Inopposabilité de la reconnaissance de maladie professionnelle en raison du non-respect du contradictoire.

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Inopposabilité de la reconnaissance de maladie professionnelle en raison du non-respect du contradictoire.

L’Essentiel : Le 4 septembre 2020, M. [B], maintenancier process, a déclaré une surdité de l’oreille droite comme maladie professionnelle, mais sa demande a été refusée le 22 février 2021. Le 19 novembre 2021, il a soumis une nouvelle déclaration pour une surdité bilatérale, acceptée le 21 mars 2022 par la caisse. Cependant, la société employeur a contesté cette décision, entraînant une procédure judiciaire. Le 7 novembre 2023, le tribunal a jugé la décision de prise en charge inopposable, car la caisse n’avait pas respecté le contradictoire. En appel, la caisse a demandé l’infirmation de ce jugement, tandis que la société a soutenu sa position.

Contexte de la maladie professionnelle

Le 4 septembre 2020, M. [N] [B], maintenancier process spécialiste électrique, a déclaré une maladie professionnelle liée à une surdité de l’oreille droite à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle. Cette déclaration a été refusée le 22 février 2021, la caisse estimant que les éléments fournis ne permettaient pas de reconnaître le caractère professionnel de la maladie.

Nouvelle déclaration et prise en charge

Le 19 novembre 2021, M. [B] a soumis une nouvelle déclaration pour une surdité bilatérale, accompagnée d’un certificat médical daté du 28 octobre 2021. Après enquête, la caisse a accepté de prendre en charge cette maladie le 21 mars 2022, en se basant sur le tableau n° 42 des maladies professionnelles, relatif à l’hypoacousie de perception.

Contestation de la décision de prise en charge

La société employeur a contesté la décision de prise en charge, la déclarant inopposable à son égard. Elle a saisi la commission de recours amiable de la caisse, puis le tribunal judiciaire de Versailles. Le 7 novembre 2023, le tribunal a jugé que la caisse n’avait pas respecté le contradictoire en ne communiquant pas l’audiogramme à la société, rendant ainsi la décision de prise en charge inopposable.

Appel de la caisse

Le 21 décembre 2023, la caisse a interjeté appel de la décision du tribunal. Les parties ont été convoquées à une audience prévue pour le 5 novembre 2024. La caisse a demandé à la Cour de déclarer son appel recevable et fondé, d’infirmer le jugement du tribunal et de rendre la décision de prise en charge opposable à la société.

Arguments de la société

La société a également présenté ses conclusions, demandant la confirmation du jugement du 7 novembre 2023, en arguant que la décision de refus de prise en charge initiale était définitive et rendait irrecevable toute nouvelle demande concernant la même pathologie. Elle a souligné l’absence de mise à disposition d’un dossier complet et le non-respect des conditions du tableau n° 42 du code de la sécurité sociale.

Motifs de la décision de la Cour

La Cour a confirmé que la décision de refus de prise en charge était devenue définitive à l’égard de la société, car elle avait été notifiée à l’employeur. Ainsi, le tribunal avait correctement déclaré la décision de prise en charge inopposable à la société. La Cour a également condamné la caisse aux dépens d’appel, en raison de sa défaite dans l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le caractère définitif de la décision de refus de prise en charge de la maladie professionnelle ?

La décision de refus de prise en charge d’une maladie professionnelle est régie par l’article R. 441-18 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« La décision de la caisse mentionnée aux articles R. 441-7, R. 441-8, R. 441-16, R. 461-9 et R. 461-10 est motivée. Lorsque le caractère professionnel de l’accident, de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion n’est pas reconnu, la notification de cette décision, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à la victime ou ses représentants par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans le cas contraire, la notification, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à l’employeur par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans l’un comme l’autre cas, la décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. »

Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard.

Dans le cas présent, la caisse a notifié à l’employeur la décision de refus de prise en charge, ce qui a rendu cette décision définitive à son égard.

Ainsi, le tribunal a correctement jugé que la décision de prise en charge de la maladie de la victime était inopposable à la société, confirmant le jugement en toutes ses dispositions.

Quelles sont les conséquences de l’absence de communication de l’audiogramme à la société ?

La question de la communication de l’audiogramme à la société est essentielle dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle. Le respect du contradictoire est un principe fondamental du droit, qui est également ancré dans le code de procédure civile.

L’article 16 du code de procédure civile dispose que :

« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. »

Dans cette affaire, le tribunal a relevé que la caisse n’avait pas respecté ce principe en ne communiquant pas l’audiogramme à la société.

Cette omission a eu pour effet de priver la société de la possibilité de contester la décision de prise en charge, ce qui a conduit le tribunal à déclarer cette décision inopposable à la société.

En conséquence, le non-respect du contradictoire a eu un impact direct sur la validité de la décision de la caisse, justifiant ainsi la confirmation du jugement par la Cour.

Quels sont les effets de la décision de la commission de recours amiable sur la prise en charge de la maladie ?

La commission de recours amiable joue un rôle déterminant dans le cadre des décisions de prise en charge des maladies professionnelles. Selon l’article R. 441-19 du code de la sécurité sociale :

« La commission de recours amiable est saisie par la victime ou ses ayants droit, ou par l’employeur, d’une contestation relative à une décision de la caisse. »

Dans le cas présent, la caisse a soutenu que la société n’avait pas saisi la commission de recours amiable concernant les conditions médicales réglementaires non remplies.

Cela signifie que la société n’a pas exercé son droit de contestation, ce qui pourrait avoir des conséquences sur sa capacité à contester la décision de prise en charge.

Cependant, le tribunal a jugé que la décision de prise en charge était inopposable à la société, indépendamment de cette omission, en raison du non-respect du contradictoire par la caisse.

Ainsi, même si la commission de recours amiable avait confirmé la décision de la caisse, cela n’aurait pas pu pallier le vice de procédure constaté par le tribunal.

Comment la société peut-elle contester la décision de prise en charge de la caisse ?

La société a plusieurs voies de contestation à sa disposition pour s’opposer à la décision de prise en charge de la caisse. Selon l’article R. 441-19 du code de la sécurité sociale, la société peut saisir la commission de recours amiable.

Cette commission est chargée d’examiner les contestations relatives aux décisions de la caisse.

En outre, la société peut également introduire un recours devant le tribunal judiciaire, comme cela a été fait dans cette affaire.

Il est important de noter que, pour que la contestation soit recevable, la société doit respecter les délais de recours prévus par la loi, qui sont généralement de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.

Dans le cas présent, la société a contesté la décision de prise en charge en arguant du non-respect du contradictoire et de l’absence de communication de l’audiogramme.

Le tribunal a jugé en faveur de la société, confirmant que la décision de la caisse était inopposable en raison de ces manquements procéduraux.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

Ch.protection sociale 4-7

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JANVIER 2025

N° RG 24/00240 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WJUJ

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

C/

S.A.S. [6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Novembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° RG : 22/01038

Copies exécutoires délivrées à :

Me Mylène BARRERE

Me Guillaume BREDON

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

S.A.S. [6]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : D2104

APPELANTE

****************

S.A.S. [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume BREDON de la SAS BREDON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1532, substituée par Me Clara CIUBA, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0503

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,

Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre,

Madame Charlotte MASQUART, conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 septembre 2020, M. [N] [B] (la victime), exerçant en qualité de maintenancier process spécialiste électrique au sein de la société [5], devenue [6] (la société), a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (la caisse) une maladie professionnelle au titre d’une ‘surdité oreille droite’ que la caisse a refusé de prendre en charge, par décision du 22 février 2021, au motif que les éléments en sa possession ne lui permettait pas de reconnaître le caractère professionnel de la maladie.

Le 19 novembre 2021, la victime a déclaré à la caisse une maladie professionnelle au titre d’une ‘surdité oreille gauche et droite’ sur la base d’un certificat médical initial établi le 28 octobre 2021.

Le 21 mars 2022, la caisse, après enquête, a pris en charge la maladie déclarée par la victime sur le fondement du tableau n° 42 des maladies professionnelles, hypoacousie de perception.

Sollicitant l’inopposabilité de la décision de prise en charge à son égard, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse puis le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.

Par jugement contradictoire en date du 7 novembre 2023, le tribunal, relevant que la caisse avait manqué au respect du contradictoire en ne communiquant pas l’audiogramme à la société, a :

– déclaré inopposable à la société la décision de la caisse du 21 mars 2022 de prise en charge de la pathologie de la victime au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné la caisse aux dépens.

Par déclaration du 21 décembre 2023, la caisse a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l’audience du 5 novembre 2024.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la Cour :

– de déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par elle ;

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– de dire et juger que la décision de la caisse du 21 mars 2022 portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de la victime est opposable à la société ;

– de constater que la société n’a pas saisi la commission médicale de recours amiable concernant les conditions médicales réglementaires non remplies ;

– de confirmer la décision implicite de la commission de recours amiable ;

– de condamner la société aux frais et dépens.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la Cour :

à titre principal,

– de confirmer le jugement rendu le 7 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a déclaré inopposable à son endroit la décision de prise en charge litigieuse ;

à titre subsidiaire, sur l’absence de mise à disposition effective d’un dossier complet,

– de confirmer le jugement rendu le 7 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a déclaré inopposable à son endroit la décision de prise en charge litigieuse ;

à titre très subsidiaire, sur le non-respect des conditions du tableau n° 42 du code de la sécurité sociale,

– de confirmer le jugement rendu le 7 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a déclaré inopposable à son endroit la décision de prise en charge litigieuse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère définitif du refus de prise en charge

La caisse expose qu’elle a reçu une première déclaration de maladie professionnelle le 26 octobre 2020 qu’elle a refusé de prendre en charge pour un motif d’ordre administratif, en l’absence de cessation d’exposition au bruit lésionnel d’au moins trois jours lors de l’examen audiométrique ; que par la suite, la victime a adressé une nouvelle déclaration, selon certificat médical initial du 28 octobre 2021 ; que si les deux maladies sont identiques, l’audiogramme n’était pas recevable et la caractérisation de la maladie était impossible, mais que la victime peut apporter d’autres éléments.

A l’audience, elle ajoute que l’audiogramme présenté n’était pas le même.

La société affirme que les décisions prises par les organismes sociaux sont soumises au principe de l’autorité de la chose décidée et au principe de non rétroactivité qui en découle ; que le caractère définitif qui s’attache alors à la décision de refus rend irrecevable toute demande ultérieure concernant la même pathologie ; que la date de première constatation de la maladie est identique, et correspond à celle du premier audiogramme.

Sur ce,

Selon l’article R. 441-18 du code de la sécurité sociale, la décision de la caisse mentionnée aux articles R. 441-7, R. 441-8, R. 441-16, R. 461-9 et R. 461-10 est motivée. Lorsque le caractère professionnel de l’accident, de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion n’est pas reconnu, la notification de cette décision, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à la victime ou ses représentants par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans le cas contraire, la notification, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à l’employeur par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans l’un comme l’autre cas, la décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard (2e Civ., 28 novembre 2019, n° 18-22.395, F-D).

La caisse a reconnu que les deux déclarations de maladies professionnelles successives concernaient la même pathologie, une surdité bilatérale.

Or la décision initiale de refus de prise en charge de la pathologie a été notifiée à l’employeur, de sorte qu’elle est devenue définitive à son égard.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a déclaré la décision de prise en charge de la caisse inopposable à la société. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, par substitution de motifs.

Sur les dépens

La caisse, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société [6] aux dépens d’appel ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La greffière La conseillère


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