Infiltrations et expertise : enjeux de preuve en copropriété

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Infiltrations et expertise : enjeux de preuve en copropriété

L’Essentiel : Madame [E] [W], propriétaire d’un appartement au 5ème étage, a signalé des infiltrations d’eau provenant du plafond, l’incitant à agir. Elle a assigné Madame [S] [P] et le Syndicat des copropriétaires devant le tribunal de Nanterre pour obtenir une expertise. Le tribunal a ordonné une mission d’expertise, confiée à Monsieur [N] [U], pour examiner les désordres et évaluer les travaux nécessaires. L’expert devra rendre son rapport dans un délai de six mois, et les frais seront à la charge de Madame [W], qui doit consigner une provision de 4000 euros. L’ordonnance est exécutoire par provision.

Contexte de l’affaire

Madame [E] [W] est propriétaire d’un appartement au 5ème étage de l’immeuble situé à [Adresse 5], [Localité 10]. Au-dessus de son appartement, Madame [S] [P] occupe un logement. Madame [W] a signalé des infiltrations d’eau provenant du plafond, ce qui l’a poussée à agir.

Procédure judiciaire

Pour résoudre ce litige, Madame [E] [W] a assigné Madame [S] [P] et le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre. Cette assignation a eu lieu par actes séparés les 30 avril et 31 mai 2024, avec pour objectif d’obtenir une mesure d’expertise conformément à l’article 145 du code de procédure civile. Lors de l’audience du 1er octobre 2024, Madame [W] a réaffirmé sa demande, tandis que le Syndicat des copropriétaires a exprimé son accord pour l’expertise, tout en émettant des réserves.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué en se basant sur l’article 145 du code de procédure civile, qui ne nécessite pas d’examiner la recevabilité d’une action future. Il a constaté que les éléments fournis par Madame [E] [W] justifiaient une mesure d’expertise. Le juge a ordonné la mission d’un expert, Monsieur [N] [U], pour examiner les désordres allégués, déterminer leur cause, et évaluer les travaux nécessaires.

Mission de l’expert

L’expert a pour mission de convoquer les parties, d’examiner les appartements concernés, de décrire les désordres, et de fournir des éléments techniques pour aider le juge à établir les responsabilités. Il devra également évaluer le coût des travaux nécessaires et les préjudices subis par Madame [E] [W]. En cas d’urgence, l’expert pourra recommander des travaux immédiats.

Conditions de l’expertise

L’expert doit rendre son rapport dans un délai de six mois, avec la possibilité de prolongation. Il est également chargé de communiquer avec les parties et de leur fournir une note de synthèse de ses constatations. Les frais d’expertise seront à la charge de Madame [E] [W], qui doit consigner une provision de 4000 euros dans un délai de six semaines.

Conclusion de l’ordonnance

L’ordonnance du tribunal est exécutoire par provision, et les dépens sont provisoirement laissés à la charge de Madame [E] [W]. Le greffier et le président du tribunal ont signé l’ordonnance, officialisant ainsi la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre d’une demande d’expertise ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« Si la preuve d’un fait est nécessaire à l’exercice d’un droit, le juge peut, même en référé, ordonner toutes mesures d’instruction utiles, y compris une expertise. »

Cet article permet à une partie de demander une mesure d’expertise sans avoir à prouver la recevabilité de l’action future ou les chances de succès de celle-ci.

Il suffit de justifier d’un motif légitime pour que le juge ordonne l’expertise. Dans le cas présent, Madame [E] [W] a fourni des pièces, notamment des rapports d’expertise antérieurs, qui établissent l’existence d’infiltrations d’eau, justifiant ainsi sa demande.

L’absence d’examen préalable de la recevabilité de l’action future est un point crucial, car cela permet d’accélérer le processus d’expertise, facilitant ainsi la recherche de preuves nécessaires à la résolution du litige.

Quelles sont les conséquences de la non-comparution de Madame [S] [P] lors de l’audience ?

La non-comparution de Madame [S] [P] lors de l’audience n’empêche pas le juge de statuer sur la demande d’expertise. En effet, l’article 16 du code de procédure civile précise que :

« Le juge doit veiller au bon déroulement de l’instance et à la protection des droits des parties. »

Ainsi, même en l’absence d’une des parties, le juge peut prendre une décision fondée sur les éléments présentés par la partie présente, ici Madame [E] [W].

La décision d’ordonner une expertise repose sur les preuves fournies par cette dernière, et le juge a le pouvoir d’agir pour garantir l’équité du processus, même si une partie ne se présente pas.

Il est également important de noter que la partie absente peut toujours contester les conclusions de l’expertise ultérieurement, ce qui lui permet de préserver ses droits.

Comment sont répartis les frais d’expertise selon la décision du juge ?

La décision du juge précise que les frais de consignation de l’expert seront à la charge de Madame [E] [W]. Cela est conforme à l’article costs of the expert’s fees, which states that:

« Les frais d’expertise sont à la charge de la partie qui en a fait la demande, sauf décision contraire du juge. »

Dans ce cas, le juge a décidé de laisser à Madame [E] [W] la charge provisoire des dépens, ce qui signifie qu’elle devra avancer les frais liés à l’expertise.

Cependant, cette décision est sous réserve de ce qui sera éventuellement décidé par le juge du fond, ce qui laisse la possibilité d’une répartition différente des frais à l’issue du litige principal.

Cette approche vise à éviter que la partie qui a besoin d’une expertise ne soit dissuadée par le coût de celle-ci, tout en préservant la possibilité d’une réévaluation des frais en fonction des résultats de l’expertise.

Quelles sont les obligations de l’expert selon les articles du code de procédure civile ?

L’expert a plusieurs obligations définies par les articles 263 et suivants du code de procédure civile, notamment :

« L’expert doit accomplir sa mission avec impartialité et diligence. Il doit rendre compte de l’avancement de ses travaux et informer le juge de toute difficulté rencontrée. »

L’expert doit également convoquer les parties pour une première réunion, établir un calendrier de ses opérations, et adresser un compte-rendu au juge.

Il est également tenu de respecter les délais impartis pour le dépôt de son rapport, qui doit être fait dans un délai de six mois, sauf prorogation justifiée.

Ces obligations garantissent que l’expertise est réalisée de manière transparente et équitable, permettant aux parties de suivre l’évolution de la procédure et de faire valoir leurs droits.

Quelles sont les conséquences d’un défaut de consignation des frais d’expertise ?

Selon la décision du juge, en cas de défaut de consignation des frais d’expertise dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet.

Cela est en conformité avec l’article 145 du code de procédure civile, qui précise que :

« La mesure d’instruction ordonnée par le juge est subordonnée à la consignation des frais. »

Cette règle vise à garantir que les frais d’expertise soient couverts avant le début de la mission, évitant ainsi des abus ou des retards dans le processus d’expertise.

Ainsi, si Madame [E] [W] ne respecte pas le délai de six semaines pour la consignation, l’expertise ne pourra pas avoir lieu, ce qui pourrait compromettre sa capacité à prouver ses allégations d’infiltrations d’eau.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 19 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/01466 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZOMS

N° de minute :

[E] [W]

c/

[S] [P], S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES représenté par le cabinet FONCIA IMMOBILIAS

DEMANDERESSE

Madame [E] [W]
[Adresse 5]
[Localité 10]

Représentée par Maître Jeanne GAILLARD de la SCP ACGR, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN748

DEFENDERESSES

Madame [S] [P]
[Adresse 5]
[Localité 10]

Non comparante

S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES représenté par le cabinet FONCIA IMMOBILIAS,
[Adresse 5]
[Localité 10]

Représentée par Me Emmanuel COSSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0004

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : François PRADIER, 1er Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Sophie HALLOT, lors des débats ; Philippe GOUTON, Greffier, lors du délibéré

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 01 octobre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE

Madame [E] [W] est propriétaire d’un appartement situé au 5ème étage de l’immeuble [Adresse 5] à [Localité 10].

Madame [S] [P] occupe l’appartement situé au-dessus de celui de Madame [W].

Arguant de l’existence d’infiltrations d’eau par le plafond, Madame [E] [W] a, par actes séparés en date des 30 avril et 31 mai 2024, assigné Madame [S] [P] et le Syndicat des copropriétaires de l’Immeuble [Adresse 5] [Localité 10] par devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre dans le but d’obtenir l’organisation d’une mesure d’expertise au visa de l’article 145 du code de procédure civile.

L’affaire étant venue à l’audience du 1er octobre 2024, Madame [E] [W] a maintenu sa demande de mesure d’expertise.

Le Syndicat des copropriétaires de l’Immeuble [Adresse 5] [Localité 10] a déclaré ne pas s’opposer à la mesure d’expertise tout en formulant les plus expresses protestations et réserves.

Assignée en étude, Madame [S] [P] n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 145 du code de procédure civile sur lequel une partie fonde sa demande n’exige pas l’examen préalable de la recevabilité d’une éventuelle action future ni des chances de succès du procès qui pourrait en résulter au fond.

Il impose seulement au juge statuant sur requête ou par voie de référé, de s’assurer de ce que la partie qui l’invoque justifie d’un motif légitime.

Les pièces versées aux débats (et notamment les rapports d’expertise du cabinet EXPERT’IS en date des 28 juin 2022 et 15 mai 2023) signent pour Madame [E] [W] l’existence d’un motif légitime lui permettant d’obtenir au visa de l’article 145 du code de procédure civile, et sans craindre de se voir opposer les dispositions de l’article 146 de ce même code, l’organisation d’une mesure d’expertise dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision.

Au regard des pièces versées au dossier et des observations respectivement formulées par les parties, il convient de donner à l’expert la mission figurant au dispositif de la présente décision.

Il convient de prendre acte des protestations et réserves formulées par le syndicat des copropriétaires de l’Immeuble [Adresse 5] à [Localité 10].

L’expertise étant ordonnée à la demande de Madame [E] [W] et dans son intérêt probatoire, les frais de consignation seront à sa charge.

Il convient de laisser à Madame [E] [W] la charge provisoire des dépens, sous réserve de ce qui sera éventuellement décidé par le juge du fond.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant par une ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Vu l’article 145 du code de procédure civile, ordonnons une mesure d’expertise, tous droits et moyens des parties réservés, et commettons pour y procéder :

Monsieur [N] [U]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Port. : [XXXXXXXX02]
Mèl : [Courriel 9]

(expert inscrit auprès de la cour d’appel de Versailles, sous la rubrique C-10.01 – Plomberie, sanitaire : généralistes)

lequel pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix,avec mission pour lui de :

– convoquer et entendre les parties,
– se faire communiquer, dans le délai qu’il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu’il jugera nécessaires à l’exercice de sa mission,
– se rendre sur place, [Adresse 5] à [Localité 10], et plus particulièrement dans les appartements respectifs de Madame [W] et de Madame [P],
– examiner les désordres allégués et notamment ceux énoncés dans l’assignation, les décrire en indiquant leur nature, en préciser l’étendue et l’importance,
– rechercher la cause des désordres,
– donner tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues,
– donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, désordre par désordre, leur impact sur un éventuel déménagement des meubles ou de ses occupants, en se faisant communiquer au besoin des devis par les parties,
– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l’importance des préjudices subis par la demanderesse et proposer une base d’évaluation,
– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le juge chargé du contrôle des expertises,
– faire toutes observations utiles au règlement du litige,

Disons qu’en cas d’urgence reconnue par l’expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux;

Faisons injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu’elles adresseront à l’expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d’un ficher PDF enregistré sur un CD-ROM) au greffe du tribunal judiciaire de Nanterre, service du contrôle des expertises, extension du palais de justice, [Adresse 6] [Localité 8] ([XXXXXXXX01]), dans le délai de 6 mois à compter de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d’un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties) ;

Rappelons que l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Disons que l’expert devra, dès réception de l’avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l’expiration d’un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d’éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu’à l’issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle ;

Dans le but de limiter les frais d’expertise, invitons les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE ;

Disons que, sauf accord contraire des parties, l’expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l’ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;

Disons que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelons qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

Désignons le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

Disons que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

Fixons à la somme de 4000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par Madame [E] [W] entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 4] [Localité 8] , dans le délai de 6 semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

Disons que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

Disons qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

Laissons provisoirement les dépens à la charge de Madame [E] [W] ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

FAIT À NANTERRE, le 19 novembre 2024.

LE GREFFIER

Philippe GOUTON, Greffier

LE PRÉSIDENT

François PRADIER, 1er Vice-président


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