L’Essentiel : Selon l’arrêt attaqué du 5 juillet 2022, une salariée de la société ZF Boutheon a déclaré une maladie professionnelle, prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire. La caisse a formé appel d’un jugement d’un tribunal judiciaire qui avait déclaré inopposable à l’employeur la maladie de la salariée. Contestant la décision de la cour d’appel, la caisse a argué que l’exécution d’un jugement non exécutoire ne peut être considérée comme un acquiescement que si la partie concernée en est à l’origine. La cour a finalement conclu que la notification des nouveaux taux de cotisations indiquait l’acceptation par la caisse du caractère inopposable du sinistre.
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Contexte de l’affaireSelon l’arrêt attaqué du 5 juillet 2022, Mme [X], salariée de la société ZF Boutheon, a déclaré une maladie professionnelle qui a été prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire. Appel de la caisseLa caisse a formé appel d’un jugement d’un tribunal judiciaire qui avait déclaré inopposable à l’employeur la maladie de la salariée, prise en charge au titre de la législation professionnelle. Argument de la caisseLa caisse conteste la décision de la cour d’appel qui a déclaré son appel irrecevable, arguant que l’exécution d’un jugement non exécutoire ne peut être considérée comme un acquiescement que si la partie concernée en est à l’origine. Réponse de la CourLa cour se réfère à l’article 410, alinéa 2, du code de procédure civile, stipulant que l’acquiescement peut être exprès ou implicite, et que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, sauf exceptions. Motifs de la décisionPour déclarer l’appel irrecevable, la cour a d’abord noté que le jugement n’était pas assorti d’exécution provisoire. Elle a ensuite mentionné une notification de la CARSAT Rhône-Alpes, qui a informé l’employeur du retrait du sinistre de son compte et des nouveaux taux de cotisations recalculés. Conclusion de la cour d’appelLa cour a conclu que la notification des nouveaux taux de cotisations par la CARSAT, suite au jugement, indiquait l’acceptation par la caisse du caractère inopposable du sinistre, ce qui démontrait une exécution sans réserve et un acquiescement au jugement. Critique de la décisionLa cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir établi que la caisse était à l’origine de l’exécution du jugement, ce qui a conduit à une décision dépourvue de base légale. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’acquiescement à un jugement non exécutoire selon le code de procédure civile ?L’article 410, alinéa 2, du code de procédure civile stipule que : « L’acquiescement peut être exprès ou implicite. L’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis. » Ainsi, pour qu’un acquiescement soit reconnu, il doit être établi que la partie concernée a effectivement exécuté le jugement sans réserve. Dans le cas présent, la cour d’appel a considéré que la notification des nouveaux taux de cotisations par la CARSAT à l’employeur constituait une exécution sans réserve du jugement. Cependant, il est essentiel de démontrer que la caisse était à l’origine de cette exécution pour que l’acquiescement soit valide. Quelles sont les implications de l’absence d’exécution provisoire d’un jugement ?L’article R. 142-10-6, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale précise que : « L’exécution provisoire d’un jugement n’est pas de plein droit. » Cela signifie qu’un jugement qui n’est pas assorti d’une exécution provisoire ne peut pas être exécuté immédiatement. Dans cette affaire, la cour a noté que le jugement n’était pas assorti d’une exécution provisoire, ce qui a des conséquences sur la possibilité d’appel. L’absence d’exécution provisoire implique que la partie qui souhaite contester le jugement doit le faire dans le cadre d’un appel, sans que l’exécution du jugement ne soit considérée comme acquise. Comment la notification des nouveaux taux de cotisations peut-elle être interprétée dans le cadre de l’acquiescement ?La cour d’appel a retenu que la notification des nouveaux taux de cotisations par la CARSAT à l’employeur, suite au jugement, était une manifestation d’acceptation du caractère inopposable du sinistre par la caisse. Cette interprétation repose sur l’idée que la notification constitue une exécution sans réserve du jugement. Cependant, pour que cette interprétation soit valide, il est nécessaire de prouver que la caisse était à l’origine de cette exécution. Sans cette preuve, la cour d’appel a pu être considérée comme ayant privé sa décision de base légale, car l’acquiescement ne peut être établi que si la partie concernée a effectivement initié l’exécution du jugement. Quels sont les effets juridiques d’une décision déclarant un appel irrecevable ?Lorsqu’un appel est déclaré irrecevable, cela signifie que la cour ne peut pas examiner le fond du litige. Les effets juridiques de cette décision sont significatifs, car ils empêchent la partie appelante de contester le jugement initial. Dans le cas présent, la caisse a vu son appel déclaré irrecevable en raison de l’acquiescement implicite qui aurait résulté de l’exécution sans réserve du jugement. Cela a pour conséquence de rendre le jugement initial définitif et opposable, ce qui peut avoir des répercussions sur les droits de la salariée et de l’employeur dans le cadre de la prise en charge de la maladie professionnelle. En conclusion, la jurisprudence souligne l’importance de prouver l’origine de l’exécution d’un jugement pour établir un acquiescement, ainsi que les implications de l’absence d’exécution provisoire sur le droit d’appel. |
EN1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 115 F-D
Pourvoi n° F 22-20.770
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
La caisse primaire d’assurance maladie de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-20.770 contre l’arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale D, protection sociale), dans le litige l’opposant à la société ZF Boutheon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ZF Boutheon, et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 5 juillet 2022), et les productions, Mme [X], salariée de la société ZF Boutheon (l’employeur) a déclaré une maladie professionnelle prise en charge à ce titre par la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire (la caisse).
2. La caisse a formé appel du jugement d’un tribunal judiciaire ayant, notamment, déclaré inopposable à l’employeur la maladie supportée par la salariée et prise en charge au titre de la législation professionnelle.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l’arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire ne peut valoir acquiescement que si la partie à laquelle on l’oppose est à l’origine de cette exécution ; qu’en retenant que la rectification des taux de cotisations faite par la CARSAT manifestait l’exécution sans réserve, par la caisse primaire, du jugement non exécutoire du 2 mars 2020 et impliquait nécessairement son acquiescement à ce jugement, sans relever l’existence d’un élément propre à établir qu’elle était effectivement à l’origine de cette exécution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 384, 409 et 410 du code de procédure civile, dans leurs versions applicables au litige. »
Vu l’article 410, alinéa 2, du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, l’acquiescement peut être exprès ou implicite. L’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
5. Pour déclarer irrecevable l’appel formé par la caisse, l’arrêt retient, d’abord, que le jugement entrepris n’est pas assorti de l’exécution provisoire, qui n’est pas de plein droit en application de l’article R. 142-10-6, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.
6. Il relève, ensuite, que par notification du 25 novembre 2020, la CARSAT Rhône-Alpes, visant précisément le jugement entrepris et la prise en charge de la maladie professionnelle de la salariée, a indiqué à l’employeur que ce sinistre était retiré de son compte employeur et lui a précisé ses taux, recalculés en conséquence, pour les années 2017 à 2019.
7. Enfin, il retient qu’il en résulte que la notification à l’employeur par la CARSAT des nouveaux taux de cotisations consécutifs au jugement rendu par le tribunal repose sur l’acceptation par la caisse du caractère inopposable du sinistre qu’elle a pris en charge, ce qui manifeste une exécution sans réserve par la caisse du jugement non exécutoire et implique nécessairement son acquiescement au jugement dont elle relève appel.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la caisse est à l’origine de l’exécution du jugement entrepris, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
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