L’Essentiel : La société de construction spécialisée, désignée comme la société A, a créé plusieurs entités pour ses projets. Un directeur de travaux, désigné comme le salarié, a été recruté par la société A avec un salaire brut mensuel de 3 363 euros, contrat rompu en octobre 2019. Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes, qui a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle. En novembre 2023, les sociétés A, B, C, D, et E ont assigné le salarié et un entrepreneur individuel pour répétition de l’indu. La cour d’appel a déclaré le tribunal judiciaire compétent et a renvoyé l’affaire devant celui-ci.
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Contexte de l’affaireLa société de construction spécialisée, désignée comme la société A, a créé plusieurs entités pour ses projets, notamment la société B, la société C, la société D, et la société E. Un directeur de travaux, désigné comme le salarié F, a été recruté par la société A le 10 juillet 2017 avec un salaire brut mensuel de 3 363 euros. Ce contrat a été rompu le 4 octobre 2019. Procédure initialeLe salarié F a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 11 décembre 2019, qui a requalifié la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse par un jugement du 5 novembre 2021. Le conseil a fixé le salaire moyen à 6 000 euros brut et a ordonné le versement d’indemnités. Demande de répétition de l’induLe 3 novembre 2023, les sociétés A, B, C, D, et E ont assigné le salarié F et l’entreprise individuelle G, sur la base de la répétition de l’indu, pour un montant de 73 120,07 euros, correspondant à des fonds trop perçus. Les défendeurs ont contesté la compétence du tribunal judiciaire au profit du conseil de prud’hommes. Décision du tribunal judiciaireLe 20 juin 2024, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire incompétent et a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes. Les sociétés A, B, C, D, et E ont été condamnées aux dépens et à verser 1 500 euros au salarié F pour les frais irrépétibles. Appel des sociétésLe 23 juillet 2024, les sociétés A, B, C, D, et E ont interjeté appel de cette décision. Les procédures ont été jointes et l’affaire a continué sous un numéro d’enregistrement spécifique. Arguments des partiesLes sociétés A, B, C, D, et E ont demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance et de déclarer leurs demandes fondées, tout en déboutant le salarié F et l’entreprise G. Elles ont soutenu que les sommes réclamées étaient liées à des prestations distinctes de la relation de travail. Le salarié F, en tant qu’entrepreneur individuel, a demandé la confirmation de l’ordonnance et a soutenu que toutes les sommes perçues étaient dues à son contrat de travail avec la société A, arguant que les paiements des autres sociétés constituaient un salaire déguisé. Décision de la cour d’appelLa cour a infirmé l’ordonnance du tribunal judiciaire, déclarant ce dernier compétent pour statuer sur l’affaire. Elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le salarié F et l’entreprise G, et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen. Les dépens ont été mis à la charge du salarié F et de l’entreprise G, qui ont été condamnés à verser 2 500 euros aux sociétés A, B, C, D, et E pour les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du conseil de prud’hommes en matière de litiges liés à un contrat de travail ?Le conseil de prud’hommes est compétent pour régler les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail, conformément à l’article L. 1411-1 du code du travail. Cet article stipule que : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. » Ainsi, dans le cas présent, la question de la rupture du contrat de travail entre le salarié et l’employeur relève de la compétence du conseil de prud’hommes. Cependant, les sociétés appelantes soutiennent qu’il existe une relation contractuelle distincte entre le salarié et l’entreprise individuelle, ce qui pourrait justifier une compétence différente. Il est donc essentiel d’examiner si les sommes réclamées par les sociétés concernent des prestations de service distinctes de la relation de travail, ce qui pourrait impliquer une compétence du tribunal judiciaire. Quelles sont les conséquences de la requalification d’une rupture de contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ?La requalification d’une rupture de contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne des conséquences importantes pour l’employeur, notamment en matière d’indemnisation. Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité. Cet article précise que : « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. » Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a fixé la moyenne mensuelle des salaires à 6’000 euros brut, ce qui implique que le salarié a droit à des indemnités conséquentes. Les sociétés appelantes doivent donc prendre en compte cette requalification dans leurs demandes de répétition de l’indu, car cela pourrait affecter le montant des sommes qu’elles estiment avoir trop perçues. Quelles sont les conditions de la répétition de l’indu en matière de paiement de sommes d’argent ?La répétition de l’indu est régie par l’article 2224 du code civil, qui stipule que : « En matière de répétition de l’indu, celui qui a payé sans être tenu de le faire peut demander le remboursement de ce qu’il a indûment versé. » Pour qu’une demande de répétition de l’indu soit recevable, il faut prouver que le paiement a été effectué sans obligation légale ou contractuelle. Dans le cas présent, les sociétés soutiennent que les sommes réclamées correspondent à des paiements effectués à l’entreprise individuelle pour des prestations distinctes de la relation de travail. Cependant, le salarié et l’entreprise individuelle affirment que ces paiements étaient en réalité des salaires déguisés, ce qui complique la question de la répétition de l’indu. Il est donc crucial d’examiner la nature des paiements effectués et de déterminer s’ils étaient justifiés par des prestations réelles ou s’ils constituaient des rémunérations dissimulées. Comment se détermine la compétence des juridictions en raison de la matière ?La compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières, comme le précise l’article 33 du code de procédure civile. Cet article indique que : « La compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières. » Dans le cas présent, la question de la compétence du tribunal judiciaire par rapport au conseil de prud’hommes est centrale. Les sociétés appelantes soutiennent que le litige concerne des relations commerciales distinctes, tandis que le salarié affirme que toutes les sommes perçues relèvent de son contrat de travail. Il est donc nécessaire d’analyser la nature des relations contractuelles pour déterminer la juridiction compétente pour statuer sur le litige. Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans le cadre d’un appel ?Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans le cadre de l’appel, les sociétés appelantes demandent le remboursement de frais irrépétibles, ce qui est une pratique courante lorsque l’une des parties a engagé des frais pour défendre ses droits. Le montant de 2’500 euros demandé par les sociétés est donc justifié par les frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel. Il est important de noter que la décision sur les frais irrépétibles est prise par le juge en fonction des circonstances de l’affaire et des éléments de preuve présentés. Ainsi, la cour a décidé de condamner in solidum le salarié et l’entreprise individuelle à payer cette somme, ce qui souligne l’importance de la décision rendue dans le cadre de l’appel. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 5 FEVRIER 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/04483
Ordonnance du juge de la mise en état de Rouen du 20 juin 2024
APPELANTES :
SCI VILLA CAROLINE
RCS de Nanterre 803 184 431
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de Paris
SAS INCITY RESIDENCES
RCS de Créteil 795 195 072
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de Paris
SNC VILLA GABRIEL
RCS de Nanterre 790 005 607
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de Paris
SCCV INCITY PERLA
RCS de Nanterre 810 992 370
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de Paris
SCI INCITY LE TURQUOISE
RCS de Créteil 814 143 434
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Fatima ALLOUCHE, avocat au barreau de Paris
INTIMES :
Monsieur [T] [D]
né le 14 janvier 1961 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Benjamin FEHLBAUM, avocat au barreau de Paris
Monsieur [T] [D] exerçant sous l’Eirl [R]
né le 14 janvier 1961 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Benjamin FEHLBAUM, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 janvier 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 22 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 février 2025 avancé au 5 février 2025.
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 5 février 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sas Incity Résidences, spécialisée dans la construction de logements, a, pour les besoins de ses différents programmes, créé plusieurs sociétés notamment’:
– la Sccv Incity Perla,
– la Sci Villa Caroline,
– la Snc Villa Gabriel,
– et la Sci Incity Le Turquoise.
Le 19 mai 2017, M. [T] [D] a adressé une candidature spontanée à la société Incity Résidences en sa qualité de directeur de travaux. Le 10 juillet 2017, les parties ont conclu un contrat de travail fixant une rémunération mensuelle brute de
3’363 euros. La rupture du contrat de travail a été actée par courrier daté du 4 octobre 2019.
Par requête du 11 décembre 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a, par jugement du 5 novembre 2021, requalifié la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a fixé la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 6’000 euros brut, outre le versement de différentes indemnités.
Par actes du 3 novembre 2023, les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise ont assigné devant le tribunal judiciaire de Rouen M. [D] et la société [R] sur le fondement de la répétition de l’indu, en paiement de la somme de 73’120,07 euros au titre des fonds trop perçus.
Par conclusions d’incident du 20 janvier 2024, réitérées le 21 mars 2024, M. [D] et [R] ont soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire au profit du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt.
Par ordonnance du 20 juin 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen a’:
– déclaré le tribunal judiciaire de Rouen incompétent pour connaître du litige entre les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise et M. [D] et la société [R],
– ordonné le dessaisissement du tribunal judiciaire de Rouen et en conséquence le renvoi de l’instance opposant les parties précitées devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
– dit que le dossier de l’affaire sera transmis à cette juridiction par le greffe, à l’issue de l’expiration du délai d’appel à compter de la signification de l’ordonnance, avec une copie de la décision, en application de l’article 82 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise aux dépens,
– condamné in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise à verser à M. [D] la somme de 1’500 euros au titre des frais irrépétibles.
Par déclarations reçues au greffe le 23 juillet 2024, les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise ont formé appel de la décision. Les procédures RG 24/02658 et RG 24/0671 ont été jointes le 5 août 2024, l’affaire se poursuivant sous le RG 24/02658.
Dûment autorisées par ordonnance du 7 août 2024, les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise ont assigné à jour fixe devant la cour d’appel de Rouen M. [D] et [R] par acte du 21 août 2024 signifié à l’étude de l’huissier instrumentaire.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2025, les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise demandent à la cour, au visa des articles 83 à 89 du code de procédure civile, 789 du code de procédure civile, et 2224 du code civil, de’:
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a’:
. déclaré le tribunal judiciaire de Rouen incompétent pour connaître du litige entre les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise et M. [D] et la société [R],
. ordonné le dessaisissement du tribunal judiciaire de Rouen et en conséquence le renvoi de l’instance opposant les parties précitées devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
. dit que le dossier de l’affaire sera transmis à cette juridiction par le greffe, à l’issue de l’expiration du délai d’appel à compter de la signification de l’ordonnance, avec une copie de la décision, en application de l’article 82 du code de procédure civile,
. condamné in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise aux dépens,
. condamné in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise à verser à M. [D] la somme de 1’500 euros au titre des frais irrépétibles,
statuant à nouveau’:
– les recevoir en leurs demandes et les déclarer fondées,
– débouter M. [D] et l’entreprise individuelle [R] de l’ensemble de leurs conclusions, fins et prétentions,
– condamner M. [D] et l’entreprise individuelle [R] à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réserver les dépens.
Précisant que le conseil de prud’hommes n’a pas fixé le montant de 6’000 euros sur la base des trois derniers mois de salaire de M. [D] mais bien sur l’entente d’un salaire de 6’000 euros lors du recrutement et le travail effectif de ce dernier, les appelantes soutiennent qu’il ne ressort aucunement de la décision du conseil de prud’hommes du 5 novembre 2021 que le surplus aurait été qualifié de «’salaire déguisé’», seuls les honoraires versés jusqu’au seuil de 6’000 euros mensuels ayant été qualifiés comme tels.
Elles précisent que les sommes réclamées au titre de la répétition de l’indu sont une part des sommes qu’elles ont versées à [R] sur la base des factures éditées par cette dernière’; qu’en conséquence, les sommes perçues au-delà du salaire fixé par le jugement du 5 novembre 2021 ressortent d’une relation commerciale distincte de la relation de travail’; qu’il est donc faux de la part de M. [D] et d'[R] de prétendre que le tribunal serait saisi d’une demande de répétition de salaires.
Pour justifier de l’existence d’un contrat d’entreprise entre M. [D] et la Sccv Incity Résidences, les sociétés appelantes expliquent que la première facture adressée par [R] est antérieure à la signature du contrat de travail et que les 14 factures visées par le conseil de prud’hommes, émises pour les mois de juin à novembre 2017, janvier, mars, mai, juillet et août 2018, février et juillet 2019, avaient un objet différent puisqu’elles portaient sur les missions d’analyse architecturale et de conception d’opérations, de contrôle étude et phase technique, d’analyse financière ou technique et de phase de préparation à la livraison, ajoutant que l’emploi conjugué des termes «’le contrat nous liant’», «’cette prestation’», et «’proposer une grille tarifaire’», se comprend dans le sens d’une relation contractuelle distincte des tâches de responsable/directeur technique salarié de M. [D] au sein de la société Incity’Résidences.
Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2024, M. [T] [D], en son nom personnel et en sa qualité d’entrepreneur individuel, exerçant sous l’enseigne [R], demande à la cour, au visa de l’article L. 1411-1 du code de travail, de’:
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
– débouter les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise de leurs demandes,
– condamner solidairement ou in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise à lui payer la somme de
5’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
– condamner solidairement ou in solidum les sociétés Incity Résidences, Incity Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel et Incity Le Turquoise aux entiers dépens.
Sur l’incompétence matérielle du tribunal judiciaire, il soutient qu’au titre des sommes qui lui ont été payées, il ne fait aucun doute que les salaires et condamnations prud’homales payés l’ont été au titre de son contrat de travail.
S’agissant des sommes payées par les autres sociétés du groupe, il expose que les appelantes ne produisent aucun élément de nature à établir qu’il aurait travaillé ne serait-ce que pour l’une d’elles autrement qu’en sa qualité de salarié de la société Incity Résidences, de sorte que les sommes payées par elles étaient, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, un salaire déguisé en contrepartie de son travail salarié pour le compte de la société Incity Résidences.
Contrairement à ce que prétendent les appelantes, il affirme que le conseil de prud’hommes n’a pas considéré qu’il était dû chaque mois depuis le début de la relation de travail un salaire de 6’000 euros brut, puisque la juridiction a elle-même constaté qu’il avait perçu certains mois un salaire bien supérieur à 6’000 euros.
Rappelant que l’ensemble des sommes qui lui ont été payées l’ont été au titre du contrat de travail conclu entre lui et la société Incity Résidences, contrat de travail conclu et exécuté dans des conditions frauduleuses par la société Incity Résidences, il estime que le litige dont a été saisi le tribunal porte uniquement sur la conclusion, l’exécution et la rupture de son contrat de travail, ce qui relève de la compétence du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 janvier 2025.
Sur l’exception d’incompétence matérielle de la juridiction saisie
Selon l’article 33 du code de procédure civile, la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières.
M. [D] a soulevé une exception de procédure devant le premier juge au visa de l’article L. 1411-1 du code du travail qui dispose que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Pour résister à l’exception d’incompétence, les sociétés appelantes cherchent à établir la preuve d’un contrat de prestation de service ou d’entreprise en opposant la mission du salarié au service de l’entreprise maître d’ouvrage de la construction à la prestation fournie par l’entreprise [R] en sa qualité de maître d »uvre.
Par contrat de travail à durée indéterminée signé par les parties le 10 juillet 2017, la Sas Incity Résidences a recruté M. [T] [D] en qualité de responsable technique à compter du 10 juillet 2017 moyennant une rémunération mensuelle brute de
3’363 euros.
Par ailleurs, M. [D] s’est inscrit à compter du 1er juin 2017 au répertoire Sirene en qualité d’entrepreneur individuel sous la référence relative à des activités spécialisées, scientifiques et techniques diverses.
Il a établi au nom de l’Eirl différentes factures de juin 2017 à mai 2019, visant notamment une «’analyse architectural et conception de l’opération’» des «’validations de DGD’», la «’rédaction de CCTP’» et à l’intention des sociétés Incity, Villa Perla, Villa Caroline, Villa Gabriel, Le Turquoise, Le Charkes Auray.’Il verse également des relevés bancaires du compte ouvert au nom de l’Eirl portant la mention des encaissements effectués au regard des factures émises.
Par jugement irrévocable du 5 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a effectivement dit que la prise d’acte du salarié du 4 octobre 2019 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 6’000 euros et condamné la Sas Incity Résidences à payer différentes indemnités.
La juridiction a considéré que les factures émises par [R] correspondaient à des «’prestations inexistantes afin de compléter le salaire brut officiel de 3’363 euros’»’; qu’il s’agissait de «’fausses factures’» et que la Sas Incity Résidences s’était rendue «’coupable de travail dissimulé en déguisant une partie de la rémunération de son salarié en fausses prestations de service, ce afin de minorer ses charges patronales.’».
Toutefois, il convient d’observer en premier lieu que si le conseil de prud’hommes a purgé sa saisine dans la relation employeur, la Sas Incity Résidences et salarié, M. [D], il n’est pas compétent pour statuer sur les conséquences relatives à la relation distincte entre l’Eirl et les autres sociétés, notamment les sociétés Villa Gabriel, Villa Caroline et Le Turquoise présentant une personne morale distincte même si les pièces fournies ont été analysées pour déterminer le mode de fonctionnement entre les acteurs de la relation professionnelle.
En second lieu, les prétentions des sociétés appelantes ne visent qu’à tirer les conséquences entre les parties de la décision prud’homale sur le fondement de la répétition de l’indu, dans des conditions qui relèvent de l’analyse du juge du fond compétent sur les contrats dénoncés et dans l’hypothèse décrite de paiements effectués sans prestations exécutées de la part de l’Eirl et non du salarié. La relation qu’il convient d’examiner n’est dès lors plus le contrat de travail mais la relation extérieure au lien entre l’employeur et le salarié sans qu’il y ait lieu s’agissant d’un débat sur la compétence de la juridiction saisie de préjuger le bien-fondé des demandes des sociétés appelantes.
En conséquence, l’ordonnance entreprise sera infirmée, l’exception rejetée et l’affaire renvoyée devant le tribunal judiciaire de Rouen.
Sur les frais de procédure
Compte tenu de la décision prise, les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de l’ordonnance seront infirmées, ces postes devant suivre les dépens et frais irrépétibles du jugement au fond.
En cause d’appel, M. [D] et l’Eirl [R] supporteront in solidum les dépens.
Ils seront condamnés in solidum à payer aux sociétés appelantes prises ensemble la somme de 2’500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Rejette l’exception d’incompétence matérielle soulevée par M. [T] [D] et l’Eirl [R],
Déclare le tribunal judiciaire de Rouen compétent pour statuer dans l’affaire enregistrée sous le n° RG 23/04483 opposant la Sas Incity Résidences, la Sccv Incity Perla, la Sci Villa Caroline, la Snc Villa Gabriel, la Sci Incity Le Turquoise à M. [T] [D] et l’Eirl [R],
Renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen, en son juge de la mise en état,
Précise que les dépens et frais irrépétibles de l’incident ayant donné lieu à l’ordonnance du 20 juin 2024 suivront le sort des dépens de la procédure au fond et fixés par le jugement,
Condamne in solidum M. [T] [D] et l’Eirl [R] à payer à la Sas Incity Résidences, la Sccv Incity Perla, la Sci Villa Caroline, la Snc Villa Gabriel, la Sci Incity Le Turquoise, prises ensemble la somme de 2’500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [T] [D] et l’Eirl [R] aux dépens d’appel.
Le greffier, La présidente de chambre,
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