Incompétence juridictionnelle et conséquences financières : enjeux d’équité et d’exécution provisoire.

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Incompétence juridictionnelle et conséquences financières : enjeux d’équité et d’exécution provisoire.

L’Essentiel : Le 14 novembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal incompétent pour l’action contre la commune de Schoelcher, renvoyant les parties vers le juge administratif. L’affaire a continué uniquement contre M. [F] [O] et M. [V] [N]. M. [F] [O] a été condamné à verser 2.000 euros à la commune. Le 10 juin 2024, il a interjeté appel et assigné la ville en référé. Il a soutenu l’existence de moyens sérieux de réformation, notamment l’absence de justificatifs de la ville. La ville a demandé un non-lieu, arguant que M. [F] [O] ne justifiait pas ses demandes.

Décision du Juge de la Mise en État

Par ordonnance du 14 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fort-de-France a déclaré le tribunal incompétent pour statuer sur l’action contre la commune de Schoelcher, renvoyant les parties à mieux se pourvoir devant le juge administratif. L’affaire a continué uniquement à l’égard de M. [F] [O], M. [V] [N] et la régie communautaire Odyssi. M. [F] [O] a été condamné aux dépens et à verser 2.000 euros à la commune de [Localité 6] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tandis que M. [V] [N] a été débouté de sa demande d’indemnité.

Appel de M. [F] [O]

Le 10 juin 2024, M. [F] [O] a interjeté appel de l’ordonnance. Par la suite, il a assigné la ville de Schoelcher en référé pour une audience prévue le 25 juillet 2024. Dans ses conclusions du 27 septembre 2024, il a demandé la recevabilité de sa demande, arguant de moyens sérieux de réformation de l’ordonnance et des conséquences désastreuses de son exécution. Il a également demandé un sursis à l’exécution de l’ordonnance et la condamnation de la ville à 5.000 euros au titre de l’article 700.

Arguments de M. [F] [O]

M. [F] [O] a soutenu qu’il existait des moyens sérieux d’infirmation de l’ordonnance, notamment en raison de l’absence de justificatifs de la ville concernant le transfert de compétence de l’assainissement. Il a également fait valoir que le paiement de 2.000 euros, en raison de sa saisine de la juridiction judiciaire, était contraire à l’équité.

Réponse de la Ville de [Localité 6]

En réponse, la ville de [Localité 6] a demandé un non-lieu à statuer sur la demande de M. [F] [O] et, à titre subsidiaire, son déboutement. Elle a soutenu que M. [F] [O] ne justifiait pas de moyens sérieux de réformation, ne contestant que la condamnation aux dépens et à l’indemnité. La ville a également affirmé que M. [F] [O] ne démontrait pas que le paiement de 2.000 euros entraînerait des conséquences manifestement excessives.

Audience et Décision Finale

L’affaire a été appelée à l’audience du 26 septembre 2024, et les débats ont été clos. Le premier président a statué que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire était sans objet, car la condamnation de M. [F] [O] avait déjà été exécutée. Il a également noté que M. [F] [O] n’avait pas fourni d’éléments justifiant des conséquences manifestement excessives. En conséquence, il a été condamné aux dépens sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire par rapport à la commune de Schoelcher ?

Le tribunal judiciaire de Fort-de-France a déclaré son incompétence pour statuer sur l’action dirigée contre la commune de Schoelcher. Cette décision repose sur le principe de la compétence des juridictions administratives pour les litiges impliquant des personnes publiques, comme le stipule l’article L. 221-1 du Code de justice administrative :

« Les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître des litiges relatifs aux actes des personnes publiques, sauf disposition contraire. »

Ainsi, la compétence exclusive des juridictions administratives pour les litiges impliquant des collectivités territoriales est clairement établie.

En conséquence, le juge a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge administratif, conformément à l’article R. 211-1 du même code, qui précise que :

« Les recours en annulation ou en excès de pouvoir contre les actes des autorités administratives sont portés devant le tribunal administratif. »

Cette décision souligne l’importance de respecter les voies de recours appropriées en fonction de la nature du litige.

Quelles sont les conditions pour obtenir un sursis à exécution d’une ordonnance ?

L’article 514-3 du Code de procédure civile régit les conditions dans lesquelles un sursis à exécution peut être accordé. Il stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Pour qu’une demande de sursis à exécution soit recevable, il faut donc :

1. L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision.
2. Que l’exécution de la décision entraîne des conséquences manifestement excessives.

Dans le cas présent, M. [F] [O] a soutenu qu’il existait des moyens sérieux de réformation de l’ordonnance et que son exécution aurait des conséquences désastreuses. Cependant, le tribunal a constaté que la condamnation au paiement de 2.000 euros avait déjà été exécutée, rendant ainsi la demande de sursis sans objet.

Comment le juge apprécie-t-il l’équité dans l’application de l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme d’argent au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Cet article précise que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci. »

L’application de cet article est laissée à l’appréciation discrétionnaire du juge, qui doit tenir compte des circonstances de l’affaire et des éléments présentés par les parties.

Dans cette affaire, la ville de [Localité 6] a soutenu que M. [F] [O] ne démontrait pas que la condamnation à payer 2.000 euros était manifestement excessive. Le tribunal a conclu que M. [F] [O] n’avait pas apporté d’éléments suffisants pour justifier une atteinte à l’équité, ce qui a conduit à la décision de ne pas appliquer l’article 700 dans ce cas.

Quelles sont les conséquences de l’exécution d’une ordonnance en matière de référé ?

L’exécution d’une ordonnance en matière de référé a des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne la possibilité de contester cette exécution. Selon l’article 514-3 du Code de procédure civile, une fois qu’une décision a été exécutée, la demande de sursis à exécution devient sans objet.

Dans le cas présent, M. [F] [O] a déjà exécuté la condamnation de 2.000 euros, ce qui signifie que la question de l’exécution provisoire de l’ordonnance ne peut plus être débattue.

Le tribunal a donc déclaré la demande de sursis à exécution sans objet, soulignant que l’exécution avait déjà eu lieu et que les conséquences alléguées par M. [F] [O] ne pouvaient plus être prises en compte. Cela illustre l’importance de l’exécution des décisions judiciaires et les limites qui en découlent pour les recours ultérieurs.

COUR D’APPEL

DE [Localité 4]

AUDIENCE DU

21 Novembre 2024

N° RG 24/00045 – N° Portalis DBWA-V-B7I-CO3W

MINUTE N° 24/54

[F] [O]

C/

VILLE DE [Localité 6]

ORDONNANCE DE REFERE

ENTRE

M. [F] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Audrey LISE-CADORE de la SELEURL LISE-CADORE AVOCATS, avocat au barreau de MARTINIQUE

DEMANDEUR EN REFERE

VILLE DE [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Isadora ALVES, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE

Me Stéphane CROS de la SELARL GIL-CROS-CRESPY, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

DEFENDERESSE EN REFERE

L’affaire a été appelée à l’audience publique du VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE à la Cour d’Appel DE FORT DE FRANCE par Monsieur Laurent SABATIER, Premier Président, assisté de Madame Rose-Colette GERMANY, greffière présente aux débats, et de Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, présente au délibéré, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile que le prononcé de l’ordonnance serait rendu le TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, prorogé au VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance du 14 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :

– Déclare le tribunal judiciaire de Fort-de-France incompétent pour statuer sur l’action dirigée contre la commune de Schoelcher,

– Renvoie les parties à mieux se pourvoir devant le juge administratif,

– Déboute M. [V] [N] de son exception d’incompétence rationae materiae,

– Dit que l’affaire devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France se poursuit uniquement à l’égard de M. [F] [O], M. [V] [N] et la régie communautaire Odyssi,

– Condamne M. [F] [O] aux dépens de la procédure incidente,

– Condamne M. [F] [O] à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Déboute M. [V] [N] de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente ordonnance,

– Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 13 janvier 2023 à 08h30 pour les conclusions au fond de M. [F] [O].

Par déclaration du 10 juin 2024, M. [F] [O] a interjeté appel de l’ordonnance.

Par acte de commissaire de justice du 25 juin 2024, M. [F] [O] a assigné en référé, devant le premier président de la cour d’appel de Fort-de-France, la ville de Schoelcher pour l’audience du 25 juillet 2024 à 10 heures à la cour d’appel de Fort-de-France.

Par ses dernières conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Fort-de-France le 27 septembre 2024, M. [F] [O] demande à la présente juridiction de :

– Déclarer recevable et bien fondée la demande de M. [F] [O],

– Juger qu’il existe des moyens sérieux de réformation de l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 14 novembre 2022 et des conséquences désastreuses qu’engendrerait son exécution,

– Ordonner le sursis à l’exécution de l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 14 novembre 2022 (RG n°21/01654),

– Condamner la ville de [Localité 6] à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure.

A l’appui de ses prétentions, M. [F] [O] fait valoir qu’il existe des moyen sérieux d’infirmation de l’ordonnance querellée au motif que la ville de [Localité 6] n’a produit aucun justificatif pourtant dûment réclamé par l’expert désigné, ainsi que lui-même, à fin d’éclairer sur le champ de ses compétences et le transfert de compétence de l’assainissement à la [Adresse 3] (CACEM).

Il indique que le paiement de la somme de 2.000 euros au seul motif qu’il a saisi la juridiction judiciaire au lieu de la juridiction administrative contreviendrait à l’équité.

En réplique, par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2024, la ville de [Localité 6] demande à la présente juridiction de :

A titre principal :

– prononcer un non-lieu à statuer sur la demande de M. [F] [O] de sursis à exécution ou d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du jugement de la mise en état du tribunal judiciaire de Fort-de-France RG n°21/01654 du 14 novembre 2022,

A titre subsidiaire :

– Débouter M. [F] [O] de sa demande de sursis à exécution ou d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fort-de-France RG n°21/01654 du 14 novembre 2022,

En toute hypothèse :

– Condamner M. [F] [O] aux entiers dépens de l’instance, et à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que M. [F] [O] ne justifie d’aucun moyen sérieux de réformation au motif qu’il ne conteste pas l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré que le tribunal judiciaire de Fort-de-France était incompétent pour statuer sur son action mais la conteste uniquement en ce qu’elle l’a condamné aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle relève que M. [F] [O] ne démontre pas en quoi sa condamnation par l’ordonnance dont appel à l’indemniser en application de l’article 700 du code de procédure civile contreviendrait au principe d’équité, l’application de cet article relevant du pouvoir discrétionnaire du juge et st exclusif de l’exigence de motivation.

Elle ajoute que M. [F] [O] ne démontre pas que le paiement de la somme de 2.000 euros entraînerait des conséquences manifestement excessives.

Renvoyée à plusieurs reprises, l’affaire a été appelée à l’audience du 26 septembre 2024 lors de laquelle les parties ont déposé leurs dossiers.

Les débats clos la présente décision a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l’espèce, M. [F] [O] déclare que son appel a été interjeté à fin d’infirmer sa condamnation à payer la somme de 2.000 euros à la commune de [Localité 6] au motif qu’elle serait infondée tant dans son principe que dans son quantum.

M. [F] [O] produit son bulletin de pension du mois de juillet 2024, lequel fait état de deux oppositions du comptable public, d’un montant de 1.613,45 euros et d’un autre de 386,55 euros, soit un montant total de 2.000 euros correspondant à sa condamnation par l’ordonnance querellée.

Il apparaît ainsi que la condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros a été exécutée.

En outre il est constaté, s’agissant des conséquences manifestement excessives visées par l’article 514-3 précité, que M. [F] [O] soutient que la condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros contrevient à l’équité en raison des revenus qu’il perçoit et qu’il évalue à hauteur de 4.310 euros brut soit 1.609,81 euros net.

Or, la lecture de son bulletin de pension du mois de juillet 2024 permet de constater que ce montant de 1.609,81 euros prend en compte la soustraction de la somme de 2.000 euros qui a été opérée en exécution de l’ordonnance querellée. Cette évaluation apparaît ainsi erronée.

En dehors de cette allégation, M. [F] [O] n’apporte aucun élément pour justifier de l’existence de conséquences manifestement excessives.

L’exécution de l’ordonnance querellée ayant déjà été effectuée, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par M. [F] [O] sera déclarée sans objet.

Succombant, il sera condamné aux dépens de l’instance sans que des considérations d’équité ne commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le premier président, statuant en matière de référé, publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition :

Déclare sans objet la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du 14 novembre 2022 formulée par M. [F] [O],

Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [O] aux entiers dépens.

La présente ordonnance a été signée par Monsieur Laurent SABATIER, premier président, et Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LE PREMIER PRESIDENT,


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