Indemnisation pour détention provisoire injustifiée : évaluation du préjudice moral et conditions de détention.

·

·

Indemnisation pour détention provisoire injustifiée : évaluation du préjudice moral et conditions de détention.

L’Essentiel : Le 25 septembre 2021, M. [E] [O] a été mis en examen pour violences avec arme et placé en détention provisoire. Deux jours plus tard, il a été relaxé. Le 16 mai 2024, il a demandé une indemnisation de 3 000 euros pour préjudice moral et 1 800 euros selon l’article 700 du code de procédure civile. L’agent judiciaire a proposé de réduire l’indemnisation à 200 euros. La cour a jugé la demande recevable, constatant que M. [O] n’avait pas été informé de son droit à réparation. Finalement, il a obtenu 870 euros pour son préjudice moral et 1 000 euros au titre de l’article 700.

Contexte de l’affaire

Le 25 septembre 2021, M. [E] [O] a été mis en examen pour des violences avec arme et a été placé en détention provisoire le même jour. Deux jours plus tard, le 27 septembre 2021, il a été relaxé.

Demande d’indemnisation

Le 16 mai 2024, M. [O] a déposé une requête auprès de la cour d’appel de Toulouse pour obtenir une indemnisation pour le préjudice résultant de sa détention de 3 jours. Il a demandé 3 000 euros pour son préjudice moral et 1 800 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponses des parties

L’agent judiciaire de l’État a demandé un sursis à statuer en raison de l’absence de la fiche pénale de M. [O] et a proposé de réduire l’indemnisation pour le préjudice moral à 200 euros. Le ministère public a également demandé que la demande soit déclarée recevable et a proposé une indemnisation maximale de 200 euros pour le préjudice moral.

Recevabilité de la requête

La cour a examiné la recevabilité de la requête en se basant sur l’article 149-2 du code de procédure pénale. Il a été établi que M. [O] n’avait pas été informé de son droit à réparation lors de la notification de sa relaxe, ce qui a permis de déclarer sa demande recevable.

Évaluation du préjudice

La cour a pris en compte la durée de la détention, la personnalité de M. [O], son environnement et ses antécédents judiciaires pour évaluer le préjudice moral. Bien que M. [O] ait subi des conditions de détention indignes, son expérience antérieure en détention a été considérée, ce qui a conduit à une indemnisation de 870 euros pour les 3 jours de détention.

Décision finale

La cour a statué en faveur de M. [O], lui allouant 870 euros pour son préjudice moral et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en laissant les dépens à la charge du Trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de la demande d’indemnisation de M. [E] [O] ?

La recevabilité de la demande d’indemnisation de M. [E] [O] est régie par l’article 149-2 du code de procédure pénale, qui stipule que le requérant doit saisir le premier président de la cour d’appel dans un délai de six mois suivant la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive.

Ce délai ne commence à courir que si, lors de la notification de la décision, la personne a été informée de son droit à réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 du même code.

À défaut d’une telle notification, le délai de six mois ne court pas, et la requête déposée au-delà de ce délai doit être déclarée recevable.

Dans le cas présent, il est établi que M. [O] n’a pas été avisé de son droit à réparation lors de la notification de sa relaxe.

Ainsi, le délai de six mois n’a jamais commencé à courir, rendant sa requête, déposée le 16 mai 2024, recevable pour la détention subie du 25 au 27 septembre 2021, soit une durée de 3 jours.

Quel montant d’indemnisation peut être accordé pour le préjudice moral ?

L’indemnisation du préjudice moral est déterminée en tenant compte de plusieurs facteurs, notamment la durée de la détention, la personnalité du requérant, son environnement familial et professionnel, ainsi que ses antécédents judiciaires.

Il est important de rappeler que seul le préjudice personnellement subi par le demandeur, en lien direct et certain avec la détention, doit être réparé.

Dans cette affaire, M. [E] [O] a été incarcéré pendant 3 jours à l’âge de 33 ans. Il a également justifié un facteur de majoration de son préjudice moral en raison de conditions de détention indignes, corroborées par des recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Ces recommandations indiquent que la maison d’arrêt de [Localité 5] présente un taux d’occupation de 186%, avec des nuisibles, un manque d’hygiène, et un climat de violences.

Cependant, il est à noter que M. [O] n’était pas en première incarcération, ayant déjà purgé plusieurs peines d’emprisonnement.

Ces éléments ont conduit à l’allocation d’une somme de 870 euros en réparation du préjudice moral pour la détention subie durant 3 jours.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge d’allouer une somme à la partie qui a dû engager des frais non compris dans les dépens, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

Dans le cas présent, M. [E] [O] a demandé une indemnisation de 1 800 euros sur le fondement de cet article.

Cependant, après examen des circonstances, il a été décidé de lui allouer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700, en reconnaissance des frais engagés pour sa demande d’indemnisation.

Cette décision est conforme à la pratique judiciaire, qui vise à compenser les frais raisonnables engagés par la partie qui a obtenu gain de cause, tout en tenant compte des éléments de l’affaire et des demandes des parties.

Comment sont traités les dépens dans cette décision ?

Les dépens, qui comprennent les frais de justice, sont généralement à la charge de la partie perdante. Cependant, dans cette affaire, la nature du litige a conduit à une décision différente.

Il a été décidé de laisser les dépens à la charge du Trésor public, ce qui est une pratique courante dans les affaires où l’État est impliqué, notamment lorsque la demande d’indemnisation est fondée sur des droits liés à la détention.

Cette décision reflète une volonté de ne pas pénaliser le requérant, M. [E] [O], en raison de la nature de sa demande et des circonstances entourant sa détention.

10/01/2025

DÉCISION N° 2/25

N° RG 24/00004 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QHLY

[E] [O]

C/

Etablissement Public AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

***

INDEMNISATION A RAISON D’UNE DÉTENTION PROVISOIRE

***

Décision prononcée le DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ par Anne DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, assistée de C. IZARD, greffière

DÉBATS :

En audience publique, le 05 Décembre 2024, devant Anne DUBOIS, présidente déléguée, assistée de C. IZARD, greffière

MINISTÈRE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Olivier JANSON, avocat général, qui a fait connaître son avis.

La date à laquelle la décision serait rendue a été communiquée.

NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire

DEMANDEUR

Monsieur [E] [O]

chez Me Alexandre Parra-Bruguiere

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Jacques DERIEUX, substituant Me Alexandre PARRA-BRUGUIERE de l’AARPI AARPI PARRA-BRUGUIERE & NABET-CLAVERIE, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE – SCP D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS :

Le 25 septembre 2021, M. [E] [O] a été mis en examen des chefs de violences avec arme et placé en détention provisoire le même jour.

Le 27 septembre 2021, il a bénéficié d’une décision de relaxe.

Par requête reçue au greffe de la cour d’appel de Toulouse le 16 mai 2024, soutenue oralement à l’audience du 5 décembre 2024 et à laquelle il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [O] a sollicité l’indemnisation du préjudice découlant de la détention intervenue du 25 septembre 2021 au 27 septembre 2021, soit une durée de 3 jours, et demande à la première présidente de lui allouer les sommes de :

– 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

– 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 9 juillet 2024, soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’agent judiciaire de l’Etat demande à la première présidente de :

– à titre principal, prononcer un sursis à statuer en l’absence de production de la fiche pénale du requérant,

– à titre subsidiaire, fixer l’indemnisation au titre du préjudice moral du requérant à la somme de 200 euros,

– en tout état de cause, ramener à de plus justes proportions sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 1er août 2024, soutenues oralement à l’audience et auxquelles il sera référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, le ministère public demande à la première présidente de :

– déclarer la demande recevable,

– fixer la durée de la détention provisoire indemnisable à 3 jours,

– statuer sur l’indemnisation du préjudice moral dont le montant ne saurait excéder 200 euros,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

-:-:-:-:-

MOTIVATION :

Sur la recevabilité :

Aux termes de l’article 149-2 du code de procédure pénale, le requérant doit saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive.

Toutefois, ce délai ne court que si, lors de la notification de la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 du code de procédure pénale. À défaut, le délai de six mois ne peut commencer à courir et la requête déposée au-delà du délai doit être déclarée recevable.

En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [O] n’a pas été avisé, lors de la notification du jugement définitif de relaxe, de son droit de demander une réparation de sorte que le délai de six mois n’a jamais commencé à courir.

La requête déposée au greffe le 16 mai 2024, qui répond aux conditions de l’article 149 du code de procédure pénale et aux modalités prévues par les articles 149-2 et R. 26 du même code, sera ainsi déclarée recevable pour la détention subie du 25 septembre 2021 au 27 septembre 2021, soit une durée de 3 jours.

Sur le fond :

L’indemnisation du préjudice moral que le requérant est en droit réclamer du fait de sa détention ayant été suivie d’une décision de relaxe devenue définitive, doit tenir compte non seulement de la durée de détention indemnisable, mais aussi de la personnalité de l’intéressé, de son environnement familial et professionnel ainsi que de ses antécédents judiciaires.

Il convient de rappeler que seul le préjudice personnellement subi par le demandeur en lien direct et certain avec la détention doit être réparé.

En l’espèce, M. [E] [O] a été incarcéré pendant 3 jours alors qu’il était âgé de 33 ans.

Il justifie valablement d’un facteur de majoration de son préjudice moral tiré de conditions de détention indignes qui sont corroborées par les constatations générales faites par le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans ses recommandations en urgence adressées par le 28 juin 2021, soit concomitamment à la détention subie.

Il y est effectivement indiqué que la maison d’arrêt de [Localité 5] présente un taux d’occupation de 186% avec la présence de nuisibles dans les parties communes ainsi que dans les cellules et les lits des détenus. Il y est également évoqué un manque d’hygiène et d’accès aux soins outre un climat de violences et d’insécurité.

En revanche, l’agent judiciaire de l’Etat et le ministère public relèvent justement que M. [O] ne subissait pas sa première incarcération, ce dernier ayant déjà fait l’objet de plusieurs détentions dont l’exécution d’une peine d’emprisonnement de 6 ans en 2013 et d’une peine de deux mois d’emprisonnement en 2016.

Ces éléments justifient l’allocation d’une somme de 870 euros en indemnisation de la détention subie durant 3 jours.

Sur les autres demandes :

La nature du litige conduit à laisser les dépens à la charge du Trésor public.

M. [E] [O] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-:-:-:-:-

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

Déclarons recevable la requête de M. [E] [O],

Allouons à M. [E] [O] les sommes de :

– 870 euros en réparation de son préjudice moral,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

C. IZARD A. DUBOIS


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon