L’Essentiel : Le 8 octobre 2021, la société [6] a signalé à la CPAM un accident du travail survenu à Monsieur [Y] [X] le 6 octobre 2021, lors de la fabrication de matelas. Un certificat médical a attesté d’une contusion à l’épaule gauche due à une subluxation. La CPAM a accepté la prise en charge le 21 octobre, mais la société a contesté cette décision en 2023. La commission médicale a rejeté la contestation, entraînant un recours au tribunal. Ce dernier a ordonné une consultation médicale pour évaluer l’imputabilité des arrêts de travail liés à l’accident.
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Déclaration de l’accident du travailLe 8 octobre 2021, la société [6] a signalé à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de [Localité 9] [Localité 10] un accident du travail survenu à Monsieur [Y] [X] le 6 octobre 2021. L’accident s’est produit alors qu’il fabriquait des matelas et a ressenti une douleur à l’épaule gauche. Le certificat médical initial a décrit une contusion à l’épaule gauche due à une subluxation après le port de charges lourdes. Prise en charge par la CPAMLe 21 octobre 2021, la CPAM a notifié à la société [6] sa décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Cependant, le 23 octobre 2023, la société a contesté cette décision, remettant en question l’imputabilité de la durée des soins et des arrêts de travail. Rejet de la contestationLa commission médicale de recours amiable a examiné la contestation le 27 février 2024 et a décidé de la rejeter. En réponse, la société [6] a saisi le tribunal par courrier recommandé le 19 avril 2024, demandant l’annulation de la décision de la commission. Demandes de la société [6]Lors de l’audience de renvoi du 12 novembre 2024, la société [6] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, de juger que la CPAM avait violé le principe du contradictoire, et de déclarer inopposables les arrêts de travail prescrits. En alternative, elle a demandé une expertise médicale pour vérifier la justification des soins et arrêts de travail. Réponse de la CPAMLa CPAM a demandé au tribunal de débouter la société [6] de toutes ses demandes, de confirmer la décision de la commission médicale, et de déclarer opposables les arrêts de travail prescrits. Elle a également proposé une mesure de consultation médicale en cas de besoin. Indépendance des rapportsLe tribunal a souligné que les rapports entre la CPAM et l’employeur sont indépendants, et que la décision de la CPAM n’affecte pas les droits de l’assuré. Il a également précisé que l’absence de communication de documents médicaux ne constitue pas une violation du principe du contradictoire. Imputabilité des soins et arrêts de travailLe tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité des lésions au travail s’applique tant que l’incapacité de travail persiste. La société [6] a contesté la durée des arrêts de travail, arguant d’une disproportion entre la lésion initiale et la durée des arrêts. Consultation médicale ordonnéeLe tribunal a décidé d’ordonner une consultation médicale sur pièces pour éclaircir la question de l’imputabilité des arrêts de travail postérieurs à l’accident. Il a désigné un médecin pour examiner le dossier médical et déterminer si les arrêts de travail étaient directement liés à l’accident. Sur les dépens et l’exécution provisoireLe tribunal a réservé les dépens de l’instance et n’a pas ordonné l’exécution provisoire du jugement, n’ayant pas constaté de circonstances particulières justifiant une telle mesure. Les frais de consultation médicale seront pris en charge par la CPAM. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences du non-respect du principe du contradictoire dans le cadre de la contestation d’une décision de la CPAM ?Le principe du contradictoire est un fondement essentiel du droit à un procès équitable, garantissant que chaque partie puisse prendre connaissance des éléments de preuve et des arguments de l’autre partie. Dans le cadre des contestations devant la commission médicale de recours amiable (CMRA), l’article R.142-8-5 du code de la sécurité sociale stipule que l’absence de décision de l’organisme de prise en charge dans un délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable vaut rejet de la demande. En ce qui concerne la communication des pièces médicales, les articles L.142-6, R.142-8-2 et R.142-8-3 organisent la transmission des documents médicaux à l’employeur. Ces articles prévoient que : – Le secrétariat de la CMRA transmet la copie du recours préalable à l’organisme concerné (article R.142-8-2 al. 1). – Le praticien-conseil doit transmettre son rapport à la commission dans un délai de dix jours (article R.142-8-2 al. 2). – La notification du rapport au médecin mandaté par l’employeur doit également se faire dans un délai de dix jours (article R.142-8-3 al. 1). Cependant, l’absence de communication ou la communication hors délais de ce rapport médical n’entraîne pas d’inopposabilité de la décision de prise en charge. En effet, la jurisprudence a établi que ces délais sont indicatifs et ne sont pas assortis de sanctions. Ainsi, même si la CPAM ne respecte pas ces délais, cela ne constitue pas une violation du principe du contradictoire, car l’employeur a toujours la possibilité de contester la décision dans le cadre d’une procédure contentieuse. En conclusion, le non-respect du principe du contradictoire dans le cadre de la contestation d’une décision de la CPAM ne conduit pas automatiquement à l’inopposabilité des soins et arrêts de travail, car l’employeur conserve des voies de recours. Quelles sont les conditions d’imputabilité d’un accident du travail selon le code de la sécurité sociale ?L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale définit ce qui constitue un accident du travail. Il stipule que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Cette disposition établit une présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail. Cette présomption s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail, jusqu’à la guérison complète ou la consolidation de l’état de la victime. Il appartient à l’employeur, dans ses rapports avec la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), de prouver que les lésions invoquées ne sont pas imputables à l’accident, dès lors que le caractère professionnel de l’accident est établi. Cette présomption simple peut être renversée par l’employeur s’il apporte la preuve contraire, notamment par le biais d’une expertise médicale. Dans le cas présent, la société [6] conteste la durée des arrêts de travail pris en charge par la CPAM, arguant d’une disproportion entre la lésion initiale et la durée des arrêts. Cependant, la CPAM rappelle que la présomption d’imputabilité s’applique tant que l’état de santé de l’assuré n’est pas déclaré guéri. Ainsi, pour établir un litige d’ordre médical, il est nécessaire que l’employeur présente des éléments probants, tels qu’un avis médical, qui soulèvent un doute quant à la durée des arrêts de travail et aux soins pris en charge. Quelles sont les mesures d’instruction possibles dans le cadre d’un litige relatif à un accident du travail ?Dans le cadre d’un litige relatif à un accident du travail, le tribunal peut ordonner diverses mesures d’instruction pour éclairer la situation. L’article R.142-16 du code de la sécurité sociale précise que : « La juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction, qui peut prendre la forme d’une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l’audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d’examen de la personne intéressée. » De plus, l’article 232 du code de procédure civile stipule que : « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien. » L’article 263 du même code précise que : « L’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge. » Dans le cas présent, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces, en raison des doutes soulevés par la société [6] concernant la durée des arrêts de travail et les soins pris en charge. Cette mesure vise à obtenir un éclairage médical sur la question de l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident du 6 octobre 2021. En conclusion, les mesures d’instruction, telles que les consultations médicales ou les expertises, sont essentielles pour permettre au tribunal de se prononcer de manière éclairée sur les litiges relatifs aux accidents du travail. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025
N° RG 24/00941 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YJNY
DEMANDERESSE :
S.A.S. [6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS substitué par Me MELCER
DEFENDERESSE :
CPAM DE [Localité 9] [Localité 10]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Madame [R], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Anne JALILOSSOLTAN, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié
Greffier
Christian TUY,
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.
Le 8 octobre 2021, la société [6] a déclaré à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] [Localité 10] un accident du travail survenu à Monsieur [Y] [X] le 6 octobre 2021 dans les circonstances suivantes : » il était en train de fabriquer des matelas, en mettant un matelas sur le chariot, il aurait ressenti une douleur à l’épaule gauche « .
Le certificat médical initial du 6 octobre 2021 mentionne une » contusion épaule gauche sur subluxation après port de charges lourdes « .
Le 21 octobre 2021 la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] [Localité 10] a notifié à la société [6] une décision de prise en charge de l’accident du 6 octobre 2021 de Monsieur [Y] [X] au titre de la législation professionnelle.
Le 23 octobre 2023, la société [6] a saisi la commission médicale de recours amiable aux fins de contester l’imputabilité à l’accident du travail de la durée des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Dans sa séance du 27 février 2024, la commission médicale de recours amiable a rejeté la contestation.
Par courrier recommandé expédié le 19 avril 2024, la société [6] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision de rejet de la commission médicale de recours amiable.
L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 3 octobre 2024, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 novembre 2024.
Lors de celle-ci, la société [6], par l’intermédiaire de son conseil, s’est référée à sa requête initiale à laquelle il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Elle demande au Tribunal de :
– Déclarer son recours recevable et bien-fondé,
A titre principal :
– Juger que la CPAM a violé le principe du contradictoire,
– En conséquence, déclarer inopposable à la société l’ensemble des arrêts de travail prescrits au titre de l’accident du 6 octobre 2021,
A titre subsidiaire :
– Juger qu’il existe un différent d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions et arrêts de travail indemnisés au titre de l’accident du 6 octobre 2021,
– Ordonner, avant-dire droit, une expertise médicale judicaire sur pièces afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de l’accident du 6 octobre 2021,
En toute hypothèse,
– Prendre acte que la société désigne le Docteur [J] aux fins de recevoir les documents médicaux,
– Débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la CPAM aux dépens,
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] [Localité 10] a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.
Elle demande au Tribunal de :
– Débouter la société [6] de l’ensemble de ses demandes,
– Confirmer la décision de la commission médicale de recours amiable,
– Déclarer opposable à la société [6] l’ensemble des arrêts de travail prescrits au titre l’accident du 6 octobre 2021,
– Débouter la société [6] de sa demande d’expertise médicale,
– A titre subsidiaire, privilégier une mesure de consultation médicale.
Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/ employeur.
Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM.
En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.
Sur la demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse pour non-respect du contradictoire
En application de l’article R.142-8-5 du code de la sécurité sociale, pour les contestations soumises à une commission de recours amiable, l’absence de décision de l’organisme de prise en charge dans le délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable, vaut rejet de la demande.
Les articles L.142-6, R.142-8-2, R.142-8-3 du code de la sécurité sociale organisent la communication du dossier médical à l’employeur dès la saisine de la commission médicale de recours amiable :
– dès réception du recours, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet la copie du recours préalable effectué par l’employeur au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l’organisme dont la décision est contestée (article R.142-8-2 alinéa 1er) ;
– Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet alors à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l’intégralité du rapport mentionné à l’article L.142-6 (article R.142-8-2 alinéa 2) ;
– le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l’introduction du recours le rapport mentionné à l’article L.142-6 accompagné de l’avis au médecin mandaté par l’employeur à cet effet (article R.142-8-3 al.1) ;
– dans un délai de vingt jours à compter de la réception du rapport médical, le médecin mandaté par l’employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations (article R.142-8-3 alinéa 3).
En application de l’article L.142-6 du code de la sécurité sociale, à la demande de l’employeur et pour les contestations de nature médicale, le rapport médical reprenant les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision est notifié au médecin que l’employeur mandate à cet effet.
En application de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale, V. – le rapport médical mentionné aux articles L. 142-6 et L. 142-10 comprend :
1° L’exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l’examen clinique de l’assuré, par le praticien-conseil à l’origine de la décision contestée et ses éléments d’appréciation ;
2° Ses conclusions motivées ;
3° Les certificats médicaux, détenus par le praticien-conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l’imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.
Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que le code de la sécurité sociale organise notamment à la demande de l’employeur, et ce dès saisine par l’employeur de la commission médicale de recours amiable, la transmission à son médecin-conseil du rapport médical devant comprendre :
– l’ensemble des constatations sur pièce ou suite à l’examen clinique de l’assuré ;
– l’ensemble des certificats médicaux prescrits au salarié.
L’absence de communication ou la communication hors délais de ce rapport médical au médecin-conseil désigné par l’employeur n’est toutefois assortie d’aucune sanction.
Si l’absence de communication de documents au stade de la phase de recours préalable prive la commission du bénéfice éventuel des observations du médecin mandaté par l’employeur, elle ne saurait faire grief à l’employeur qui conserve toute possibilité de contester la décision de la caisse dans le cadre d’une procédure contentieuse au sein de laquelle, au regard des règles du procès équitable, l’employeur a la possibilité de formuler toutes observations utiles et de solliciter le cas échéant une expertise dans le cadre de laquelle les éléments médicaux seraient communiqués à son médecin conseil.
Ainsi, l’inobservation de ces dispositions n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge dès lors que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévus à l’article R. 142-8-5 et d’obtenir, à l’occasion de ce recours, la communication de ce rapport.
Aux termes d’un avis rendu par la Cour de Cassation le 17 juin 2021, il a été énoncé que :
» Les délais impartis par les articles R 142-8-2 alinéa 2 et R142-8-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale pour la transmission à la commission médicale de recours amiable par le praticien conseil du rapport mentionné à l’article L142-6 du même code et pour la notification de ce rapport par le secrétariat de la commission au médecin mandaté par l’employeur, lorsque ce dernier a formé un recours préalable, qui ne sont assortis d’aucune sanction, sont indicatifs de la célérité de la procédure ; ainsi leur inobservation n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision attributive du taux d’incapacité dès lors que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de 4 mois prévu à l’article R142-8-5 et d’obtenir, à l’occasion de ce recours, la communication du rapport mentionné ci-dessus en application des articles L 142-10 et R 142-16-3 du même code »
Par ailleurs, aux termes de l’article R 142-6-3 du code de la sécurité sociale, applicable à compter du 1er janvier 2020, il est énoncé que :
» Le greffe demande par tous moyens, selon le cas à l’organisme de sécurité sociale, au président du conseil départemental ou la maison départementale des personnes handicapées, de transmettre à l’expert ou au consultant désigné l’intégralité du rapport médical mentionné à l’article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l’article L. 142-10 ou l’ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l’article L. 142-10 ayant fondé sa décision.
Dans le délai de dix jours à compter de la notification, à l’employeur de la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, lorsque ce dernier est partie à l’instance, de la décision désignant l’expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l’organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu’il mandate à cet effet, l’intégralité des rapports précités. S’il n’a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l’organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l’employeur. Dans le même délai, l’organisme de sécurité sociale informe la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle de la notification de l’intégralité de ces rapports au médecin mandaté par l’employeur »
Il suit de là que lorsque le rapport n’a pas été préalablement transmis durant la phase pré-contentieuse, l’employeur peut demander à la Caisse, dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision désignant l’expert, de notifier au médecin mandaté à cet effet l’intégralité des rapports visés aux articles L142-6 et R142-8-5 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, la société [6] a saisi la commission médicale de recours amiable le 23 octobre 2023 en contestation l’imputabilité à l’accident du travail de la durée des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Elle soutient que la CPAM n’a pas respecté le principe du contradictoire en ne lui communiquant l’ensemble des pièces médicales justificatives, l’empêchant ainsi de se prononcer de façon rigoureuse sur la légitimité des arrêts de travail prescrits.
Elle en conclut que l’ensemble des soins et arrêts de travail délivrés à la suite de l’accident du travail du 6 octobre 2021 jusqu’à la consolidation/guérison doivent lui être déclarés inopposables.
En réponse, la CPAM relève que l’absence de communication dudit rapport ne caractérise pas une violation du principe du contradictoire de nature à entrainer l’inopposabilité.
Les délais impartis, qui ne sont assortis d’aucune sanction, sont uniquement indicatifs de la célérité de la procédure et en conséquence leur inobservation ne saurait justifier une inopposabilité de plein droit.
La CMRA est une commission dépourvue de tout pouvoir juridictionnel et les exigences d’un procès équitable ne s’appliquent pas aux recours préalables obligatoires. Les seules règles de fonctionnement de la CMRA, même non respectées, ne sont pas prescrites à peine de sanction et ne peuvent donc entraîner l’inopposabilité à l’employeur de la décision prise.
Par ailleurs, en application de l’article R142-8-5 du code de la sécurité sociale, la décision implicite de rejet de la CMRA est régulière même en l’absence de communication du rapport mentionné à l’article L142-6 accompagné de l’avis au médecin mandaté par l’employeur.
Il suit de là que lorsque le rapport médical n’a pas été préalablement transmis durant la phase pré-contentieuse, l’employeur peut demander à la Caisse, dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision désignant l’expert, de notifier au médecin mandaté à cet effet l’intégralité des rapports visés aux articles L142-6 et R142-8-5 du code de la sécurité sociale.
Seules les règles de fonctionnement de la CMRA, lesquelles ne sont assorties d’aucune sanction, n’ont pas été respectées.
L’absence de transmission du rapport lors de la phase amiable ne fait pas grief à l’employeur de sorte que la CPAM ne viole pas le principe du contradictoire à ce titre.
Au surplus, au cas présente, par courrier recommandé du 22 novembre 2023, réceptionné le 27 novembre 2023, la CMRA a transmis au Docteur [P], médecin mandaté par la société [6] l’intégralité du rapport médical.
En conséquence, ce moyen d’inopposabilité, non fondé, devra être rejetée de ce chef.
Sur la demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse et la demande d’expertise
En vertu de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeur ou chefs d’entreprise.
La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite de l’accident du travail institué par l’article L.411-1 s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l’état de la victime et il appartient à l’employeur dans ses rapports avec la Caisse, dès lors que le caractère professionnel de l’accident est établi, de prouver que les lésions invoquées ne sont pas imputables à l’accident.
Cette présomption simple peut toutefois être renversée par l’employeur si celui-ci apporte la preuve contraire notamment en se prévalant des conclusions d’une expertise qu’il aura préalablement sollicitée et obtenue.
En l’espèce, suite à la déclaration d’accident du travail et au certificat médical initial du 6 octobre 2021 qui a fixé un arrêt de travail jusqu’au 13 octobre 2021 pour » contusion épaule gauche sur subluxation après port de charges lourdes « , l’arrêt de travail de Monsieur [Y] [X] a été prolongé à de nombreuses reprises.
Dans le cadre du litige, la CPAM a communiqué à la société [6] l’ensemble des certificats médicaux de prolongation descriptifs des lésions jusqu’au dernier certificat médical de prolongation du 3 mars 2022 de prescription d’arrêt de travail jusqu’au 7 mars 2022.
La présomption d’imputabilité s’applique donc et la continuité des symptômes et des soins ne fait pas débat, au regard de la prescription d’un arrêt de travail initial.
La CPAM indique que l’état de santé de Monsieur [Y] [X] a été déclaré guéri en date du 7 mars 2022.
Au soutien de ses prétentions, la société [6] fait valoir qu’il existe une disproportion entre la lésion initiale et la durée des arrêts de travail prescrits à Monsieur [Y] [X], à savoir 153 jours d’arrêts de travail.
Elle se fonde sur un avis de son médecin conseil, le Docteur [P], lequel estime en substance dans sa note médicale du 16 décembre que :
» En préambule, il est mentionné que le courrier de demande d’avis de la CMRA ne contenait ni le compte rendu de l’examen médical initial, ni les comptes rendus des examens complémentaires secondaires éventuellement réalisés plus tardivement, ni les comptes rendus de spécialités éventuellement consultées, ni la confirmation et la nature des prescriptions thérapeutiques, des actes complémentaires infirmiers et/ou de kinésithérapie (…)
Il n’est fait état qu’une subluxation et non pas d’une luxation complète (…) il n’est pas mentionné d’échographie, il n’y a pas eu d’examen IRM ni arthroscanner qui aurait pu confirmer un éventuel état antérieur.
Il n’y a pas de précisions sur la thérapeutique.
Le compte employeur retient 153 jours, ce délai ne s’assoit sur aucun argument.
Le rapport du Docteur [F], médecin conseil de la CPAM, est laconique ans aucune information médicale autre que celle de la continuité calendaire « .
La CPAM rappelle l’application de la présomption d’imputabilité jusqu’à la guérison ou la consolidation et que la CMRA a, dans sa décision du 27 février 2024, confirmé l’avis de son médecin conseil. Elle estime donc que la société [6] ne justifie pas de recourir à nouveau à une mesure d’expertise médicale.
Le tribunal retient que si CMRA a rendu une décision confirmant l’avis du médecin conseil de la CPAM, pour autant la société [6] est en droit dans le cadre du litige d’obtenir la communication à son médecin conseil de l’intégralité des pièces médicales du dossier sur lesquelles la CMRA s’est fondée.
L’absence de communication par la CPAM dans le cadre du litige des éléments médicaux de compréhension de la durée d’incapacité de travail ne permet pas à la société [6] d’une part, d’établir un rapport de causalité entre les lésions sur le fondement desquelles les prolongations d’arrêt de travail ont été prises et les constatations médicales initiales et d’autre part, de se prononcer sur l’absence ou la présence d’interférence d’une pathologie préexistante ou intercurrente.
La société [6] fait donc valoir des éléments sérieux et motivés d’ordre médical, notamment l’avis de son médecin conseil, qui à défaut de renverser la présomption d’imputabilité aux lésions litigieuses, soulève un doute quant à la durée des arrêts de travail pris en charge et aux soins, de nature à caractériser un litige d’ordre médical et justifiant le recours à une consultation médicale judiciaire.
Aux termes de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale : » La juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction, qui peut prendre la forme d’une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l’audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d’examen de la personne intéressée « .
L’article 232 du code de procédure civile dispose que : » Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien « .
L’article 263 du code de procédure civile précise que : » L’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge « .
Il convient dès lors, en application des articles sus-mentionnés, d’ordonner une mesure de consultation médicale sur pièces.
Par ailleurs, l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, précise que :
» Les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes dans le cadre des contentieux mentionnés aux 1°et 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l’article L. 142-1 sont pris en charge par l’organisme mentionné à l’article L. 221-1.
Un décret fixe les conditions dans lesquelles les frais exposés à ce titre peuvent être avancés par l’Etat ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont, dans ce cas, remboursés à ce dernier par l’organisme mentionné à l’article L221-1.
Un arrêté détermine les conditions dans lesquelles les dépenses acquittées par la Caisse nationale de l’assurance maladie en application du présent article sont réparties entre les organismes du régime général de sécurité sociale, du régime de la mutualité sociale agricole, des régimes spéciaux mentionnés au livre VII et les organismes institués par le livre VI. »
Il suit de là que les frais de consultation sont aux frais avancés de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] [Localité 10].
Dans l’attente du jugement à intervenir après consultation, il y a lieu de surseoir à statuer.
Sur les dépens
Les dépens de la présente instance seront réservés.
Sur l’exécution provisoire
Aucune circonstance particulière ou urgence ne justifie le prononcé de l’exécution provisoire, laquelle ne sera dès lors pas ordonnée.
Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DIT la société [6] recevable en son recours,
DÉBOUTE la société [6] de sa demande en inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits au titre de l’accident du travail du 6 octobre 2021 du chef de non-respect du principe du contradictoire,
AVANT DIRE DROIT SUR LA DEMANDE D’INOPPOSABILITÉ DES SOINS ET ARRÊTS DE TRAVAIL prescrits à Monsieur [Y] [X] postérieurement au 6 octobre 2021,
ORDONNE une consultation médicale sur pièces au titre de l’article R142-16 et suivants du code de la sécurité sociale,
DÉSIGNE pour y procéder le Docteur [C] [O] – [Adresse 3], avec pour mission, de :
1) Prendre connaissance de l’intégralité du dossier médical de l’assuré, dont le rapport médical mentionné à l’article R 142-16-3, que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] [Localité 10] et/ou son service médical, devra transmettre dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement,
2) Prendre connaissance des observations éventuelles du médecin conseil de la société [6] qui devront être transmises dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement,
3) Dire si les arrêts de travail prescrits postérieurement au certificat médical initial sont directement et exclusivement imputables à l’accident du travail du 6 octobre 2021,
4) Dans la négative, dire dans quelle proportion ils sont rattachables à une pathologie intercurrente ou à une pathologie antérieure non révélée ou aggravée par l’accident du travail et la décrire,
5) Déterminer la date à partir de laquelle les arrêts de travail ont une cause totalement étrangère à l’accident du travail,
RAPPELLE à la société [6], qu’elle dispose d’un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision pour demander, par tous moyens conférant date certaine, à l’organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin qu’il mandate à cet effet, l’intégralité des rapports précités, qui lui seront transmis, si cela n’a pas déjà été fait, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l’employeur ;
DÉSIGNE le magistrat ayant ordonné la mesure pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;
DIT que le médecin consultant désigné devra adresser un rapport écrit en 4 exemplaires au greffe du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille, [Adresse 1], dans un délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;
DIT qu’une copie du rapport écrit de la consultation médicale sur pièces dès réception sera adressée aux parties par le greffe du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille par lettre simple,
RENVOIE l’affaire après consultation à l’audience de Mise en Etat dématérialisée du :
JEUDI 3 JUILLET 2025 à 09 heures
Devant la chambre du POLE SOCIAL
Du TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE,
[Adresse 1] à [Localité 8].
DIT que le présent jugement notifié vaut convocation des parties à l’audience de Mise en Etat du Jeudi 3 JUILLET 2025 à 09 heures ;
SURSOIT à statuer sur les demandes dans l’attente de la réception du rapport de consultation médicale ;
RÉSERVE les dépens ;
DIT n’y a avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement,
RAPPELLE qu’en vertu de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, les frais de consultation médicale seront pris en charge par la caisse nationale d’assurance maladie ;
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Tribunal les jours, mois et an sus-dit.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER
Expédié aux parties le :
– 1 CCC à Me [Z], à [6], à la CPAM de [Localité 9]-[Localité 10] et au docteur [O]
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