Incompétence du juge des référés face à un conflit de compétence en matière de travaux en copropriété

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Incompétence du juge des référés face à un conflit de compétence en matière de travaux en copropriété

L’Essentiel : Le 5 octobre 2017, la société Medary, dirigée par M. [D], a acquis plusieurs lots d’un immeuble en copropriété, dont un garage. Elle a ensuite décidé de transformer ce garage en salle de fitness, entraînant des travaux qui ont suscité des préoccupations parmi les copropriétaires. Le 14 avril 2022, le juge des référés a ordonné la suspension des travaux jusqu’à l’obtention d’une autorisation. En avril 2023, le syndicat des copropriétaires a assigné Medary et la société [D] pour demander la restauration des lieux. Lors de l’audience du 18 décembre 2024, le juge a déclaré son incompétence, renvoyant le syndicat à se pourvoir devant le juge de la mise en état.

Acquisition des lots par la société Medary

Le 5 octobre 2017, la société Medary, dirigée par M. [D], a acquis plusieurs lots d’un immeuble en copropriété, comprenant deux boutiques et un garage. Parallèlement, la société [D], également gérée par M. [D], a acquis un local adjacent au garage.

Modification de l’affectation du garage

La société Medary a décidé de transformer le garage en salle de fitness, ce qui a entraîné des travaux de décaissement et de démolition de la dalle de béton. Ces travaux ont suscité des préoccupations concernant l’impact sur les parties communes de l’immeuble.

Ordonnance du juge des référés

Le 14 avril 2022, le juge des référés a ordonné à la société Medary de suspendre les travaux jusqu’à l’obtention d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. Une expertise judiciaire a également été ordonnée pour évaluer la situation.

Assignation en référé par le syndicat des copropriétaires

Le 7 avril 2023, le syndicat des copropriétaires a assigné en référé les sociétés Medary et [D] pour demander la reconstitution des sous-sols et la remise en état de la dalle séparative entre les lots 65 et 66. La société OCP club 1660, ayant acquis des lots, a également été impliquée dans l’affaire.

Demandes des parties lors de l’audience

Lors de l’audience du 18 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires a demandé au juge des référés de se déclarer compétent et de condamner les sociétés à restaurer les lieux, sous astreinte. En revanche, les sociétés défenderesses ont contesté la compétence du juge des référés, arguant que le juge de la mise en état était le seul compétent pour traiter ces demandes.

Incompétence du juge des référés

Le juge a conclu à son incompétence, soulignant que le litige était déjà pendante devant le juge de la mise en état, qui avait été désigné pour statuer sur des demandes similaires. Il a donc renvoyé le syndicat des copropriétaires à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état.

Décision sur les frais et dépens

Aucune partie n’ayant été déclarée perdante, chacune a conservé la charge de ses propres dépens. Les demandes d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont également été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge des référés par rapport au juge de la mise en état ?

La compétence du juge des référés est régie par l’article 789 du code de procédure civile, qui stipule :

« Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

[…]

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées. »

Dans le cas présent, les sociétés défenderesses ont soulevé l’incompétence du juge des référés au profit du juge de la mise en état, en raison de l’existence de deux instances pendantes devant le tribunal judiciaire de Paris.

Ces instances concernent le même litige, à savoir la demande de remise en état des lieux avant les travaux engagés par la société Medary, et les demandes d’autorisation de travaux.

Ainsi, le juge de la mise en état est le seul compétent pour statuer sur les mesures provisoires demandées par le syndicat des copropriétaires, ce qui a conduit le juge des référés à se déclarer incompétent.

Quelles sont les conséquences de l’incompétence du juge des référés ?

L’incompétence du juge des référés entraîne plusieurs conséquences procédurales. Selon l’article 81, alinéa 2, du code de procédure civile :

« Le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente. »

Cependant, cette règle ne s’applique pas au juge des référés. Dans ce cas, le juge des référés a simplement renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état, sans désigner une autre juridiction.

Cela signifie que le syndicat des copropriétaires doit présenter ses demandes au juge de la mise en état, qui est compétent pour examiner les mesures provisoires en lien avec les travaux dans le lot n° 66.

Cette décision permet de garantir que les questions soulevées dans le cadre des deux instances pendantes soient traitées de manière cohérente et par la même juridiction.

Quelles sont les implications financières de cette décision pour les parties ?

Concernant les implications financières, le jugement a précisé que « Aucune partie n’étant partie perdante, chacune d’elles conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles. »

Cela signifie que chaque partie doit supporter ses propres frais de justice, sans qu’aucune d’elles ne soit condamnée à payer les dépens de l’autre.

De plus, les demandes formulées en application de l’article 700 du code de procédure civile, qui permet de demander le remboursement des frais irrépétibles, ont été rejetées.

L’article 700 stipule que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. »

Dans ce cas, le rejet des demandes en application de cet article signifie que les parties ne pourront pas récupérer les frais engagés pour cette instance, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur chacune d’elles.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/53092

N° Portalis 352J-W-B7H-CZR3Z

N° : 2

Assignation du :
07 avril 2023

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 janvier 2025

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDEUR

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la S.A.R.L. SYGERIM, dont le siège social est sis
[Adresse 1]
[Localité 7]

représenté par Maître François PARIS de la SCP DPG Avocats, avocats au barreau de PARIS – #C0051

DEFENDERESSES

La S.C. MEDARY
[Adresse 3]
[Localité 5]

La S.C.I. [D]
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentées par Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS – #C0716

INTERVENANTE VOLONTAIRE

La société OPC CLUB 1660
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS – #C0716

DÉBATS

A l’audience du 18 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président, après avoir entendu les conseils des parties,

Le 5 octobre 2017, la société Medary, dont l’associé et gérant est M. [D], a acquis les lots n°3, 4 et 66 dépendant d’un immeuble en copropriété situé [Adresse 3]), consistant, pour les deux premiers, en deux boutiques au rez-de-chaussée et, pour le troisième, en un garage en sous-sol.

La société [D], dont le gérant associé est également M. [D], a acquis le lot n°65, soit un local dans la cour de l’immeuble, au droit du lot 66.

La société Medary ayant décidé de modifier l’affectation du lot n°66 à usage de garage pour en faire une salle de fitness, elle a entrepris des travaux de décaissement du sol, après démolition du dallage du garage.

Par ordonnance du 14 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a ordonné à la société Medary de suspendre, jusqu’à obtention d’une éventuelle autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, l’exécution des travaux affectant les parties communes situées dans le garage de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5], notamment, ceux portant sur la dalle de béton, et a ordonné une expertise judiciaire.

Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2023.

Par acte du 7 avril 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à Paris 15ème a assigné en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris les sociétés Medary et [D] afin de voir ordonner la reconstitution des sous-sols de l’immeuble par l’exécution d’un nouveau dallage en béton armé à l’arase initiale et la remise en état initial de la dalle séparative entre les lots 65 et 66.

La société OCP club 1660, qui a acquis les lots n° 3, 4 et 66 le 9 mai 2023, est intervenue volontairement à l’instance.

L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties et, aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 18 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires demande au juge des référés de :

se dire et juger compétent pour statuer sur ses demandes ; condamner solidairement les sociétés Medary, [D] et OCP club 1660 à procéder au remblaiement du sol du lot n°66 au niveau des arases initiales et à la reconstitution de la dalle telle qu’elle existait avant sa destruction par la société Medary, dans le respect des normes actuelles ;condamner solidairement les sociétés Medary, [D] et OCP club 1660 à procéder au rebouchage de la trémie entamée par les perçages dans le plancher haut du lot 66 afin de créer un accès au lot du rez-de-chaussée (lot 65) ;le tout sous astreinte journalière de 1.500 euros à compter de la signification de la décision ;condamner solidairement les sociétés Medary, [D] et OCP club 1660 au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;les condamner solidairement aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ;les débouter de toutes leurs demandes.
Aux termes de leurs conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 18 décembre 2024, la société OCP club 1660, intervenante volontaire, et les sociétés Medary et [D] demandent au juge des référés de :

se déclarer incompétent sur l’ensemble des demandes concernant les réalisations de travaux dans le lot n° 66, le tribunal judiciaire étant saisi de deux contestations d’assemblées générales et d’une demande d’autorisation de travaux au visa de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 et seul le juge de la mise en état étant compétent en application de l’article 789 du code de procédure civile ;renvoyer en conséquence le syndicat des copropriétaires à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état sur incident dans l’instance enrôlée sous le numéro de RG 22/06720 ;Si par extraordinaire le juge des référés se déclarait compétent sur la demande concernant le plancher entre les lots n° 65 et 66,
débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande, celle-ci étant sans objet puisque le syndicat des copropriétaires en a été informé le 14 juin 2023 par courrier officiel ;débouter en tout état de cause le syndicat des copropriétaires, sa demande se heurtant à une contestation sérieuse et étant mal fondée ;débouter le syndicat des copropriétaires de toutes autres demandes ;le condamner à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux conclusions des parties.

MOTIFS

Sur l’exception d’incompétence au profit du juge de la mise en état

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile :

« Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
[…]
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ».

Au cas présent, les sociétés défenderesses soulèvent l’incompétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris au profit du juge de la mise en état, au motif que le tribunal judiciaire de Paris a été saisi au fond du litige opposant les parties et que deux instances sont actuellement pendantes devant lui, au cours desquelles le juge de la mise en état a été désigné.

Il ressort en effet des assignations des 1er juin et 7 septembre 2022 versées aux débats que la société Medary a assigné au fond le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] en vue d’obtenir l’annulation du procès-verbal rectificatif de l’assemblée générale du 10 juin 2021 et de l’assemblée générale du 14 juin 2022 ainsi que l’autorisation de réaliser les travaux litigieux sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Le litige est le même que celui soumis au juge des référés puisque les demandes du syndicat des copropriétaires dans la présente instance tendent à la remise en état initiale des lieux, avant les travaux engagés par la société Medary, alors que les demandes des sociétés Medary, [D] et OCP club 1660 devant le juge du fond tendent à obtenir l’autorisation de réaliser lesdits travaux. Les parties sont également identiques, étant précisé que la société OCP club 1660 est intervenue volontairement devant le juge du fond, comme devant le juge des référés.

Deux instances sont actuellement en cours devant le juge du fond, enregistrées sous les numéros de RG 22/06720 et 22/10928, et il ressort des pièces produites par les défenderesses que, dans l’instance enregistrée sous le numéro de RG 22/06720, le juge de la mise en état a été désigné et n’a pas encore clôturé l’instruction (contrairement à la seconde instance dans laquelle la clôture de l’instruction est intervenue le 12 novembre 2024).

Seul le juge de la mise en état est par conséquent compétent pour statuer sur la demande de mesures provisoires formée par le syndicat des copropriétaires.

Il est rappelé que la règle de l’article 81, alinéa 2, du code de procédure civile, aux termes de laquelle le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente, n’est pas applicable au juge des référés.

Il convient donc de nous déclarer incompétent et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état.

Sur les frais et dépens

Aucune partie n’étant partie perdante, chacune d’elles conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,

Nous déclarons incompétent au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ;

Renvoyons en conséquence le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état sur incident dans l’instance enrôlée sous le numéro de RG 22/06720 ;

Laissons à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés à l’occasion de la présente instance ;

Rejetons les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait à Paris, le 22 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY


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