Indemnisation de la détention provisoire : enjeux et réparations à l’égard des préjudices subis.

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Indemnisation de la détention provisoire : enjeux et réparations à l’égard des préjudices subis.

L’Essentiel : Monsieur [B] [Z], acquitté du viol en réunion, a été condamné à un an d’emprisonnement pour violences en réunion. Il a déposé une requête le 8 février 2024, demandant une indemnisation pour préjudices moral et matériel, incluant 75 600 euros pour le préjudice moral et 15 000 euros pour la perte de chance d’études. L’agent judiciaire de l’État a proposé des montants inférieurs, tandis que le Ministère Public a reconnu la recevabilité de la requête. Finalement, M. [Z] a obtenu 31 500 euros pour ses préjudices, la décision étant rendue le 6 janvier 2025.

Contexte de la requête

Monsieur [B] [Z], né en 2001 à [Localité 6], a été mis en examen pour plusieurs chefs d’accusation, dont viol en réunion et séquestration, le 13 mars 2020. Il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 7]. Après une période de détention, il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 29 novembre 2021. Le 5 juillet 2022, un non-lieu partiel a été prononcé, suivi d’une mise en accusation pour violences en réunion.

Décision de la cour d’assises

Le 24 octobre 2023, la cour d’assises de Seine-et-Marne a acquitté M. [Z] du chef de viol en réunion, mais l’a condamné à un an d’emprisonnement pour violences en réunion. Cette décision est devenue définitive le 10 janvier 2024, date à laquelle M. [Z] a déposé une requête pour obtenir une indemnisation de sa détention provisoire.

Demandes d’indemnisation

Dans sa requête du 8 février 2024, M. [Z] a sollicité une indemnisation pour préjudices moral et matériel, incluant 75 600 euros pour le préjudice moral, 15 000 euros pour la perte de chance de poursuivre ses études, 2 460 euros pour les frais de défense, et 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusions des parties

L’agent judiciaire de l’État a proposé des montants inférieurs pour les préjudices, suggérant 5 500 euros pour le préjudice matériel et 17 800 euros pour le préjudice moral, tout en demandant le rejet du surplus des demandes. Le Ministère Public a conclu à la recevabilité de la requête et à la réparation des préjudices dans les conditions indiquées.

Recevabilité de la requête

La requête de M. [Z] a été jugée recevable, car elle a été déposée dans le délai de six mois suivant la décision d’acquittement. La durée de détention reconnue est de 261 jours, après déduction des périodes de détention justifiées par la condamnation.

Évaluation du préjudice moral

M. [Z] a fait état de l’impact psychologique de sa détention, notamment en raison de son jeune âge, de son isolement familial et des conditions de détention difficiles. L’agent judiciaire de l’État a proposé une indemnisation de 17 800 euros, tandis que le Ministère Public a reconnu l’importance du choc carcéral. Finalement, il a été décidé d’allouer 23 000 euros pour le préjudice moral.

Évaluation du préjudice matériel

Concernant la perte de chance de poursuivre ses études, M. [Z] a été reconnu comme un étudiant assidu dont la détention a entravé sa scolarité. Une somme de 5 000 euros a été allouée pour ce préjudice. Pour les frais de défense, 1 500 euros ont été retenus, correspondant aux frais directement liés à la détention. En outre, une somme de 2 000 euros a été accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion de la décision

La requête de M. [B] [Z] a été déclarée recevable, et il a été alloué un total de 31 500 euros pour ses préjudices moral et matériel, tandis que le surplus de ses demandes a été rejeté. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État. La décision a été rendue le 6 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la requête d’indemnisation

La recevabilité de la requête d’indemnisation de M. [B] [Z] est régie par les articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale.

Selon l’article 149, « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. »

Il est précisé que la demande doit être faite dans un délai de six mois suivant la décision définitive.

M. [Z] a présenté sa requête le 08 février 2024, soit dans le délai imparti, après que sa décision d’acquittement soit devenue définitive le 10 janvier 2024.

La requête a été signée par son avocat et contenait toutes les indications requises par l’article R.26, ce qui la rend recevable.

Ainsi, la requête de M. [Z] est déclarée recevable pour une durée de détention de 261 jours.

Sur l’indemnisation du préjudice moral

L’indemnisation du préjudice moral est également encadrée par les articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale.

Le préjudice moral doit être évalué en tenant compte de la durée de la détention, des conditions de détention, et de l’impact psychologique sur la personne détenue.

M. [Z] a été placé en détention à l’âge de 18 ans, ce qui a eu un impact significatif sur son bien-être psychologique.

Il a fait état de conditions de détention difficiles, de séparation familiale, et de menaces subies en détention.

Cependant, il est important de noter que les conditions de détention doivent être prouvées par des éléments contemporains à la période de détention.

Le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’étant pas concomitant, il ne peut pas être retenu pour justifier les conditions de détention.

Néanmoins, les menaces subies par M. [Z] ont été attestées par un courrier du directeur de la maison d’arrêt, ce qui constitue un facteur aggravant.

En tenant compte de tous ces éléments, il a été décidé d’allouer à M. [Z] la somme de 23 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l’indemnisation du préjudice matériel

L’indemnisation du préjudice matériel se divise en plusieurs volets, notamment la perte de chance de poursuivre des études et les frais d’avocat.

Concernant la perte de chance, M. [Z] a démontré qu’il était en voie de poursuivre un BTS au moment de son placement en détention.

L’article 149-1 stipule que « la réparation du préjudice matériel doit être intégrale et tenir compte de la réalité des pertes subies. »

M. [Z] a sollicité 15 000 euros pour cette perte de chance, mais l’agent judiciaire de l’État a proposé 4 000 euros.

Après examen, il a été décidé d’allouer 5 000 euros, tenant compte de la situation scolaire de M. [Z] et de ses chances de réussite.

En ce qui concerne les frais d’avocat, M. [Z] a présenté des factures, mais seule une partie de ces frais a été jugée en lien direct avec le contentieux de la détention.

Ainsi, 1 500 euros TTC ont été alloués pour les frais de défense liés à la demande de mise en liberté.

Enfin, une somme de 2 000 euros a été accordée sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour couvrir les frais irrépétibles.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 06 Janvier 2025

(n° , 6 pages)

N°de répertoire général : N° RG 24/03441 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6I2

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière Stagiaire, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 08 Février 2024 par Monsieur [B] [Z]

né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2] ;

Non comparant

Représenté par Maître Gérard MATTEI, avocat au barreau de Paris

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 21 Octobre 2024 ;

Entendu Maître Gérard MATTEI représentant Monsieur [B] [Z],

Entendu Maître Julien DESPEISSE, avocat au barreau de Paris, substituant Maître Colin MAURICE, avocat au barreau de Paris, représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Entendue Madame Chantal BERGER, Magistrate Honoraire,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [B] [Z], né le [Date naissance 1] 2001, de nationalité algérienne, a été mis en examen des chefs de viol en réunion, séquestration avec libération volontaire avant le 7e jour, vol en réunion et de refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie le 13 mars 2020 par un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Meaux. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 7] le même jour.

Par ordonnance du 29 novembre 2021, le magistrat instructeur a remis en liberté M. [Z] et l’a placé sous contrôle judiciaire.

Par nouvelle ordonnance du 05 juillet 2022, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu partiel, une requalification et une mise en accusation du requérant devant la cour d’assises des mineurs de Seine-et-Marne des chefs de viol en réunion et de violences en réunion.

Par arrêt du 24 octobre 2023, la cour d’assises de Seine-et-Marne a acquitté M. [Z] du chef de viol en réunion et l’a condamné du chef de violences en en réunion ayant entraîné une ITT n’excédant pas 8 jours à la peine d’un an d’emprisonnement. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non appel du 10 janvier 2024.

Le 08 février 2024, M. [Z] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :

– Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation ;

– Allouer à M. [Z] en réparation du préjudice moral la somme de 75 600 euros ;

– Allouer à M. [Z] en réparation de son préjudice matériel au titre de la perte de chance de poursuivre sa scolarité la somme de 15 000 euros ;

– Allouer à Mme [Z] en réparation de son préjudice matériel au titre de ses frais de défense la somme de 2 460 euros ;

– Allouer à M. [Z] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions responsives et récapitulatives déposées le 10 octobre 2024 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoiries du 04 novembre 2024, M. [Z] a maintenu ses demandes.

Dans ses dernières conclusions en défense, notifiées par RPVA et déposées le 17 octobre 2024, développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :

– Allouer à M. [Z] la somme de 5 500 euros en réparation de son préjudice matériel ;

– Allouer à M. [Z] la somme de 17 800 euros en réparation de son préjudice moral ;

– Rejeter le surplus des demandes ;

– Réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 25000 euros ;

– Statuer ce que de droit s’agissant de la demande qui ne saurait excéder la somme de 1 000 euros au titre de l’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 06 août 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :

– A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 261 jours ;

– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;

– A la réparation du préjudice matériel dans les conditions indiquées.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel. Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.

En l’espèce, M. [Z] a présenté sa requête en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire le 08 février 2024, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision d’acquittement est devenue définitive. Cette requête contenant l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi qu’ultérieurement le certificat de non appel en date du 10 janvier 2024, est signée par son avocat et la décision d’acquittement n’est pas fondée sur un des cas d’exclusions visé à l’article 149 du code de procédure pénale.

L’arrêt de la cour d’assises des mineurs de Seine-et-Marne du 24 octobre 2023 a acquitté M. [Z] du chef de viol en réunion mais l’a condamné du chef de violences en réunion à la peine de douze mois d’emprisonnement. C’est ainsi qu’à la période de détention provisoire injustifiée d’un an, 4 mois et 16 jours, déduction faite de la période maximale de 4 mois de détention provisoire prévue en matière délictuelle, il convient de déduire également les 8 mois supplémentaires que M. [Z] aurait dû en tout état de cause exécuter au titre des 12 mois d’emprisonnement.

Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 261 jours.

Sur l’indemnisation

Sur le préjudice moral

Le requérant soutient qu’il n’était âgé que de 18 ans au jour de son placement en détention provisoire, qu’il vivait chez ses parents et qu’il n’avait jamais été incarcéré. Il fait état de sa séparation familiale qui a été particulièrement difficile à supporter et de n’avoir pu qu’entretenir en détention que des relations épistolaires avec ses parents. Il fait état également de conditions de détention délicates en raison de la surpopulation carcérale de la maison d’arrêt de [Localité 7] à hauteur de 177%, de la vétusté des locaux. Il précisait avoir été victime de menaces et de violences de la part de codétenus car des PV de la procédure avaient été diffusés sur les réseaux sociaux et ils avaient été au courant de la qualification criminelle de viol dont il avait fait l’objet.

Il indique qu’en outre, il a été incarcéré durant la pandémie de Covid-19 et que dans un rapport des 03 au 14 avril 2017 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait état d’une surpopulation carcérale et d’un durcissement de la détention. C’est pourquoi, M. [Z] sollicite une somme de 75 000 euros en réparation de son préjudice moral.

L’agent judiciaire de l’Etat indique que l’indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de la durée de la privation de liberté subie et également en fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l’instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures. Il ajoute que la jurisprudence exige un lien de causalité direct et exclusif entre la mesure de détention et le préjudice moral. Il convient de retenir le fait que M. [Z] était âgé de 18 ans au jour de son placement en détention provisoire et qu’il n’avait jamais été incarcéré auparavant et qu’il a été isolé familialement. Par contre, il ne pourra pas être tenu compte des conditions de détention difficiles qui ne sont attestées par un rapport concomitant à la période de détention ni par un article de presse et ne sont donc pas documentées. Il n’est pas d’avantage démontré les menaces subies alléguées. C’est ainsi qu’au vu de ces différents éléments, l’agent judiciaire de l’Etat propose l’allocation d’une somme de 17 800 euros au requérant au titre de son préjudice moral.

Le Ministère public soutient qu’il s’agissait de la première incarcération du requérant, alors qu’il était âgé de 18 ans. Son choc carcéral a été plein et entier. L’isolement familial est attesté par deux courriers et sera retenu. Par contre le décès de sa mère n’est confirmé par aucun document. Les conditions difficiles de détention ne sont pas non plus justifiées par un rapport du Contrôleur général. La dégradation de l’état de santé du requérant n’est pas non plus démontrée car n’est produit qu’une carte mobilité-inclusion.

Il ressort des pièces produites aux débats qu’au moment de son incarcération M. [Z] était âgé de 18 ans, était célibataire, sans enfant et demeurait chez ses parents. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation. C’est ainsi que le choc carcéral initial de M. [Z] est important.

Il y a lieu de retenir également le fait qu’il a été séparé de ses parents chez qui il demeurait et qui étaient très présents auprès de lui.

Concernant le choc psychologique en raison de l’importance de la peine encourue, la Commission Nationale de Réparation des Détentions admet que lorsque sont en cause certaines infractions pour lesquelles les peines encourues sont particulièrement lourdes, la souffrance psychologique engendrée par cette mise en cause a pour conséquence d’aggraver le préjudice moral. M. [Z] a été mis en examen du chef de viol en réunion et encourait une peine de réclusion criminelle de 20 ans cour ce crime. Il convient ainsi de considérer que cette qualification pénale a accentué son angoisse et donc son choc carcéral. 

Par contre, concernant les conditions de détention indignes, le requérant produit un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui n’est pas concomitant à la période où il a été placé en détention provisoire et l’article de presse est insuffisant pour attester de la réalité de la surpopulation carcérale à [Localité 7]. Le requérant ne démontre pas non plus les circonstances particulières de sa détention de nature à aggraver son préjudice et de justifier avoir personnellement souffert desdites conditions qu’il dénonce. Cet élément ne pourra donc être retenu.

S’agissant des menaces et des violences dont il a été victime en détention, elles sont attestées par un courrier du directeur de la maison d’arrêt en réponse au juge d’instruction pour indiquer que les menaces sont suffisamment sérieuses pour que le requérant ait été changé de bâtiment. Ce facteur d’aggravation du préjudice moral sera retenu.

Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 23 000 euros à M. [Z] en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel

1 – Sur la perte de chance de poursuivre des études :

M. [Z] fait valoir qu’il était âgé de 18 ans et poursuivait des études de BTS vente lorsqu’il a été placé en détention provisoire en classe préparatoire. Ce placement en détention l’a empêché de rejoindre un établissement à [Localité 4] dans un cursus de BTS dans lequel il était admis. Il n’a pu poursuivre ses études et a trouvé un emploi de manutentionnaire en intérim.

C’est ainsi qu’il sollicite au total une somme de 15 000 euros en réparation de sa perte de chance de poursuivre un cursus diplômant.

L’agent judiciaire de l’Etat souligne que l’enquête de personnalité a permis de confirmer la situation scolaire de M. [Z] avant son placement en détention, de sorte de sorte que la perte de chance de poursuivre sa scolarité est établie. L’AJE propose d’allouer au requérant une somme de 4 000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Le Ministère Public considère qu’il résulte des pièces versées aux débats que la détention subie a eu pour effet de priver M. [Z] de la chance de poursuivre son cursus scolaire jusqu’au bout. La perte de chance pourra donc être indemnisée.

En l’espèce il ressort de l’enquête de personnalité diligentée par le magistrat instructeur qu’au jour de son placement en détention provisoire M. [Z] était scolarisa au lycée [3] de [Localité 6] en calasse préparatoire au BTS commercial. Il a été ensuite admis au lycée [5] de [Localité 4] pour y débuter la première année de BTS. Il s’agissait d’un élève assidu qui avait effectué plusieurs stages au centre commercial de Chauconnin. Il avait donc de grande chance de pouvoir poursuivre sa scolarité et de parvenir à obtenir un BTS commercial. Cette perte de chance de poursuivre ses études supérieures est réelle est sérieuse et sera donc retenue. En réparation, il sera alloué à M. [Z] une somme de 5 000 euros.

2 – Sur les frais d’avocats liés à la détention : 

Le requérant sollicite une somme de 2 460 euros TTC en réparation de son préjudice matériel résultant des frais de défense de son avocat en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.

L’agent judiciaire de l’Etat estime que la première note d’honoraires du 04 février 2021 n’est pas liée au contentieux de la détention dès lors qu’il n’est pas démontré que les courriers et les visites en détention soient liées à ce contentieux. S’agissant de la deuxième note d’honoraires du 27 septembre 2021, les prestations détaillées dans cette facture sont bien en lien avec le contentieux de la détention et il y a lieu de retenir son montant de 1 500 euros TTC qui sera alloué au requérant.

Le Ministère Public indique les frais d’avocat ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s’ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.

Par ailleurs, il appartient au requérant d’en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d’honoraires, en application de l’article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l’établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d’honoraires permettant de détailler et d’individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté. Il considère donc qu’il y n’y a pas lieu de faire droit à la demande.

En l’espèce, M. [Z] produit deux factures d’honoraires émises par son conseil. La première est du 04 février 2021 et évoque des courriers divers, l’assistance à l’instruction et 3 visites à la maison d’arrêt pour préparer une demande de mise en liberté. L’assistance à l’instruction et les courriers divers ne sont pas en lien avec le contentieux de la détention. 3 visites à la maison d’arrêt pour préparer une demande de mie en liberté paraît excessif et ne semble pas concerner ce contentieux. Cette facture sera donc rejetée. La deuxième facture est du 27 septembre 2021 et est relative à la préparation d’une demande de mise en liberté, les conclusions et l’audience devant le JLD et le mémoire devant la chambre de l’instruction et l’audience du 23 septembre 2021. Ces diligences sont en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention. Cette facture sera donc retenue pour un montant de 1 500 euros TTC. Cette somme sera donc allouée à M. [Z].au titre des frais de défense.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons la requête de M. [B] [Z] recevable ;

Lui allons les sommes suivantes :

– 23 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– 1 500 euros TTC au titre de ses frais de défense ;

– 5 000 euros au titre de la perte de chance de poursuivre sa scolarité ;

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [B] [Z] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de l’Etat ;

Décision rendue le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


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