Interprétation des clauses contractuelles et exclusion de biens dans un bail commercial

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Interprétation des clauses contractuelles et exclusion de biens dans un bail commercial

L’Essentiel : M. [B] [E] et Mme [V] [T] ont signé un compromis le 25 octobre 2019 pour la cession d’un fonds artisanal de coutellerie à la SARL Ligne W. Après la cession, M. [E] a été nommé co-gérant, mais a démissionné en juin 2022. Les relations se sont détériorées, notamment concernant un droit d’usage sur le jardin de sa maison. En mars 2023, M. [E] a proposé un avenant au bail pour exclure cette parcelle, contesté par la SARL. Le tribunal a finalement jugé que le bail commercial n’inclut pas la parcelle ZE [Cadastre 1], condamnant la SARL aux dépens.

Contexte de l’Affaire

M. [B] [E] et son épouse Mme [V] [T] ont signé un compromis le 25 octobre 2019 avec la SARL Ligne W, représentant la SARL Château Laguiole, pour la cession d’un fonds artisanal de coutellerie. Un projet de bail commercial était annexé à cette promesse. Le 30 novembre 2019, M. [E] a cédé le fonds pour 120 000 euros, incluant les stocks, et a conclu un bail commercial de 9 ans.

Évolution des Relations

M. [E] a été nommé co-gérant de la SARL Château Laguiole, mais a démissionné le 30 juin 2022. Les relations entre M. [E] et la SARL se sont détériorées, notamment lorsque la société a affirmé avoir un droit d’usage sur le jardin de la parcelle ZE [Cadastre 1], où se trouve la maison de M. [E]. En mars 2023, M. [E] a proposé un avenant au bail pour exclure cette parcelle, ce qui a été contesté par la SARL.

Litige et Assignation

Le 17 avril 2023, la SARL a fait une offre d’achat pour un bâtiment industriel, qui a été refusée par M. [E]. Par la suite, M. [E] a mis en demeure la SARL de reconnaître que la maison d’habitation ne faisait pas partie du bail commercial. Le 8 août 2023, M. [E] a assigné la SARL devant le tribunal pour faire valoir que le bail exclut la parcelle ZE [Cadastre 1].

Arguments des Parties

M. [E] soutient que le bail commercial ne concerne que les locaux industriels et que la maison d’habitation n’a jamais été incluse. Il évoque une erreur matérielle dans le bail, tandis que la SARL Guy Vialis argue que le bail couvre le terrain attenant et que la maison n’est pas mentionnée comme louée. Les deux parties ont présenté leurs conclusions au tribunal.

Décision du Tribunal

Le tribunal a jugé que la désignation réelle du bail commercial exclut la parcelle ZE [Cadastre 1], où se trouve la maison de M. [E]. Il a également décidé que ce jugement vaut annexe interprétative du contrat de bail. La SARL Guy Vialis a été condamnée aux dépens et à verser 2 000 euros à M. [E] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L.145-1 du Code de commerce dans le cadre d’un bail commercial ?

L’article L.145-1 du Code de commerce stipule que le bail commercial est un contrat par lequel une personne, le bailleur, donne à une autre, le preneur, la jouissance d’un local à usage commercial ou artisanal pour une durée minimale de neuf ans.

Cet article vise à protéger le preneur en lui garantissant une certaine stabilité dans l’exploitation de son activité.

Il est important de noter que cet article ne traite pas directement des modalités de désignation des biens loués, mais il établit le cadre général des baux commerciaux.

Dans le cas présent, la question de la désignation des biens loués est déterminante, car elle détermine les droits et obligations des parties.

La désignation précise des locaux dans le bail est essentielle pour éviter toute ambiguïté, comme cela a été soulevé dans le litige entre M. [E] et la SARL Guy Vialis.

Comment l’article 1192 du Code civil s’applique-t-il à l’interprétation des clauses d’un contrat ?

L’article 1192 du Code civil dispose que « les conventions doivent être interprétées selon le sens commun de leurs termes ».

Cet article souligne l’importance de la clarté et de la précision dans la rédaction des contrats.

En cas de clauses claires et précises, il est interdit d’interpréter ces clauses sous peine de dénaturation de l’écrit.

Dans le litige en question, la SARL Guy Vialis soutient que la désignation des biens dans le bail commercial est claire et ne laisse pas place à l’ambiguïté.

Cependant, le tribunal a constaté que la désignation des biens était ambiguë, car elle incluait la parcelle ZE [Cadastre 1] sans mentionner explicitement la maison d’habitation des époux [E].

Cette ambiguïté a conduit le tribunal à rechercher la commune intention des parties, conformément à l’article 1188 du Code civil.

Quelles sont les implications de l’article 1188 du Code civil dans le cadre de ce litige ?

L’article 1188 du Code civil stipule que « lorsque les stipulations d’un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties ».

Cet article est fondamental dans les cas où les termes d’un contrat peuvent prêter à confusion.

Dans le cas présent, le tribunal a dû examiner les circonstances entourant la rédaction du bail commercial pour déterminer l’intention des parties.

Il a été établi que la maison d’habitation des époux [E] n’était pas mentionnée dans le bail, ce qui a conduit à la conclusion que la volonté des parties était d’exclure cette parcelle de l’assiette du bail.

Ainsi, l’article 1188 a permis au tribunal de trancher sur la question de l’ambiguïté et de clarifier les droits des parties.

Quelles sont les conséquences de l’absence de signature de l’avenant proposé par M. [E] ?

L’absence de signature de l’avenant proposé par M. [E] a des conséquences significatives sur la validité de la modification des termes du bail commercial.

En effet, pour qu’un avenant soit opposable aux parties, il doit être signé par toutes les parties concernées.

Dans ce cas, l’avenant proposé par M. [E] visant à exclure la parcelle ZE [Cadastre 1] n’a pas été signé par la SARL Guy Vialis, ce qui signifie qu’il n’a pas valeur juridique.

Cela renforce la position de la SARL Guy Vialis, qui peut arguer que les termes du bail initial demeurent en vigueur.

Le tribunal a donc dû se baser sur les termes originaux du bail pour trancher le litige, ce qui a conduit à la décision de juger que la désignation réelle du bail exclut la parcelle ZE [Cadastre 1].

Comment l’article 700 du Code de procédure civile s’applique-t-il dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Cet article permet ainsi de compenser les frais engagés par la partie qui a gagné le procès.

Dans le cas présent, le tribunal a condamné la SARL Guy Vialis à verser à M. [E] la somme de 2 000 euros en application de cet article.

Cette décision est fondée sur le principe de l’équité, permettant de couvrir les frais de justice de la partie qui a dû défendre ses droits.

L’application de l’article 700 souligne l’importance de la protection des droits des parties dans le cadre d’un litige commercial.

VTD/CT

Jugement N°
du 09 JANVIER 2025

AFFAIRE N° :
N° RG 23/02974 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-JE2N / Ch1c1
DU RÔLE GÉNÉRAL

[B] [E]

Contre :

GUY VIALIS

Grosse : le

Me François-Xavier DOS SANTOS
Me Justine GANDON

Copies électroniques :

Me François xavier DOS SANTOS
Me Justine GANDON

Copie dossier

Me François xavier DOS SANTOS
Me Justine GANDON

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

LE NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ,

dans le litige opposant :

Monsieur [B] [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 7]

Représenté par Me François-Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEMANDEUR

ET :

GUY VIALIS, anciennennement dénommée “CHATEAU LAGUIOLE”
[Adresse 4]
[Localité 7]

Représentée par Me Estelle Huguin, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Et par Me Justine GANDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat postulant

DEFENDERESSE

LE TRIBUNAL,
composé de :

Madame Virginie THEUIL-DIF, Vice-Présidente,

assistée lors de l’appel des causes et du délibéré de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier.

Après avoir entendu, en audience publique du 14 Novembre 2024 les avocats en leurs plaidoiries et les avoir avisés que le jugement sera rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :

EXPOSE DU LITIGE

Par un compromis en date du 25 octobre 2019, M. [B] [E], en présence de son épouse Mme [V] [T], a signé avec la SARL Ligne W représentée par M. [X] [Z], agissant pour le compte de la SARL Château Laguiole en cours de formation, une promesse synallagmatique de cession d’un fonds artisanal de coutellerie que M. [E] avait créé et développé. Un projet de bail commercial était annexé à la promesse de cession.

Puis, suivant acte sous seing privé du 30 novembre 2019, M. [B] [E] a cédé à la SARL Château Laguiole ledit fonds artisanal au prix de 120 000 euros, stocks inclus, et a conclu un bail commercial avec la SARL Château Laguiole pour une durée de 9 ans prenant effet le 1er décembre 2019.

M. [E] a été nommé co-gérant de la SARL Château Laguiole, sans être associé.

Il a donné sa démission le 30 juin 2022 actée par une délibération de la SARL Château Laguiole le 28 juillet 2022 publiée au RCS.

Les rapports entre les parties se sont progressivement dégradés.

En juillet 2022, la SARL Château Laguiole par l’intermédiaire de M. [Z] a fait valoir à M. [E] que les stipulations du bail établissaient un droit d’usage de la société sur le jardin de la parcelle ZE [Cadastre 1] sur laquelle est édifiée la maison d’habitation de M. [E].

Le 3 mars 2023, M. [E] s’est prévalu d’une erreur matérielle contenue dans le bail et a adressé à la SARL Château Laguiole un projet d’avenant excluant la parcelle ZE [Cadastre 1].

Le 17 mars 2023, la SARL Château Laguiole a manifesté son étonnement à la position de M. [E]. Le 17 avril 2023, elle a fait parvenir au notaire de M. [E] une offre d’achat du bâtiment industriel pour une somme de 30 000 euros qui a été refusée par l’intéressé.

Par lettre recommandée du 26 avril 2023, le conseil de M. [E] a repris les clauses contractuelles et a fait valoir que la maison d’habitation cadastrée section ZE [Cadastre 1] ne faisait pas partie de l’assiette du bail commercial. Il a mise en demeure la SARL Château Laguiole de “confirmer que les explications qui précèdent emportent votre adhésion, à savoir qu’indépendamment des références cadastrales portées sur l’acte, le bail commercial ne concerne que les locaux industriels atelier, et bureau attenant de la parcelle ZE n°[Cadastre 2] ».

Par acte du 8 août 2023, M. [B] [E] a fait assigner la SARL Château Laguiole devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins notamment, de voir juger que la désignation réelle du bail commercial exclut la parcelle cadastrée ZE [Cadastre 1].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2024.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 avril 2024, M. [B] [E] demande au tribunal, au visa des articles L.145-1 du code de commerce, R.211-4 du code de l’organisation judiciaire, 1103, 1104, 1188 et suivants du code civil, de :
– juger que la désignation réelle du bail commercial exclut la parcelle cadastrée ZE [Cadastre 1] qui supporte le domicile conjugal des époux [E] ;

– condamner la SARL Château Laguiole devenue Guy Vialis par nouvelle dénomination, à respecter l’intégrité de cette propriété, notamment en n’y pénétrant pas et en n’en gênant pas les accès sous peine d’astreinte de 500 euros par infraction constatée à dire d’huissier de justice, les frais de constat étant à la charge de la SARL Guy Vialis ;
– juger que le jugement à intervenir vaudra annexe interprétative du contrat de bail commercial et lui sera annexé ;
– condamner la SARL Guy Vialis à lui payer et porter une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la SARL Guy Vialis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions présentées à titre de défense au fond et de demandes reconventionnelles ;
– la condamner aux dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 juin 2024, la SARL Guy Vialis anciennement dénommée Château Laguiole demande au tribunal de :
– rejeter les demandes, fins et conclusions présentées par M. [E] ;
– condamner M. [E] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [E] aux entiers dépens.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Le bail commercial, tout comme le projet de bail commercial annexé à la promesse de vente du fonds artisanal et de commerce, désignent l’objet du bail en ces termes : article 1 – Désignation:

“Un ensemble immobilier industriel sis [Localité 7] (Puy de Dôme), avec un terrain attenant.
Cet ensemble immobilier figure au cadastre comme suit :
Section

Lieudit
Surface
ZE
19
[Localité 5]
27a 60ca
ZE
[Cadastre 2]
[Localité 5]
23a 20ca
TOTAL

50a 80ca

Composés comme suit :
60 m2 de bureau, sanitaires, cuisine, halle d’entrée
107 m2 atelier, 21 m2 atelier gravures, 12 m2 garage”.

Le 3 mars 2023, M. [E] a fait parvenir à la SARL Château Laguiole devenue la SARL Guy Vialis, un avenant afin de corriger, selon lui, une erreur matérielle, figurant dans la désignation des biens objet du bail commercial afin d’en exclure la maison d’habitation du bailleur cadastrée section ZE n°[Cadastre 1], avenant stipulant :

“Modification de la désignation :

Un ensemble immobilier industriel avec terrain attenant, sis à [Localité 7], lieudit [Localité 5], figurant au cadastre comme suit :

Section

Lieudit ou voie
Nature
Contenance
ha a ca
ZE
[Cadastre 2]
[Localité 5]
Jardin Sol
0 23 20

Cet ensemble immobilier industriel loué se compose de :
60 m² de bureau, sanitaires, cuisine, halle d’entrée,
107 m² atelier, 21 m² atelier gravure, 12 m² garage.

Il est ici précisé que l’accès à la maison d’habitation édifiée sur la parcelle contigüe cadastrée section ZE numéro [Cadastre 1] appartenant également au Bailleur sus nommé se fait par la parcelle ZE [Cadastre 2] ci-dessus cadastrée au moyen d’un chemin existant et tel qu’il est matérialisé sur la photo annexée aux présentes (Annexe 1).
Le présent bail ne remet pas en question cet accès qui demeure inchangé au bénéfice de la parcelle ZE [Cadastre 1] tel que l’accepte le Preneur qui déclare en avoir parfaite connaissance.
En conséquence, l’assiette foncière dudit chemin est purement et simplement exclue du présent bail de sorte que, en cas de vente de la propriété cadastrée section ZE [Cadastre 1] il puisse être procédé soit à la création d’une servitude officialisant cet accès soit à la division cadastrale de la parcelle ZE [Cadastre 2] louée pour le surplus afin d’en extraire cette dite assiette foncière et ce selon la solution la meilleure à adopter au choix du Bailleur le moment venu. Aucune intervention du Preneur ni aucune autorisation de ce dernier ne seront nécessaires à cet effet, l’assiette foncière
du chemin étant exclue du présent sans recours contre quiconque.”

Ce projet d’avenant n’a pas été signé par la SARL Guy Vialis.

M. [E] soutient que l’intervention d’un avocat pour la rédaction du bail commercial n’exclut pas l’erreur de plume, l’avocat en question ayant reconnu cette erreur matérielle en invitant le notaire à la rectifier. Il se réfère à l’acte de cession de fonds artisanal et de commerce qui a pour annexe la liste du matériel et des installations cédés qui ne mentionne rien du contenu de la parcelle ZE n° [Cadastre 1] ; les annexes 5 sur le diagnostic immobilier, 8 et 9 rapports Socotec ne concernent que la parcelle ZE n°[Cadastre 2] où se trouve l’usine. Il en conclut que les renseignements obligatoires et annexés au bail commercial montrent que la commune intention des parties n’était pas d’inclure la maison des époux [E] dans son assiette, ce qui est confirmé par l’état des immobilisations au bilan de l’entreprise individuelle [B] [E] ; le compte 28111″terrains” ne concerne que la parcelle où se trouve l’usine, lieudit [Localité 5] pour 23 ares et 20 centiares.

Il ajoute qu’il s’agit d’un bail commercial et non d’un bail mixte et, il observe que la maison d’habitation n’est pas visée par le bail. Il estime qu’au niveau du droit des biens, soutenir que la société aurait le droit d’occuper le terrain mais pas la maison d’habitation est dénué de sens car la maison fait partie intégrante de la parcelle ZE [Cadastre 1]. Il rappelle que les deux parcelles sont bien distinctes, et que la clôture et le portail existant entre les deux parcelles existent depuis 2013 ; que le montant du loyer de 400 euros reflète en outre l’intention commune des parties. Il précise que depuis le 1er décembre 2019, date d’entrée en vigueur du bail commercial, la société Château Laguiole n’a jamais occupé la parcelle ZE n°[Cadastre 1], elle n’a réglé que la taxe foncière correspondant à la parcelle ZE [Cadastre 2].

La SARL Guy Vialis estime de son côté que :
– en application de l’article 1192 du code civil, personne ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation de l’écrit ;
– elle a exclusivement indiqué que son droit au bail porte sur le terrain attenant aux locaux industriels cadastré ZE [Cadastre 1] et ZE [Cadastre 2], dont la superficie totale est de plus de 50a, ce qui est conforme aux termes du bail signé par les parties ;
– aucune clause du bail ne lui alloue la jouissance de la maison d’habitation des époux [E] : il n’existe donc aucune incohérence entre la clause relative à la désignation des locaux loués et
les autres stipulations du bail ;
– le bail ne portant pas sur la maison d’habitation des époux [E] mais sur le terrain qui l’entoure, l’application stricte des termes clairs et précis du bail ne pose aucune difficulté sous l’angle du statut des baux commerciaux ; la description de la maison et de ce qui s’y trouve ainsi que le diagnostic énergétique de la maison n’avaient pas à être mentionnés dans le bail signé par les parties, ni dans l’acte de cession de fonds de commerce et artisanal ;
– M. [Z] a rappelé qu’il a toujours été dans l’intention commune des parties de permettre à la société Guy Vialis d’être en mesure de s’agrandir pour les besoins de son activité, raison pour
laquelle les parties avaient, dans le bail commercial qu’elles ont signé, visé le terrain de la parcelle ZE [Cadastre 1] et celui de la parcelle ZE [Cadastre 2];
– il ne s’agit pas d’une erreur matérielle qu’il convient de rectifier mais le résultat de négociations conclues au moment de la cession du fonds artisanal.

Sur ce,

Selon l’article 1192 du code civil, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Par ailleurs, il résulte de l’article 1188 du code civil que lorsque les stipulations d’un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties.

Dans le cadre de la cession du fonds artisanal et de commerce, il a été précisé à l’acte que le cédant, également propriétaire des locaux dans lesquels était exploité le fonds cédé et l’acquéreur avaient conclu concomitamment un bail commercial portant sur les locaux situés à [Adresse 6] composés comme suit “60m² de bureau, sanitaires, cuisine, hall d’entrée, 107 m² atelier, 21m² atelier gravures, 12m² garage, surface totale : 200 m²”.

La désignation des biens loués dans le bail commercial a été rappelée ci-dessus, à savoir :“un ensemble immobilier industriel sis [Localité 7] (Puy de Dôme), avec un terrain attenant. Cet ensemble immobilier figure au cadastre comme suit :
Section

Lieudit
Surface
ZE
[Cadastre 1]
[Localité 5]
27a 60ca
ZE
[Cadastre 2]
[Localité 5]
23a 20ca
TOTAL

50a 80ca

Composés comme suit :
60 m2 de bureau, sanitaires, cuisine, halle d’entrée
107 m2 atelier, 21 m2 atelier gravures, 12 m2 garage”.

Cette stipulation est ambiguë dans la mesure où figure sur la parcelle ZE [Cadastre 1] la maison d’habitation des époux [E] qui n’est pas mentionnée comme étant louée au titre des biens décrits, alors même que la surface reprise dans le bail commercial au titre de la parcelle ZE [Cadastre 1], inclut celle de la maison d’habitation.

Dans ces conditions, au vu de cette ambiguïté, il convient de rechercher la commune intention des parties.

Il convient dans un premier temps de tenir compte de la configuration des lieux : l’ensemble immobilier industriel de 200 m² est construit sur la parcelle ZE [Cadastre 2] qui est elle-même d’une surface de 2 320 m². Il s’agit donc bien d’un ensemble immobilier avec un terrain attenant.

La maison d’habitation des époux [E] est édifiée sur la parcelle ZE [Cadastre 1]. Il existe une clôture séparative entre les deux parcelles ZE [Cadastre 1] et ZE [Cadastre 2], et un portail permettant l’accès à la parcelle ZE [Cadastre 1].
Or, il n’est produit aucune pièce de la part de la SARL Guy Vialis établissant qu’elle aurait occupé depuis le début du bail la parcelle ZE [Cadastre 1] séparée de la parcelle ZE [Cadastre 2] par une clôture, ou qu’elle en aurait fait une demande auprès de M. [E] en ce sens avant l’existence du litige opposant les parties, car matériellement la société ne peut pas jouir de la parcelle ZE [Cadastre 1] sans y avoir accès.

Il sera en outre relevé que la SARL Guy Vialis ne règle la taxe foncière que de la parcelle ZE [Cadastre 2], et non celle de la parcelle ZE [Cadastre 1] depuis le début du bail.

Par ailleurs, ainsi que le fait valoir M. [E], l’acte de cession du fonds artisanal et de commerce du même jour que le bail commercial, a pour annexe la liste du matériel et des installations cédées qui ne mentionne rien du contenu de la parcelle ZE [Cadastre 1], les annexes 5 sur le diagnostic immobilier, 8 et 9 rapports Socotec ne concernent que la parcelle ZE [Cadastre 2] ; l’état des immobilisations au bilan de l’entreprise individuelle de M. [E] sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, notamment le compte 28111 “terrains” ne concerne que la parcelle où se situe l’usine, lieudit [Localité 5] pour 23 a 20 ca.
L’ensemble de ces éléments confirme la volonté des parties de n’inclure au titre des biens loués que la parcelle ZE [Cadastre 2].

Il s’agit donc d’une erreur de plume, ce qu’a d’ailleurs reconnu l’avocat de M. [E] (“erreur matérielle”) rédacteur du bail commercial dans un courriel du 29 novembre 2022.

Dans ces conditions, il sera jugé que la désignation réelle du bail commercial exclut la parcelle cadastrée ZE n°[Cadastre 1] qui supporte le domicile de M. et Mme [E].

Il n’apparaît toutefois pas justifié de faire droit à la seconde demande visant à “condamner sous astreinte la SARL Guy Vialis à respecter l’intégrité de cette propriété, en n’y pénétrant pas et en n’en gênant pas les accès sous peine d’astreinte de 500 euros par infraction constatée à dire d’huissier de justice, les frais de constat étant à la charge de la SARL Guy Vialis”, dans la mesure où le litige reste en l’état de nature intellectuelle et ne se manifeste pas, en tout cas la preuve n’en est pas rapportée, par des intrusions intempestives de la part de ladite société sur la parcelle ZE [Cadastre 1] équipée d’un portail et par une gêne au quotidien pour y accéder.

Succombant à l’instance, la SARL Guy Vialis supportera les dépens, et sera condamnée à verser à M. [E] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Juge que la désignation réelle du bail commercial conclu entre M. [B] [E] et la SARL Château Laguiole devenue Guy Vialis le 30 novembre 2019, exclut la parcelle cadastrée ZE n°[Cadastre 1] qui supporte le domicile de M. [B] [E] et de son épouse ;

Dit que le présent jugement vaut annexe interprétative du contrat de bail commercial et lui sera annexé ;

Déboute M. [B] [E] du surplus de ses demandes ;

Condamne la SARL Guy Vialis aux dépens ;

Condamne la SARL Guy Vialis à payer à M. [B] [E] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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