Inopposabilité de la reconnaissance d’une maladie professionnelle à l’employeur

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Inopposabilité de la reconnaissance d’une maladie professionnelle à l’employeur

L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie de la Manche a reconnu l’affection du coude droit d’un salarié au titre des maladies professionnelles. L’employeur a contesté cette décision, arguant qu’elle n’était pas opposable. La caisse a défendu que la première constatation médicale pouvait être déduite d’un avis favorable du médecin conseil. La cour d’appel a jugé que la décision de la caisse n’était pas opposable, car la date de première constatation n’était pas établie de manière certaine. Cependant, la Cour de cassation a infirmé ce jugement, soulignant que la première constatation doit se fonder sur toute manifestation révélatrice de la maladie.

Prise en charge de l’affection professionnelle

La caisse primaire d’assurance maladie de la Manche a décidé, le 21 décembre 2017, de prendre en charge l’affection du coude droit d’un salarié, reconnue au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Contestation de l’employeur

L’employeur a contesté cette décision devant une juridiction spécialisée en contentieux de la sécurité sociale, arguant que la décision de la caisse n’était pas opposable.

Arguments de la caisse

La caisse a soutenu que la première constatation médicale de la maladie pouvait être déduite de toute manifestation révélant son existence, notamment d’un avis favorable du médecin conseil, sans nécessiter de corroboration supplémentaire.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a jugé que la décision de la caisse n’était pas opposable à l’employeur, en considérant que la cause de l’arrêt de travail, qui fixait la date de première constatation au 15 mai 2017, n’était pas établie de manière certaine.

Analyse de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rappelé que la première constatation médicale doit être fondée sur toute manifestation révélatrice de la maladie, et que la date fixée par le médecin conseil doit être prise en compte, même en l’absence de diagnostic établi.

Conclusion de la cassation

La Cour a décidé d’infirmer le jugement de la cour d’appel, rejetant la demande de l’employeur concernant l’inopposabilité de la décision de la caisse, affirmant que le délai de prise en charge n’était pas dépassé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la définition de la première constatation médicale d’une maladie professionnelle selon le code de la sécurité sociale ?

La première constatation médicale d’une maladie professionnelle est définie par les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale.

Selon l’article L. 461-1 :

« La reconnaissance d’une maladie professionnelle est subordonnée à la constatation médicale de l’affection au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l’exposition au risque. »

Cet article précise que la première constatation médicale concerne toute manifestation de nature à révéler l’existence de la maladie,

et que la date de cette constatation est celle à laquelle les premières manifestations ont été observées par un médecin, même avant l’établissement d’un diagnostic.

L’article L. 461-2 complète cette définition en indiquant que :

« La date de la première constatation médicale est fixée par le médecin conseil. »

Ainsi, la première constatation médicale est essentielle pour établir le lien entre l’affection et l’exposition au risque,

et elle doit être clairement documentée par un professionnel de santé.

Quelles sont les conséquences de l’absence de preuve de la première constatation médicale dans le cadre d’une contestation d’une décision de prise en charge ?

L’absence de preuve de la première constatation médicale peut avoir des conséquences significatives sur la contestation d’une décision de prise en charge.

En effet, selon l’article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale,

« La prise en charge des maladies professionnelles est subordonnée à la constatation médicale de l’affection dans les délais prévus. »

Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que la caisse n’apportait pas la preuve que la condition relative au délai de prise en charge était remplie.

Cela a conduit à une décision d’inopposabilité de la décision de la caisse à l’employeur.

Cependant, la Cour de cassation a rappelé que la date de première constatation médicale, fixée par le médecin conseil,

doit être prise en compte, même si d’autres éléments médicaux ne corroborent pas cette date.

Ainsi, si la première constatation médicale est établie par un médecin, cela peut suffire à justifier la prise en charge,

et l’absence d’autres preuves ne peut pas nécessairement conduire à une inopposabilité de la décision.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle le rôle du médecin conseil dans la détermination de la date de première constatation médicale ?

La jurisprudence souligne l’importance du rôle du médecin conseil dans la détermination de la date de première constatation médicale.

Comme mentionné précédemment, l’article L. 461-2 stipule que :

« La date de la première constatation médicale est fixée par le médecin conseil. »

Dans l’affaire examinée, le médecin conseil a fixé cette date au 15 mai 2017,

en se basant sur un arrêt de travail. La cour d’appel a cependant contesté cette date,

en arguant que la cause de l’arrêt de travail n’était pas établie.

La Cour de cassation a cependant rappelé que l’avis du médecin conseil doit être pris en considération,

et que la première constatation médicale peut être fondée sur des éléments extrinsèques, tels qu’un arrêt de travail,

sans nécessiter d’autres corroborations médicales.

Cela signifie que le médecin conseil a un rôle prépondérant dans l’évaluation des dates de constatation,

et que son avis peut suffire à établir la légitimité de la prise en charge, même en l’absence d’autres preuves.

Ainsi, la jurisprudence renforce l’autorité du médecin conseil dans le processus de reconnaissance des maladies professionnelles.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 janvier 2025

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° Z 23-16.651

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

La caisse primaire d’assurance maladie de la Manche, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-16.651 contre l’arrêt n° RG : 21/00587 rendu le 6 avril 2023 par la cour d’appel de Caen (2e chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], ayant un établissement [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de la Manche, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 6 avril 2023), la caisse primaire d’assurance maladie de la Manche (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, par décision du 21 décembre 2017, l’affection du coude droit déclarée par l’un des salariés (la victime) de la société [3] (l’employeur).

2. L’employeur a contesté l’opposabilité de cette décision devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l’arrêt de déclarer inopposable à l’employeur la décision litigieuse, alors « que la première constatation médicale de la maladie professionnelle peut se déduire de toute manifestation de nature à révéler l’existence de cette maladie ; qu’elle se déduit en particulier de l’avis favorable du médecin conseil contenu dans le colloque médico-administratif fondé sur un élément médical extrinsèque, sans qu’il ait besoin d’être corroboré ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que dans le colloque médico-administratif, le médecin conseil de la caisse avait fixé la date de première constatation de la maladie au 15 mai 2017 sur la base d’un arrêt de travail établi à cette date ; qu’en jugeant, pour déclarer inopposable à l’employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie déclarée le 2 octobre 2017, que la cause de cet arrêt de travail n’était ni établie ni certaine, qu’aucun élément de nature médicale ne permettait de déterminer au titre de quelle pathologie cet arrêt avait été prescrit ni de retenir la date du 15 mai 2017 comme constituant la date de première constatation médicale, et enfin que la caisse n’apportait aucun autre élément que la fiche de colloque médico-administratif, sans prendre en considération l’avis favorable du médecin conseil, qui était suffisant, ayant estimé que la première constatation de la maladie du salarié pouvait être fixée à cette date en se fondant sur l’arrêt de travail litigieux, la cour d’appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 des maladies professionnelles :

4. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l’exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l’existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu’elle est fixée par le médecin conseil.

5. Pour dire que la caisse n’apporte pas la preuve que la condition du tableau n° 57 relative au délai de prise en charge est remplie, l’arrêt retient que le médecin conseil de la caisse a fixé la date de première constatation médicale au 15 mai 2017, sur la base d’un arrêt de travail qui n’est pas produit, alors que le certificat médical initial mentionnait une date de première constatation au 26 septembre 2017 et que la victime était affectée de deux pathologies (épicondylite droite et épicondylite gauche), rendant la cause de l’arrêt de travail incertaine.

6. En statuant ainsi, sans prendre en considération l’avis du médecin conseil qui fixait au 15 mai 2017 la date de la première constatation médicale de l’affection déclarée du coude droit au vu de l’arrêt de travail prescrit à cette date, de sorte que le délai de prise en charge de la pathologie déclarée n’était pas dépassé, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il ressort de ce qui est dit aux paragraphes 4 et 6 qu’il y a lieu d’infirmer le jugement et de rejeter la demande de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision litigieuse.


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