L’Essentiel : M. et Mme [M] ont signé une promesse unilatérale de vente à M. et Mme [Z] le 30 septembre 2019, avec une expiration au 16 décembre 2019 et une indemnité d’immobilisation de 80 000 euros. En l’absence de vente, les promettants ont mis en demeure les bénéficiaires le 12 février 2020. La cour d’appel a rejeté la demande de requalification de l’indemnité en clause pénale, condamnant les bénéficiaires à payer. Elle a jugé que la renonciation des promettants ne remettait pas en cause le droit à l’indemnité, et que la rétractation des bénéficiaires était tardive et donc inefficace.
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Promesse unilatérale de venteM. et Mme [M] ont consenti, par acte notarié du 30 septembre 2019, une promesse unilatérale de vente à M. et Mme [Z], avec une date d’expiration fixée au 16 décembre 2019 et une indemnité d’immobilisation de 80 000 euros. Mise en demeure et assignationEn l’absence de réalisation de la vente, les promettants ont mis en demeure les bénéficiaires de payer l’indemnité d’immobilisation par lettre recommandée le 12 février 2020, puis ont engagé une procédure judiciaire pour obtenir le paiement. Demande de requalificationLes bénéficiaires ont contesté la décision de la cour d’appel qui a rejeté leur demande de requalification de l’indemnité d’immobilisation en clause pénale révisable, les condamnant à payer 80 000 euros et 1 820 euros en dommages-intérêts. Arguments des bénéficiairesLes bénéficiaires ont soutenu que les promettants avaient renoncé à la promesse de vente par courrier du 5 novembre 2019, ce qui aurait rendu leur demande irrecevable. Ils ont également contesté la décision de la cour d’appel sur la validité de leur rétractation. Réponse de la cour d’appelLa cour d’appel a jugé que la renonciation des promettants à la promesse en raison de l’absence de versement du dépôt de garantie n’empêchait pas le paiement de l’indemnité d’immobilisation, qui restait acquise aux promettants. Validité de la rétractationLa cour a également constaté que la rétractation des bénéficiaires était tardive par rapport au délai contractuel, ce qui la rendait inefficace. Nature de l’indemnité d’immobilisationEnfin, la cour a précisé que l’indemnité d’immobilisation ne constituait pas une clause pénale, mais représentait le prix de l’exclusivité accordée aux bénéficiaires, et ne pouvait donc pas être réduite par le juge. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature juridique de l’indemnité d’immobilisation dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente ?L’indemnité d’immobilisation, dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, est souvent considérée comme une somme versée par le bénéficiaire pour garantir l’exclusivité de l’offre de vente pendant un certain délai. Selon l’article 1192 du Code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cela signifie que les parties sont tenues par les termes de leur contrat. Dans le cas présent, la cour d’appel a précisé que l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse ne constitue pas une clause pénale, mais représente le prix de l’exclusivité accordée aux bénéficiaires. Ainsi, cette indemnité est acquise aux promettants en cas de non-réalisation de la vente, et ne peut être réduite par le juge, car elle ne sanctionne pas une inexécution contractuelle, mais est une somme forfaitaire convenue par les parties. Les conséquences d’une rétractation tardive dans le cadre d’une promesse unilatérale de venteLa rétractation d’une promesse unilatérale de vente doit respecter les délais contractuellement prévus. En l’espèce, la cour d’appel a constaté que la rétractation invoquée par les bénéficiaires était tardive par rapport au délai imparti. L’article 4 du Code de procédure civile stipule que « le juge ne peut dénaturer les termes du litige ». Cela implique que les parties doivent respecter les délais et conditions convenus dans leur contrat. Dans ce cas, la cour a jugé que la rétractation des bénéficiaires, bien que contestée par les promettants, était inefficace car elle n’avait pas été effectuée dans le délai prévu. Ainsi, la cour a confirmé que les promettants étaient en droit de réclamer l’indemnité d’immobilisation, car la rétractation tardive ne pouvait pas les exonérer de cette obligation. La qualification de l’indemnité d’immobilisation et son impact sur le contratLa qualification de l’indemnité d’immobilisation est cruciale pour déterminer si elle peut être considérée comme une clause pénale. L’article 1231-5 du Code civil précise que « la clause pénale est celle par laquelle les parties fixent d’avance le montant des dommages-intérêts en cas d’inexécution de l’obligation ». Dans cette affaire, la cour a jugé que l’indemnité d’immobilisation ne constituait pas une clause pénale, car elle ne sanctionne pas une inexécution, mais représente le prix de l’exclusivité accordée aux bénéficiaires. Cette distinction est importante, car si l’indemnité avait été qualifiée de clause pénale, elle aurait pu être réduite par le juge. En l’occurrence, la cour a confirmé que l’indemnité était acquise aux promettants et ne pouvait pas être remise en question, ce qui souligne l’importance de la rédaction précise des contrats. |
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 37 F-D
Pourvoi n° M 23-23.378
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
1°/ M. [D] [Z],
2°/ Mme [C] [J], épouse [Z],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° M 23-23.378 contre l’arrêt rendu le 21 juillet 2023 par la cour d’appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [H] [M],
2°/ à Mme [I] [Y], épouse [M],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. et Mme [Z], de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme [M], après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 21 juillet 2023), par acte notarié reçu le 30 septembre 2019, M. et Mme [M] (les promettants) ont consenti à M. et Mme [Z] (les bénéficiaires) une promesse unilatérale de vente expirant le 16 décembre 2019 et stipulant une indemnité d’immobilisation de 80 000 euros.
2. A défaut de réalisation de la vente, les promettants ont mis les bénéficiaires en demeure de leur payer l’indemnité d’immobilisation par lettre recommandée du 12 février 2020, puis les ont assignés en paiement.
Enoncé du moyen
3. Les bénéficiaires font grief à l’arrêt de rejeter leur demande de requalification de l’indemnité d’immobilisation en clause pénale révisable et de les condamner solidairement à payer aux promettants la somme de 80 000 euros à ce titre et celle de 1 820 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que dans leurs écritures d’appel, M. et Mme [Z] faisaient valoir que, par courrier du 5 novembre 2019, les époux [M] avaient déclaré renoncer à la promesse de vente en raison de l’absence de versement du dépôt de garantie, de sorte qu’ils étaient « irrecevables à venir désormais demander l’application de la promesse dont ils ont demandé l’annulation » ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en considérant qu’il était « inopérant » pour M. et Mme [Z] d’indiquer s’être désistés de la vente par courriel du 5 décembre 2019 à défaut d’avoir obtenu les fonds pour financer l’achat immobilier, dans la mesure où cette rétractation ne serait pas intervenue dans le délai contractuellement prévu, cependant que, dans leurs conclusions d’appel, M. et Mme [M] n’invoquaient pas à l’encontre de M. et Mme [Z] le non-respect des délais de rétractation mais l’absence de justification à cette rétractation, la cour d’appel a modifié les termes du litige et a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer le sens d’une convention versée aux débats ; qu’en l’espèce, la promesse unilatérale de vente du 30 septembre 2019 stipule qu’ « au cas où le bénéficiaire n’aurait pas signé de son fait l’acte de vente à l’intérieur du délai de réalisation, il sera de plein droit déchu du bénéfice de la promesse à l’expiration de ce délai », que « le promettant pourra en outre, réclamer une juste indemnisation de son préjudice » et que « les parties conviennent de fixer le montant de l’indemnité d’immobilisation à la somme forfaitaire de quatre-vingt mille euros » ; qu’en affirmant que « l’indemnité d’immobilisation » stipulée dans la promesse unilatérale de vente « ne relève pas de la qualification des clauses pénales et ne peut donc pas être réduite par le juge », dès lors que cette indemnité ne représente que le prix de l’exclusivité accordée par les vendeurs aux acquéreurs jusqu’au 16 décembre 2019 à 16 heures, cependant que doit être qualifiée de clause pénale l’indemnité d’immobilisation qui a pour objet de sanctionner le refus d’acquérir du cocontractant, et qu’en l’occurrence, les stipulations précitées tiennent clairement pour fautif le désistement éventuel du bénéficiaire de la promesse, puisqu’une indemnisation du « préjudice » du promettant est expressément prévue en ce cas, la cour d’appel a dénaturé le sens des stipulations précitées en écartant la qualification de clause pénale, en violation du principe susvisé et de l’article 1192 du code civil. »
4. En premier lieu, la cour d’appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a retenu que la faculté offerte aux promettants de renoncer à la promesse en l’absence de versement, par les bénéficiaires, de la somme prévue à titre de dépôt de garantie, ne faisait pas obstacle au paiement de l’indemnité d’immobilisation, le contrat prévoyant expressément que cette somme resterait alors acquise aux promettants à titre d’indemnité forfaitaire et non réductible.
5. En deuxième lieu, elle a constaté, sans modifier l’objet du litige, que la rétractation, invoquée par les bénéficiaires, et dont la validité était contestée par les promettants, était inefficace dès lors qu’elle était tardive par rapport au délai contractuellement imparti.
6. En troisième lieu, après avoir rappelé les stipulations claires et précises de la promesse relatives au sort de l’indemnité d’immobilisation, elle a retenu, sans les dénaturer, que, ne sanctionnant pas une inexécution contractuelle mais représentant le prix de l’exclusivité accordée aux bénéficiaires, celle-ci, qui ne constituait pas une clause pénale, ne pouvait être réduite par le juge.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
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