L’Essentiel : M.[S] [B] a été engagé par la société [8] en tant que fiscaliste en 2011. En 2017, un projet de rapprochement a entraîné une réorganisation de son département. En septembre 2018, il a été en arrêt maladie, suivi d’un malaise lors d’une convocation avec les ressources humaines, nécessitant un suivi psychiatrique pour un syndrome dépressif majeur. Malgré la déclaration d’accident du travail, la caisse primaire d’assurance maladie a refusé la prise en charge. Après plusieurs recours, la cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel, conduisant à la reconnaissance de l’accident et à l’imputabilité du syndrome dépressif.
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Engagement de M.[S] [B]M.[S] [B] a été engagé par la société [8] en tant que fiscaliste par un contrat à durée indéterminée le 7 novembre 2011. Rapprochement et réorganisationDébut 2017, un projet de rapprochement entre la société [8] et la société [9] a été évoqué, entraînant une réorganisation du département de M.[S] [B]. Arrêt maladie et malaise au travailDu 11 au 30 septembre 2018, M.[S] [B] a été en arrêt maladie. Le 9 octobre 2018, lors d’une convocation avec la responsable des ressources humaines, il a subi un malaise qui a nécessité son transport à l’hôpital et a conduit à un suivi psychiatrique pour un syndrome dépressif majeur réactionnel. Déclaration d’accident du travailLe 25 octobre 2018, un accident du travail a été déclaré par la gestionnaire RH, mais la caisse primaire d’assurance maladie a refusé la prise en charge le 17 janvier 2019, invoquant des contradictions dans les déclarations. Recours et décisions judiciairesM.[S] [B] a contesté ce refus en saisissant la commission de recours amiable, puis le tribunal de grande instance de Nanterre. Le jugement du 31 août 2020 a débouté M.[S] [B] de sa demande de prise en charge de l’accident. Appel et décision de la cour d’appelM.[S] [B] a interjeté appel, mais la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal le 13 janvier 2022, ajoutant des condamnations aux dépens. Pourvoi en cassationM.[S] [B] a formé un pourvoi en cassation, qui a été accueilli par la cour de cassation le 19 octobre 2023, annulant l’arrêt de la cour d’appel. Nouvelle saisine de la cour d’appelLe 14 décembre 2023, M.[S] [B] a saisi la cour d’appel de Versailles autrement composée, demandant l’infirmation des décisions précédentes et la reconnaissance de l’accident du travail. Arguments de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire d’assurance maladie a sollicité que la prise en charge soit limitée au malaise vagal, contestant l’imputabilité du syndrome dépressif au malaise. Éléments de preuve et constatationsLes éléments de preuve, y compris les certificats médicaux et les témoignages, ont été examinés, montrant que le malaise était survenu dans un contexte de souffrance au travail. Décision finale de la courLa cour a infirmé le jugement du tribunal de Nanterre, ordonné la prise en charge de l’accident du travail et reconnu l’imputabilité du syndrome dépressif à cet accident, condamnant la caisse primaire d’assurance maladie à verser une somme à M.[S] [B]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la définition d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?L’article L411-1 du Code de la sécurité sociale définit l’accident du travail comme suit : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Cette définition implique que pour qu’un événement soit qualifié d’accident du travail, il doit survenir dans le cadre de l’activité professionnelle de la victime. Il est important de noter que la jurisprudence a établi que la charge de la preuve incombe à la caisse primaire d’assurance maladie, qui doit démontrer que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Ainsi, si un salarié est victime d’un malaise ou d’un accident sur son lieu de travail, il est présumé que cet événement est d’origine professionnelle, sauf preuve du contraire. Quelles sont les conditions nécessaires pour qualifier un événement d’accident du travail ?Pour qu’un événement soit qualifié d’accident du travail, trois éléments doivent être réunis : 1. **Un fait accidentel** : Cela signifie qu’il doit y avoir eu un événement imprévu, instantané ou brusque, survenu à une date et dans des circonstances précises. La soudaineté peut se rapporter soit à l’événement, soit à la lésion. 2. **Une lésion corporelle** : L’accident doit avoir causé une atteinte à l’organisme humain, qu’elle soit physique ou psychique. Peu importe l’étendue ou l’importance de la lésion. 3. **Un lien avec le travail** : L’accident doit être survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Cela ne signifie pas nécessairement que l’accident doit se produire sur le lieu de travail et durant le temps de travail, mais si tel est le cas, il est présumé d’origine professionnelle. Ces critères sont essentiels pour établir la qualification d’un accident du travail et distinguer celui-ci d’une maladie. Comment la jurisprudence interprète-t-elle la présomption d’imputabilité d’un accident du travail ?La jurisprudence a précisé que lorsqu’un accident survient au temps et au lieu de travail, il est présumé d’origine professionnelle. Cela découle de l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que l’accident survenu dans ces conditions est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Dans le cas de M.[S] [B], la cour de cassation a souligné que la cour d’appel avait commis une erreur en exigeant que la victime prouve la matérialité d’un fait soudain, alors que le malaise était survenu sur son lieu de travail. La cour a rappelé que la présomption d’imputabilité au travail s’applique dès lors que l’accident est survenu dans le cadre de l’activité professionnelle, et que la charge de la preuve incombe à la caisse de démontrer une cause étrangère. Quelles sont les implications de la reconnaissance d’un syndrome dépressif comme accident du travail ?La reconnaissance d’un syndrome dépressif comme étant imputable à un accident du travail a des implications significatives en matière de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie. Dans le cas de M.[S] [B], la cour a constaté que le diagnostic de « syndrome dépressif réactionnel » avait été posé après l’accident du travail du 9 octobre 2018. La caisse n’a pas réussi à prouver que ce syndrome était la conséquence d’un état pathologique antérieur. Ainsi, la cour a ordonné à la caisse de prendre en charge le syndrome dépressif au titre de la législation sur les risques professionnels. Cela signifie que les frais médicaux, les arrêts de travail et les traitements liés à ce syndrome seront couverts par la caisse, ce qui peut avoir un impact financier important pour la victime. Quelles sont les conséquences d’une décision sur l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice à l’autre partie, lorsque celle-ci a succombé dans ses prétentions. Dans le cas de M.[S] [B], la cour a condamné la caisse primaire d’assurance maladie à lui verser une somme de 800 euros au titre de cet article. Cette décision est importante car elle permet à la victime de récupérer une partie des frais engagés pour faire valoir ses droits, ce qui peut inclure les frais d’avocat, les frais de justice et autres dépenses liées à la procédure. Cela souligne également la responsabilité de la caisse dans le cadre de la contestation de la prise en charge des accidents du travail. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
Chambre sociale 4-6
Renvoi après cassation
ARRET N°
RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 21 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/03494 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WHZR
AFFAIRE :
[S] [T] [B]
C/
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-D E-SEINE
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2020 par le Pole social du TJ de Nanterre
N° Section :
N° RG : 19/01068
Copies exécutoires délivrées à :
Me Avi BITTON de la SELARL AVI BITTON
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[S] [T] [B]
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-D E-SEINE,
LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 14 décembre 2023 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 2023 cassant et annulant l’arrêt rendu le 31 août 2020 par la cour d’appel de NANTERRE.
Monsieur [S] [T] [B]
né le 19 Septembre 1979 à [Localité 10] (86)
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Avi BITTON de la SELARL AVI BITTON avocat au barreau de PARIS substitué par Me Loïs LESOT avocat au barreau de PARIS.
DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-D E-SEINE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Madame [V] [K] munie munie d’un pouvoir.
LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparant non représenté
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience solennelle du 17 Septembre 2024, devant la cour composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Madame Odile CRIQ, Conseillère,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l’affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FIORE
M.[S] [B] a été engagé par la société [8] selon contrat à durée indéterminée en date du 7 novembre 2011 en qualité de fiscaliste.
Début 2017, un rapprochement est évoqué entre la société [8] et la société [9] et un projet de filialisation des activités d’Essilor est annoncé pour la fin de l’année 2018.
Le département de M.[S] [B] a fait l’objet d’une réorganisation dans ce contexte.
Du 11 au 30 septembre 2018, M.[S] [B] est placé en arrêt maladie.
Le 9 octobre 2018 à 9h, M.[S] [B] est convoqué dans le bureau de la responsable des ressources humaines au cours duquel il est victime d’un malaise physique le contraignant à s’allonger à même le sol. Il sera pris en charge par le SAMU et conduit à l’hôpital pour des examens médicaux. Il se verra prescrire un arrêt de travail puis sera suivi par un psychiatre pour ‘un syndrome dépressif majeur réactionnel’. Les arrêts de maladie seront prolongés continûment et donneront lieu à la reconnaissance d’une affection de longue durée.
Le 25 octobre 2018, la déclaration de l’accident du travail sera faite par la gestionnaire RH.
Par courrier du 17 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a refusé la prise en charge de l’accident déclaré au titre de la législation relative aux risques professionnels au motif que ‘ La preuve d’un accident survenu au temps et au lieu du travail n’a pu être établie du fait des contradictions constatées. Il n’existe pas de fait accidentel anormal, violent et soudain à l’origine de la lésion invoquée’.
Le 6 mars 2019, M.[S] [B] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester ce refus.
Le 21 mai 2019, faute de réponse explicite de la commission dans le délai de 2 mois, M.[S] [B] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre.
Par décision du 3 juin 2019, la commission de recours amiable a rendu sa décision de rejet explicite.
Par jugement rendu le 31 août 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre, pôle social, a :
débouté M.[S] [B] de sa demande tenant à voir prendre en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts de Seine l’accident déclaré le 9 octobre 2018 au titre de la législation relative aux risques professionnels
débouté M.[S] [B] de sa demande tendant à voir condamner la Caisse au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamné M.[S] [B] aux dépens.
Le 18 septembre 2020, M.[S] [B] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 13 janvier 2022, la cour d’appel de Versailles a :
confirmé le jugement rendu le 31 août 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions
y ajoutant, condamné M.[S] [B] aux dépens d’appel
rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M.[S] [B] a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 19 octobre 2023, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 13 janvier 2022 aux motifs que :
‘Vu l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :
4. Il résulte de ce texte que l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
5. Pour débouter la victime de sa demande, l’arrêt énonce en substance que pour qu’une présomption d’imputabilité au travail d’un accident trouve à s’appliquer, il convient que la victime démontre la matérialité d’un fait soudain survenu au temps et au lieu de travail. Il retient que si les circonstances de temps et de lieu invoquées par la victime se situent sur le lieu de travail de l’intéressée, celle-ci n’apporte aucun élément, en dehors de ses propres déclarations, qu’un événement brusque et soudain serait survenu lors d’un entretien dans le bureau de la responsable des ressources humaines, le questionnaire rempli par l’employeur décrivant un entretien se déroulant dans des conditions normales. Il ajoute que le compte rendu du service des urgences conclu à un malaise vagal sans signe de gravité, et que si le certificat médical initial fait état d’un malaise vagal avec chute, cette indication de chute est en contradiction avec les constatations du service des urgences qui a noté que la victime s’était allongée et que son état s’était amélioré. Il en déduit que la victime ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un fait soudain survenu au temps et au lieu de travail et dont il est résulté une lésion, le léger malaise dont elle a été victime le 9 octobre 2018, sans perte de connaissance et alors qu’elle faisait l’objet d’un traitement médical, en raison de son état dépressif, ne pouvant répondre à cette définition.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le malaise de la victime était survenu aux temps et lieu de travail, ce dont il résultait que l’accident litigieux était présumé revêtir un caractère professionnel, la cour d’appel a violé le texte susvisé’.
Le 14 décembre 2023, M.[S] [B] a saisi la cour d’appel de Versailles autrement composée.
L’affaire a été appelée à l’audience du 17 septembre 2024.
Selon ses conclusions transmises au greffe le 12 février 2024 et reprises oralement à l’audience, M.[S] [B] sollicite de la cour de voir:
infirmer le jugement rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions
statuant à nouveau, infirmer la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts de Seine en date du 17 janvier 2019
infirmer la décision implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] du 7 mai 2019
infirmer la décision explicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] du 3 juin 2019
dire que M.[S] [B] a été victime d’un accident du travail le 9 octobre 2018
condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine à prendre en charge l’accident du 9 octobre 2018 au titre de la législation relative aux risques professionnels
condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts de Seine à lui verser la somme de 2000 euros HT en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Selon ses conclusions déposées et reprises oralement à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine sollicite de la cour de voir:
donner acte à la Caisse qu’elle s’en rapporte à justice sur la reconnaissance du caractère professionnel du malaise vagal survenu le 9 octobre 2018
juger que le syndrome anxio-dépressif réactionnel ne peut être pris en charge au titre du malaise survenu le 9 octobre 2018.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées et à la note d’audience.
Sur le refus de prise en charge de l’accident déclaré le 25 octobre 2018 au titre de la législation relative aux risques professionnelles
Selon l’article L411-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ‘ Est consider comme accident du travail, quelle qu’en soiled la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soiled, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise’.
La jurisprudence élaborée sur le fondement de ce texte fait peser sur la Caisse la charge de la preuve contraire, celle-ci devant démontrer que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
La cour de cassation définit l’accident de travail comme un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci, de sorte que l’absence d’un des critères distinctifs entraîne l’exclusion de la prise en charge.
L’accident du travail est ainsi légalement caractérisé par la réunion de trois éléments:
– un fait accidentel, c’est-à-dire la survenance d’un événement imprévu, instantané ou brusque, à une date et dans des circonstances précises, la soudaineté pouvant s’attacher soit à l’événement, soit à la lésion ; l’exígence d’un événement précis et soudain a pour but d’établir une distinction fondamentale entre l’accident et la maladie. La maladie est normalement le résultat d’une série d’événements à évolution lente et ne doit pas être rattachée au risque accident du travail ;
– une lésion corporelle : c’est-à-dire que l’accident doit porter atteinte à l’organisme humain, physiquement ou psychiquement, peu important l’étendue et l’importance de la lésion ainsi que ses caractéristiques ;
– un lien avec le travail : c’est-à-dire que l’accident doit être survenu par le fait ou à l’occasion du travail; cela ne signifie pas toutefois que l’accident doive se dérouler sur le lieu et durant le temps de travail mais si tel est le cas, l’accident survenu au temps et au lieu de travail est présumé d’origine professionnelle. Cette définition suppose que le salarié soit, au moment des faits, sous la subordination de l’employeur ou en position de subordination.
Devant la Cour, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine s’en rapporte sur le caractère professionnel du malaise vagal.
Il est acquis aux débats que le 9 octobre 2018, M.[S] [B] a été convoqué dans le bureau de Mme [E], responsable des ressources humaines, en présence de Mme [M], sa manager et qu’au cours de cet entretien, M.[S] [B] a été victime d’un malaise nécessitant l’intervention des pompiers.
Selon la confirmation électronique de la réunion, l’objet de celle-ci était ‘point RH’. M.[S] [B] soutient que cette réunion a été conduite de manière très virulente à son égard et que Mme [M] lui a expressément reproché d’avoir été en arrêt maladie, de n’avoir pas joint régulièrement le service pendant son arrêt, ce dont elle déduisait un manque d’implication de sa part, remettant en cause son investissement au sein de l’entreprise.
La Caisse ne produit aucun élément de nature à contredire les déclarations de M.[S] [B] et notamment aucun témoignage ni de Mme [E] ni de Mme [M] sur la teneur de cet entretien et du malaise en résultant.
Or, il résulte du certificat médical rédigé le 11 septembre 2018 par le docteur [P] que M.[S] [B] avait été effectivement arrêté du 11 au 30 septembre 2018 et qu’il était fait état d’une ‘situation conflictuelle au travail’ (pièce 1).
Le compte rendu des urgences établi le 9 octobre 2018 suite au malaise de M.[S] [B] (pièce 7) fait mention des éléments suivants:
– Motif accueil: crise angoisse ce jour dans un contexte de burn out au travail, arrêt de trois semaines, reprise du travail il y a 10 jours…insomnie, angoisse, surmenage
– Motif médical: syncope/lipothymie
– Histoire de la maladie: a présenté ce jour au travail un épisode de lipothymie avec prodromes à type de sueurs. Puis s’est allongé au sol avec amélioration des symptômes
Paresthésies des 2 mains, une asthénie intense
Pas de palpitations, pas de douleur thoracique, pas de perte de connaissance
Arrêt il y a 3 semaines dans un contexte d’anxiété professionnelle importante
– conclusion: malaise vagal sans signes de gravité.
– CAT: arrêt de travail; consulter médecin traitant pour équilibre traitement et éventuellement adresser vers psychiatre en ville. Recommandation: reconsulter si problème.
Si le certificat médical initial du 10 octobre 2018 établi par le docteur [N] au titre d’un accident du travail du 9 octobre 2018 fait état d’un malaise vagal avec chute et porte arrêt de travail pour un seul jour, il sera suivi par des certificats médicaux de prolongation des 9 novembre 2018, 12 décembre 2018, 17 janvier 2019 établis au visa d’un accident du travail du 9 octobre 2018 pour le motif suivant ‘ Malaise sur le lieu de travail en date du 9 octobre 2018 consécutif à un état dépressif réactionnel dû à une situation conflictuelle selon le patient’ puis par des avis d’arrêt de travail de prolongation, établis sans visa de l’accident du travail, pour le motif ‘dépression’ les 21 février 2019, 29 mars 2019 et 3 mai 2019 (pièce 8).
Si le jugement critiqué relève une contradiction en ce que M.[S] [B] évoque une chute comme le certificat médical initial au contraire du compte rendu des urgences qui précise que M.[S] [B] s’est allongé au sol, cela ne saurait remettre en cause la réalité du malaise ce d’autant qu’il est question dans ce compte rendu de lipothymie dont les symptômes sont apparition de sensation de tête vide, sueurs, nausées, palpitations, vue brouillée (« voile noir »), éloignement des sons et acouphènes, jambes flageolantes, de sorte qu’a minima cela signifie que M.[S] [B] ne pouvait plus rester debout.
La déclaration d’accident du travail établie par la DRH le 25 octobre 2018 (pièce 12) précise les circonstances de l’accident déclaré survenu le 9 octobre 2018 à 9h15 comme suit:
– activité de la victime lors de l’accident: activité de bureau
– nature de l’accident: malaise
– réserves : oui une lettre sera envoyée
– siège des lésions: inconnu
– nature des lésions: inconnu
– la victime a été transportée à l’hôpital [7]
– accident connu de l’employeur le 24 octobre 2018
– arrêt de travail
– le témoin ou la première personne avisée: Mme [E] [Y]
Les réserves émises par l’employeur sont sans effet, n’évoquant aucune cause extérieure à l’origine du malaise de M.[S] [B] et se limitant à affirmer que l’entretien s’était déroulé normalement sans le justifier.
Le certificat médical du 25 janvier 2019 adressé au médecin conseil de la Caisse par le docteur [G], psychothérapeute, aux fins de le sensibiliser sur la situation de M.[S] [B] et qui préconise la nécessité de poursuivre son traitement et les séances de psychothérapie ainsi que son arrêt de travail. Il évoque le suivi de M.[S] [B] depuis octobre 2018 pour un syndrome dépressif majeur réactionnel (pièce 9).
Faute de démontrer que le malaise de M.[S] [B] résulte d’une cause étrangère au travail, il convient d’infirmer la décision du 17 janvier 2019 de refus de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine de l’accident de travail du 9 octobre 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels par infirmation du jugement.
Sur l’imputabilité du syndrome dépressif au fait accidentel
La caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine invoque l’état dépressif antérieur à l’accident du travail de M.[S] [B] et demande que la prise en charge au titre de la législation professionnelle soit limitée au seul malaise vagal, ce que conteste M.[S] [B].
Comme relevé par M.[S] [B] le diagnostic de ‘syndrome dépressif réactionnel’ n’a été posé qu’après l’accident de travail du 9 octobre 2018. L’arrêt de travail de septembre 2018 et le fait que le compte rendu des urgences mentionne un traitement au brintellix (antidépresseur) n’est pas suffisant pour établir que M.[S] [B] souffrait d’un état antérieur de dépression, ce d’autant qu’il avait repris son travail à la suite de cet arrêt de septembre et que la Caisse n’invoque aucun autre arrêt de travail avant septembre alors qu’il travaillait pour la société [8] depuis le 7 novembre 2011.
Il résulte de la chronologie des événements, et ce depuis l’arrêt de travail de septembre 2018, que jusqu’à l’accident de travail du 9 octobre 2018, M.[S] [B] ne souffrait d’aucun syndrome dépressif, n’avait fait l’objet d’aucun malaise vagal ou autre et n’avait jamais été arrêté pour dépression. Si la mère et le frère de M.[S] [B] attestent de la souffrance au travail de M.[S] [B] depuis le changement d’organisation interne de la société, cela ne saurait suffire à qualifier médicalement parlant cette souffrance en syndrome dépressif, seul un médecin ayant qualité pour poser un tel diagnostic. Or, le docteur [G] atteste suivre M.[S] [B] pour un syndrome dépressif majeur réactionnel depuis octobre 2018 et non pas avant. La Caisse ne démontre pas que le syndrome dépressif est la conséquence d’un état pathologique antérieur.
En conséquence, la Caisse ne renverse pas la présomption d’imputabilité des lésions constatées à l’accident du travail du 9 octobre 2018, de sorte qu’il convient de reconnaître l’imputabilité du syndrome anxio-dépressif réactionnel à l’accident du travail du 9 octobre 2018 et d’ordonner à la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine de prendre en charge cette lésion au titre de la législation sur les risques professionnels.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il convient de condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine à payer à M.[S] [B] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Il convient de condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens.
La COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre du 31 août 2020;
Statuant à nouveau et y ajoutant;
Infirme la décision du 17 janvier 2019 de refus de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine de l’accident de travail du 9 octobre 2018 de M.[S] [B] au titre de la législation sur les risques professionnels ;
Ordonne la prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine de l’accident de travail du 9 octobre 2018 de M.[S] [B] au titre de la législation sur les risques professionnels ;
Dit que le syndrome dépressif est imputable à l’accident du travail du 9 octobre 2018 de M.[S] [B] ;
Ordonne la prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine du syndrome anxio-dépressif réactionnel résultant de l’accident du travail du 9 octobre 2018 de M.[S] [B];
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine à payer à M.[S] [B] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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