Interruption des délais : enjeux et interprétations

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Interruption des délais : enjeux et interprétations

L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a reconnu une incapacité permanente partielle de M. [V] à 3 % suite à un accident du travail. Contestant cette décision, M. [V] a obtenu une réévaluation à 12 % par une juridiction spécialisée. En appel, il a soulevé une exception de péremption d’instance, arguant que la Cour n’avait pas examiné les actes interruptifs. La Cour nationale a rappelé que l’instance est périmée après deux ans sans diligence. La Cour de cassation a confirmé le rejet de l’exception, considérant que les parties n’avaient pas d’obligation de solliciter une audience pour éviter la péremption.

Décision de la caisse primaire d’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a, par décision du 1er décembre 2014, reconnu une incapacité permanente partielle de M. [V] à hauteur de 3 % suite à un accident du travail.

Recours et jugement

M. [V] a contesté cette décision, entraînant un recours devant une juridiction spécialisée qui a réévalué le taux d’incapacité à 12 %. La caisse a ensuite interjeté appel de ce jugement.

Exception de péremption d’instance

L’assuré a soulevé une exception de péremption d’instance, arguant que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail n’avait pas correctement examiné les actes interruptifs du délai de péremption. Il a contesté le rejet de cette exception par la Cour, affirmant que les juges n’avaient pas justifié en quoi les actes cités avaient fait progresser le litige.

Analyse des diligences interruptives

L’assuré a également soutenu qu’une simple demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure ne pouvait pas être considérée comme une diligence interruptive. Il a fait valoir que le délai de péremption avait couru à partir du 10 octobre 2016, devenant donc acquis le 10 octobre 2018.

Réponse de la Cour nationale

La Cour nationale a rappelé que, selon le code de procédure civile, l’instance est périmée si aucune diligence n’est accomplie pendant deux ans. Elle a précisé que les parties n’étaient pas tenues d’accomplir des diligences particulières pour interrompre la péremption, sauf si la juridiction l’exigeait.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a confirmé que les parties n’avaient pas d’obligation de solliciter la fixation de l’affaire à une audience pour éviter la péremption. Elle a jugé que la Cour nationale avait correctement rejeté l’exception de péremption, car aucune diligence particulière n’avait été imposée aux parties.

Conclusion sur le moyen soulevé

En conséquence, le moyen soulevé par l’assuré a été déclaré non fondé, la Cour nationale ayant agi conformément aux dispositions légales en vigueur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’exception de péremption d’instance selon l’article 386 du code de procédure civile ?

L’article 386 du code de procédure civile stipule que :

« L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans. »

Cette disposition établit un délai de péremption de deux ans, au terme duquel, si aucune des parties n’a effectué d’acte de procédure, l’instance est considérée comme éteinte.

Il est important de noter que la péremption d’instance est une mesure de protection des droits des parties, visant à éviter que des affaires ne restent indéfiniment en suspens.

Ainsi, pour qu’une instance ne soit pas déclarée périmée, il est nécessaire que des diligences soient effectuées par les parties dans ce délai de deux ans.

Ces diligences peuvent prendre la forme de mémoires, de demandes d’audience ou d’autres actes procéduraux qui manifestent la volonté des parties de faire avancer le litige.

Quelles sont les conditions pour qu’un acte soit considéré comme une diligence interruptive du délai de péremption ?

Pour qu’un acte soit considéré comme une diligence interruptive du délai de péremption, il doit manifester la volonté de son auteur de faire progresser le litige vers sa solution.

L’article 386 du code de procédure civile ne précise pas explicitement les types d’actes qui peuvent interrompre le délai, mais la jurisprudence a établi que des actes tels que la présentation de mémoires ou la demande d’audience peuvent être considérés comme tels.

En revanche, une simple demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure, comme celle mentionnée dans l’arrêt, ne constitue pas une diligence interruptive.

Cela a été souligné dans le jugement où il a été constaté qu’une partie avait interrogé le secrétariat de la cour sur l’état d’avancement de la procédure, ce qui n’a pas suffi à interrompre le délai de péremption.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle les dispositions relatives à la péremption d’instance ?

La jurisprudence, notamment à travers l’arrêt rendu le 10 octobre 2024, a précisé que les parties n’ont pas d’obligation d’accomplir des diligences particulières pour éviter la péremption, sauf si la juridiction leur impose une telle obligation.

Il est stipulé que :

« À moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. »

Cela signifie que les parties ne peuvent pas être pénalisées pour ne pas avoir sollicité la fixation de l’affaire à une audience simplement pour interrompre le cours de la péremption.

Ainsi, la péremption ne peut leur être opposée si aucune diligence particulière n’a été imposée par la juridiction.

Dans le cas présent, la Cour nationale a correctement rejeté l’exception de péremption, car aucune diligence particulière n’avait été requise des parties.

Quel est l’impact de la procédure orale sur la péremption d’instance ?

L’article R. 143-26 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à son abrogation, stipule que :

« La procédure devant la Cour nationale est orale. »

Cela signifie que les parties peuvent présenter leurs arguments oralement lors de l’audience, mais cela ne les dispense pas de l’obligation d’accomplir des diligences pour faire avancer le litige.

Cependant, la jurisprudence a clarifié que les parties ne sont pas tenues de solliciter la fixation de l’affaire à une audience pour éviter la péremption.

Ainsi, même dans le cadre d’une procédure orale, tant que les parties ont adressé des mémoires ou d’autres actes procéduraux, cela peut suffire à éviter la péremption.

Dans le cas examiné, les mémoires envoyés par les parties ont été jugés suffisants pour rejeter l’exception de péremption, confirmant que la nature orale de la procédure n’impacte pas négativement leur situation.

CIV. 2

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2025

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 35 F-D

Pourvoi n° N 22-11.139

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

M. [S] [V], domicilié [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° N 22-11.139 contre les arrêts rendus les 3 juin 2020 et 30 novembre 2021 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (B)), dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, 3 juin 2020 et 30 novembre 2021), par décision du 1er décembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain (la caisse) a retenu l’incapacité permanente partielle de M. [V] (l’assuré) au taux de 3 % à la suite d’un accident du travail.

2. Saisie d’un recours par l’assuré, une juridiction chargée du contentieux technique a fixé ce taux à 12 %, par un jugement dont la caisse a relevé appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L’assuré fait grief à l’arrêt du 3 juin 2020 de rejeter l’exception de péremption d’instance opposée à la caisse, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent rejeter une exception de péremption en se contentant d’énumérer les actes ou courriers prétendument interruptifs mais doivent expliquer en quoi ces actes ont manifesté la volonté de leur auteur de faire progresser le litige vers sa solution et sont intervenus à l’intérieur du délai biennal ; que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de péremption soulevée par l’exposant en énumérant divers actes et courriers, depuis un mémoire transmis le 29 août 2016 jusqu’à « d’autres diligences » effectuées avant l’ordonnance de clôture, pour ensuite affirmer qu’il « ne s'(était) donc pas écoulé de délai de plus de deux ans sans qu’aucune des parties n'(eût) accompli de diligences aux fins d’avancement de la procédure » ; que n’ayant aucunement explicité en quoi les divers actes ou courriers cités par elle auraient été de nature à faire progresser le litige vers sa solution, ne mettant pas ainsi le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur l’existence de diligences interruptives du délai de péremption, la Cour nationale a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 386 du code de procédure civile ;

2°/ que ne constitue pas une diligence interruptive du délai biennal une simple demande de renseignements sur l’état d’avancement de la procédure ; que l’arrêt attaqué a constaté que le mémoire transmis le 29 août 2016 par une partie et reçu par l’autre le 10 octobre suivant avait été suivi d’une télécopie du 21 mars 2018 par laquelle une partie avait interrogé le secrétariat de la cour sur l’état d’avancement de la procédure, et qu’ensuite l’exposant avait expédié un nouveau mémoire le 15 novembre 2019 ; que ces énonciations faisaient ressortir que le délai de péremption courait au plus tard à compter du 10 octobre 2016, de sorte qu’il était acquis le 10 octobre 2018 ; qu’en rejetant néanmoins l’exception de péremption au prétexte qu’une partie aurait adressé le 21 mars 2018, au secrétariat de la cour, une demande de renseignements sur l’avancement de la procédure, quand une telle missive ne constituait pas une diligence interruptive de péremption, la Cour nationale a violé l’article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l’article 386 du code de procédure civile, rendu applicable à la procédure devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (la Cour nationale) par l’article R. 143-20-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans.

5. Selon l’article R. 143-26 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, la procédure devant la Cour nationale est orale. Toutefois, les parties qui adressent à la Cour nationale un mémoire dans les conditions prévues par l’article R. 143-25 sont dispensées de se présenter à l’audience conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile.

6. Il résulte des articles R. 143-27 et R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par le décret précité, que lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le président de la section à laquelle elle a été confiée en assure l’instruction et que, dans ce cas, une ordonnance de clôture, mentionnant la date de l’audience, est notifiée à chacune des parties.

7. En l’absence d’instruction, les parties sont, en application de l’article R. 143-28-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par le décret précité, convoquées à l’audience par le secrétariat de la Cour nationale. La convocation les informe de la possibilité qu’elles ont d’y présenter des observations orales.

8. Par un arrêt rendu le 10 octobre 2024 (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvoi n° 22-12.882, publié), la Cour de cassation a jugé qu’il résulte des dispositions précitées, interprétées à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, pas de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le secrétariat de la Cour nationale.

9. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.

10. Ayant relevé que les parties avaient adressé leurs mémoires respectifs les 29 août 2016 et le 10 octobre suivant puis le 15 novembre 2019, c’est à bon droit que la Cour nationale a rejeté l’incident de péremption, aucune diligence particulière n’ayant été mise à la charge des parties par la juridiction.

11. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.


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