Inadéquation des conclusions et irrecevabilité d’un appel incident dans le cadre d’un licenciement contesté.

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Inadéquation des conclusions et irrecevabilité d’un appel incident dans le cadre d’un licenciement contesté.

L’Essentiel : Le 3 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Versailles a jugé le licenciement de Monsieur [I] [T] sans cause réelle et sérieuse, condamnant la SAS Bouygues bâtiment Île de France à verser 12 331 euros d’indemnité de licenciement et 25 080 euros de dommages et intérêts. En appel, le 26 octobre 2023, la société a contesté la recevabilité de l’appel incident de Monsieur [G] [R], qui a été jugé irrecevable en raison de l’absence de demande d’infirmation du jugement initial. La cour a ainsi débouté les parties de leurs demandes supplémentaires.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 3 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Versailles a rendu un jugement concernant Monsieur [I] [T]. Il a déclaré l’affaire recevable et a fixé son salaire moyen mensuel brut à 2 508 euros. Le licenciement de Monsieur [I] [T] a été jugé sans cause réelle et sérieuse, entraînant des condamnations financières pour la SAS Bouygues bâtiment Île de France. Cette dernière a été condamnée à verser 12 331 euros d’indemnité légale de licenciement et 25 080 euros de dommages et intérêts. De plus, elle a été ordonnée de rembourser 5 016 euros d’allocations chômage à Pôle emploi.

Appel de la SAS Bouygues bâtiment Île de France

Le 26 octobre 2023, la SAS Bouygues bâtiment Île de France a interjeté appel du jugement. Dans ses conclusions d’incident du 7 mai 2024, elle a demandé que l’appel incident de Monsieur [G] [R] soit jugé irrecevable et a réclamé 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société a soutenu que Monsieur [G] [R] n’avait pas respecté les délais pour formuler ses conclusions d’intimé.

Conclusions de Monsieur [G] [R]

En réponse, le 11 juin 2024, Monsieur [G] [R] a demandé que la SAS Bouygues bâtiment Île de France soit déboutée de toutes ses demandes. Il a également fait valoir qu’il y avait eu une omission matérielle dans ses conclusions du 12 février 2024, et a demandé que ses conclusions rectificatives du 4 juin 2024 soient prises en compte. Il a sollicité le renvoi de l’affaire au fond et a demandé 2 400 euros au titre de l’article 700.

Motifs de la décision

La cour a rappelé que, selon les articles 542 et 954 du code de procédure civile, l’absence de demande d’infirmation ou d’annulation du jugement dans les conclusions de l’appelant empêche la cour de statuer autrement que par confirmation du jugement. En l’espèce, Monsieur [G] [R] n’avait pas demandé l’infirmation du jugement dans ses premières conclusions, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de son appel incident. De plus, les conclusions d’appel incident déposées après le délai de trois mois étaient considérées comme tardives.

Conclusion de la mise en état

En conséquence, la cour a déclaré irrecevable l’appel incident de Monsieur [G] [R] et a débouté les parties de leurs demandes supplémentaires. Les dépens de l’incident ont été mis à la charge de Monsieur [G] [R]. La décision a été prononcée par ordonnance contradictoire, signée par le conseiller de la mise en état et la greffière.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’appel en matière prud’homale ?

La recevabilité de l’appel en matière prud’homale est régie par les articles 542 et 954 du Code de procédure civile.

L’article 542 stipule que « l’appel est formé par une déclaration au greffe de la cour d’appel, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. »

De plus, l’article 954 précise que « lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement. »

Dans le cas présent, la SAS Bouygues bâtiment Île de France a interjeté appel, mais il a été constaté que M. [G] [R] n’a pas demandé l’infirmation du jugement dans ses premières conclusions.

Cette omission a conduit à la confirmation du jugement par la cour, car l’absence de demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions rend l’appel irrecevable.

Quelles sont les conséquences d’une demande d’appel tardive ?

Les conséquences d’une demande d’appel tardive sont clairement établies par l’article 909 du Code de procédure civile.

Cet article dispose que « l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »

Dans cette affaire, M. [G] [R] a déposé ses conclusions d’appel incident après l’expiration du délai de trois mois, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de son appel.

La cour a donc statué uniquement sur l’appel principal formé par la SAS Bouygues bâtiment Île de France, confirmant ainsi le jugement initial.

Comment se prononce la cour sur les demandes d’indemnités et de dépens ?

Les demandes d’indemnités et de dépens sont régies par l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le jugement du 3 octobre 2023, la SAS Bouygues bâtiment Île de France a été condamnée à verser à M. [G] [R] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700.

De plus, la cour a également condamné M. [G] [R] aux dépens du présent incident, ce qui signifie qu’il devra supporter les frais liés à la procédure d’appel.

Ces décisions illustrent l’application des principes de la responsabilité civile et des frais de justice dans le cadre des litiges prud’homaux.

COUR D’APPEL

DE [Localité 5]

Chambre sociale 4-4

Prud’Hommes

Minute n°

N° RG 23/03072 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WFFQ

AFFAIRE : Société BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE C/ [T]

ORDONNANCE D’INCIDENT

Le VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, Monsieur Laurent BABY, conseiller de la mise en état de la Chambre sociale 4-4, a rendu l’ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en audience publique, le vingt deux novembre deux mille vingt quatre, assisté de Madame Dorothée MARCINEK, greffière,

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DANS L’AFFAIRE ENTRE :

Société BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE HABITAT SOCIAL

N° SIRET: 433 900 834

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me [J], avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0426, substituée à l’audience par Me [L], avocat au barreau de Paris

APPELANTE

C/

Monsieur [I] [P] [T]

né le 5 mai 1968 au Cap [Localité 6]

de nationalité capverdienne

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre FARGE de la SELEURL FARGE, avocat au barreau de PARIS substitué à l’audience par Me Odile COHEN, avocat au barreau de Paris

INTIME

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux avocats le —————

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement du 3 octobre 2023 le conseil de prud’hommes de Versailles (section industrie) a :

. dit que l’affaire est recevable ;

. fixé le salaire moyen mensuel brut de Monsieur [I] [T] à 2 508 euros, en application de l’article R 1234-4 Code du travail ;

. jugé que le licenciement de Monsieur [I] [T] est sans cause réelle et sérieuse en application de L 1235-3 du Code du travail ;

. condamné la SAS Bouygues bâtiment Île de France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [G] [R] :

. 12 331 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

. 25 080 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L 1235-3 du code du travail ;

. ordonné à la SAS Bouygues bâtiment Île de France le remboursement des allocations chômage à Pôle emploi pour un montant de 5 016 euros, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail

. débouté M. [G] [R] du surplus de ses demandes ;

. condamné la SAS Bouygues bâtiment Ile de France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [G] [R] 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. débouté la SAS Bouygues bâtiment Ile de France de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. débouté la SAS Bouygues bâtiment Île de France du surplus de ses demandes ;

. condamné la SAS Bouygues bâtiment Île de France aux dépens afférents, aux actes et procédures d’exécution du présent jugement.

Par déclaration adressée au greffe le 26 octobre 2023, la société a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d’incident reçues au greffe le 7 mai 2024, la SAS Bouygues bâtiment Île de France demande au conseiller de la mise en état de :

. juger irrecevable l’appel incident de M. [G] [R],

. condamner M. [G] [R] à verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que compte tenu de ce qu’elle a notifié ses conclusions d’appelante à l’intimé le 22 janvier 2024, celui-ci disposait d’un délai expirant le 22 avril 2024 pour remettre ses conclusions d’intimée et, le cas échéant, relever appel incident, ce qu’il n’a pas fait puisque, dans ses écritures d’intimée du 12 février 2024, le salarié ne demande pas, dans le dispositif de ses écritures, d’infirmation du jugement.

Par conclusions en réponse reçues au greffe le 11 juin 2024, M. [G] [R] demande au conseiller de la mise en état de :

. débouter la SAS Bouygues bâtiment Île de France de toutes ses demandes,

. juger l’omission matérielle aux conclusions de M. [G] [R] du 12 février « 2023 » sic,

. juger les conclusions rectificatives de M. [G] [R] communiquées le 4 juin 2024,

. juger recevables toutes les demandes de M. [G] [R],

Par conséquent

. renvoyer l’affaire au fond,

. condamner la SAS Bouygues bâtiment Ile de France à verser la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il expose que ses premières conclusions sont entachées d’une simple erreur et qu’en omettant dans le dispositif de ses conclusions seulement le terme « infirmé », alors qu’il demandait de « statuer à nouveau », l’objet du litige était suffisamment bien défini de sorte qu’il contient de prendre en considération ses écritures rectificatives du 4 juin 2024 dans le dispositif desquelles il demande bien l’infirmation du jugement.

MOTIFS

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

L’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle, par la Cour de cassation, d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais été affirmée par la cour de cassation dans un arrêt publié dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure au 17 septembre 2020, aboutit à priver l’appelant du droit à un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, il n’est pas discuté que dans le dispositif de ses premières conclusions d’intimé, le salarié ne demandait pas l’infirmation du jugement attaqué. En effet, selon conclusions au fond remises au greffe par RPVA le 12 février 2024, donc postérieurement au 17 septembre 2020, par le salarié :

« Il est demandé à la Cour, statuant à nouveau, de bien vouloir

À TITRE PRINCIPAL

JUGER la nullité du licenciement de Monsieur [T] ;

CONDAMNER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France au paiement de 45.144 euros au titre de l’indemnité pour nullité du licenciement, à parfaire au jour du jugement à intervenir ;

CONDAMNER la SAS Bouygues Bâtiment Île-de-France au paiement de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts afférant au préjudice moral du licenciement vexatoire ;

DEBOUTER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France de l’intégralité de ses demandes;

À TITRE SUBSIDIAIRE

CONSIDÉRER le faux grossier de la signature de Monsieur [T] le 4 juillet 2022.

CONFIRMER le jugement du 3 octobre 2023 en ce qu’il :

DIT que l’affaire est recevable ;

FIXE le salaire moyen mensuel brut de Monsieur [I] [T] à 2.508 euros, en application de l’article R. 1234-4 du code du travail ;

CONDAMNE la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 12.331 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

ORDONNE à la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France le remboursement des allocations chômage à Pôle-Emploi pour un montant de 5.016 euros, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail ;

DEBOUTE la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France du surplus de ses demandes;

CONDAMNE la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France aux dépens afférents, aux actes et procédures d’exécution du jugement ;

DEBOUTER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France de l’intégralité de ses demandes;

En conséquence,

CONDAMNER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France au paiement de 35.112 euros au titre des dommages et intérêts afférents au licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la SAS Bouygues Bâtiment Île-de-France au paiement de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts afférant au préjudice moral du licenciement vexatoire.

En tout état de cause,

CONDAMNER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France à verser la somme de 8.400 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la SAS BOUYGUES BATIMENT Île-De-France aux dépens d’appel. »

Ainsi, il n’est demandé à la cour, dans les premières conclusions de l’intimé, aucune infirmation du jugement déféré, que cette absence de mention procède ou non d’une erreur.

Par ailleurs, l’article 909 du code de procédure civile prévoit que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l’espèce, le 5 juin 2024, le salarié a déposé au greffe, par RPVA, de nouvelles conclusions dans lesquelles il demande désormais l’infirmation du jugement, il n’en demeure pas moins que seules des conclusions déposées dans le délai de trois mois suivant celles de l’appelant principal lui permettaient de relever appel incident.

Or, en l’espèce, la SAS Bouygues bâtiment Île de France a remis ses premières conclusions d’appelant au greffe le 22 janvier 2024, et elles ont été notifiées à la même date à l’intimé par RPVA. Ce dernier disposait donc d’un délai expirant le 22 avril 2024 pour relever appel incident.

Les conclusions d’appel incident du salarié sont ainsi tardives.

L’intimé n’ayant pas formé de demande d’infirmation dans les délais prescrits par l’article 909 du code de procédure civile, il ne peut être considéré comme appelant incident. L’appel incident du salarié est en conséquence irrecevable de sorte que la cour n’est tenue de statuer que sur l’appel principal formé par la société.

Succombant, les dépens du présent incident seront mis à la charge du salarié.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par ordonnance contradictoire, nous, conseiller de la mise en état :

DISONS irrecevable l’appel incident formé par M. [G] [R],

DEBOUTONS les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNONS M. [G] [R] aux dépens du présent incident.

. prononcé par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Monsieur Laurent BABY, conseiller de la mise en état et Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le conseiller de la mise en état


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