Incompétence et rejet d’une créance en compte courant d’associé

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Incompétence et rejet d’une créance en compte courant d’associé

L’Essentiel : La SASU Samoblig E a accordé une avance de 700.000 euros à la SCI Méditerranée Invest pour un projet immobilier en octobre 2019. Malgré plusieurs mises en demeure, la SCI n’a pas remboursé la somme, conduisant la SASU à saisir le tribunal de commerce de Créteil en février 2023. Le 23 janvier 2024, le tribunal a déclaré son incompétence, rejetant la demande de la SASU en raison de l’absence de preuve de versement de la somme. La SASU a été condamnée aux dépens, et le jugement a été rendu avec droit d’exécution provisoire.

Contexte de l’affaire

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Samoblig E a consenti, le 2 octobre 2019, une avance en compte-courant d’associé d’un montant de 700.000 euros à la société civile immobilière (SCI) Méditerranée Invest pour financer un projet immobilier.

Mises en demeure et assignation

Malgré les mises en demeure de remboursement envoyées par la SASU Samoblig E les 9 mars et 9 novembre 2022, la SCI Méditerranée Invest n’a pas remboursé la somme due. En conséquence, la SASU a assigné la SCI devant le tribunal de commerce de Créteil le 16 février 2023, demandant le remboursement de la somme ainsi que des frais irrépétibles.

Jugement du tribunal de commerce

Le 23 janvier 2024, le tribunal de commerce a déclaré son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris et a mis les dépens à la charge de la SASU Samoblig E. Les conclusions de la demanderesse ont été jugées irrecevables en raison de leur dépôt tardif.

État de la SCI Méditerranée Invest

La SCI Méditerranée Invest, régulièrement citée à son adresse connue, n’a pas constitué avocat. Le tribunal a noté que, bien que la société ait été radiée d’office le 21 mars 2024, son action était recevable tant que ses droits et obligations n’étaient pas liquidés.

Analyse de la demande en paiement

La SASU Samoblig E a demandé le remboursement de la créance en compte courant, qui est remboursable à tout moment. Cependant, il a été établi que, bien que la SASU ait consenti l’avance, aucun document ne prouvait que la somme avait été effectivement versée à la SCI Méditerranée Invest, rendant la dette incertaine.

Décision finale du tribunal

En conséquence, la demande de la SASU Samoblig E a été rejetée. La société a également été condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement a été rendu avec droit d’exécution provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence juridictionnelle applicable dans ce cas ?

La compétence juridictionnelle est un aspect fondamental du droit procédural. Dans cette affaire, le tribunal de commerce de Créteil a été saisi, mais a déclaré son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Selon l’article 1er du Code de procédure civile, « les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître des litiges qui leur sont soumis par la loi ».

L’article 42 du même code précise que « la compétence territoriale est déterminée par le lieu où demeure le défendeur ».

Dans ce cas, la SCI Méditerranée Invest, en tant que défenderesse, avait son siège social à l’adresse indiquée, ce qui a conduit à la compétence du tribunal judiciaire de Paris.

Il est donc essentiel de respecter les règles de compétence pour garantir un procès équitable et éviter les conflits de juridiction.

Quelles sont les conséquences de l’absence de comparution du défendeur ?

L’absence de comparution du défendeur a des conséquences significatives sur le déroulement de la procédure. Selon l’article 472 du Code de procédure civile, « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ».

Cela signifie que le juge peut examiner la demande de la partie demanderesse même en l’absence du défendeur. Toutefois, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime « régulière, recevable et bien fondée ».

Il est également important de noter que l’article 473 du même code stipule que « la décision sera réputée contradictoire » si le défendeur a été régulièrement cité à son adresse connue, même s’il ne s’est pas présenté.

Ainsi, la décision rendue par le tribunal est valable et peut être exécutée, même sans la présence du défendeur.

Quelles sont les conditions de recevabilité d’une créance en compte courant d’associé ?

La créance en compte courant d’associé est un mécanisme par lequel un associé prête des fonds à la société. Selon la jurisprudence, cette créance est remboursable à tout moment.

L’article 1846 du Code civil précise que « les associés peuvent convenir d’un compte courant ». Cela signifie que les modalités de remboursement doivent être clairement établies dans la convention de compte courant.

Dans cette affaire, la SAS Samoblig E a consenti une avance de 700.000 euros à la SCI Méditerranée Invest. Cependant, le tribunal a noté qu’il n’existait pas de preuve suffisante démontrant que cette somme avait été effectivement versée à la SCI.

L’absence de documents prouvant le versement de la somme rend la créance incertaine, ce qui a conduit au rejet de la demande de la SASU.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cet article stipule que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie qui perd à payer à l’autre partie une somme qui ne peut excéder 3 000 euros ».

Dans cette affaire, la SASU Samoblig E a été déboutée de sa demande, ce qui signifie qu’elle a perdu le procès. Par conséquent, elle a également été condamnée aux dépens, conformément à l’article 700.

Cela souligne l’importance de bien préparer son dossier et de fournir des preuves solides pour soutenir ses demandes, car les frais peuvent rapidement s’accumuler en cas de défaite.

Quelles sont les conséquences de la radiation d’office d’une société sur la recevabilité de l’action ?

La radiation d’office d’une société peut soulever des questions quant à sa capacité à agir en justice. Cependant, la jurisprudence a établi que la personnalité morale d’une société peut survivre tant que ses droits et obligations ne sont pas liquidés.

L’article R.123-136 du Code de commerce précise que « la radiation d’une société est prononcée lorsque celle-ci ne remplit plus les conditions légales de son existence ».

Dans cette affaire, bien que la SCI Méditerranée Invest ait été radiée, le tribunal a jugé que l’action de la SASU Samoblig E était recevable, car les droits et obligations de la société n’avaient pas été liquidés.

Cela démontre que la radiation n’entraîne pas automatiquement l’irrecevabilité des actions en justice, tant que des droits subsistent.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie certifiée
conforme délivrée
le: 15/01/2025
Me FONTAINE – D0190

9ème chambre 2ème section

N° RG 24/04548 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4SDX

N° MINUTE : 16

Assignation du :
23 Janvier 2024

JUGEMENT
rendu le 15 Janvier 2025
DEMANDERESSE

S.A.S.U. SAMOBLIG E, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Anne-Lise FONTAINE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0190, et Maître Aissia SEGHIR, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.C.I. MEDITERRANNEE INVEST, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]

Non représentée

Décision du 15 Janvier 2025
9ème chambre 2ème section
N° RG 24/04548 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4SDX

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, statuant en juge unique, assisté de Madame Alice LEFAUCONNIER, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné à l’avocat que la décision serait rendue le 15 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 2 octobre 2019, la société par actions simplifiée à associé unique (ci-après SASU) Samoblig E, en sa qualité d’associée de la société civile immobilière (ci-après SCI) Méditerranée Invest, a consenti une avance en compte-courant d’associé pour le compte de cette dernière d’une valeur de 700.000 euros pour financer un projet immobilier.

Les mises en demeure de rembourser la somme précitée des 9 mars et 9 novembre 2022, adressées par la SASU Samoblig E à la SCI Méditerranée Invest sont demeurées infructueuses.

C’est dans ce contexte que par exploit d’huissier de justice du 16 février 2023, aux visas des articles 1103 et suivants du code civil, la SASU Samoblig E a fait assigner la SCI Méditerranée Invest devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir :

« 1. RECEVOIR l’intégralité des moyens et prétentions de la société SAMOBLIG E ;

2. CONDAMNER la société MEDITERRANEE INVEST à régler à la société SAMOBLIG E la somme de 700.000€ en application de la convention de compte courant d’associé du 02 octobre 2019 ;

3. CONDAMNER la société MEDITERRANEE INVEST à payer à la société SAMOBLIG E la somme de 3.0006 au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

4. CONDAMNER la société MEDITERRANEE INVEST aux dépens. »

Par jugement du 23 janvier 2024, la juridiction consulaire s’est déclarée incompétente au profit du tribunal judiciaire de Paris et a mis les dépens à la charge de la SASU Samoblig E.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de ses demandes, il est renvoyé aux termes de l’acte introductif d’instance qui constitue les seules écritures de la demanderesse, les conclusions jointes au dossier de plaidoirie déposé par cette dernière étant irrecevables faute d’avoir été déposées, en l’occurrence signifiées par voie électronique à la juridiction, avant l’ordonnance de clôture.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 octobre 2024. L’affaire a été évoquée à l’audience de plaidoirie tenue en juge unique du 20 novembre 2024 et mise en délibéré au 15 janvier 2025.

Régulièrement citée à sa dernière adresse connue, à savoir le [Adresse 3] à [Localité 4], désignée comme son siège social sur l’extrait k-bis en date du 15 novembre 2022 produit par la demanderesse, la SCI Méditerranée Invest n’a pas constitué avocat. Par application des dispositions de l’article 473 du même code, la présente décision, susceptible d’appel, sera donc réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

A la demande du juge de la mise en état, la demanderesse produit un extrait k-bis en date du 19 septembre 2024 dont il résulte que son président est M. [M] [Y] et qu’elle a fait l’objet d’une radiation d’office le 21 mars 2024 en application des dispositions de l’article R.123-136 du code de commerce.

Néanmoins, il est de jurisprudence constante que la personnalité morale d’une société survit dès lors que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés et qu’en conséquence l’action de la demanderesse est recevable.

Sur la demande en paiement
Une créance en compte courant d’associé est remboursable à tout moment.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que :

Par acte du 2 octobre 2019, la SAS Samoblig E a consenti une avance de compte courant à la SCI Méditerranée Invest pour permettre à cette dernière d’effectuer le financement de son activité, en l’espèce un projet immobilier, étant relevé que les deux sociétés étaient représentées à l’époque par la même personne, à savoir M. [R] [I], seul signataire de l’acte désigné tout à la fois comme
président de la SAS Samoblig E et gérant de la SCI Méditerranée Invest. Aux termes de l’article 2 de cette convention, le montant de la somme mise à disposition est incertain en ce qu’il est fait mention en lettres d’un montant de « CENT MILLE CENT EUROS » tandis qu’il est indiqué en chiffres la somme de « 700.000 euros ».

Selon actes des 15 décembre et 31 décembre 2018, la SAS Samoblig E a émis un emprunt obligataire d’un montant de 700.000 euros divisé en 700.000 obligations d’une valeur nominale d’un euro auquel a souscrit M. [M] [U] [Y]. Dans ce cadre, M. [R] [I] a accepté de garantir les obligations au moyen de la constitution, en faveur de M. [Y], d’un nantissement portant sur les comptes nantis de la société.

Il ressort du relevé de compte produit en pièce n°11 que le compte ouvert au nom de M. [Y] dans les livres de l’établissement bancaire Aquila a été débité de la somme de 700.000 euros avec pour bénéficiaire désigné la société Samoblig E.

En revanche, il n’est produit aucun document démontrant que la SAS Samoblig E a versé cette somme à la SCI Méditerranée Invest et que la dette invoquée à l’encontre de la défenderesse est dès lors certaine.

En conséquence, la demande est rejetée.

Sur les demandes annexes
La SAS Samoblig E qui succombe supportera les dépens de l’instance et est déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est revêtue de droit de l’exécution provisoire conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable en l’espèce, l’instance ayant été introduite postérieurement au 31 décembre 2019.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe de la juridiction, par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort :

DEBOUTE la SASU Samoblig E de ses demandes ;

CONDAMNE la SASU Samoblig E aux dépens ;

RAPPELLE qu’en application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile, le présent jugement deviendra non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de son prononcé.

Fait et jugé à Paris le 15 Janvier 2025

La Greffière Le Président


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