Indemnisation des passagers aériens : enjeux et obligations des transporteurs face aux retards.

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Indemnisation des passagers aériens : enjeux et obligations des transporteurs face aux retards.

L’Essentiel : Madame [I] [T] a saisi le tribunal judiciaire de Lille le 2 octobre 2023, demandant des indemnités à Air Algérie pour un retard de vol. Elle réclame 400 euros pour ce retard, 150 euros pour résistance abusive, ainsi que 500 euros pour frais de justice. Le vol AH 1075, prévu le 15 mai 2023, a subi un retard de plus de 3 heures, donnant droit à une indemnisation selon le règlement CE n° 261/2004. Lors de l’audience du 1er octobre 2024, Air Algérie était absente, entraînant un jugement contradictoire, avec une décision rendue le 26 novembre 2024.

Contexte de la Demande

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2023, Madame [I] [T] a saisi le tribunal judiciaire de Lille pour demander des indemnités à la société Air Algérie, en vertu du règlement CE n° 261/2004. Elle réclame 400 euros pour un retard de vol, 150 euros pour résistance abusive, 500 euros pour frais de justice, ainsi que la prise en charge des dépens et l’exécution provisoire du jugement.

Retard du Vol

Madame [I] [T] a réservé un vol AH 1075 le 15 mai 2023, reliant [Localité 5] à [Localité 4], qui a subi un retard de plus de 3 heures. Elle soutient que ce retard lui donne droit à une indemnisation forfaitaire de 400 euros, conformément à l’article 7 du règlement précité. Malgré ses demandes d’indemnisation, Air Algérie n’a pas répondu.

Absence de la Société Air Algérie

Lors de l’audience du 1er octobre 2024, la société Air Algérie n’était pas représentée, ce qui a conduit à un jugement réputé contradictoire. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le 26 novembre 2024.

Analyse Juridique

Le tribunal a examiné la demande principale en se basant sur les articles du règlement CE n° 261/2004, qui stipulent que les passagers ont droit à une indemnisation en cas de retard significatif. La requérante a fourni des preuves de sa réservation et du retard, sans que la société Air Algérie ne justifie de circonstances extraordinaires.

Résistance Abusive

Concernant la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, le tribunal a noté qu’il n’y avait pas de preuve d’un abus de droit de la part d’Air Algérie. Le simple fait de ne pas verser l’indemnité ne constitue pas une résistance abusive, et la requérante n’a pas démontré de préjudice.

Dépens et Frais

Le tribunal a décidé que les dépens de l’instance seraient à la charge de la société Air Algérie, considérée comme partie perdante. De plus, la société a été condamnée à verser 500 euros à Madame [I] [T] pour les frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Exécution Provisoire

Enfin, le tribunal a statué que la décision serait exécutoire à titre provisoire, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une exécution supplémentaire. Le jugement a été prononcé le 26 novembre 2024.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 7 du Règlement CE n° 261/2004 concernant l’indemnisation des passagers en cas de retard de vol ?

L’article 7 du Règlement (CE) n° 261/2004 stipule que :

« 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres… »

Dans le cas présent, Madame [I] [T] a subi un retard de 8h30 sur le vol AH 1075, qui relie [Localité 5] à [Localité 4], soit une distance de 1542 kilomètres.

Étant donné que ce vol est intracommunautaire et que le retard dépasse les 3 heures, elle est en droit de réclamer l’indemnisation forfaitaire de 400 euros prévue par cet article.

La société Air Algérie n’ayant pas fourni de justification valable pour ce retard, la demande d’indemnisation est donc fondée et doit être accueillie.

Quelles sont les conditions d’application de l’article 32-1 du code de procédure civile concernant la résistance abusive ?

L’article 32-1 du code de procédure civile énonce que :

« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Pour qu’il y ait résistance abusive, il faut prouver que la partie adverse a agi avec malice ou mauvaise foi, dans le but de nuire à l’autre partie.

Dans cette affaire, la requérante a demandé des dommages et intérêts en raison de la résistance abusive de la société Air Algérie. Cependant, le tribunal a constaté qu’aucune preuve d’abus de droit n’a été rapportée.

Le simple fait de ne pas verser l’indemnité ne constitue pas en soi une résistance abusive, d’autant plus que la requérante n’a pas justifié d’un préjudice.

Ainsi, la demande de dommages et intérêts sur ce fondement a été rejetée.

Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans le cadre de cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens… »

Dans cette affaire, la société Air Algérie, en tant que partie perdante, a été condamnée à verser à Madame [I] [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700.

Cette somme est destinée à couvrir les frais exposés par la requérante pour mener à bien son action en justice, qui ne sont pas inclus dans les dépens.

Le tribunal a donc statué en faveur de la requérante sur ce point, reconnaissant ainsi le droit à une compensation pour les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Quelles sont les implications de l’article 514 du code de procédure civile sur l’exécution des décisions de première instance ?

L’article 514 du code de procédure civile prévoit que :

« Les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Dans le cas présent, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, car la décision était déjà exécutoire de plein droit.

Cela signifie que la société Air Algérie est tenue de respecter la décision du tribunal sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’issue d’un éventuel appel.

Cette disposition vise à garantir que les droits des parties soient respectés rapidement, en évitant des délais supplémentaires qui pourraient nuire à la partie gagnante.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09210 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XTMZ

N° de Minute : 24/00324

JUGEMENT

DU : 26 Novembre 2024

[I] [T]

C/

Société AIR ALGERIE

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 26 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR

Madame [I] [T] demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Elodie RIFFAUT, avocat au barreau de PARIS

ET :

DÉFENDEU

Société AIR ALGERIE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 01 Octobre 2024

Julie THOREZ, Juge, assistée de Chelbia HADDAD, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 26 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Julie THOREZ, Juge, assistée de Chelbia HADDAD, Greffier

RG n°9210/23 – Page KB

EXPOSE DU LITIGE

Par requête enregistrée le 2 octobre 2023 au greffe de la 10ème chambre du tribunal judiciaire de Lille, Madame [I] [T] demande, aux visas des dispositions du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004, des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile et 1240 du code civil, de :

condamner la société Air Algérie à lui verser la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 7 du Règlement n°261/2004 du 11 février 2004,condamner la société Air Algérie à lui verser la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts du fait de sa résistance abusive en application des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,condamner la société Air Algérie à lui verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,condamner la société Air Algérie aux entiers dépens,ordonner l’exécution provisoire du jugement.
Lors de l’audience du 1er octobre 2024, le conseil de Madame [I] [T] a demandé au tribunal de faire droit aux prétentions contenues dans sa requête.

Elle fait valoir que le vol AH 1075 du 15 mai 2023 reliant [Localité 5] à [Localité 4] soit 1542 kilomètres, pour lequel elle bénéficiait d’une réservation confirmée, a subi un retard de plus de 3 heures relevant de l’indemnisation forfaitaire à hauteur de 400 euros.

Elle expose que la société Air Algérie a volontairement manqué à son obligation d’indemnisation et ce malgré les demandes préalables à l’introduction de l’instance.

La société Air Algérie, à qui la lettre recommandée du greffe la convoquant à l’audience a été distribuée, n’était pas représentée à l’audience, de sorte que le jugement, qui est rendu en dernier ressort, sera réputé contradictoire en application de l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque  » le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.  »

Sur la demande principale

L’article 3 du règlement (CE) n° 261/2004 prévoit que :

 » 1. Le présent règlement s’applique:
aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité;
b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.

2. Le paragraphe 1 s’applique à condition que les passagers:

a) disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’enregistrement:

— comme spécifié et à l’heure indiquée à l’avance et par écrit (y compris par voie électronique) par le transporteur aérien, l’organisateur de voyages ou un agent de voyages autorisé, ou, en l’absence d’indication d’heure,

— au plus tard quarante-cinq minutes avant l’heure de départ publiée, ou

b) aient été transférés par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages, du vol pour lequel ils possédaient une réservation vers un autre vol, quelle qu’en soit la raison.  »

L’article 6 du règlement (CE) n° 261/2004 prévoit encore que :

 » 1. Lorsqu’un transporteur aérien effectif prévoit raisonnablement qu’un vol sera retardé par rapport à l’heure de départ prévue…

b) de trois heures ou plus pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 km et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 km …  »

L’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 prévoit enfin que :

 » 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à:

b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres…  »

En l’espèce, la requérante verse aux débats :
-la réservation confirmée de Madame [I] [T] sur le vol AH 1075 du 15 mai 2023,
la carte d’embarquement de Madame [I] [T] pour le vol AH 1075 du 15 mai à 14h50,la copie de la carte d’identité de Madame [I] [T],l’attestation de retard du vol AH 1075 de 8h30 établie par Air Algérie le 15 mai 2023,la mise en demeure adressée à la société Air Algérie le 30 juin 2023.
Il ressort des pièces versées aux débats que Madame [I] [T] disposait d’une réservation confirmée pour le vol AH 1075 du 15 mai 2023 réalisant le trajet [Localité 5] à [Localité 4] soit 1542 kilomètres et que ce vol a subi un retard de 8h30.

La société Air Algérie ne fait état d’aucune circonstance extraordinaire justifiant le retard.

La requérante indique ne pas avoir été indemnisée par suite du retard subi.

Dès lors, la requérante établit le bien-fondé de sa demande.

Il y a donc lieu de condamner la société Air Algérie à payer à Madame [I] [T] la somme de 400 euros au titre de l’indemnisation forfaitaire due en raison du retard du vol.

Sur la résistance abusive

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile  » il incombe à chacune des parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.  »

L’article 32-1 du code de procédure code de procédure civile énonce que  » Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés”

La requérante sollicite la condamnation de la société Air Algérie à lui payer une indemnité en raison du caractère abusif de la procédure.

Toutefois, l’exercice d’un droit tel que celui d’agir en justice ne dégénère en abus que si son titulaire en fait, à dessein de nuire, par malice ou mauvaise foi, un usage préjudiciable à autrui.

En l’espèce, la preuve d’un abus de droit n’étant pas rapportée, la requérante sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts sur ce fondement.
L’article 1240 du code civil énonce que “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

De plus, le simple fait de ne pas verser l’indemnité sollicitée ne peut être considéré comme une résistance abusive, d’autant que la requérante ne justifie d’aucun préjudice.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de l’instance à la charge de la société Air Algérie, partie perdante.

Sur les frais irrépétibles

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,  » le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens…  »

En l’espèce, la société Air Algérie, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Madame [I] [T] une somme de 500 euros sur ce fondement.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du code de procédure civile prévoit que  » Les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.  »

La décision étant assortie de droit de l’exécution provisoire, il n’y a pas lieu de l’ordonner.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne la société Air Algérie à payer à Madame [I] [T] la somme de 400 euros en application de l’article 7 du Règlement CE 261/2004,

Déboute Madame [I] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la société Air Algérie au paiement des dépens,

Condamne la société Air Algérie à payer à Madame [I] [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé le 26 novembre 2024.

Le greffier La présidente


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