Inadéquation de la déclaration d’appel en matière d’assistance éducative

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Inadéquation de la déclaration d’appel en matière d’assistance éducative

L’Essentiel : M. [E] a interjeté appel d’un jugement du 10 septembre 2020, confiant la garde de ses trois enfants à leur mère. La cour d’appel a déclaré son appel irrecevable, arguant que sa déclaration ne mentionnait pas les chefs critiqués. M. [E] conteste cette décision, affirmant que sa déclaration, bien que lacunaire, devait être interprétée comme déférant l’ensemble des chefs du jugement. La Cour de cassation a jugé que la cour d’appel avait mal appliqué les règles de procédure, mais a noté que la mesure d’assistance éducative était expirée, rendant l’appel sans objet.

Contexte de l’Affaire

M. [E] a interjeté appel d’un jugement rendu le 10 septembre 2020 par un juge des enfants, qui avait confié la garde de ses trois enfants mineurs à leur mère jusqu’au 30 septembre 2021, tout en renouvelant la mesure d’assistance éducative jusqu’à cette même date. La déclaration d’appel a été faite le 25 septembre 2020.

Arguments de M. [E]

M. [E] conteste la décision de la cour d’appel qui a déclaré son appel irrecevable en raison de l’absence d’effet dévolutif de sa déclaration. Il soutient que, selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire, sa déclaration d’appel, bien qu’omettant de mentionner les chefs du jugement critiqués, devait être interprétée comme déférant à la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement. Il argue également que la cour d’appel a mal appliqué les règles de procédure, violant ainsi ses droits.

Réponse de la Cour d’Appel

La cour d’appel a statué que la déclaration d’appel de M. [E] ne mentionnait pas expressément les chefs du jugement critiqués, ce qui, selon elle, entraînait l’irrecevabilité de l’appel. Elle a précisé que l’effet dévolutif n’opérait pas dans ce cas, car la déclaration d’appel ne pouvait pas être élargie par des conclusions postérieures.

Analyse Juridique

La Cour de cassation a examiné les articles 562 et 933 du code de procédure civile, établissant que la déclaration d’appel doit désigner le jugement et préciser les chefs critiqués. Elle a noté que, dans le cadre de la procédure sans représentation obligatoire, une déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation du jugement, sans indiquer les chefs critiqués, doit être interprétée comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs du jugement.

Décision de la Cour de Cassation

La Cour de cassation a conclu que la cour d’appel avait violé les règles de procédure en déclarant l’appel irrecevable. Elle a décidé de statuer au fond, considérant que l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifiait. Cependant, elle a noté que la mesure d’assistance éducative était expirée, rendant l’appel sans objet.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’effet dévolutif de la déclaration d’appel en matière d’assistance éducative ?

L’effet dévolutif de la déclaration d’appel est un principe fondamental en matière de procédure civile. Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En matière d’assistance éducative, la déclaration d’appel doit désigner le jugement dont il est fait appel et préciser les chefs du jugement critiqués, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Il est important de noter que, dans le cas où la déclaration d’appel mentionne que l’appel est formé « contre la totalité » du jugement sans viser expressément aucun chef, cela peut entraîner une absence d’effet dévolutif.

Ainsi, la cour d’appel a constaté que la déclaration d’appel de M. [E] ne critiquait aucun chef spécifique du jugement, ce qui a conduit à la déclaration d’irrecevabilité de son appel.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de l’appel en matière d’assistance éducative ?

L’irrecevabilité de l’appel a des conséquences significatives sur la procédure. En vertu de l’article 933 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit être suffisamment précise pour permettre à la cour d’appel de comprendre les points litigieux.

Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que la déclaration d’appel de M. [E] ne respectait pas ces exigences, car elle ne mentionnait pas les chefs du jugement critiqués.

Cela signifie que la cour n’était pas saisie des points litigieux, et par conséquent, elle ne pouvait pas examiner le fond de l’affaire.

De plus, l’article 1015 du code de procédure civile stipule que la Cour de cassation peut statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.

Cependant, dans cette affaire, la mesure d’assistance éducative étant expirée, l’appel est devenu sans objet, ce qui a conduit à la conclusion que la cour d’appel n’avait pas à se prononcer sur le fond.

Comment la jurisprudence influence-t-elle l’interprétation des règles de procédure d’appel ?

La jurisprudence joue un rôle crucial dans l’interprétation des règles de procédure d’appel. Les décisions antérieures, comme celles citées dans l’arrêt, montrent que la cour a établi des principes clairs concernant l’effet dévolutif de la déclaration d’appel.

Par exemple, la jurisprudence a précisé que, en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui omet de mentionner les chefs de jugement critiqués doit être interprétée comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement.

Cela signifie que les parties, même sans avocat, doivent être conscientes des exigences procédurales et des conséquences de leurs déclarations.

La cour d’appel a donc appliqué ces principes en déclarant l’appel irrecevable, soulignant l’importance de la précision dans les déclarations d’appel pour garantir une bonne administration de la justice.

Ainsi, la jurisprudence contribue à clarifier les attentes et les obligations des parties dans le cadre des procédures d’appel.

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2025

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 49 F-D

Pourvoi n° R 22-18.962

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [D], M. [P] [E],
Mme [U] [E] et M. [N] [E].
Admissions du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 avril 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

M. [G] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-18.962 contre l’arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d’appel de Caen (chambre spéciale des mineurs – assistance éducative), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [H] [D], domiciliée [Adresse 5],

2°/ à l’association ACSEA du Calvados – SEMO, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la direction de l’enfance et de la famille du Calvados, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à l’association Espoir, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à l’association AFMP 14, dont le siège est [Adresse 2],

6°/ au procureur général près la cour d’appel de Caen, domicilié en son parquet général, place Gambetta, 14000 Caen,

7°/ à M. [P] [E], domicilié chez Mme [H] [D],

8°/ à Mme [U] [E],

9°/ à M. [N] [E],

tous trois domiciliés [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [G] [E], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [D], de MM. [P] et [N] [E] et de Mme [U] [E], et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 1er juillet 2021), M. [E] a, par déclaration du 25 septembre 2020, relevé appel du jugement du 10 septembre 2020 d’un juge des enfants ayant confié ses trois enfants mineurs à leur mère jusqu’au 30 septembre 2021 et renouvelé la mesure d’assistance éducative jusqu’à cette date.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [E] fait grief à l’arrêt de constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 25 septembre 2020 et de déclarer son appel irrecevable, alors « qu’en matière d’assistance éducative, l’appel est formé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire ; qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement ; qu’il doit en être de même lorsque la déclaration d’appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l’appel tend à l’annulation ou à la réformation du jugement : que la cour d’appel a retenu pour constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 25 septembre 2020 de M. [G] [E] et déclarer son appel irrecevable que la déclaration d’appel de M. [E] faite au greffe le 25 septembre 2020 mentionnait que l’appel était formé contre la totalité, que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement, sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, que la mention appel formé contre la totalité, non corrigée par une autre déclaration d’appel formalisée dans le délai d’appel, ne peut emporter critique de l’intégralité des chefs du jugement querellé, ni être régularisée par les conclusions postérieures, que l’étendue de la saisine du juge d’appel est limitée par les énonciations de l’acte qui a déféré le jugement à la cour et, celle-ci ne peut être élargie aux conclusions subséquentes, que dès lors, aucun chef du jugement entrepris n’ayant été porté à la connaissance de la cour par la déclaration d’appel en cause, l’objet du litige n’étant pas indivisible et aucun appel nullité n’ayant été formé dans le délai d’appel, il y a lieu de considérer que la cour n’est pas saisie, qu’en statuant ainsi la cour d’appel, qui n’a pas fait application des règles applicables à la procédure d’appel sans procédure obligatoire, a violé l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.

4. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d’ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d’exigence dans les formalités à accomplir par l’appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n’est pas tenu d’être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d’appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié).

5. Il en résulte qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d’être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement.

6. Pour constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 25 septembre 2020, l’arrêt retient que celle-ci indique que l’appel est formé « contre la totalité » du jugement, sans viser expressément aucun chef du jugement critiqué.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Le jugement déféré à la cour d’appel portant sur une mesure d’assistance éducative renouvelée jusqu’au 30 septembre 2021, la mesure est expirée et l’appel est devenu sans objet.


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