable.

En effet, l’intimé, n’ayant pas reçu notification des conclusions de l’appelant, avait le droit de former un appel principal, et ce, indépendamment des délais prévus pour l’appel incident ou provoqué.

Cette situation souligne l’importance de la notification des conclusions dans le cadre des procédures d’appel, car elle détermine les droits et obligations des parties.

En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé, et l’appel principal de l’intimé doit être déclaré recevable, permettant ainsi un examen au fond du litige.

Cette décision rappelle également que les règles de procédure doivent être appliquées avec rigueur pour garantir le respect des droits des parties en matière d’appel.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2025

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 120 F-B

Pourvoi n° A 22-18.971

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025

1°/ M. [L] [G], domicilié [Adresse 5], représenté par la Société civile professionnelle [J] [G]-[X],

2°/ la Société civile professionnelle [J] [G]-[X], dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° A 22-18.971 contre l’arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d’appel de Bastia (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [V] [B], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à la société Anna Lesia, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à Mme [H] [W], domiciliée [Adresse 3], agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société [H] [W],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G] et la Société civile professionnelle [J] [G]-[X], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Anna Lesia, et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bastia, 18 mai 2022), le 18 janvier 2021, Mme [B] a relevé appel du jugement rendu par un tribunal judiciaire le 20 octobre 2020 dans un litige l’opposant à la société civile immobilière Anna Lesia, d’une part, et à M. [G] et la société [J] [G]-[X] (la société de notaires), d’autre part.

2. Le 8 février 2021, M. [G] et la société de notaires ont relevé appel du même jugement.

3. Les 12 et 21 mai 2021, M. [G] et la société de notaire ont assigné en intervention forcée Mme [W], en qualité de mandataire de la société [H] [W], et la Mutuelle des architectes français.

4. Le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel interjeté par M. [G] et la société de notaires et a joint les deux autres procédures, par une ordonnance du 11 janvier 2022, que ces derniers ont déférée à la cour d’appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [G] et la société de notaires font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « que l’intimé peut former son propre appel principal dans les délais légaux ; qu’en retenant néanmoins, pour déclarer l’appel principal de M. [G] et de la société [J] [G]-[X] irrecevable, que l’article 909 du code de procédure civile offre à l’intimé la possibilité de former appel incident ou provoqué dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, mais « ne lui ouvre pas la possibilité de former un appel principal dans ledit délai », et que l’article 911-1 de ce code ne saurait avoir pour effet « de donner à l’intimé une possibilité de former appel principal de la même décision, que l’article 909 ne lui donne pas », la cour d’appel a violé les articles 909 et 911-1, alinéa 4, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 909 et 911-1, alinéa 4, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du premier de ces textes, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

7. Selon le second, n’est plus recevable à former appel principal l’intimé auquel ont été régulièrement notifiées les conclusions de l’appelant et qui n’a pas formé un appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais impartis aux articles 905-2 et 909 ou dont l’appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable.

8. Il en résulte que l’intimé peut former un appel principal contre un jugement qui ne lui a pas été notifié tant que les délais des articles 905-2 et 909 du code de procédure civile ne sont pas expirés.

9. Pour confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état, l’arrêt retient par motifs adoptés que l’article 909 du code de procédure civile, qui impartit à l’intimé un délai pour remettre ses conclusions et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué, ne lui ouvre pas la possibilité de former un appel principal dans ledit délai et par motifs propres que la lecture a contrario de l’article 911-1 du code de procédure civile n’est pas applicable car au jour où M. [G] et la société de notaires ont relevé appel, Mme [B], appelante, n’avait pas notifié ses conclusions et que ce texte ne saurait donner à l’intimé une possibilité de former appel principal de la même décision, que l’article 909 ne lui donne pas.

10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l’appelante ne lui ayant pas été notifiées, l’intimé pouvait former un appel principal, la cour d’appel a violé les textes susvisés.


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