Inadéquation des obligations contractuelles et conséquences sur la relation de travail

·

·

Inadéquation des obligations contractuelles et conséquences sur la relation de travail

L’Essentiel : L’Agence Elysée, SARL spécialisée dans l’immobilier, a connu des difficultés financières, entraînant une liquidation judiciaire en mars 2022. M. [T] [Z], engagé en tant que négociateur immobilier, a demandé la résiliation de son contrat en raison de manquements de l’employeur, notamment l’absence de renouvellement de sa carte professionnelle. Le conseil de prud’hommes a prononcé cette résiliation en décembre 2021, accordant à M. [Z] des indemnités. En appel, il a contesté le montant de son salaire moyen et a justifié sa demande d’indemnités supplémentaires, ce qui a conduit la cour à réviser les montants dus en sa faveur.

Présentation de la société Agence Elysée

La société Agence Elysée est une SARL immatriculée au RCS de Versailles, spécialisée dans la négociation, l’achat, la vente, la location et la gérance de biens immobiliers. Elle emploie moins de 11 salariés.

Engagement de M. [T] [Z]

M. [T] [Z] a été engagé par la société Agence Elysée en tant que négociateur immobilier VRP à compter du 1er septembre 2009, avec des relations régies par la convention collective nationale de l’immobilier.

Procédures judiciaires

Le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société le 5 janvier 2017, suivie d’un plan de redressement arrêté le 13 septembre 2018. Cependant, la société a été placée en liquidation judiciaire le 31 mars 2022.

Demande de résiliation judiciaire

M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes le 11 décembre 2020 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquant des manquements de l’employeur, notamment l’absence de renouvellement de sa carte professionnelle.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 6 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de M. [Z] aux torts de la société, lui accordant diverses indemnités, y compris une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Appel de M. [Z]

M. [Z] a interjeté appel du jugement le 12 janvier 2022, demandant une réévaluation des montants des indemnités accordées.

Position de la société JSA

La société JSA, en tant que liquidateur de la société Agence Elysée, a demandé à la cour de confirmer le jugement initial tout en s’en remettant à la sagesse de la cour concernant la résiliation judiciaire.

Fixation du salaire moyen

Le conseil de prud’hommes a fixé le salaire moyen de M. [Z] à 1 539,45 euros, une décision contestée par M. [Z] qui a demandé une réévaluation à 3 469,11 euros, en raison de l’absence de bulletins de salaire et de primes non prises en compte.

Indemnités et dommages-intérêts

M. [Z] a justifié sa demande d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis, en se basant sur son ancienneté et les manquements de l’employeur. Il a également demandé des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Décision de la cour

La cour a confirmé en partie le jugement du conseil de prud’hommes, en révisant les montants des indemnités dues à M. [Z], notamment l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’AGS a été déclarée tenue dans les limites de sa garantie.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur est une procédure qui permet au salarié de mettre fin à son contrat de travail en raison de manquements graves de l’employeur.

Selon l’article L. 1235-1 du Code du travail, « le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail lorsque l’employeur a commis des manquements à ses obligations qui rendent impossible la poursuite de la relation de travail ».

Ces manquements doivent être d’une gravité suffisante pour justifier une telle résiliation.

Dans le cas présent, M. [Z] a invoqué le non-renouvellement de la carte professionnelle de la société, ce qui l’a empêché d’exercer ses fonctions d’agent immobilier.

L’article 3 de la loi Hoguet n° 70-9 du 2 janvier 1970 stipule que « toute personne physique ou morale exerçant des activités d’agent immobilier doit être titulaire d’une carte professionnelle ».

Le non-respect de cette obligation constitue un manquement grave, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Comment se calcule l’indemnité de licenciement en cas de résiliation judiciaire ?

L’indemnité de licenciement est calculée selon les dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du Code du travail.

L’article L. 1234-9 précise que « lorsqu’un salarié est licencié, il a droit à une indemnité de licenciement, dont le montant est déterminé en fonction de son ancienneté ».

L’article R. 1234-2 indique que « le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois ».

Dans le cas de M. [Z], son ancienneté de 12 ans et 6 mois lui donne droit à une indemnité de licenciement calculée sur la base de son salaire de référence, qui a été fixé à 11 563,70 euros.

Quelles sont les conséquences financières de la résiliation judiciaire ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à plusieurs indemnités pour le salarié.

Selon l’article L. 1234-1 du Code du travail, « le salarié a droit à une indemnité de licenciement, à une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’à des congés payés afférents ».

Dans le cas de M. [Z], la cour a fixé les indemnités comme suit :

– 11 563,70 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 10 407,33 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 040,73 euros pour les congés payés afférents,
– 28 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ces indemnités sont calculées en fonction du salaire de référence et de l’ancienneté du salarié.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de documents sociaux ?

L’employeur a l’obligation de remettre au salarié les documents sociaux nécessaires à la prise en charge par Pôle emploi, tels que l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail.

L’article L. 1234-19 du Code du travail stipule que « lorsque le contrat de travail prend fin, l’employeur doit remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire ».

Dans le cas de M. [Z], l’employeur n’a pas respecté cette obligation, ce qui a eu des conséquences sur la prise en charge de son chômage.

La cour a rappelé que l’absence de ces documents a contribué à la situation difficile du salarié, justifiant ainsi les demandes d’indemnisation.

Quelles sont les conditions de la garantie de l’AGS en cas de liquidation judiciaire ?

La garantie de l’Association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS) est régie par les articles L. 3253-1 à L. 3253-21 du Code du travail.

Ces articles stipulent que « l’AGS garantit le paiement des créances salariales dans la limite des plafonds fixés par la loi ».

La garantie de l’AGS n’intervient qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire en cas d’absence de fonds disponibles dans la procédure collective.

Dans le cas de M. [Z], la cour a déclaré l’arrêt opposable à l’AGS dans la limite de ses garanties, en raison de la procédure de liquidation judiciaire engagée contre la société Agence Elysée.

Cela signifie que l’AGS est tenue de garantir les créances salariales dans les limites prévues par la loi.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80M

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/00140 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6FL

AFFAIRE :

[T] [Z]

C/

S.E.L.A.R.L. JSA représentée par Maitre [D] [C] es qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCE ELYSEE

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 2]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

N° RG : F 20/00393

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Vincent LECOURT

Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [T] [Z]

né le 30 Juillet 1987 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Vincent LECOURT, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 218

APPELANT

***************

S.E.L.A.R.L. JSA représentée par Maitre [D] [C] es qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCE ELYSEE

N° SIRET : 419 488 655

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80

INTIMÉE

****************

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Défaillante – Assignée en intervention forcée par acte du 21 février 2024 remise à personne morale – non constitution par courrier du 04 mars 2024

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Agence Elysée est une société à responsabilité limitée (SARL) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 302 066 527.

La société Agence Elysée a pour activités la négociation, l’achat, la vente, la location et la gérance de tous meubles et immeubles, de toutes parts et actions donnant droit à la jouissance de locaux.

Elle emploie moins de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée, M. [T] [Z] a été engagé par la société Agence Elysée en qualité de négociateur immobilier VRP, niveau 1, coefficient 241, à compter du 1er septembre 2009.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières et agents immobiliers.

Par jugement rendu le 5 janvier 2017, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Agence Elysée.

Par jugement rendu le 13 septembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a arrêté le plan de redressement de la société Agence Elysée et a désigné la société SMJ, prise en la personne de

M. [H] [N], en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Par jugement en date du 31 mars 2022 le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la SELARL JSA en qualité de liquidateur.

Par requête introductive reçue au greffe le 11 décembre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye d’une demande tendant à ce soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Agence Elysée.

Par jugement rendu le 6 décembre 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] [Z] aux torts de la société Agence Elysée, la date d’effet étant celle du prononcé du présent jugement ;

– condamné la société Agence Elysée à payer à M. [T] [Z] les sommes suivantes :

* 5 028,86 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

* 4 618,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 461,83 euros à titre de congés payés y afférents ;

* 4 700,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné à la société Agence Elysée de remettre à M. [T] [Z] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent jugement ;

– mis hors de cause la société JSA, prise en la personne de Mme [D] [C], commissaire à l’exécution du plan de la société Agence Elysée et l’Association de gestion du régime de garantie des salaires, prise en la personne du Centre de gestion et d’études agréé d'[Localité 2] ;

– condamné la société Agence Elysée à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 4 janvier 2021, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et du prononcé pour le surplus ;

– rappelé que par application de l’article R. 1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et a fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 1 539,45 euros ;

– débouté M. [T] [Z] du surplus de ses demandes ;

– condamné la société Agence Elysée aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 12 janvier 2022, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement. Il a conclu le 15 mars 2022.

Par jugement rendu le 31 mars 2022, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Agence Elysée, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son égard et a désigné la société JSA, prise en la personne de Mme [C], en qualité de liquidateur.

Les sociétés Agence Elysée et JSA n’ayant pas constitué avocats dans le délai d’un mois à compter de la date de l’appel interjeté par M. [Z], la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées aux organes de la procédure par acte de commissaire de justice en date du 14 mars 2022, dans le délai d’un mois.

La société JSA a constitué avocat le 27 février 2024 et a communiqué ses conclusions d’intimée le 26 mars 2024.

Le 21 février 2024, l’association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), prise en la personne du centre de gestion et d’études agréé d'[Localité 2], a été assignée en intervention forcée. Elle n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 26 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Z], appelant, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye du 6 décembre 2021 en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité en réparation de la rupture ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

– fixer au passif de la société Agence Elysée la créance de M. [Z] comme suit :

* la somme de 11 563,70 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* la somme de 10 407,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* la somme de 1 040,73 euros bruts à titre de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

* la somme de 36 452,66 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– condamner la société Agence Elysée aux entiers dépens d’appel ;

– fixer au passif de la société Agence Elysée la créance de M. [Z] à la somme de 4 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– déclarer l’arrêt opposable à l’Association de gestion du régime de garantie des salaires, dans la limite de ses garanties.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 26 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société JSA, en sa qualité de liquidateur de la société Agence Elysée, intimée, demande à la cour de :

– prendre acte de l’intervention de la société JSA représentée par Mme [D] [C] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence Elysée ;

– prendre acte que la société JSA représentée par Mme [D] [C] es-qualité de liquidateur judiciaire s’en rapporte à la sagesse de la cour s’agissant de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Z] ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la rémunération moyenne de M. [Z] à la somme de 1 539,45 euros brut ;

Si la cour estimait qu’il existe des faits entraînant la résiliation judiciaire,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [Z] une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

– débouter M. [Z] de toutes ses autres demandes.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement

M. [Z] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il explique qu’ après que la société ait été placée en redressement judiciaire le 13 septembre 2018, il a appris lors d’une conversation avec la gérante, le 21 octobre 2020, que la carte professionnelle de la société n’avait pas été renouvelée de sorte qu’elle ne pouvait lui remettre son habilitation à exercer en qualité d’agent immobilier.

Le salarié indique avoir été contraint de mettre en demeure la société de régulariser la situation en vain et qu’il s’est vu cantonner à un travail administratif et du télétravail jusqu’à sa saisine prud’homale.

Le salarié à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire invoque le manquement de l’employeur à ses obligations légales et notamment celui de lui permettre d’exécuter les tâches contractuellement prévues notamment l’activité de démarchage inhérente à celle d’agent immobilier et de l’avoir placé dans une situation de devoir commettre un délit pour exécuter ses tâches.

La SELARL JSA représentée par Me [D] [C], ès qualité de mandataire judiciaire de la société Agence Élysée, fait état des difficultés rencontrées par la gérante de la société au moment de l’exécution du plan de redressement de la société et s’en remet à la sagesse de la cour concernant les faits allégués à l’appui de la résiliation judiciaire.

L’AGS régulièrement assigné en intervention forcée le 21 février 2024 n’est pas constitué et n’a pas conclu.

En l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant que la loi Hoguet numéro 70 ‘ 9 du 2 janvier 1970 concernant les activités d’agent immobilier prévoyait dans son article 3 l’obligation pour les personnes physiques et morales de se munir d’une carte professionnelle pour pouvoir exercer leurs activités et punissait d’emprisonnement et d’une amende délictuelle tout contrevenant à ses dispositions et rappelant les clauses contractuelles figurant à l’article 1 dernier alinéa du contrat de travail du salarié, ont dit, qu’à défaut pour l’employeur de justifier de sa mise en conformité avec le dispositif prévu au décret numéro 2015 ‘ 702 du 19 juin 2015 concernant les procédures d’instruction de la demande de carte professionnelle d’agent immobilier de délivrance et de renouvellement de cette carte professionnelle et l’établissement du récépissé de déclaration préalable d’activité, il convenait de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

La cour constate, au surplus, qu’outre le fait que les manquements ne sont pas contestés, quelles que soit les difficultés rencontrées, l’attitude de l’employeur a conduit le salarié dans une situation où il se trouvait dans l’impossibilité d’exercer son activité professionnelle. Ce contexte ne pouvait permettre la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, la gravité du manquement de l’employeur est incontestable et il convient de confirmer la décision prud’homale.

Sur la fixation du salaire moyen

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle ouvre droit pour le salarié au bénéfice de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de congés payés et de l’indemnisation du préjudice né de la rupture du contrat de travail. Pour apprécier le montant de ces conséquences financières, il y a lieu de déterminer le salaire de référence.

Le conseil des prud’hommes au motif que le salarié ne produisait pas d’éléments sur sa rémunération récente et actuelle a fixé le salaire moyen de M. [Z] à la somme de 1539,45.€

M. [Z] demande l’infirmation de la décision prud’homale sur ce point en faisant valoir d’une part que la somme arrêtée par le conseil des prud’hommes est inférieure au salaire minimum légal et d’autre part, qu’il n’a pas été tenu compte de sa prime d’ancienneté et de sa prime de 13e mois. Il indique qu’il n’a jamais été destinataire des bulletins de salaire postérieurs au mois d’août 2021, ses bulletins de paye n’étant pas établis au moment de la saisine prud’homale. Il rappelle que l’établissement des bulletins de salaire est une obligation incombant à l’employeur. Il ajoute que son impossibilité d’obtenir le règlement de commissions est imputable à son employeur qui l’a empêché d’exercer son activité de démarchage. Au vu de ces 12 derniers bulletins de salaire, il demande la fixation de son salaire moyen à la somme de 3469,11 euros.

Le mandataire liquidateur fait valoir que le salaire fixé par le conseil de prud’hommes est supérieur au salaire minimum brut mensuel fixé dans la convention collective de l’immobilier pour les négociateurs immobiliers exclusivité VRP, soit la somme de 1450 €.

Il soutient qu’au regard des difficultés économiques rencontrées par la société, M. [Z] ne justifie pas qu’il aurait pu percevoir des commissions au titre des ventes immobilières de la même importance que celles qu’il a obtenu sur l’année précédente.

Il sollicite en conséquence la confirmation de l’évaluation faite par le conseil de prud’hommes.

En vertu de l’article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Dès lors qu’il existe dans l’exécution du contrat travail des incidents non imputables au salarié affectant le montant de son salaire, il appartient au juge de reconstituer le salaire qui aurait été normalement versé au salarié.

En l’espèce, l’impossibilité dans lequel le salarié s’est retrouvé de ne pouvoir exercer l’intégralité de ses missions résulte d’une faute de l’employeur qui ne lui a pas fourni les documents administratifs exigés pour l’exercice de sa profession.

En conséquence, le salarié est bien fondé à invoquer un calcul de sa rémunération sur la période durant laquelle il a pu exercer normalement sa profession, soit du mois d’octobre 2019 au mois de septembre 2020.

Et dès lors, il y a lieu d’infirmer la décision prud’homale et de fixer le salaire mensuel brut de référence de M. [Z] à la somme de 3469,11 euros.

Sur l’indemnité de licenciement

Le salarié justifie du calcul qui fonde sa demande relative à l’indemnité légale de licenciement.

En application des dispositions des articles L 1234 ‘ 9 et R 1234 ‘ 2 du code du travail, au regard de l’ancienneté du salarié de 12 ans et 6 mois, alors que la demande n’est contestée que dans son principe mais pas dans son calcul il y a lieu de faire droit au montant sollicité par la salarié concernant l’indemnité de licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

S’agissant du préavis en application des dispositions de l’article 32 de la convention collective nationale de l’immobilier et de l’avenant numéro 31 du 15 juin 2006 relative au nouveau statut du négociateur immobilier le préavis est de trois mois.

Au regard du montant du salaire de référence, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié qui sollicite la somme de 10 407,33 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [Z] âgé de 34 ans moment de la résiliation judiciaire fait valoir que lors de son inscription pour obtenir la délivrance de sa carte professionnelle, il s’est aperçu qu’il n’était pas en règle depuis le 29 mars 2016. Il prétend qu’en conséquence il n’a pu justifier d’une activité dans le domaine de la gestion des biens pendant toute cette période et estime que sa réputation professionnelle a été mise à mal du fait de la rupture brutale de son contrat de travail, qu’il a perdu ses clients et ses contacts professionnels et qu’il a dû subir les reproches de son employeur. Il ajoute qu’il n’a pas bénéficié de l’intégralité de son salaire, ni de bulletins de salaire pendant plusieurs mois et prétend n’avoir obtenu une prise en charge à Pôle Emploi qu’à compter de février 2022, faute pour l’employeur de lui avoir remis les documents sociaux nécessaires à cette prise en charge. Il sollicite la somme de 36 425,66 € en réparation du dommage causé par la rupture.

Le mandataire judiciaire indique que le salarié doit pouvoir bénéficier d’une indemnité comprise entre trois mois et 11 mois de salaire compte tenu de son ancienneté. Il ajoute que M. [Z] a été rémunéré jusqu’à la résiliation du contrat de travail en décembre 2021 et que le 26 janvier 2022, il a immatriculé une nouvelle entreprise la société [T] [Z] Immobilier tout en percevant ses indemnités chômage versées par Pôle Emploi.

Il résulte des éléments versés au dossier et notamment des ressources perçues par M. [Z] au titre de Pôle Emploi et de sa société, au vu de sa situation personnelle, de son âge et de son ancienneté que la demande doit être accueillie à hauteur de 28 000 €.

Sur la demande de garantie de l’AGS

Les conditions et les limites de la garantie de l’AGS sont fixées par les articles L L3253-1 à 3253-21 du Code du travail. Les sommes dues aux salariés en exécution du contrat de travail s’inscrivent dans les limites et plafonds prévus par la loi.

L’action des salariés ne peut avoir d’autre objet que l’inscription sur le relevé des créances salariales de la procédure collective. Cette action a pour seul objet de rendre le jugement commun à l’AGS, sans condamnation directe à son encontre.

Cette garantie n’intervient qu’à titre subsidiaire et suppose l’absence de fonds disponibles.

Les créances garanties ne constituent que des avances payables uniquement sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et du justificatif établi par celui-ci, de l’absence de fonds disponibles.

En l’espèce en raison de la procédure collective engagée, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié concernant l’AGS.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye du 6 décembre 2021 sauf en ce qui concerne le montant retenu pour l’indemnité légale de licenciement l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

FIXE au passif de la société agence Élysée la créance de M. [Z] de la manière suivante :

‘ 11 563,70 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;

‘ 10 407,33 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1040,73 €de congés payés afférents ;

‘ 28 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT l’AGS subsidiairement tenue dans les limites de sa garantie et déclare l’arrêt opposable à l’AGS dans la limite des garanties légales et des plafonds applicables ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

FIXE au passif de la société agence Élysée la créance de M. [Z] à la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

MET les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon