Imputabilité des soins et arrêts de travail suite à un accident professionnel : éclairage sur la présomption et l’expertise médicale.

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Imputabilité des soins et arrêts de travail suite à un accident professionnel : éclairage sur la présomption et l’expertise médicale.

L’Essentiel : Le 30 avril 2022, un salarié a subi un accident du travail, entraînant des arrêts de travail et des soins médicaux. Le tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné, par jugement du 25 juillet 2024, une expertise médicale pour déterminer le lien entre ces arrêts et un état pathologique préexistant. Le médecin expert a conclu qu’il n’existait pas d’état pathologique antérieur pouvant expliquer les arrêts. Lors de l’audience du 6 janvier 2025, la société employeur a choisi de s’en remettre à la sagesse du tribunal, tandis que la CPAM a soutenu les conclusions de l’expert. Le tribunal a statué en faveur du salarié.

Contexte de l’affaire

Le 30 avril 2022, M. [C] [V] a subi un accident du travail, entraînant des arrêts de travail et des soins médicaux. Le tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné, par jugement du 25 juillet 2024, une expertise médicale pour déterminer si ces arrêts et soins étaient liés à un état pathologique préexistant ou à une cause postérieure sans lien avec l’accident.

Expertise médicale

Le docteur [N] [O] a été désigné pour réaliser l’expertise. Dans son rapport daté du 4 octobre 2024, il a examiné les circonstances de l’accident et les antécédents médicaux de M. [V]. Il a noté que la douleur thoracique ressentie par M. [V] lors de l’accident était liée à une hernie ombilicale, et a conclu qu’il n’existait pas d’état pathologique préexistant ou de cause postérieure documentée qui pourrait expliquer les arrêts de travail.

Observations des parties

Lors de l’audience du 6 janvier 2025, la société [5] a décidé de s’en remettre à la sagesse du tribunal, tandis que la CPAM de [Localité 4] a soutenu les conclusions de l’expert et a demandé que les arrêts et soins soient déclarés opposables à la société demanderesse. Elle a également demandé le déboutement de la société [5] de toutes ses demandes.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué en faveur de M. [V], entérinant le rapport d’expertise qui confirmait l’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident du 30 avril 2022. La société [5] a été déboutée de toutes ses demandes, et le tribunal a ordonné à cette dernière de supporter les dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise.

Exécution provisoire et appel

Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de sa décision et a rappelé que tout appel devait être interjeté dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la présomption d’imputabilité des arrêts de travail et soins prescrits au titre d’un accident du travail ?

En vertu de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, il est stipulé que :

« La présomption d’imputabilité au travail s’attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu de travail s’étend, sauf preuve contraire, aux soins et arrêts de travail prescrits ensuite à la victime jusqu’à la date de consolidation de son état de santé ou sa guérison. »

Cette présomption est renforcée par l’article L. 431-1 du même code, qui précise que :

« La présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins. »

Ainsi, il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve d’un état pathologique préexistant ou d’une cause postérieure totalement étrangère à l’accident.

Il est important de noter que cette présomption peut être contestée par le biais d’une expertise, mais l’employeur doit fournir des éléments médicaux crédibles pour soutenir sa demande.

Quelles sont les conséquences de l’expertise médicale sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail ?

L’expertise médicale, ordonnée par le tribunal, a pour but de déterminer si les arrêts de travail et soins prescrits à la victime résultent d’un état pathologique préexistant ou d’une cause postérieure.

Dans le cas présent, le rapport du docteur [O] a conclu qu’il n’existait pas d’état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, ni de cause postérieure documentée interférant avec les soins et arrêts de travail.

Le rapport précise que :

« Tous les soins et arrêts de travail du jour du fait accidentel jusqu’à la guérison sont imputables aux faits de l’instance. Il n’y a pas d’état antérieur ni d’état postérieur documenté interférant. »

Cette conclusion est déterminante, car elle entérine la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident du 30 avril 2022.

Ainsi, le tribunal a décidé de débouter la société [5] de toutes ses demandes, confirmant que les soins et arrêts de travail étaient bien liés à l’accident.

Quelles sont les implications financières pour la société [5] suite à la décision du tribunal ?

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société [5], qui succombe dans ses demandes, est condamnée aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise.

Cet article stipule que :

« La partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. »

De plus, l’exécution provisoire a été ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale, qui permet d’exécuter immédiatement la décision du tribunal, même en cas d’appel.

Cela signifie que la société [5] devra supporter les frais liés à l’expertise et aux dépens, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur elle.

En résumé, la décision du tribunal a des conséquences financières directes pour la société [5], qui doit assumer les coûts liés à la procédure et à l’expertise.

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01801 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YHQ4
Jugement du 06 FEVRIER 2025

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 06 FEVRIER 2025

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01801 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YHQ4
N° de MINUTE : 25/00404

DEMANDEUR

Société [5]
SERVICE GESTION AT
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Bertrand PATRIGEON de l’AARPI MLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0073

DEFENDEUR

*CPAM DE [Localité 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître Lilia RAHMOUNI, avocat au barreau de Paris, vestiaire D2104

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 06 Janvier 2025.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Monsieur Ali AIT TABET et Monsieur Georges BENOLIEL, assesseurs, et de Madame Ludivine ASSEM, Greffier.

Lors du délibéré :

Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Ali AIT TABET, Assesseur salarié
Assesseur : Georges BENOLIEL, Assesseur non salarié

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Ludivine ASSEM, Greffier.

Transmis par RPVA à : Me Mylène BARRERE, Maître Bertrand PATRIGEON de l’AARPI MLP AVOCATS

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du 25 juillet 2024, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens de droit antérieurs, le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire, confiée au docteur [N] [O], avec pour mission, notamment, de :

– dire si tout ou partie des arrêts de travail et des soins prescrits à M. [C] [V] au titre de l’accident du 30 avril 2022 résulte d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs- dans l’affirmative, en préciser la nature ;
– en cas de réponse positive à la question précédente, déterminer les arrêts de travail et soins exclusivement imputables à cet état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou à cette cause postérieure totalement étrangère.

Le docteur [O] a transmis son rapport par courriel le 4 octobre 2024. Celui-ci a été notifié aux parties par courrier recommandé du 16 octobre 2024.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience de renvoi du 6 janvier 2025, date à laquelle les parties, présentes ou représentée, ont été entendues en leurs observations.

La société [5], représentée par son conseil, s’en remet à la sagesse du tribunal compte tenu des conclusions de l’expert.

La CPAM de [Localité 4], représentée par son conseil, soutient les observations post-expertise reçues le 13 décembre 2024. Elle demande au tribunal de :
– déclarer opposable à la société demanderesse l’ensemble des arrêts et soins prescrits à l’assuré au titre de son accident du travail,
– entériner les conclusions du rapport d’expertise,
– débouter la société [5] de son recours et de toutes ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’imputabilité des arrêts et soins prescrits au titre de l’accident du travail

En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail s’attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu de travail s’étend sauf preuve contraire aux soins et arrêts de travail prescrits ensuite à la victime jusqu’à la date de consolidation de son état de santé ou sa guérison.

En application de cet article et de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

Il appartient alors à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, soit celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs. Cette présomption peut être combattue par le recours à une mesure d’expertise qui ne peut être ordonnée que si l’employeur qui la sollicite apporte au soutien de sa demande des éléments médicaux de nature à accréditer l’existence d’une cause distincte de l’accident professionnel et qui serait à l’origine exclusive des prescriptions litigieuses.

En l’espèce, par jugement du 25 juillet 2024, le tribunal a ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces.

Dans son rapport du 4 octobre 2024, le docteur [O] rappelle que M. [V] a ressenti une douleur thoracique en soulevant une charge et que le certificat médical initial mentionne une douleur abdominale. Les arrêts sont prolongés pour ce motif et le 25 juillet 2022, le médecin mentionne une cure de hernie de la paroi abdominale. Il souligne que l’argumentaire du médecin conseil de l’assurance maladie en réponse à l’argumentaire du docteur [X] désigné par l’employeur, n’apporte pas d’éléments sur les antécédents de l’assuré. Il indique : “Compte tenu du mécanisme accidentel, il est possible qu’un tel effort puisse entraîner une hernie ombilicale.
Même si les hernies ombilicales sont moins fréquentes chez les adultes, elles peuvent apparaître brusquement à la suite d’un effort violent. Ainsi, devant l’absence du dossier médical détenu au service médical de l’assurance maladie, puisque que nous ne savons pas s’il avait déjà été examiné par un chirurgien ou s’il était déjà suivi pour une hernie ombilicale ou s’il avait déjà présenté des crises de subocclusion en lien avec une hernie ombilicale, le doute bénéficie à l’assuré et la hernie ombilicale est imputable aux faits de l’instance.[…]
Compte tenu du métier exercé par l’assuré qui est cariste, compte tenu de l’intervention chirurgicale en juillet 2022, un arrêt de travail de 1 mois et demi environ après une cure de hernie de la paroi abdominale chez un cariste est conforme aux recommandations des sociétés savantes et de notre expérience en médecine de soins. […]
Les éléments en notre possession ne permettent pas de retenir un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte puisque le doute bénéficie à l’assuré et il n’y a pas de cause postérieure à l’accident documentée”.
Il conclut donc que : “tous les soins et arrêts de travail du jour du fait accidentel jusqu’à la guérison sont imputables aux faits de l’instance. Il n’y a pas d’état antérieur ni d’état postérieur documenté interférant. Néanmoins, nous regrettons de ne pas disposer de l’historique des consultations de l’assuré sur les 18 mois précédant le fait accidentel”.

Le rapport de l’expert est clair, précis et sans ambiguité quant au fait qu’il n’existe aucune pathologie antérieure évoluant pour son propre compte ou de cause postérieure étrangère au travail auxquels serait imputable tout ou partie des arrêts de travail prescrits à M. [V] à la suite de son accident du 30 avril 2022. Il y a donc lieu d’entériner ce rapport et, par conséquent, de débouter la société [5] de toutes ses demandes.
Sur les mesures accessoires

La société [5] qui succombe supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile et conservera à sa charge les frais d’expertise.

L’exécution provisoire sera ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe;

Déboute la société [5] de toutes ses demande visant à ce que lui soit déclaré inopposable tout ou partie des arrêts et soins prescrits à M. [C] [V] à la suite de son accident du travail du 30 avril 2022,

Condamne la société [5] aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise.

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01648 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YECR
Jugement du 06 FEVRIER 2025

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel à l’encontre de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification,

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Ludivine ASSEM Pauline JOLIVET


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