L’Essentiel : L’affaire concerne un bail rural établi en 2000 entre [C] et la SCEA, transformée en GAEC en 2002. En mai 2017, le GAEC a été dissous, entraînant des complications juridiques. En janvier 2021, un tribunal a résilié le bail, ordonnant l’expulsion de M. [L] et le paiement de sommes dues. M. [L] a interjeté appel, mais la cour d’appel a déclaré cet appel irrecevable, soulignant l’absence de mention de son rôle de liquidateur. Bien que M. [L] ait argué d’un vice de forme, la cour a jugé que cela ne suffisait pas à régulariser l’appel.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne un bail rural établi le 1er janvier 2000 entre [C] et [Y] [V] et la société civile d’exploitation agricole du Hameau (SCEA) pour des parcelles de terre situées à [Localité 5] dans le Calvados. En août 2002, la SCEA a été transformée en un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) dirigé par M. [L] et son épouse. Dissolution du GAECLe 15 mai 2017, une assemblée générale extraordinaire a prononcé la dissolution anticipée et la mise en liquidation volontaire du GAEC, avec M. [L] nommé liquidateur. Cette décision a conduit à des complications juridiques concernant la gestion des biens et des obligations du GAEC. Résiliation du bail ruralLe 26 janvier 2021, un tribunal paritaire des baux ruraux a décidé de résilier le bail rural, ordonnant l’expulsion du GAEC et de M. [L], tout en le condamnant à payer des sommes dues au titre des fermages, des taxes, ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation jusqu’à la libération des lieux. Appel de M. [L]M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 22 février 2021, contestant la décision du tribunal. Cependant, la cour d’appel a déclaré cet appel irrecevable, arguant que la déclaration d’appel ne mentionnait pas qu’il agissait au nom du GAEC. Arguments de M. [L]M. [L] a soutenu que le défaut de mention de son intervention au nom du GAEC ne constituait qu’un vice de forme et ne devait pas entraîner l’irrecevabilité de son appel. Il a invoqué les articles 114 et 117 du code de procédure civile pour justifier sa position. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a examiné la recevabilité du moyen soulevé par M. [L] et a statué sur la régularisation de la déclaration d’appel. Elle a conclu que l’absence de mention de sa qualité de liquidateur dans l’acte d’appel était une irrégularité de forme, mais a jugé que cela ne suffisait pas à régulariser l’appel. Conclusion de la CourLa cour a finalement estimé que la déclaration d’appel de M. [L] était irrecevable, en raison de la manière dont il avait formulé son appel. Toutefois, la décision a été contestée sur la base de la nécessité de prouver un grief causé par l’irrégularité, ce qui a soulevé des questions sur l’application des règles de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée des articles 114 et 115 du code de procédure civile dans le cadre de la recevabilité d’un appel ?L’article 114 du code de procédure civile stipule que : « La nullité d’un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité. » Cet article établit donc que la simple existence d’un vice de forme ne suffit pas à entraîner la nullité d’un acte de procédure. Il est nécessaire que la partie qui invoque cette nullité prouve qu’elle a subi un préjudice en raison de cette irrégularité. De plus, l’article 115 précise que : « La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. » Cela signifie qu’un acte de procédure, même s’il présente un vice de forme, peut être régularisé ultérieurement, à condition qu’aucune forclusion ne soit intervenue et que cette régularisation ne cause pas de préjudice à l’autre partie. Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que l’absence de mention de la qualité de liquidateur dans la déclaration d’appel était une irrégularité qui entraînait l’irrecevabilité de l’appel. Cependant, cette décision semble ignorer la possibilité de régularisation prévue par l’article 115, ce qui pourrait constituer une violation des dispositions légales. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié l’irrecevabilité de l’appel de M. [L] ?La cour d’appel a justifié l’irrecevabilité de l’appel de M. [L] en se fondant sur le fait que la déclaration d’appel du 22 février 2021 le mentionnait en son nom personnel. Elle a également noté que son intervention volontaire, en tant que liquidateur du GAEC, ne pouvait pas être considérée comme une régularisation de la déclaration d’appel. Cette position repose sur l’idée que la mention de la qualité de liquidateur était essentielle pour la recevabilité de l’appel. Cependant, la cour d’appel a omis de prendre en compte les articles 114 et 115 du code de procédure civile, qui permettent une régularisation des actes de procédure. En effet, le défaut de mention de la qualité de liquidateur dans l’acte d’appel aurait pu être régularisé par les conclusions postérieures de M. [L]. Ainsi, la cour d’appel a pu commettre une erreur en ne considérant pas que l’irrégularité de forme ne pouvait entraîner l’irrecevabilité de l’appel qu’en l’absence de démonstration d’un grief, ce qui n’a pas été prouvé dans cette affaire. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur la procédure en cours ?La décision de la cour d’appel de déclarer l’appel de M. [L] irrecevable a des conséquences significatives sur la procédure en cours. En effet, cette irrecevabilité empêche M. [L] de contester le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux qui a prononcé la résiliation du bail rural et ordonné son expulsion. Cela signifie que les décisions prises par le tribunal de première instance restent en vigueur, et M. [L] doit se conformer à ces décisions, y compris le paiement des sommes dues au titre des fermages et des taxes. De plus, l’irrecevabilité de l’appel peut également avoir des implications sur la gestion des biens du GAEC, puisque M. [L] ne peut plus agir en tant que liquidateur pour contester les décisions qui affectent la liquidation de la société. En somme, cette décision de la cour d’appel pourrait avoir pour effet de priver M. [L] de ses droits de défense et de recours, ce qui soulève des questions sur l’équité de la procédure et le respect des droits des parties en présence. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 41 F-B
Pourvoi n° A 22-20.374
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
M. [H] [L], domicilié [Adresse 3], [Localité 5], agissant en qualité de liquidateur du GAEC du [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-20.374 contre l’arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d’appel de Caen (2e chambre civile et commerciale & baux ruraux), dans le litige l’opposant :
1°/ à [Y] [V], veuve [U], ayant été domiciliée [Adresse 4]
[Adresse 4], [Localité 5], décédée le 23 septembre 2022,
2°/ à M. [F] [U], domicilié [Adresse 2], [Localité 1], venant aux droits de [Y] [U], décédée le 23 septembre 2022,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [L], agissant en qualité de liquidateur du GAEC du [Adresse 3], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [U], venant aux droits de [Y] [V], veuve [U] décédée, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d’instance
1. Il est donné acte à M. [F] [U] de ce qu’il reprend l’instance devant la Cour de cassation interrompue par le décès de sa mère, [Y] [V], le 23 septembre 2022.
2. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 16 juin 2022), par acte à effet du 1er janvier 2000, [C] et [Y] [V] ont donné à bail rural à la société civile d’exploitation agricole du Hameau (la SCEA), des parcelles de terre sises à [Localité 5] (Calvados).
3. Par délibération d’assemblée générale extraordinaire du 20 août 2002, la SCEA a été transformée en un groupement agricole d’exploitation en commun, dénommé le GAEC du [Adresse 3] (le GAEC), dont M. [L] et son épouse ont été désignés gérants.
4. Par délibération d’assemblée générale extraordinaire du 15 mai 2017, la dissolution anticipée et la mise en liquidation volontaire du GAEC ont été prononcées. M. [L] a été nommé liquidateur.
5. Par jugement du 26 janvier 2021, un tribunal paritaire des baux ruraux a prononcé la résiliation du bail rural, ordonné l’expulsion du GAEC et de tout occupant de son chef, notamment M. [L], et l’a condamné à payer diverses sommes au titre des fermages et taxes et une indemnité mensuelle d’occupation jusqu’à la date de libération effective des lieux.
6. Par déclaration du 22 février 2021, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [L] fait grief à l’arrêt de déclarer l’appel interjeté, en son nom personnel, irrecevable et de déclarer son intervention volontaire, en sa qualité de liquidateur du GAEC, irrecevable alors « que le défaut de mention, dans la déclaration d’appel, de l’intervention au nom et pour le compte d’une personne morale de la personne identifiée comme appelant ne constitue qu’un vice de forme ; qu’en déduisant l’irrecevabilité de l’appel formé au nom de M. [L] de ce que la déclaration d’appel ne mentionnait pas qu’il agissait au nom et pour le compte du GAEC du [Adresse 3], la cour d’appel a violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile. »
Recevabilité du moyen
8. M. [U] conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.
9. Cependant, les conclusions de M. [L] devant la cour d’appel le visent en sa qualité de liquidateur du GAEC et la cour d’appel a statué sur la régularisation susceptible de se déduire d’une telle mention.
10. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 114 et 115 du code de procédure civile :
11. Selon le premier de ces textes, la nullité d’un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
12. Aux termes du second, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
13. Pour déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt retient que la déclaration d’appel du 22 février 2021 mentionne M. [L] en son nom personnel et que son intervention volontaire, par conclusions du 24 novembre 2021, en tant que liquidateur du GAEC ne vaut pas régularisation.
14. En statuant ainsi, alors que le défaut de mention de la qualité de liquidateur du GAEC de M. [L] dans l’acte d’appel, régularisé par conclusions postérieures, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée que sur la démonstration d’un grief, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
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