L’Essentiel : La société Beluga a interjeté appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de Marseille concernant un litige avec M. [L]. Le 21 juin 2021, un conseiller a ordonné une séance d’information sur la médiation. Cependant, le 13 décembre 2021, la société a soumis ses conclusions après le délai imparti, entraînant la caducité de sa déclaration d’appel. La cour d’appel a confirmé cette caducité, mais la cour de cassation a jugé que l’ordonnance de médiation devait interrompre le délai pour conclure, annulant ainsi l’arrêt de la cour d’appel et renvoyant l’affaire devant une autre formation.
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Contexte de l’affaireLa société Beluga a interjeté appel d’un jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 30 mars 2021, qui concernait un litige avec M. [L]. Ordonnance de mise en étatLe 21 juin 2021, un conseiller de la mise en état a ordonné aux parties de participer à une séance d’information sur la médiation, dans le cadre de la procédure. Caducité de la déclaration d’appelLe 13 décembre 2021, le conseiller a constaté que la société avait soumis ses conclusions après le délai imparti, entraînant la caducité de sa déclaration d’appel. Recours à la cour d’appelLa société a contesté cette ordonnance devant la cour d’appel, qui a examiné le moyen relevé d’office. Application de la nouvelle législationL’article 910-2 du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2022-245, stipule que les délais pour conclure sont interrompus par une décision ordonnant une médiation. Applicabilité du décretLe décret du 25 février 2022 est applicable aux instances en cours, y compris celle introduite par la déclaration d’appel de la société. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a confirmé la caducité de la déclaration d’appel, arguant que l’ordonnance de mise en état n’interrompait pas le délai pour conclure en l’absence d’accord sur la médiation. Violation de la législationLa cour de cassation a jugé que l’ordonnance enjoignant aux parties d’assister à une séance d’information sur la médiation devait interrompre le délai pour conclure, ce qui a conduit à une violation du texte applicable. Conclusion de la cour de cassationLa cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel, a remis l’affaire dans son état antérieur et a renvoyé les parties devant une cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée. M. [L] a été condamné aux dépens, et sa demande en application de l’article 700 a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 910-2 du code de procédure civile dans le cadre de la médiation ?L’article 910-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, stipule que : « Les délais impartis pour conclure et former appel incident, mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910, sont interrompus par la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 ou qui ordonne une médiation. » Cet article a pour but d’encourager la médiation en permettant aux parties de suspendre les délais de procédure pendant qu’elles explorent cette option. Ainsi, lorsque le conseiller de la mise en état a enjoint les parties à assister à une séance d’information sur la médiation, cela aurait dû entraîner l’interruption des délais pour conclure, conformément à l’article 910-2. La cour d’appel a commis une erreur en considérant que cette ordonnance ne pouvait pas interrompre le délai pour conclure, ce qui constitue une violation de la disposition légale précitée. Quelles sont les conséquences de la caducité de la déclaration d’appel selon le code de procédure civile ?La caducité de la déclaration d’appel est régie par l’article 908 du code de procédure civile, qui précise que : « La déclaration d’appel est caduque si les conclusions ne sont pas déposées dans le délai imparti. » Dans le cas présent, la société Beluga a vu sa déclaration d’appel déclarée caduque en raison de la remise tardive de ses conclusions. Cette caducité a pour effet de rendre l’appel sans effet, ce qui signifie que la décision de première instance devient définitive. Cependant, la cour d’appel a mal appliqué la loi en ne tenant pas compte de l’interruption des délais due à l’ordonnance de médiation, ce qui aurait pu éviter la caducité de la déclaration d’appel. Comment l’article 127-1 du code de procédure civile s’articule-t-il avec la médiation ?L’article 127-1 du code de procédure civile dispose que : « Le juge peut, à tout moment de la procédure, inviter les parties à rencontrer un médiateur. » Cet article souligne le rôle proactif du juge dans la promotion de la médiation comme moyen de résolution des conflits. Dans le cadre de l’affaire, l’ordonnance du conseiller de la mise en état a enjoint les parties à participer à une séance d’information sur la médiation, ce qui s’inscrit dans le cadre de l’article 127-1. Cela signifie que le juge a reconnu l’importance de la médiation et a tenté de faciliter un règlement amiable, ce qui aurait dû avoir des conséquences sur les délais de procédure, conformément à l’article 910-2. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile stipule que : « La cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, la Cour de cassation a rejeté la demande de M. [L] en application de cet article, ce qui signifie qu’il n’a pas obtenu de remboursement de ses frais de justice. Cela souligne que, même si une partie obtient gain de cause, elle peut ne pas toujours être indemnisée pour ses frais, en fonction des circonstances de l’affaire. La décision de la Cour de cassation de ne pas faire droit à la demande de M. [L] pourrait être interprétée comme une volonté de ne pas encourager des demandes excessives dans le cadre des litiges. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 47 F-B
Pourvoi n° M 22-20.775
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
La société Beluga, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-20.775 contre l’arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l’opposant à M. [I] [L], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société Beluga, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2022), la société Beluga (la société) a relevé appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 30 mars 2021 ayant statué sur le litige l’opposant à M. [L].
2. Par une ordonnance du 21 juin 2021, le conseiller de la mise en état a fait injonction à chacune des parties d’assister à une séance d’information sur la médiation.
3. Par une ordonnance du 13 décembre 2021, le conseiller de la mise en état, qui a constaté que la société avait remis ses conclusions après l’expiration du délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile, a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
4. La société a déféré cette ordonnance à la cour d’appel.
5. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article 910-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 :
6. Selon ce texte, les délais impartis pour conclure et former appel incident, mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, sont interrompus par la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 du même code ou qui ordonne une médiation.
7. L’article 6 du décret n° 2022-245 prévoit notamment que l’article 1er, qui a modifié l’article 910-2, entre en vigueur le lendemain de la publication dudit décret, et que cette disposition est applicable aux instances en cours.
8. L’instance devant une cour d’appel, introduite par une déclaration d’appel prenant fin avec l’arrêt que rend cette juridiction, soit en l’espèce l’arrêt du 24 juin 2022, le décret du 25 février 2022 est applicable au présent litige. La cour d’appel est tenue, au besoin d’office, de faire application de ce nouveau texte.
9. Pour confirmer la décision ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel de la société, l’arrêt constate que par son ordonnance du 21 juin 2021 le conseiller de la mise en état avait enjoint aux parties d’assister à une séance d’information sur la médiation et offert la possibilité au médiateur de commencer immédiatement ses opérations en cas d’accord des parties sur une médiation et retient que la décision qui conviait les parties à une simple information ne pouvait interrompre le délai pour conclure à défaut d’accord des parties sur une médiation, pas plus qu’elle ne pouvait le suspendre en l’absence de dispositions légales en ce sens.
10. En statuant ainsi, alors que l’ordonnance enjoignant aux parties d’assister à une séance d’information sur la médiation interrompt le délai pour conclure en application de l’article 910-2 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, applicable au litige, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 juin 2022, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.
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