Inexécution et péremption : un jugement qui s’impose.

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Inexécution et péremption : un jugement qui s’impose.

L’Essentiel : La Cour d’Appel a débouté la société HOP de sa demande de réinscription, constatant l’inexécution des dispositions du jugement. Elle a prononcé la péremption de l’instance d’appel contre le jugement du Conseil de Prud’hommes de Créteil, devenu définitif. HOP a été condamnée à verser 5000 € à M. [U] pour les frais irrépétibles et à supporter les dépens. Malgré ses arguments sur l’exécution partielle de la décision, la société n’a pas prouvé sa diligence, entraînant la radiation de l’affaire. La Cour a finalement condamné HOP à payer 1500 € supplémentaires à M. [U].

Décision de la Cour d’Appel

La Cour d’Appel a décidé de débouter la société HOP de sa demande de réinscription de l’affaire au rôle, en raison de l’inexécution totale des dispositions exécutoires de droit à titre provisoire du jugement. Elle a également prononcé la péremption de l’instance d’appel introduite par la société HOP contre le jugement du Conseil de Prud’hommes de Créteil rendu le 23 juin 2020.

Force de chose jugée

Le jugement du Conseil de Prud’hommes de Créteil a acquis force de chose jugée, ce qui signifie qu’il est désormais définitif et ne peut plus être contesté. La société HOP a été condamnée à verser la somme de 5000 € à M. [U] pour les frais irrépétibles liés à l’incident et à la procédure d’appel, ainsi qu’à supporter les dépens de l’affaire.

Arguments de la société HOP

Dans ses conclusions, la société HOP a soutenu avoir exécuté la décision attaquée en versant une somme correspondant à une partie des éléments de salaire. Elle a contesté les critiques de M. [U] concernant les cotisations de sécurité sociale et le taux de prélèvement à la source, affirmant avoir respecté les obligations légales en vigueur.

Réponse de M. [U]

M. [U] a rétorqué que la société HOP n’avait pas correctement exécuté la décision, en arguant que les montants retenus pour les cotisations sociales et le taux de prélèvement à la source étaient inappropriés. Il a également souligné que la société n’avait pas accompli d’actes pour faire progresser l’affaire depuis plusieurs mois.

Radiation de l’affaire

Le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire, considérant que la société HOP n’avait que partiellement exécuté la décision. La société a été tenue de justifier le versement des sommes dues, mais ses explications n’ont pas été jugées suffisantes pour prouver l’exécution complète de la décision.

Péremption de l’instance

M. [U] a soutenu que l’instance d’appel était périmée, car la société HOP n’avait pas accompli d’actes pour faire avancer l’affaire depuis plus de deux ans. La société a tenté de justifier l’absence de péremption en invoquant sa demande de réinscription, mais la Cour a estimé que cela ne constituait pas une diligence suffisante pour interrompre le délai de péremption.

Condamnation de la société HOP

En conséquence, la Cour a prononcé la péremption de l’instance d’appel et a condamné la société HOP à payer à M. [U] la somme de 1500 € pour les frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les dépens de l’incident et de l’instance d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la radiation de l’affaire selon l’article 381 du Code de procédure civile ?

La radiation d’une affaire, comme le stipule l’article 381 du Code de procédure civile, « sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties. Elle emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours. »

Cette disposition signifie que lorsque les parties ne montrent pas la diligence requise, l’affaire est retirée du rôle, ce qui entraîne une suspension temporaire de son traitement.

Il est important de noter que la radiation ne met pas fin à l’instance, mais elle empêche son avancement jusqu’à ce que les diligences nécessaires soient accomplies.

Ainsi, la partie qui souhaite faire réinscrire l’affaire doit justifier de l’exécution des diligences qui avaient conduit à la radiation.

En l’espèce, la société HOP a été radiée en raison de l’inexécution des décisions exécutoires, ce qui a conduit à la péremption de l’instance d’appel.

Quelles sont les conditions de réinscription d’une affaire selon l’article 383 du Code de procédure civile ?

L’article 383 du Code de procédure civile précise que « La radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire. À moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

Cela signifie que pour qu’une affaire soit réinscrite au rôle après une radiation, il est nécessaire que la partie concernée prouve qu’elle a accompli les diligences qui avaient été omises.

Dans le cas présent, la société HOP a tenté de justifier la réinscription, mais le tribunal a constaté qu’elle n’avait pas exécuté la décision de manière satisfaisante, ce qui a conduit à la décision de ne pas réinscrire l’affaire.

Quelles sont les implications de la péremption de l’instance selon l’article 386 du Code de procédure civile ?

L’article 386 du Code de procédure civile stipule que « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. »

Cela signifie qu’une fois que deux ans se sont écoulés sans qu’aucune des parties n’ait pris d’initiative pour faire avancer l’affaire, l’instance est considérée comme périmée.

Dans le cas de la société HOP, il a été établi qu’aucune diligence n’avait été accomplie depuis la radiation de l’affaire, ce qui a conduit à la péremption de l’instance d’appel.

Cette péremption a pour effet de conférer au jugement initial la force de chose jugée, comme le précise l’article 390 du même code.

Quelles sont les conséquences financières de la décision selon l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que « La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, la société HOP a été condamnée à verser à M. [U] la somme de 1 500 euros pour couvrir les frais irrépétibles liés à l’incident et à la procédure d’appel au fond.

Cette condamnation vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre de l’instance.

Il est à noter que cette somme est distincte des dépens, qui sont les frais de justice liés à la procédure elle-même.

Ainsi, la société HOP devra également supporter les dépens de l’incident et de l’instance d’appel au fond, ce qui alourdit encore sa charge financière suite à la décision de la Cour.

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

N° RG 23/02623 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOV2

Nature de l’acte de saisine : Réinscription après radiation

Date de l’acte de saisine : 27 Mars 2023

Date de saisine : 20 Avril 2023

Nature de l’affaire : Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Décision attaquée : n° F 19/00083 rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL le 23 Juin 2020

Appelant :

S.A.S. HOP ! (défendeur à l’incident), représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS

Intimée :

Monsieur [B] [U] (demandeur à l’incident), représenté par Me Emilie TADEO, avocat au barreau de PARIS, toque : C752

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(n° /2025, 4 pages)

Nous, Bérénice HUMBOURG, magistrate en charge de la mise en état,

Assistée de Maiia SPIRIDONOVA, greffière,

Par jugement du 23 juin 2020, le Conseil de Prud’hommes de Créteil a notamment dit que le licenciement de Monsieur [Z] [U] est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS HOP à lui verser diverses sommes.

Par déclaration en date du 17 juillet 2020, la société HOP a interjeté appel dudit jugement.

Par ordonnance du 23 février 2021, le Conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l’appel interjeté par la société HOP au motif d’une exécution seulement partielle de la décision.

La société HOP a interjeté un recours contre cette décision d’administration judiciaire et par arrêt du 2 mars 2022, la Cour d’Appel a déclaré irrecevable le déféré formé à l’encontre de la décision du conseiller de la mise en état du 23 février 2021.

Par conclusions du 30 août 2022, la société a demandé la réinscription de l’affaire au rôle.

Par conclusions du 27 mars 2023, l’intimé a demandé le constat de la péremption de l’instance.

Par dernières conclusions d’incident du 13 décembre 2024, Monsieur [U] demande au Conseiller de la mise en état de, déclarant recevable son incident aux fins de péremption de l’instance afférente à l’appel interjeté par la société HOP à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 23 juin 2020,

– DECLARER irrecevable la demande de réinscription de l’affaire au rôle de la Cour d’Appel formulée par la société HOP qui ne constitue qu’un moyen détourné de contester l’ordonnance de radiation de l’affaire rendue par le Conseiller de la Mise en Etat le 23 février 2021,

– DEBOUTER la société HOP de sa demande de réinscription de l’affaire au rôle de la Cour d’Appel en raison de l’inexécution totale des dispositions exécutoires de droit à titre provisoire du jugement,

– PRONONCER la péremption de l’instance d’appel afférente à l’appel interjeté par la société HOP à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 23 juin 2020,

– CONSTATER que le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 23 juin 2020 a ainsi acquis force de chose jugée,

– CONDAMNER la société HOP d’avoir à lui payer la somme de 5000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles du présent incident, et de la procédure d’appel au fond,

– CONDAMNER la société HOP aux entiers dépens du présent incident et de l’instance d’appel au fond.

Par conclusions du 12 décembre 2024, la société HOP ! demande au conseiller de la mise en état:

– de débouter M. [U] de ses demandes,

– d’autoriser la réinscription au rôle de l’affaire,

– de condamner M. [U] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Les deux parties étaient présentes à l’audience. Il est renvoyé à leurs conclusions pour plus ample exposé de leurs moyens.

MOTIFS

L’article 381 du code de procédure civile dispose que « La radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties. Elle emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours. »

L’article 383 du même code dispose que « La radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire. A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

En application de l’article 524 (anciennement 526) du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état autorise, sauf s’il constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour, sur justification de l’exécution de la décision attaquée.

Sur l’exécution de la décision

La société HOP soutient qu’elle justifie de l’exécution de la décision attaquée. Elle fait valoir que les éléments de salaire exécutoires de droit par provision s’élèvent à la somme totale de 32.208,77 euros bruts et qu’en versant la somme de 16.926,39 euros qui correspond au montant net elle a exécuté la décision en intégralité. Elle ajoute que les critiques de l’intimé qui portent sur le montant des cotisations de sécurité sociale et le taux de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ne traduisent en aucune façon une volonté d’inexécution du jugement de sa part et qu’elle a appliqué le pourcentage de charges et contributions sociales et le taux de prélèvement à la source prévus par la loi.

M. [U] répond que la société ne peut solliciter la réinscription de l’affaire puisque la décision n’a toujours pas été exécutée. Il conteste l’application d’un pourcentage de charges et contributions sociales de 27 %, contre moins de 22 % habituellement et considère que la société HOP n’aurait pas dû appliquer les cotisations afférentes au mois de février 2021, ni même celles applicables à la suite immédiate du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, en juillet 2020, mais celles en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail, soit les cotisations sociales applicables en 2018 (le licenciement ayant été notifié le 25 juin 2018) ; qu’en outre, la société a retenu un taux de prélèvement à la source de 24,6 % sur les sommes à caractère salarial alors qu’il était habituellement imposé à un taux compris entre 12,8 % et 14,8 %.

Par ordonnance du 23 février 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l’appel interjeté par la société HOP en considérant que la société n’avait que partiellement exécuté la décision au titre de l’exécution provisoire de droit, en ce que la déduction opérée sur rattrapage de cotisation sociales n’était pas justifiée.

Il appartient à la société de justifier du versement des sommes dues.

Or, les explications de la société, comme les pièces versées aux débats, ne permettent pas de considérer que la décision a été exécutée en tenant compte des divers taux de prélèvement applicables à la situation de M. [U], étant relevé que depuis la décision de radiation aucune autre somme n’a été versée à l’intimé et que la société ne justifie avoir demandé ni à l’administration fiscale, ni au salarié le taux d’imposition à la source applicable.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la réinscription de l’affaire au rôle au motif de l’exécution de la décision.

Sur la péremption

M. [U] soutient que l’instance d’appel introduite par la société HOP est périmée pour deux motifs.

Il fait valoir tout d’abord que la société HOP a déposé ses dernières conclusions au fond le 19 octobre 2020, qu’il a lui même déposé ses premières conclusions d’intimé le 4 janvier 2021 et que depuis, aucun acte de nature à faire progresser l’affaire n’a été accompli par la société HOP, que la péremption est donc acquise depuis le 5 janvier 2023, la décision de radiation de l’appel prononcée par le conseiller de la mise en état n’interrompant pas le délai de deux ans.

En second lieu, il considère que depuis la décision de radiation, la société HOP n’a accompli aucune diligence aux fins d’exécuter ledit jugement, que la péremption d’instance a couru depuis cette radiation et que les actes postérieurs de la société qui n’ont consisté qu’à tenter de faire réinscrire cette affaire au rôle de la Cour d’Appel sans autre objet n’ont pas interrompu le cours de la péremption qui est désormais acquise.

La société fait valoir l’absence de péremption du fait notamment de sa demande de réinscription au rôle du 30 août 2022 et de la réinscription de l’affaire au rôle le 20 avril 2023, ce qui manifeste sa volonté de faire progresser l’affaire.

L’article 386 du Code de Procédure Civile dispose que « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.»

L’article 390 dispose que « La péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié. »

L’article 392 du même code précise que « L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption. Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.»

Pour être interruptif de la péremption d’instance, un acte doit faire partie de l’instance et être destiné à la continuer.

La demande de réinscription de l’affaire au rôle de la juridiction n’est pas, à elle seule, de nature à faire progresser l’affaire et ne constitue donc pas une diligence interruptive de la péremption d’instance.

En l’espèce, depuis la décision de radiation du 23 février 2021, la société ne justifie d’aucune diligence interruptive puisqu’elle s’est bornée à solliciter la réinscription au rôle sans justifier de l’exécution de la décision dont appel.

Dans la mesure où il s’est écoulé plus de deux ans depuis la radiation, l’instance d’appel est périmée et par voie de conséquence le jugement déféré, rendu par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 23 juin 2020, a acquis force de chose jugée.

La société qui succombe supportera les dépens de l’incident et de l’appel et participera aux frais irrépétibles de l’intimé à hauteur de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Par ordonnance susceptible de déféré,

REJETONS la demande de réinscription de l’affaire au rôle de la Cour d’Appel,

PRONONÇONS la péremption de l’instance d’appel,

CONSTATONS que le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 23 juin 2020 a acquis force de chose jugée,

CONDAMNONS la société HOP ! à payer à Monsieur [U] la somme de 1500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’incident et la procédure d’appel au fond,

CONDAMNONS la société HOP ! aux entiers dépens de l’incident et de l’instance d’appel au fond.

Ordonnance rendue publiquement par Bérénice HUMBOURG, magistrate en charge de la mise en état assistée de Maiia SPIRIDONOVA, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 21 Janvier 2025

La greffière La magistrate en charge de la mise en état

Copie au dossier

Copie/Notification le 21 janvier 2025 par LS ou Toque aux avocats susmentionnés


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