L’Essentiel : M. [U] [O], acquitté après une détention provisoire pour assassinat, a déposé une requête d’indemnisation le 4 mai 2022. Il a sollicité des compensations pour perte de revenus, préjudice de retraite, frais de défense et préjudice moral. Bien que l’agent judiciaire ait contesté les montants, la requête a été jugée recevable. Le tribunal a alloué 38 000 euros pour le préjudice moral, 24 222,06 euros pour la perte de revenus, et 778,30 euros pour le préjudice de retraite. Les frais d’avocat ont été reconnus, et une somme de 2 000 euros a été accordée selon l’article 700.
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Contexte de la requêteM. [U] [O], de nationalité algérienne, a été mis en examen pour assassinat le 17 mars 2017 et placé en détention provisoire. Il a été libéré sous contrôle judiciaire le 3 juillet 2018, et acquitté le 5 novembre 2021. Le 4 mai 2022, il a déposé une requête pour obtenir une indemnisation pour sa détention. Demandes d’indemnisationDans sa requête, M. [O] a sollicité plusieurs compensations, incluant 70 572,55 euros pour perte de revenus, 9 000 euros pour préjudice de retraite, 14 160 euros pour frais de défense, 85 000 euros pour préjudice moral, et 5 000 euros selon l’article 700 du code de procédure civile. En réplique, il a ajusté ses demandes à 60 031,35 euros pour perte de revenus et 7 336 euros pour préjudice de retraite. Réponses des partiesL’agent judiciaire de l’État a contesté les montants demandés, proposant des sommes inférieures pour le préjudice matériel et moral. Le Ministère Public a plaidé pour l’irrecevabilité de la requête, mais a également reconnu la recevabilité subsidiaire pour une détention de 473 jours. Recevabilité de la requêteLa requête a été jugée recevable, car M. [O] a respecté le délai de six mois pour demander réparation après sa décision d’acquittement. Les conditions de la détention n’ont pas été considérées comme des cas d’exclusion selon le code de procédure pénale. Évaluation du préjudice moralM. [O] a décrit l’impact de sa détention sur sa famille, notamment l’isolement de ses enfants et la dégradation de sa santé. L’agent judiciaire a proposé une indemnisation de 25 000 euros, tandis que le Ministère Public a reconnu le choc psychologique dû à l’incarcération. Finalement, une somme de 38 000 euros a été allouée pour le préjudice moral. Évaluation du préjudice matérielConcernant la perte de revenus, M. [O] a demandé 60 031,35 euros, mais l’agent judiciaire a proposé 24 222,06 euros, correspondant à la perte de salaire durant la détention. Le tribunal a retenu cette dernière somme. Pour le préjudice de retraite, une indemnisation de 778,30 euros a été accordée pour la période de détention. Frais d’avocat et décision finaleM. [O] a demandé 14 160 euros pour les frais d’avocat, qui ont été jugés justifiés. En outre, une somme de 2 000 euros a été allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La requête a été partiellement accueillie, et les autres demandes ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de la requête d’indemnisationLa recevabilité de la requête d’indemnisation de M. [U] [O] est régie par les articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale. Selon l’article 149, « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. » Il est précisé que la demande doit être faite dans un délai de six mois à compter de la décision définitive. M. [O] a présenté sa requête le 04 mai 2022, dans le délai imparti, et a fourni les éléments nécessaires, y compris le certificat de non pourvoi. Ainsi, la requête est jugée recevable pour une durée de détention de 473 jours, conformément aux dispositions légales. Sur l’indemnisation du préjudice moralL’indemnisation du préjudice moral est également encadrée par les articles précités, notamment l’article 149. M. [O] a fait valoir que son incarcération a eu des conséquences graves sur sa vie familiale et personnelle, notamment l’isolement de ses enfants et le décès de sa mère. L’agent judiciaire de l’État a proposé une indemnisation de 25 000 euros, tandis que le Ministère Public a reconnu le choc psychologique dû à la nature des accusations. Cependant, il a été noté que les certificats médicaux relatifs à la santé de M. [O] étaient postérieurs à sa libération, ce qui a conduit à une évaluation prudente du préjudice moral. Finalement, il a été décidé d’allouer 38 000 euros à M. [O] en réparation de son préjudice moral, tenant compte de la durée de la détention et des circonstances personnelles. Sur l’indemnisation du préjudice matérielL’indemnisation du préjudice matériel se divise en plusieurs catégories, notamment la perte de revenus, la perte de chance de points retraite et les frais d’avocat. Concernant la perte de revenus, M. [O] a démontré qu’il avait subi une perte de salaire significative durant sa détention. L’agent judiciaire de l’État a contesté le montant demandé, proposant une somme inférieure. Après analyse, il a été décidé d’allouer 24 222,06 euros à M. [O] pour la perte de revenus, en tenant compte de son salaire net moyen. Pour la perte de chance de points retraite, il a été établi que M. [O] avait perdu des opportunités de cotisation pendant sa détention. Il a été alloué 778,30 euros pour cette perte, conformément aux articles L 351-3, R 351-3 et R 351-12 du Code de la Sécurité Sociale. Enfin, les frais d’avocat ont été jugés justifiés, et M. [O] a reçu 14 160 euros TTC pour ces frais, car ils étaient directement liés à son contentieux de détention. Sur l’application de l’article 700 du Code de Procédure CivileL’article 700 du Code de Procédure Civile stipule que « la partie qui succombe peut se voir allouer une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans ce cas, il a été jugé équitable d’allouer 2 000 euros à M. [O] sur ce fondement, afin de couvrir ses frais non remboursables liés à la procédure. Cette allocation vise à compenser les dépenses engagées par M. [O] pour faire valoir ses droits, en tenant compte de la nature de l’affaire et des circonstances particulières de sa détention. Ainsi, la décision finale a été de reconnaître la recevabilité de la requête et d’allouer les sommes demandées, tout en laissant les dépens à la charge de l’État. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 06 Janvier 2025
(n° , 2 pages)
N°de répertoire général : N° RG 22/09644 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2XK
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de [W] [N], Greffière stagiaire, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6] (ALGERIE), élisant domicile au cabinet de Me Jean-David SCEMAMA – [Adresse 2] ;
non comparant
Représenté par Me Jean-David SCEMAMA, avocat au barreau de PARIS,
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 04 Novembre 2024 ;
Entendu Me Jean-David SCEMAMA représentant M. [U] [O],
Entendu Me Hadrien MONMONT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Renaud LE GUNEHEC, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame , Substitute Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [U] [O], né le [Date naissance 1] 1963, de nationalité algérienne, a été mis en examen du chef d’assassinat le 17 mars 2017 par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Créteil. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 4] le même jour.
Par arrêt du 03 juillet 2018, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a remis en liberté M. [O] et l’a placé sous contrôle judiciaire.
Par arrêt du 05 novembre 2021, la cour d’assises du Val-de-Marne a acquitté M. [O] des faits pour lesquels il était poursuivi. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non pourvoi du 11septembre 2024.
Le 04 mai 2022, M. [O] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
– Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation
– Allouer à M. [O] au titre de la perte e revenus la somme de 70 572,55 euros
– Allouer à M. [O] au titre du préjudice de retraite la somme de 9 000 euros
– Allouer à Mme [O] au titre du préjudice matériel une somme de 14 160 euros TTC correspondant au montant des frais de défense relatifs au contentieux de la détention
– Allouer à M. [O] la somme de 85 000 euros en réparation de son préjudice moral
– Allouer à M. [O] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique et récapitulatives n°1 déposées le 12 octobre 2024 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoiries du 04 novembre 2024, M. [O] demande au premier président de :
– Déclarer recevable et bien fondée sa demande indemnitaire
– Lui allouer au titre de la perte de revenus la somme de 60 031,35 euros
– Lui allouer au titre du préjudice de retraite la somme de 7 336 euros
– Lui allouer au titre du préjudice matériel une somme de 14 160 euros TTC correspondant au montant des frais de défense relatifs au contentieux de la détention
– Lui allouer la somme de 85 000 euros en réparation de son préjudice moral
– Lui allouer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en défense, notifiées par RPVA et déposées le 04 novembre 2024, développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :
– Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice matériel qui ne saurait excéder la somme de 39 160,36 euros
– Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 25 000 euros
– Statuer ce que de droit s’agissant de la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 21 août 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :
A titre principal
– A l’irrecevabilité de la requête
A titre subsidiaire
– A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 473 jours ;
– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
– A la réparation du préjudice matériel dans les conditions indiquées.
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel. Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l’espèce, M. [O] a présenté sa requête en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire le 04 mai 2022, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de non-lieu est devenue définitive. Cette requête contenant l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi qu’ultérieurement le certificat de non pourvoi en date du 11 septembre 2024, est signée par son avocat et la décision d’acquittement n’est pas fondée sur un des cas d’exclusions visé à l’article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête est recevable pour une durée de détention de 473 jours.
Sur l’indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant soutient que son fils ainé [V], alors âgé de 16 ans qui vivait seul avec son père, s’est retrouvé du jour au lendemain totalement isolé, que ses trois autres jeunes enfants ont été particulièrement éprouvés par l’éloignement brutal de leur père qui n’a pas pu voir au parloir pendant de nombreux mois et son épouse, avec laquelle il venait de se marier, a été privé de son aide financière et de son soutien affectif. Il n’a pas pu non plus être aux côtés de sa mère, atteinte de la maladie d’Alarmer, qui est décédée alors qu’il était incarcéré. Par ailleurs, la situation de santé du requérant s’est immédiatement dégradée en suite de son incarcération. C’est ainsi qu’il a été hospitalisé à l’hôpital de [Localité 5] et n’a pas eu de consultation avec un psychologue avant plusieurs mois. Il conserve d’ailleurs des séquelles importantes et les activités sportives antérieures lui sont désormais interdites. Il a été placé en détention provisoire pendant 473 jours alors qu’il n’avait pas été incarcéré depuis 20 ans et qu’il a toujours contesté les faits qui lui étaient reprochés et a déposé de nombreuses demandes de mise en liberté. La surpopulation carcérale de la maison d’arrêt de de [Localité 4] qui était de 157% au jour de son incarcération constitue également un facteur d’aggravation de son préjudice morale. C’est pourquoi, il sollicite une somme de 85 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L’agent judiciaire de l’Etat indique que l’indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de la durée de la privation de liberté subie et également en fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l’instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures. Il ajoute que la jurisprudence exige un lien de causalité direct et exclusif entre la mesure de détention et le préjudice moral. Il convient de retenir le fait que M. [O], n’avait jamais été incarcéré auparavant, qu’il a été isolé familialement d’avec ses 4 enfants et de sa conjointe. Par contre, il ne pourra pas être tenu compte des conséquences psychologiques alléguées alors que les certificats médicaux datent de 2019, soit un an après sa libération. Les conditions de détention difficiles ne sont attestées par aucun rapport mais seulement pas un article de presse et ne sont donc pas documentées. C’est ainsi qu’au vu de ces différents éléments, l’agent judiciaire de l’Etat propose l’allocation d’une somme de 25 000 euros au requérant au titre de son préjudice moral.
Le Ministère public soutient qu’il agissait de la première incarcération du requérant, alors qu’il était âgé de 53 ans, marié et père de ‘ enfants. Son choc carcéral a été plein et entier. L’isolement familial est attesté par deux courriers et sera retenu. Par contre le décès de sa mère n’est confirmé par aucun document. Les conditions difficiles de détention ne sont pas non plus justifiées par un rapport du Contrôleur général. La dégradation de l’état de santé du requérant n’est pas non plus démontrée car n’est produit qu’une carte mobilité-inclusion.
Il ressort des pièces produites aux débats qu’au moment de son incarcération M. [O], âgé de 53 ans, était marié et père de 4 enfants. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation. C’est ainsi que le choc carcéral initial de M. [O] est important.
Il y a lieu de retenir également le fait qu’il a été séparé de ses enfants et de son épouse qu’il n’a pas pu voir pendant plusieurs mois avant qu’ils puissent bénéficier de visites lors de parloirs. Ces éléments sont confirmés par deux courriers des intéressés. Par contre, les certificats médicaux indiquant que la mère du requérant était atteinte de la maladie d’Alzheimer sont postérieurs au placement en détention provisoire de M. [O] et il n’est pas démontré non plus que cette dernière soit décédée.
Concernant le choc psychologique en raison de l’importance de la peine encourue, la Commission Nationale de Réparation des Détentions admet que lorsque sont en cause certaines infractions pour lesquelles les peines encourues sont particulièrement lourdes, la souffrance psychologique engendrée par cette mise en cause a pour conséquence d’aggraver le préjudice moral. M. [O] a été mis en examen du chef d’assassinat et encourait une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour ce crime. Il convient ainsi de considérer que cette qualification pénale a accentué son angoisse et donc son choc carcéral.
Par contre, concernant les conditions de détention indignes, le requérant ne produit aucun rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et un article de presse est insuffisant pour attester de la réalité de la surpopulation carcérale à [Localité 4]. Le requérant ne démontre pas non plus les circonstances particulières de sa détention de nature à aggraver son préjudice et de justifier avoir personnellement souffert desdites conditions qu’il dénonce. Cet élément ne pourra donc être retenu.
S’agissant de la dégradation de son état de santé, sont produits une carte mobilité-inclusion et un bulletin d’hospitalisation à l’hôpital de [Localité 5] qui ne suffisent pas à démontrer que ces éléments sont en lien avec le placement en détention de M. [O] et ce facteur d’aggravation du préjudice moral ne sera pas retenu.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 38 000 euros à M. [O] en réparation de son préjudice moral.
Sur le préjudice matériel
1 – Sur la perte de revenus :
M. [O] fait valoir qu’il exerçait au jour de son placement en détention provisoire l’emploi d’agent de sécurité dans le cadre d’un CDI pour un salaire mensuel brut de 1 547,03 euros. Il a donc eu une perte de salaire net de 26 299,51 euros pour la période du 17 mars 2017 au 08 juillet 2018.
De même, à l’issue de sa remise en liberté, il a été repris par son ancien employeur mais dans le cadre d’un travail à temps partiel pour une rémunération brut mensuelle de 1 019,97 euros. C’est ainsi qu’il a eu un manque à gagner pour la période du 02 novembre 2018 au 1er avril 2024, date à laquelle il a retrouvé un emploi à temps plein, de 527,06 euros par mois X 64 mois = 33 731,84 euros.
C’est ainsi qu’il sollicite au total une somme de 60 031,35 euros en réparation de sa perte de revenus.
L’agent judiciaire de l’Etat souligne le salaire moyen mensuel net du requérant est de 1 385,36 euros, soit 44,70 euros par jour. C’est ainsi que sa perte réelle de salaire est de 24 222, 06 euros que l’AJE se propose de verser au requérant.
Concernant la perte de chance de percevoir une rémunération équivalente à sa sortie de détention, il y a lieu e constater que les conditions moins favorables de réembauche de M. [O] ne sont pas exclusivement liées à la détention subie et que les contraintes de l’employeur doivent aussi être prises en compte. Il est conclu au rejet de la demande au titre de la perte de chance.
Le Ministère Public considère que seule la perte de salaire durant la détention provisoire doit être prise en compte sur la base d’un salaire mensuel net et non brut et après que les requérant ait produit l’intégralité de ses bulletins de salaire afin de pouvoir apprécier son salaire mensuel moyen. Concernant, la perte de chance de percevoir un salaire équivalent, le choix de l’employeur de ne conclure qu’un contrat à temps partiel n’est pas en lien direct et exclusif avec la détention mais bien d’avantage avec l’organisation interne de l’entrepris. Il convient donc de rejeter la demande.
En l’espèce M. [O] travaillait au jour de son placement en détention provisoire pour la société [3] depuis le 24 septembre 2014, dans le cadre d’un CDI pour une rémunération brut mensuelle de 1 547,03 euros, en qualité d’agent de sécurité. L’analyse de ses bulletins de paie démontre que son salaire mensuel net moyen était de 1 385,36 euros, soit 44,70 euros par jour. Il n’a perçu aucun salaire durant son placement en détention provisoire. C’est ainsi que sa perte de revenus a été de 44,70 euros X 19 jours + 1 385,36 euros X 16 mois = 24 222,06 euros. C’est ainsi qu’une somme de 24 222,06 euros sera allouée à M. [O] à ce titre.
Par contre, il n’est donc pas démontré que les conditions de travail moins favorables du requérant à l’issue de sa remise en liberté soient en lien direct et exclusif avec le placement en détention provisoire de M. [O], alors que l’employer de ce dernier a souhaité modifier la durée de son travail en fonction de l’organisation interne de l’entreprise et de la conjoncture économique. C’est ainsi d’ailleurs qu’à compter du 1er mai 2024, le requérant a eu à nouveau un travail à temps complet. Dans ces conditions la perte de chance n’apparait pas réelle et sérieuse et la demande à ce titre sera rejetée.
2 – Sur la perte de chance d’obtenir des points retraite :
M. [O] considère qu’il n’a pas pu cotiser pour sa retraite pendant 17 mois et que la perte à ce titre est estimée à 2 000 euros. Lors de sa réembauche, en 2018, pour un temps de travail par mois moindre les points retraite attachés à ce nouvel emploi sont inférieures à ceux qui auraient été obtenus si l’emploi précédent avait perduré. Cette perte peut être estimée à 1 000 euros par an. C’est ainsi que la perte jusqu’au 1er avril 2024 est de 5 336 euros qu’il réclame aujourd’hui.
L’agent judiciaire de l’Etat indique que les points retraite du régime de base de la sécurité sociale ne sont pas perdus durant la période de détention provisoire dés lors que cette dernière ne vient pas s’imputer sur une peine d’emprisonnement ferme. Concernant le régime complémentaire de sécurité sociale, il a néanmoins subi une perte de chance de pouvoir contiser à ce régime spécial durant 15 mois et 17 jours sur la base de 50 euros par mois, soit une somme de 778,30 euros qu’il se propose d’allouer au requérant.
Le Ministère Public considère que le requérant ne justifie pas qu’il bénéficiait d’un régime complémentaire de sécurité sociale et dans ces conditions, sur le fondement des articles L 351-3, R 351-3 et R 351-12 du code de la sécurité sociale, la demande de préjudice retraite sera rejetée.
En l’espèce, selon les dispositions des articles L 351-3, R 351-3 et R 351-1é du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence de la CNRD développée sur la base de ces textes, la personne assujettie à un régime obligatoire de sécurité sociale général ou spécial ne perd du fait de la détention aucun droit à indemnisation relatif à la période d’assurance au régime de base, dès lors que la détention provisoire subie ne vient pas s’imputer sur une peine ferme, ce qui est le cas en l’espèce. Il n’y a donc eu aucune perte au titre du régime de base. S’agissant du n régime complémentaire, il ressort des bulletins de paie du requérant que ce dernier en bénéficiait. Par contre, seule peut être prise en compte la période durant laquelle M. [O] a été incarcéré, soit pendant 15 mois et 17 jours, sur la base de 50 euros par mois, s’agissant d’une perte de chance. C’est ainsi qu’il sera alloué au requérant une somme de 778,30 euros au titre de cette perte de chance.
3 – Sur les frais d’avocats liés à la détention :
Le requérant sollicite une somme de 14 160 euros TTC en réparation de son préjudice matériel résultant des frais de défense de son avocat en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.
L’agent judiciaire de l’Etat et le Ministère Public indiquent que les frais d’avocat ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s’ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d’en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d’honoraires, en application de l’article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l’établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d’honoraires permettant de détailler et d’individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté. Ils considèrent donc qu’il y a lieu de faire droit à la demande.
En l’espèce, M. [O] produit huit factures d’honoraires émises par son conseil entre novembre 2017 et juillet 2018 pour un montant total de 14 160 euros TTC. Ces factures détaillent et individualisent les prestations en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire, de sorte que parmi les différentes diligences accomplies par l’avocat il est permis de savoir le coût de chacune d’entre elle. C’est ainsi qu’il sera alloué à M. [O] une somme de 14 160 euros TTC au titre de ses frais de défense.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [O] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déclarons la requête de M. [U] [O] recevable ;
Lui allons les sommes suivantes :
– 38 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 14 160 euros TTC au titre de ses frais de défense ;
– 778,30 euros au titre de la perte de chance d’obtenir des points retraite ;
– 24 222,06 euros au titre de la perte de revenus ;
– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [U] [O] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l’Etat
Décision rendue le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
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