Inégalité procédurale et droits des parties en matière d’audition des témoins

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Inégalité procédurale et droits des parties en matière d’audition des témoins

L’Essentiel : La question prioritaire de constitutionnalité porte sur l’alinéa 2 de l’article 513 du code de procédure pénale, interrogeant son impact sur le principe d’égalité devant la justice. Elle met en lumière une asymétrie dans l’opposition à l’audition des témoins entre le ministère public et le prévenu. Bien que la disposition contestée soit applicable à la procédure en cours, la Cour de cassation a jugé que la question ne présente pas un caractère sérieux, soulignant que le prévenu peut s’opposer à l’audition d’un témoin. En conséquence, la Cour a décidé de ne pas renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Question prioritaire de constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité soumise concerne les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 513 du code de procédure pénale. Elle interroge si ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité devant la justice, tel que garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Plus précisément, elle souligne une asymétrie dans la possibilité d’opposition à l’audition des témoins entre le ministère public et le prévenu.

Applicabilité de la disposition législative

La disposition législative contestée est applicable à la procédure en cours et n’a pas été précédemment déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Cela signifie qu’elle est encore sujette à un examen constitutionnel, ce qui justifie la question posée.

Caractère non nouveau de la question

La question soulevée ne concerne pas l’interprétation d’une disposition constitutionnelle que le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion d’appliquer. De ce fait, elle ne peut pas être considérée comme nouvelle dans le cadre de la procédure.

Absence de caractère sérieux

La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour plusieurs raisons. D’abord, le prévenu a la possibilité de s’opposer à l’audition d’un témoin cité par le ministère public ou la partie civile, indépendamment de l’audition antérieure de ce témoin par le tribunal. La cour d’appel est alors tenue de statuer sur cet incident après avoir entendu les parties.

Garantie des droits du prévenu

Ensuite, la disposition contestée a été instaurée pour protéger les droits du prévenu. Elle vise à garantir que le prévenu puisse faire entendre un témoin par la cour d’appel, même si ce témoin n’a pas été entendu lors du procès initial devant le tribunal.

Décision de la Cour de cassation

En conclusion, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Cette décision a été prononcée en audience publique le dix-neuf novembre deux mille vingt-quatre.

Q/R juridiques soulevées :

La question de l’égalité devant la justice

La question posée concerne les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 513 du code de procédure pénale, qui soulèvent des interrogations sur le principe d’égalité devant la justice, tel que garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

L’article 6 de la Déclaration stipule :

« Tous les citoyens sont égaux devant la loi, et sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, à l’exception de ceux qui sont réservés par la loi à certaines classes de citoyens. »

De plus, l’article 16 précise que :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

Ces articles établissent un cadre fondamental pour l’égalité de traitement devant la justice.

Dans le cas présent, la question se pose de savoir si le prévenu est traité de manière équitable par rapport au ministère public, notamment en ce qui concerne l’audition des témoins.

La portée de l’article 513 du code de procédure pénale

L’article 513 du code de procédure pénale, en son alinéa 2, permet au ministère public de s’opposer à l’audition des témoins cités par le prévenu, si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal.

Cette disposition vise à éviter des répétitions inutiles et à garantir une certaine efficacité dans le déroulement des procédures.

Cependant, elle soulève des questions sur l’équité procédurale, car elle ne prévoit pas la même possibilité pour le prévenu concernant les témoins cités par le ministère public ou la partie civile.

Il est important de noter que le prévenu a la possibilité de s’opposer à l’audition d’un témoin, qu’il ait été entendu ou non, ce qui garantit un certain équilibre dans le processus.

La nature de la question prioritaire de constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) doit être nouvelle et sérieuse pour être renvoyée au Conseil constitutionnel.

Dans ce cas, la Cour a jugé que la question ne présentait pas un caractère sérieux, car le prévenu a la possibilité de s’opposer à l’audition des témoins, ce qui atténue les préoccupations soulevées.

La jurisprudence a établi que la QPC ne doit pas porter sur des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution, ce qui est le cas ici, puisque la disposition contestée n’a pas été déclarée conforme dans une décision antérieure.

Conclusion sur le renvoi au Conseil constitutionnel

En conclusion, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Cette décision repose sur l’analyse des droits procéduraux du prévenu et sur la nature des dispositions contestées.

Ainsi, la Cour a affirmé que les droits du prévenu étaient suffisamment garantis par le cadre législatif en vigueur, et que la question soulevée ne justifiait pas un renvoi au Conseil constitutionnel.

N° G 24-82.627 F-D

N° 01517

19 NOVEMBRE 2024

SL2

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 NOVEMBRE 2024

La société [1] a présenté, par mémoire spécial reçu le 2 septembre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi formé par elle contre l’arrêt de la cour d’appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 21 mars 2023, pourvoi n° 22-82.343, publié au Bulletin), pour infractions au code de l’environnement, l’a condamnée à 100 000 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de La société [1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 513 du code de procédure pénale ne méconnaissent-elles pas le principe d’égalité devant la justice garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles permettent au ministère public de s’opposer à l’audition des témoins cités par le prévenu lorsqu’ils ont déjà été entendus par le tribunal sans offrir, réciproquement, la faculté au prévenu de s’opposer à l’audition des témoins cités par le ministère public ou par la partie civile s’ils ont déjà été entendus par le tribunal ? ».

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.

5. En premier lieu, le prévenu peut s’opposer à l’audition d’un témoin cité par le ministère public ou la partie civile, que celui-ci ait été ou non déjà entendu par le tribunal, la cour d’appel devant alors statuer sur cet incident après avoir entendu les parties.

6. En second lieu, la disposition contestée a été instaurée en faveur du prévenu, dont elle vise à garantir le droit de faire entendre par la cour d’appel un témoin qui n’a pas été entendu devant le tribunal.

7. Par conséquent, il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt-quatre.


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