Indemnisation des préjudices liés à une détention provisoire injustifiée

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Indemnisation des préjudices liés à une détention provisoire injustifiée

L’Essentiel : M. [K], né en 1986, a été mis en examen en novembre 2015 pour blanchiment de fraude fiscale et a subi une détention provisoire. Après sa relaxe en septembre 2021, il a demandé une indemnisation pour préjudice matériel et moral. La cour a jugé sa requête recevable, allouant 7 500 euros pour le préjudice moral, en tenant compte de son état de santé et de la séparation familiale. Concernant le préjudice matériel, la cour a accordé 5 400 euros pour certains frais de défense, tout en rejetant sa demande de compensation pour perte de salaire. Les frais irrépétibles ont été fixés à 1 500 euros.

Contexte de la requête

M. [J] [K], né en 1986, a été mis en examen en novembre 2015 pour des infractions liées au blanchiment de fraude fiscale et à la fraude fiscale en bande organisée. Il a été placé en détention provisoire le même jour. En décembre 2015, il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. En novembre 2016, il a été mis en examen pour des chefs de faux et usage de faux. En septembre 2021, il a été relaxé par le tribunal judiciaire de Paris, décision devenue définitive en décembre 2021.

Demande d’indemnisation

Le 11 mars 2022, M. [K] a déposé une requête auprès de la cour d’appel de Paris pour obtenir une indemnisation de sa détention provisoire. Il a demandé des réparations pour préjudice matériel, préjudice moral et frais d’avocat, totalisant des sommes significatives.

Conclusions des parties

L’agent judiciaire de l’État a demandé un sursis à statuer jusqu’à la mise à disposition du dossier pénal, mais a également proposé des montants d’indemnisation inférieurs à ceux demandés par M. [K]. Le procureur général a conclu à la recevabilité de la requête et a soutenu une indemnisation pour le préjudice moral et matériel.

Recevabilité de la demande

La cour a jugé la requête de M. [K] recevable, notant qu’il avait respecté le délai de six mois pour demander réparation après sa relaxe. La détention de 34 jours a été reconnue comme indemnisable.

Sur la demande de sursis à statuer

La demande de sursis à statuer a été rejetée, la cour estimant qu’il y avait suffisamment d’éléments pour statuer sur la requête d’indemnisation sans attendre le dossier pénal.

Indemnisation du préjudice moral

M. [K] a fait valoir qu’il avait subi un choc carcéral important, aggravé par des conditions de détention difficiles et des problèmes de santé non traités. La cour a pris en compte son état de santé et la séparation familiale, allouant une somme de 7 500 euros pour le préjudice moral.

Indemnisation du préjudice matériel

Concernant la perte de revenus, M. [K] a présenté des bulletins de paie en hébreu non traduits, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de compensation pour perte de salaire. Pour les frais de défense, la cour a reconnu certains frais liés à la détention provisoire et a alloué 5 400 euros en réparation.

Frais irrépétibles

La cour a également décidé d’allouer 1 500 euros à M. [K] au titre des frais irrépétibles, considérant qu’il serait inéquitable de le laisser supporter ces coûts.

Décision finale

La cour a statué en faveur de M. [K], déclarant sa requête recevable et lui allouant des sommes pour le préjudice moral, le préjudice matériel et les frais d’avocat, tout en rejetant le surplus de ses demandes. Les dépens de la procédure ont été laissés à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la demande d’indemnisation

La recevabilité de la demande d’indemnisation de M. [K] est régie par les articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale.

Selon l’article 149, « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention. »

Il est précisé que « le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3. »

En l’espèce, M. [K] a présenté sa requête le 11 mars 2022, soit dans le délai de six mois suivant la décision de relaxe du 6 septembre 2021.

La requête est donc recevable, car elle respecte les conditions posées par les articles précités.

Sur la demande de sursis à statuer

L’agent judiciaire de l’État a demandé un sursis à statuer jusqu’à la mise à disposition du dossier pénal.

Cependant, le Code de Procédure Pénale ne prévoit pas de disposition spécifique permettant un tel sursis dans le cadre d’une demande d’indemnisation.

Les parties ont fait valoir qu’elles disposaient déjà de suffisamment d’éléments pour apprécier les préjudices subis par M. [K].

Il a été constaté que le dossier pénal était introuvable, mais cela ne justifie pas un sursis à statuer, car les éléments nécessaires à la décision étaient déjà disponibles.

Ainsi, la demande de sursis à statuer a été rejetée.

Sur l’indemnisation du préjudice moral

M. [K] a sollicité 25 000 euros pour son préjudice moral, invoquant des conditions de détention difficiles et des problèmes de santé.

Le préjudice moral est évalué en tenant compte de l’âge, de la durée de la détention, de l’état de santé et de la situation familiale du requérant.

Le tribunal a noté que M. [K] était âgé de 29 ans, célibataire, sans enfant, et qu’il n’avait pas eu de visites familiales durant sa détention.

Il a également été reconnu que M. [K] avait des problèmes de santé nécessitant des soins urgents, ce qui a contribué à son angoisse.

En conséquence, le tribunal a alloué 7 500 euros en réparation de son préjudice moral, tenant compte des éléments présentés.

Sur l’indemnisation du préjudice matériel

Concernant le préjudice matériel, M. [K] a demandé une indemnisation pour perte de revenus et frais de défense.

Pour la perte de revenus, il a produit des bulletins de paie en hébreu, non traduits, ce qui a rendu leur exploitation impossible.

L’agent judiciaire de l’État a donc proposé de rejeter cette demande, ce qui a été accepté par le tribunal.

En ce qui concerne les frais de défense, M. [K] a demandé 10 680 euros, mais le tribunal a limité l’indemnisation à 5 400 euros, correspondant aux diligences directement liées à la détention provisoire.

Ainsi, le tribunal a alloué 5 400 euros en réparation du préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles

Enfin, le tribunal a statué sur les frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Cet article stipule que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Il a été jugé inéquitable de laisser M. [K] supporter les frais engagés pour la procédure.

Ainsi, le tribunal a alloué 1 500 euros au titre de l’article 700, afin de couvrir les frais de justice engagés par M. [K].

Cette décision a été prise en tenant compte des circonstances de l’affaire et des éléments présentés par les parties.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 06 Janvier 2025

(n° , 6 pages)

N°de répertoire général : N° RG 22/04634 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMOU

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de [D] [C], greffière stagiaire, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 11 Mars 2022 par M. [J] [K] né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4], élisant domicile au cabinet de son avocat – Me Steeve RUBEN, [Adresse 2] – [Localité 3] ;

non comparant

Représenté par Me Steeve RUBEN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Manon OUVRARD, avocat au barreau de PARIS,

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 04 Novembre 2024 ;

Entendu Me Manon OUVRARD représentant M. [J] [K],

Entendu Me Claire LITAUDON, avocat au barreau de PARIS substituant Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Entendue Madame Marie-Daphnée PERRIN, avocate générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [J] [K], né le [Date naissance 1] 1986, de nationalité française, a été mis en examen le 13 novembre 2015 des chefs de blanchiment de fraude fiscale à titre habituel et de fraude fiscale de manière habituelle, dans le cadre de sociétés commerciales et en bande organisée par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, puis placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Fresnes le même jour par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction.

Par ordonnance du 16 décembre 2015, le juge d’instruction a remis en liberté le requérant et l’a placé sous contrôle judiciaire.

Le 30 novembre 2016, M. [K] a été mis en examen supplétivement des chefs de faux et usage de faux.

Par jugement du 06 septembre 2021, la 11e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a relaxé le requérant des fins de la poursuite et cette décision est définitive comme en atteste le certificat de non-appel du .06 décembre 2021.

Le 11 mars 2022, M. [K] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l’article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci :

Déclarer recevable la présente requête ;

Lui allouer les sommes suivantes :

Au titre du préjudice matériel 12 062,67 euros ;

Au titre du préjudice moral 25 000 euros ;

Au titre de l’article 700 du code de procédure civile 2 500 euros.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA et déposées le 25 juillet 2024, développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :

A titre principal,

Surseoir à statuer jusqu’à la mise à disposition du dossier pénal,

A titre subsidiaire,

Allouer à M. [K] la somme de 5 400 euros en réparation de son préjudice matériel,

Lui allouer la somme de 7 400 euros en réparation de son préjudice moral,

Rejeter le surplus des demandes,

Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 1 000 euros le montant de l’indemnité octroyée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général a, dans ses dernières conclusions notifiées le 23 août 2024 et soutenues oralement à l’audience de plaidoiries du 04 novembre 2024, conclu :

A la recevabilité de la requête pour une détention de 34 jours ;

A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;

A la réparation du préjudice matériel dans les conditions indiquées ;

Le requérant a eu la parole en dernier

SUR CE,

Sur la recevabilité de la demande

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel qui lui a causé cette détention.

Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel. Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.

En l’espèce, M. [K] a présenté sa requête aux fins d’indemnisation le 11 mars 2022. La décision de relaxe a été rendue le 06 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Paris ; Cette décision est devenue définitive comme en atteste le certificat de non appel du 06 décembre 2021. M. [K] a donc bien présenté sa requête dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale. Cette requête contenant l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, est signée par son avocat et la décision de relaxe n’est pas fondée sur un des cas d’exclusions visé à l’article 149 du code de procédure civile.

La demande de M. [K] est donc recevable.

C’est ainsi que la requête de M. [K] est recevable au titre d’une détention provisoire indemnisable de 34 jours.

Sur la demande de sursis à statuer

L’agent judiciaire de l’Etat sollicite qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la communication du dossier pénal de la procédure suivie contre de M. [K], afin de pouvoir en prendre connaissance et de vérifier les conditions de détention et de répondre utilement aux arguments invoqués par le requérant.

M. [K] et le Ministère Public concluent au rejet de cette demande dès lors que l’on dispose de tous les éléments pour apprécier les préjudices matériel et moral subi par M. [K].

Il ressort des pièces produites aux débats que le dossier pénal a été sollicité auprès des services compétents à plusieurs reprises depuis septembre 2022 et dernièrement encore au mois de juillet 2024. Ce service a alors indiqué l’avoir transmis au greffe concerné au cours de ce même mois de juillet, sans que celui-ci n’arrive effectivement à ce greffe et se trouve désormais introuvable.

Par ailleurs, chaque partie dispose déjà d’éléments suffisants lui permettant de donner son avis sur les mérites de la requête de M. [K] en indemnisation de sa détention provisoire devenue injustifiée et le premier président est également à même de statuer en l’état sur cette requête qui date tout de même du 11 mars 2022.

La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

Sur l’indemnisation

Sur l’indemnisation du préjudice moral

M. [K] soutient qu’il a subi un choc carcéral particulièrement conséquent car il était âgé de 29 ans, il était installé en Israël et a été incarcéré à 4 600 kilomètres de chez lui et qu’il s’agissait d’une première incarcération pour lui. Ayant été victime d’un grave accident qui avait provoqué la mutilation d’un doigt de la main, il avait besoin de soins urgents pour retirer les broches, qu’il n’a pas eu et qui a généré chez lui l’angoisse légitime de voir son état de santé se dégrader, alors que deux semaines après son entrée en détention, il n’avait toujours pas été reçu en consultation. Les conditions de détention à la maison d’arrêt de [Localité 5] sont déplorables en raison de la surpopulation carcérale comprise entre 159 et 201%et de son insalubrité. Relevés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport d’octobre 2016, ainsi que des fouilles à corps attentatoires à la dignité humaine. Cette situation de la maison d’arrêt de [Localité 5] a d’ailleurs donné lieu à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020. C’est pourquoi il sollicite l’allocation d’une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral.

L’agent judiciaire de l’Etat indique qu’il convient de prendre en compte l’âge de 29 ans du requérant, le fait qu’il vivait en Israël et qu’aucun membre de sa famille n’a pu lui rendre visite. En outre, le casier judiciaire de M. [K] ne porte trace d’aucune condamnation pénale de sorte que son choc carcéral a été important. Les mauvaises conditions de détention évoquées font référence à un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui est postérieur à la période de détention et à un arrêt de la Cour européenne qui est très largement postérieure à son placement en détention provisoire. Concernant les problèmes de santé, rien ne permet de dire que le requérant n’a pas été vu en consultation médicale avant le 7 novembre 2015 par un médecin. Compte tenu de ces différents éléments, l’AJT propose l’allocation d’une somme de 7 400 euros en réparation du préjudice moral du requérant.

Le Ministère Public rappelle que le préjudice moral ne doit être apprécié qu’au regard de l’âge du requérant, de la durée et des conditions de la détention, de son état de santé, de sa situation familiale et d’éventuelles condamnations antérieures, soulignant l’absence de précédente incarcération, ce qui fait que le choc carcéral est plein et entier. La séparation familiale est attestée et doit être retenue, dans la mesure où elle demeurait en Israël. Par contre les conditions de détention difficiles ne sont absolument pas documentées puis que le rapport évoqué est antérieur à son placement en détention et la condamnation de la Cour européenne postérieure à cette détention. La prise en charge tardive des problèmes de santé de M. [K] et la crainte corrélative de l’aggravation de ses blessures ont légitimement pu accroître son préjudice moral.

En l’espèce, M. [K], âgé de 29 ans au moment de son incarcération, célibataire et sans enfant avait néanmoins une fiancée qui est devenue sa femme plus tard. Il est par ailleurs attesté que le requérant n’a pas eu de visite durant son placement en détention provisoire, sa famille demeurant en Israël. Il a donc souffert de la séparation avec sa famille.

Il s’agissait par ailleurs d’une première incarcération pour le requérant car le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation à une peine d’emprisonnement ferme. C’est ainsi que le choc carcéral peut être considéré comme important.

M. [I] était poursuivi pour 5 chefs différents ce qui a trait à la procédure pénale et non pas à son placement en détention provisoire. Pour autant, il ne démontre pas en quoi ces qualifications pénales ont eu une incidence sur ses conditions de détention et ce facteur d’aggravation du préjudice moral ne sera pas retenu.

S’agissant des conditions matérielles de détention, M. [K] évoque la surpopulation carcérale et l’insalubrité des locaux en faisant référence à un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’octobre 2016, soit postérieurement à la date de son placement en détention provisoire, et à une condamnation de la Cour européenne du 30 janvier 2020, soit postérieurement à cette détention provisoire. Il n’explique pas non plus en quoi il aurait personnellement souffert de ces conditions de détention difficiles. C’est ainsi qu’il y n’y a lieu de tenir compte de ce facteur d’aggravation.

Par contre, M. [K] justifie de ses problèmes de santé et de la nécessité de suivre rapidement des soins en détention qui ont tardé et qui ont pu légitimement faire naître chez lui un sentiment d’angoisse que son état de santé s’aggrave. Cet élément sera donc pris en compte.

C’est ainsi, qu’au vu de ces différents éléments, il sera alloué à M. [K] une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l’indemnisation du préjudice matériel

Sur la perte de revenus :

M. [K] indique qu’il exerçait une activité professionnelle rémunérée antérieurement à son placement en détention provisoire, en qualité d’employé au sein de la société [6] et qu’il percevait à ce titre un salaire de 5 000 shekels soit 1 220 euros net par mois et produit à cet effet ses bulletins de paie pour la période des mois de janvier à novembre 2015. Il sollicite en conséquence une somme de 1 382,67 euros au titre de sa perte de salaire durant sa période de détention provisoire.

L’agent judiciaire de l’Etat et le procureur général indiquent que le requérant ne produit que des bulletins de paie rédigés en hébreu qui ne sont pas traduits et qui ne sont donc pas exploitables. Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande en ce sens.

En l’espèce M. [K] produit plusieurs bulletins de paie de janvier à novembre 2015 écrits en hébreu qui ne sont pas traduits en en langue française. Or, l’alphabet hébreu est différent de l’alphabet latin moderne utilisé par la langue française et, sans traduction, il n’est pas possible de savoir de quelle société émanent ces bulletins de paie et surtout à qui ils sont destinés. Dans ces conditions, il n’est pas démontré que ces bulletins sont applicables à M. [K] et aucune somme ne lui sera allouée au titre d’une perte de salaire.

Sur le préjudice lié aux frais de défense :

M. [K] sollicite une somme de 10680 euros en remboursement des frais d’avocat qu’il a dû payer en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire, c’est-à-dire les déplacements à la maison d’arrêt de [Localité 5], l’assistance lors de son interrogatoire de première comparution, l’assistance lors du débat de placement en détention provisoire devant le JLD, les démarches liées à la détention auprès du juge d’instruction, la rédaction d’un projet de sortie, la rédaction d’une enquête de faisabilité d’assignation à résidence et la rédaction d’une demande de mise en liberté..

L’AJE estime que les seules diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire ne sont constituées que par le débat contradictoire devant le JLD le 13 novembre 2015, la rédaction d’une demande de mise en liberté et la rédaction d’une enquête de faisabilité pour un montant total de 4 500 euros HT soit 5 400 euros TTC. Les visite à la maison d’arrêt n’apparaissent par contre pas en lien avec la détention provisoire. Il se propose donc d’allouer au requérant une somme de 5 400 euros en réparation de son préjudice matériel.

Le Ministère Public considère que cette demande est partiellement justifiée et doit se limiter aux actes strictement liés au contentieux de la détention provisoire, soit à hauteur de 5 400 euros.

En l’espèce, M. [K] produit une note récapitulative établi par son conseil dont les diligences sont détaillées et leur coût indiqué datée du 22 septembre 2021 pour un montant total de 32 280 euros TTC.

A la lecture de cette note, il apparaît que les seules diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire, au sens de la jurisprudence, sont :

Le débat contradictoire devant le JLD le 13 novembre 2015 pour 2 500 euros

La rédaction et le dépôt d’une demande de mise en liberté en date du 15 décembre 2015 pour 1 500 euros

La rédaction et le dépôt d’une demande de faisabilité en date du 16 novembre 2015 pour 500 euros.

Les autres diligences comme l’interrogatoire au fond, la confrontation et les audiences de fixation ne sont pas en lien avec ce contentieux, pas plus que les visites à la maison d’arrêt, faute de justifier d’un un tel lien.

C’est ainsi qu’il sera donc alloué une somme de 4 500 euros HT, soit 5 400 euros TTC à M. [K] pour ce poste de préjudice.

Sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu’il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance contradictoire,

Déclarons recevable la requête de M. [J] [K] pour une détention d’une durée de 34 jours ;

Rejetons la demande de sursis à statuer ;

Allouons à M. [J] [K] les sommes suivantes :

7 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

5 400 euros en réparation du préjudice matériel

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [J] [K] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens de la présente procédure à la charge de l’Etat ;

Décision rendue le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


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