Indemnités d’occupation et compétence juridictionnelle en indivision

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Indemnités d’occupation et compétence juridictionnelle en indivision

L’Essentiel : Mme [T] a assigné M. [O] en référé pour obtenir une indemnité d’occupation de 1 800 euros et une provision de 52 200 euros. L’audience, initialement prévue le 12 novembre 2024, a été renvoyée et délibérée le 17 décembre 2024. M. [O] a soulevé une exception d’incompétence, arguant que les demandes de Mme [T] étaient irrecevables. Le juge a conclu que ces demandes relevaient de dispositions spéciales, le renvoyant au tribunal judiciaire de Lille. Les dépens ont été laissés à la charge de Mme [T], tandis que les demandes de M. [O] pour frais irrépétibles ont été rejetées.

Contexte de l’affaire

Mme [T] a assigné M. [O] en référé le 16 septembre 2024, demandant la fixation provisoire d’une indemnité d’occupation de 1 800 euros, le versement d’une provision de 52 200 euros pour sa part des bénéfices annuels sur une période de 58 mois, ainsi que le remboursement de 1 500 euros pour frais irrépétibles.

Déroulement de l’audience

L’affaire a été initialement appelée le 12 novembre 2024, mais a été renvoyée à la demande des parties. Elle a finalement été retenue pour délibération le 17 décembre 2024. Mme [T] a soutenu ses demandes, tandis que M. [O] a formulé plusieurs exceptions et demandes reconventionnelles.

Arguments de M. [O]

M. [O] a demandé que la juridiction se déclare incompétente pour statuer sur les demandes de Mme [T], arguant que celles-ci étaient irrecevables pour autorité de chose jugée. Il a également contesté la demande d’indemnité d’occupation et la demande de provision, tout en sollicitant le débouté de Mme [T] et la condamnation de celle-ci aux dépens.

Cadre juridique

Les articles 815-9, 815-10 et 815-11 du code civil régissent les droits et obligations des indivisaires, notamment en matière d’indemnité d’occupation et de partage des bénéfices. L’article 835 du code de procédure civile permet au juge des référés de prescrire des mesures conservatoires, même en cas de contestation sérieuse.

Décision du juge des référés

Le juge a statué sur l’exception d’incompétence soulevée par M. [O], concluant que les demandes de Mme [T] relevaient de dispositions spéciales et que le juge des référés n’était pas compétent pour les examiner. Il a donc renvoyé Mme [T] à se pourvoir devant le président du tribunal judiciaire de Lille.

Conséquences financières

Le juge a décidé de laisser les dépens à la charge de Mme [T] et a rejeté les demandes de M. [O] au titre des frais irrépétibles, considérant les circonstances de l’affaire.

Exécution de la décision

La décision rendue est exécutoire par provision, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, sauf disposition contraire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge des référés en matière d’indivision selon les articles 815-9 à 815-11 du code civil ?

Le juge des référés est compétent pour statuer sur les demandes relatives à l’indivision, mais sous certaines conditions.

L’article 815-9 du code civil stipule que :

« À défaut d’accord entre les indivisaires, l’exercice de la jouissance du bien indivis est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »

Cet article établit que le juge peut intervenir pour régler les modalités d’occupation d’un bien indivis en cas de désaccord entre les indivisaires.

De plus, l’article 815-10 précise que :

« Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision. »

Cela signifie que chaque indivisaire a des droits sur les bénéfices générés par le bien indivis, ce qui peut également justifier une demande en référé pour obtenir une provision sur ces bénéfices.

Enfin, l’article 815-11 indique que :

« Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices de l’indivision sous certaines conditions. Le président du tribunal judiciaire est compétent, en cas de contestation, pour ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices. »

Ainsi, le juge des référés peut statuer sur des demandes relatives à l’indivision, mais il doit respecter les procédures spécifiques prévues par le code civil.

Quelles sont les conséquences de l’exception d’incompétence soulevée par M. [O] ?

L’exception d’incompétence soulevée par M. [O] a conduit le juge à se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [T].

L’article 74 du code de procédure civile stipule que :

« À peine d’irrecevabilité, les exceptions doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. »

M. [O] a soulevé cette exception dès ses premières écritures, ce qui est conforme à la procédure.

L’article 1380 du même code précise que :

« Les demandes formées en application de l’article 815-9 et de l’article 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond. »

Cela signifie que les demandes relatives à l’indivision doivent être portées devant le président du tribunal judiciaire et non devant le juge des référés, ce qui justifie la décision d’incompétence.

En conséquence, le juge a renvoyé Mme [T] à se pourvoir devant le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant selon la procédure accélérée au fond, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

Comment le juge des référés a-t-il statué sur les dépens et les frais irrépétibles ?

Le juge des référés a statué sur les dépens en application de l’article 491 du code de procédure civile, qui impose au juge de statuer sur cette question.

En l’espèce, le juge a décidé de laisser les dépens à la charge de Mme [T], ce qui est une pratique courante lorsque la partie perdante est condamnée aux dépens.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Lorsque le juge statue sur une demande formulée au titre des frais irrépétibles, il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. »

Dans cette affaire, le juge a rejeté les demandes formulées au titre des frais irrépétibles, considérant que cela ne serait pas contraire à l’équité, compte tenu des circonstances de l’affaire.

Ainsi, le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire en matière de dépens et de frais irrépétibles, conformément aux dispositions légales applicables.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans cette ordonnance ?

L’exécution provisoire est un aspect important de la décision rendue par le juge des référés.

L’article 514 du code de procédure civile stipule que :

« Les décisions de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Cela signifie que, par défaut, les décisions rendues en première instance peuvent être exécutées immédiatement, même si elles sont susceptibles d’appel.

L’article 514-1 précise que :

« Le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé. »

Dans le cas présent, le juge a rappelé que l’ordonnance est exécutoire par provision, ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Cette disposition vise à garantir une certaine efficacité des décisions de justice, notamment dans des situations où un retard pourrait causer un préjudice à l’une des parties.

Ainsi, l’exécution provisoire permet à Mme [T] de bénéficier rapidement des mesures ordonnées, même si la décision peut être contestée ultérieurement.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Référé
N° RG 24/01550 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YXDD
SL/ST

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 21 JANVIER 2025

DEMANDERESSE :

Mme [D] [I] [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Simon DUTHOIT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

M. [J] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Isabelle NIVELET-LAMIRAND, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Samuel TILLIE, Premier Vice-Président adjoint, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 17 Décembre 2024

ORDONNANCE du 21 Janvier 2025

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Par acte délivré à sa demande le 16 septembre 2024, Mme [T] a fait assigner M. [O] en référé devant le président du tribunal judiciaire de Lille notamment afin de fixer provisoirement à 1 800 euros le montant de l’indemnité d’occupation due par M. [O], de le condamner à verser une provision de 52 200 euros à valoir sur sa part des bénéfices annuels, des fruits de l’indivision pour une période de 58 mois courant du 20 novembre 2019 au 20 août 2024, outre intérêt au taux légal à compter du courrier officiel du 12 juillet 2024 et au plus tard au jour de l’assignation, de le condamner à lui verser 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

M. [O] a constitué avocat.

Après avoir été appelée la première fois à l’audience du 12 novembre 2024, l’affaire a été renvoyée une fois à la demande des parties pour être finalement retenue le 17 décembre 2024.

Représentée, Mme [T] soutient les demandes détaillées dans ses dernières conclusions déposées à l’audience. Elles correspondent à celles détaillées dans son assignation auxquelles est ajoutée une demande de débouter M. [O] de ses demandes contraires aux siennes.

Conformément à ses dernières écritures déposées à l’audience, M. [O] demande que :
– à titre principal, la juridiction se déclare incompétente pour statuer sur les demandes fondées sur les articles 815-9 et 815-11 du code civil,
– à titre subsidiaire, la demande formée par Mme [T] sur le fondement de l’article 815-9 soit déclarée irrecevable pour autorité de chose jugée et que ses demandes fondées sur les articles 815-10 et 815-11 suivent le même sort pour être ses accessoires,
– à titre très subsidiaire, la demande d’indemnité d’occupation provisionnelle soit rejetée pour absence de trouble manifestement illicite et que la demande de provision soit rejetée pour contestation sérieuse,
– en tout état de cause :
? le débouté de Mme [T] de ses autres demandes,
? la condamnation de la même à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
? la condamnation de Mme [T] aux dépens.

Au visa de l’article 455 du code de procédure civile, il y est renvoyé pour plus de précisions sur les prétentions, moyens et arguments soulevés.

A l’issue du débat, la décision a été mise en délibéré pour être prononcée par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 815-9 du code civil prévoit notamment qu’à défaut d’accord entre les indivisaires, l’exercice de la jouissance du bien indivis est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal et que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
L’article 815-10 du même code mentionne dans son dernier alinéa que chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision.
L’article 815-11 du code civil dispose notamment que tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices de l’indivision sous certaines conditions et que le président du tribunal judiciaire est compétent, en cas de contestation, pour ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices.
En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En outre, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 1380 du code de procédure civile dispose notamment que les demandes formées en application de l’article 815-9 et de l’article 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.
Selon l’article 74 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, les exceptions doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. L’article 75 du code de procédure civile dispose notamment que la juridiction saisie en première instance, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.
En procédure orale, les conclusions sur le fond parvenues au tribunal avant l’audience, dont la recevabilité est subordonnée à la comparution de leur auteur, ne sont pas de nature à priver ce dernier de la faculté de soulever à l’audience une exception d’incompétence, toutefois à la condition qu’elle le soit avant toute défense au fond.

La procédure accélérée au fond est destinée à assurer une célérité processuelle. Par conséquent, pour les demandes qui en relèvent, le juge des référés ne peut statuer sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.

En l’espèce, dès ses premières écritures, M. [O] s’est prévalu de l’exception d’incompétence en cause. Dans ses écritures, l’assignation délivrée par Mme [T] est intitulée « Assignation en référé devant le tribunal judiciaire de Lille » et son dispositif vise à la fois l’article 835 du code de procédure civile concernant la compétence du juge des référés et les articles 815-9 à 815-11 du code civil. L’assignation ne vise pas le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond telle que prévue par l’article 1380 du code de procédure civile.

Or, les demandes provisionnelles formulées par la demanderesse relèvent de façon manifeste de dispositions spéciales tant pour la juridiction compétente que pour la procédure qui leur est applicable.

Par conséquent, il y a lieu de faire droit à l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse.

Sur les dépens

L’article 491 du code de procédure civile fait obligation au juge des référés de statuer sur les dépens.

En l’espèce, il convient de laisser les dépens à la charge de Mme [T].

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, lorsqu’il statue sur une demande formulée au titre des frais irrépétibles, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Sans que cela soit contraire à l’équité en l’espèce, vu les circonstances de l’espèce, il y a lieu de rejeter les demandes formulées au titre des frais irrépétibles.

Sur l’exécution provisoire

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Toutefois, l’article 514-1 du même code précise le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.

La présente ordonnance sera donc exécutoire par provision.

DECISION

Par ces motifs, le juge des référés, statuant après débat en audience publique, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe rendue en premier ressort,

Se déclare incompétent pour statuer sur les demandes présentées sur le fondement des articles 815-9 à 815-11 du code civil ;

Renvoie Mme [D] [T] à se pourvoir devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Condamne Mme [D] [T] aux dépens ;

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire par provision ;

La présente ordonnance a été signée par le juge et le greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Samuel TILLIE


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