Indemnisation suite à une détention provisoire : évaluation des préjudices et frais engagés

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Indemnisation suite à une détention provisoire : évaluation des préjudices et frais engagés

L’Essentiel : La décision a été prononcée le 13 janvier 2025, signée par Sophie BARBAUD et Florence CHUPIN. Le 17 janvier 2024, [T] [Z] a demandé réparation pour un préjudice lié à une détention provisoire de 30 jours, sollicitant 6 045,44 €. L’Agent judiciaire de l’Etat a déclaré la requête irrecevable le 15 mai 2024, mais celle-ci a été jugée recevable par la suite. Le préjudice moral a été évalué à 1 800 €, tandis que le préjudice matériel a été fixé à 1 200 €. Les frais irrépétibles ont également été établis à 1 200 €, à la charge du Trésor public.

Prononcé de la décision

La décision a été prononcée par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025, signée par Sophie BARBAUD, présidente, et Florence CHUPIN, greffier.

Demande de réparation

Par requête du 17 janvier 2024, [T] [Z] a demandé réparation pour un préjudice subi suite à une détention provisoire de 30 jours, du 8 juin au 7 juillet 2023, sollicitant un total de 6 045,44 € pour divers préjudices.

Conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat

L’Agent judiciaire de l’Etat a déclaré la requête irrecevable le 15 mai 2024, en raison de l’absence de justificatif de la décision définitive. Des conclusions récapitulatives et un certificat de non-appel ont été fournis par le conseil du requérant le 5 juillet 2024.

Propositions du procureur général

Le procureur général a proposé le 10 octobre 2024 d’accorder une indemnisation pour le préjudice moral et les frais d’avocat, tout en suggérant une réduction de la demande au titre de l’article 700 et le rejet de la demande pour perte de chance.

Répliques des parties

Des répliques ont été échangées entre le conseil de l’Agent judiciaire de l’Etat et celui du requérant entre octobre et novembre 2024, avec des observations des parties lors de l’audience du 9 décembre 2024.

Recevabilité de la requête

La requête a été jugée recevable, ayant été formulée dans le délai légal conformément aux articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.

Fondement de la demande

Le requérant, ayant subi une détention provisoire pour détention non autorisée de stupéfiants, a été relaxé le 7 juillet 2023, ce qui lui donne droit à réparation pour le préjudice causé par cette détention.

Préjudice matériel

Concernant les frais d’avocat, il a été décidé d’allouer 1 200 € au requérant. En revanche, la demande d’indemnisation pour perte de chance de travailler a été rejetée, faute de preuves suffisantes.

Préjudice moral

Le préjudice moral a été évalué à 1 800 €, tenant compte de l’âge du requérant et de son casier judiciaire. Les conditions de détention n’ont pas été jugées spécifiquement préjudiciables.

Frais irrépétibles

Les frais irrépétibles engagés par [T] [Z] dans la procédure ont été fixés à 1 200 €, considérés comme inéquitables à sa charge.

Décision finale

La requête a été déclarée recevable, le préjudice moral fixé à 1 800 €, le préjudice matériel à 1 200 €, et l’indemnité de procédure également à 1 200 €, laissant les dépens à la charge du Trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir réparation suite à une détention provisoire selon le Code de procédure pénale ?

La réparation du préjudice causé par une détention provisoire est régie par l’article 149 du Code de procédure pénale. Cet article stipule :

« Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. »

Il est important de noter que la réparation n’est pas due si la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement repose sur la reconnaissance de l’irresponsabilité, une amnistie, ou si la personne a été détenue pour s’être accusée à tort.

De plus, l’article précise que le préjudice doit être évalué par expertise contradictoire, et que la personne doit être informée de son droit à réparation lors de la notification de la décision.

Comment évaluer le préjudice matériel et moral dans le cadre d’une demande de réparation ?

L’évaluation du préjudice matériel et moral est essentielle dans le cadre d’une demande de réparation. Selon l’article 149 du Code de procédure pénale, le préjudice est évalué par expertise contradictoire.

Pour le préjudice matériel, le requérant doit prouver que les frais engagés sont directement liés à la détention. Dans le cas présent, le requérant a demandé 1 250 € pour les frais d’avocat. Toutefois, il a été alloué 1 200 € car les frais de défense étaient justifiés par la facture produite.

Concernant le préjudice moral, le tribunal prend en compte des éléments tels que l’âge du requérant et son casier judiciaire. Dans cette affaire, le tribunal a fixé le préjudice moral à 1 800 €, tenant compte de la durée de la détention et des circonstances personnelles du requérant.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans une procédure de réparation ?

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, sont des frais que la partie perdante doit supporter. Cet article stipule :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans le cas présent, le tribunal a jugé inéquitable de laisser le requérant supporter les frais irrépétibles qu’il a engagés dans la procédure. Ainsi, une somme de 1 200 € a été allouée pour couvrir ces frais, ce qui souligne l’importance de la protection des droits des justiciables dans le cadre des procédures judiciaires.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Indemnisation de la détention provisoire

DECISION AU FOND

DU 13 JANVIER 2025

N° 2025/5

N° RG 24/00003 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMNSK

[T] [Z]

C/

LE PROCUREUR GENERAL

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

copie exécutoire délivrée

le 13 janvier 2025

à Me ABASSIT, avocat

Décision déférée à la Cour :

Décision en matière de réparation du préjudice subi à raison d’une détention provisoire rendue le 13 janvier 2025 prononcée sur requête déposée le 17 janvier 2024.

DEMANDEUR A LA REQUÊTE

Monsieur [T] [Z]

né le [Date naissance 3] 1997 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Florian ABASSIT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Alice DINAHET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DEFENDEUR A LA REQUÊTE

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alexandra BEAUX, administratrice provisoire de la SELAS VILLEPIN et Associés, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

En présence de monsieur le procureur général, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 9 décembre 2024 en audience publique devant Sophie BARBAUD, présidente de chambre déléguée par ordonnance de monsieur le premier président.

En présence de monsieur le procureur général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.

Greffier lors des débats : Florence CHUPIN faisant fonction et assermentée

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025.
DECISION

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025,

Signée par Sophie BARBAUD, présidente et Florence CHUPIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

***

*

Par requête parvenue le 17 janvier 2024, [T] [Z] a sollicité la réparation du préjudice subi à la suite d’une détention provisoire d’une durée de 30 jours, du

8 juin au 7 juillet 2023.

Il sollicite la somme de 6 045,44 € se décomposant comme suit :

– 2 320 € au titre du préjudice moral

– 1 250 € au titre des frais de défense

– 1 045,44 € au titre du préjudice résultant de la perte de chance de travailler

– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat en date du 15 mai 2024 déclarant irrecevable la requête faute de justificatif de la décision définitive ;

Vu les conclusions récapitulatives et le certificat de non-appel adressés par le coneil du requérant le 5 juillet 2024 ;

Vu les conclusions du procureur général en date du 10 octobre 2024 proposant de faire droit à la demande au titre du préjudice moral et des frais d’avocat, à la réduction de la demande au titre de l’article 700 et au rejet de la demande au titre de la perte de chance ;

Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil de l’agent judiciaire de l’Etat le 17 octobre 2024 , proposant d’allouer 1 300 € au titre du préjudice moral, 1200 € au titre des frais d’avocat et rejeter le surplus;

Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil du requérant le 18 novembre 2024;

Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil de l’agent judiciaire de l’Etat le 27 novembre 2024 ;

Vu les observations des parties à l’audience du 9 décembre 2024 ;

EN LA FORME

Formulée dans le délai légal, la requête est recevable en application des articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.

AU FOND

Aux termes des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale ‘Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.

Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier alinéa).’

Ayant subi une détention provisoire à l’occasion d’une procédure pénale du chef de détention non autorisée de stupéfiants , le requérant, qui a bénéficié le 7 juillet 2023 d’une relaxe du tribunal correctionnel de Nice est bien fondé à solliciter la réparation du préjudice directement causé par cette privation de liberté d’une durée de 30 jours

Préjudice matériel

Le requérant sollicite la somme de 1 250 € au titre des frais d’avocat et 1 045,44 € au titre de la perte de chance de travailler

Concernant les frais d’avocat, preuve est rapportée que ces derniers sont en rapport direct avec le contentieux de la détention provisoire de sorte qu’il y a lieu d’allouer au requérant la somme de 1 200 € au vu de la facture produite et non la somme de 1 250 €.

Concernant le préjudice résultant de la perte de chance de travailler , il y a lieu de rappeler que le requérant doit démontrer qu’il travaillait régulièrement par le biais de missions d’intérim avant son incarcération pour prétendre à l’indemnisation de ce préjudice . En l’espèce s’il est effectivement établi que [T] [Z] travaillait de façon régulière en intérim de septembre 2022 à janvier 2023 ( attestation [4] ), aucune pièece versée à la procédure ne permet d’établir qu’il a travaillé entre le 14 janvier 2023 et le 8 juin 2023 date de son incarcération . De plus l’attestation de réinsertion de la même société d’intérim démontre que l’incarcération n’a pas obéré la possibilité pour lui de reprendre une activité professionnelle.

Au vu de l’ensemble de ces éléments , il n’est pas démontré qu’il existe un préjudice résultant de la perte de chance de travailler pendant la période d’incarcération de sorte que la demande de ce chef sera rejetée.

Préjudice moral

Le préjudice moral subi par [T] [Z] sera justement réparé par l’allocation de la somme de 1 800 € tant au regard de son âge (25 ans) au moment de son placement en détention pour 30 jours que de son casier judiciaire qui porte trace d’une condamnation et atteste du fait qu’il n’avait jusqu’alors jamais été incarcéré.

Par ailleurs s’il est exact que la maison d’arrêt de [Localité 5] connaissait au moment de son incarcération une surpopulation carcérale , il n’est pas démontré que ces conditions de détention aien t eu des conséquences spécifiques et particulières à l’égard du requérant.

Frais irrépétibles

Il est inéquitable de laisser à la charge de [T] [Z] le montant des frais irrépétibles qu’il a dû exposer dans la présente procédure et qui seront évalués à la somme de 1 200 €

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort;

Déclare la requête en réparation du préjudice causé suite à la détention provisoire subie par [T] [Z] , recevable.

Fixe à la somme de 1 800 € (mille huit cents euros) le préjudice moral subi par [T] [Z]

Fixe à la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) le préjudice matériel subi [T] [Z]

Fie à la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) l’indemnité de procédure

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier, La présidente,


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