Imputabilité des lésions et continuité des soins : enjeux de la prise en charge professionnelle

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Imputabilité des lésions et continuité des soins : enjeux de la prise en charge professionnelle

L’Essentiel : Le 3 septembre 2020, un accident du travail a été déclaré par la société [5] concernant M. [L] [N], survenu le 31 août. M. [N] a souffert d’une douleur à l’épaule droite, sans contact avec un objet, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 7 septembre. La Caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident, mais la société a contesté cette décision. Le tribunal a finalement jugé recevable le recours de la société, tout en rejetant ses demandes, confirmant l’opposabilité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [N]. La société a été condamnée aux dépens.

Contexte de l’accident

Le 3 septembre 2020, la société [5] a déclaré un accident du travail concernant son salarié, M. [L] [N], survenu le 31 août 2020. La déclaration mentionne une douleur à l’épaule droite sans contact avec un objet. Les lésions sont localisées au niveau de l’épaule droite, avec un certificat médical initial indiquant un traumatisme et une déchirure musculaire probable, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 7 septembre 2020.

Prise en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie

Le 2 novembre 2020, la Caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique a accepté de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. M. [N] a bénéficié de soins et d’arrêts de travail jusqu’au 30 avril 2022, à l’exception d’une période entre le 23 octobre et le 13 novembre 2020.

Licenciement de M. [N]

Le 13 juin 2022, M. [N] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Ce licenciement a eu lieu après une période prolongée d’arrêts de travail liés à l’accident.

Contestation de la prise en charge

La société [5] a contesté la prise en charge des soins et arrêts de travail par la caisse, saisissant la commission médicale de recours amiable le 25 mai 2021. Cette commission a rejeté la demande le 21 septembre 2021, ce qui a conduit la société à saisir le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes le 14 octobre 2021.

Arguments de la société [5]

La société [5] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et d’infirmer la décision de la commission. Elle a soutenu qu’il n’y avait pas de continuité des symptômes et des soins à partir du 23 octobre 2020, rendant inopposables les arrêts de travail prescrits après cette date. Elle a également demandé une expertise médicale pour clarifier l’imputabilité des lésions.

Arguments de la Caisse primaire d’assurance maladie

La Caisse primaire d’assurance maladie a demandé au tribunal de déclarer opposables à la société [5] tous les soins et arrêts de travail prescrits à M. [N]. Elle a soutenu que la présomption d’imputabilité s’applique tant que l’employeur ne prouve pas l’existence d’un état pathologique préexistant.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la société [5] recevable dans son recours, mais a débouté toutes ses demandes. Il a déclaré opposables à la société l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [N] au titre de son accident du travail. La société [5] a été condamnée aux dépens, et les parties ont un mois pour interjeter appel de cette décision.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité du recours contentieux de la société [5]

La recevabilité du recours contentieux de la société [5] est régie par l’article R 142-1-A.III, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, qui stipule que, sauf disposition contraire, le délai de recours est de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.

En l’espèce, la décision de la commission médicale de recours amiable a été notifiée à la société [5] par lettre du 21 septembre 2021.

Ainsi, le recours formé le 14 octobre 2021 est dans le délai imparti, ce qui rend la société [5] recevable en son recours contentieux devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes.

Sur la présomption d’imputabilité au travail des lésions

La présomption d’imputabilité au travail des lésions est régie par les articles L 411-1 et L 461-2 du code de la sécurité sociale. Ces articles stipulent que la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, tant que l’arrêt de travail a été initialement prescrit.

Il est précisé que cette présomption s’applique tant que la victime n’est pas complètement guérie ou que son état n’est pas consolidé.

Dans le cas présent, la société [5] conteste cette présomption en arguant de l’absence de continuité des symptômes et des soins entre le 23 octobre et le 13 novembre 2020. Cependant, le tribunal a jugé que cette absence ne suffit pas à écarter la présomption d’imputabilité.

Il appartient donc à l’employeur de prouver l’existence d’un état pathologique préexistant pour renverser cette présomption.

Sur la demande d’expertise médicale judiciaire

La demande d’expertise médicale judiciaire formulée par la société [5] est encadrée par l’article 146, alinéa 2, du code de procédure civile. Cet article stipule qu’aucune mesure d’instruction ne peut être ordonnée pour suppléer à la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

La société [5] souhaite obtenir une expertise pour contester la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [N]. Toutefois, le tribunal a constaté que la société n’a pas produit d’éléments médicaux objectifs permettant d’établir l’existence d’un état pathologique préexistant.

Ainsi, la demande d’expertise a été rejetée, car elle visait à combler une lacune dans la preuve apportée par la société [5], ce qui n’est pas conforme aux dispositions légales.

Sur les conséquences de la décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la société [5] recevable en son recours contentieux, mais a débouté cette dernière de toutes ses demandes.

Il a également déclaré opposables à la société [5] l’ensemble des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N] au titre de son accident du travail du 31 août 2020.

Cette décision souligne l’importance de la présomption d’imputabilité dans le cadre des accidents du travail et la nécessité pour l’employeur de fournir des preuves solides pour contester cette présomption.

La société [5] est donc condamnée aux dépens, et les parties disposent d’un délai d’un mois pour interjeter appel, conformément aux articles 34 et 538 du code de procédure civile.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 10 Janvier 2025

N° RG 21/01019 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LKKH
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : Hubert LIFFRAN
Assesseur : Frédéric JANNET
Assesseur : Sébastien HUCHET
Greffière : Julie SOHIER

DEBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 9 Octobre 2024.

JUGEMENT
Prononcé par Hubert LIFFRAN, par mise à disposition au Greffe le 20 Décembre 2024 prorogé au 10 Janvier 2025.

Demanderesse :
S.A.S.U. [5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON, dispensé de comparution à l’audience

Défenderesse :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE
Service contentieux
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Madame [Z] [J], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial
Le Président et les assesseurs, après avoir entendu le NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la partie présente en ses observations, l’ont avisée, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le VINGT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE prorogé au DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, dans les termes suivants :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 3 septembre 2020, la société [5], entreprise spécialisée dans la vignification, a rempli une déclaration d’accident du travail concernant l’un de ses salariés, M. [L] [N], né en 1963.

Cette déclaration comportait, notamment, les indications suivantes :
‘‘Date de l’accident : 31 août 2020 13 H 15 ;
‘‘Activité de la victime lors de l’accident : (…) aurait ressenti une douleur à l’épaule droite ;
‘‘Objet dont le contact a blessé la victime : Aucun ;
‘‘Siège des lésions : Membres supérieurs (mains exceptées) – Epaule droite ;
‘‘Nature des lésions : Divers – Douleurs’’.

Le certificat médical initial en date du 3 septembre 2020 faisait état des constatations suivantes : « Traumatisme de l’épaule droite, déchirure musculaire probable ». Il prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 7 septembre 2020 inclus.

Le 2 novembre 2020, la Caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique a décidé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

M. [N] a bénéficié, au titre de cet accident, de soins et arrêts de travail jusqu’au 30 avril 2022, date de sa consolidation telle que retenue par la caisse, à l’exception cependant de la période du 23 octobre au 13 novembre 2020.

Le 13 juin 2022, M. [N] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant le bien-fondé de la prise en charge par la caisse des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N] au titre de la législation professionnelle, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable par lettre du 25 mai 2021, reçue le 27 mai 2021.

Par décision du 21 septembre 2021, la commission médicale de recours amiable a rejeté la demande de la société [5].

Contestant le bien-fondé de cette décision, la société [5] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, le 14 octobre 2021.

Les parties ont été régulièrement convoquées devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes pour l’audience du 9 octobre 2024. La société [5] a été dispensée de comparution et la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique était représentée. Le présent jugement est donc contradictoire.

Par conclusions écrites, la société [5] demande au tribunal de :
– Dire et juger la société [5] recevable en son recours ;
– Infirmer la décision de la commission médicale de recours amiable du 21 septembre 2021 ;
A titre principal,
– Constater que la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique ne justifie pas de la continuité de symptôme et de soins à compter du 23 octobre 2020 ;
– Dire et juger inopposable à la société [5] l’ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [N] à compter du 23 octobre 2020 au titre de l’accident du 31 août 2020 ;
A titre subsidiaire,
– Dire et juger que la date de consolidation de l’état de M. [N] au titre de l’accident du 31 août 2020, doit être fixée au 30 octobre 2020 ;
– Dire et juger que la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique des arrêts de travail prescrits à compter du 31 octobre 2020 est inopposable à la société [5] ;
A titre infiniment subsidiaire,
– Constater qu’il existe un différend d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions et arrêts de travail indemnisés au titre de l’accident du 31 août 2020 ;
– Ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces aux frais avancés de la caisse ou de l’employeur, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique au titre de l’accident du 31 août 2020 déclaré par M. [N] ;
– Nommer tel expert avec pour mission de :
1°) Prendre connaissance de l’entier dossier médical de M. [N] établi par la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique ;
2°) Déterminer exactement les lésions provoquées par l’accident ;
3°) Fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe et exclusive avec ces lésions ;
4°) Dire si l’accident a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et, dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;
5°) En tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n’était plus médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif à l’accident ;
6°) Rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties ;
7°) Intégrer dans le rapport d’expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires ;
– Renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit débattu du contenu du rapport d’expertise ;
– Dire et juger inopposables à la société [5] les prestations prises en charge au-delà de la date réelle de consolidation et celles n’ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l’accident du 31 août 2020 déclaré par M. [N].

Au soutien de ses prétentions, la société [5] fait notamment valoir que son propre médecin conseil, le docteur [U], a constaté l’absence de certificat médical pour la période entre le 23 octobre et le 13 novembre 2020, de sorte qu’il y a une rupture franche de la continuité des symptômes et des soins entre ces deux dates ; qu’il y a donc eu 20 jours pendant lesquels M. [N] n’a pas bénéficié d’arrêt de travail en relation avec son accident du 31 août 2020 ; que la caisse ne peut donc se prévaloir de la présomption d’imputabilité à compter du 23 octobre 2020 ; que dans ces conditions, les arrêts de travail prescrits à M. [N] au délà du 23 octobre 2020 au titre de l’accident du 31 août 2020 doivent être déclarés inopposables à la société [5] ; que, par ailleurs, la commission médicale de recours amiable se borne à indiquer, pour motiver sa décision, que l’employeur n’apporte aucune preuve permettant de renverser la présomption d’imputabilité de l’ensemble des arrêts de travail prescrits à l’accident du travail ; que ni la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique, ni la commission médicale de recours amiable n’ont produit d’argument médical pertinent permettant de remettre en cause l’argumentation de la société [5] et du docteur [U] ; que la durée anormalement longue des arrêts de travail prescrits à M. [Y] vient conforter l’idée que la date de consolidation a été fixée tardivement ou qu’il existait un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte ; qu’aucun élément médical ne permet de justifier d’une longueur d’arrêts de travail de 257 jours ; que dans ces conditions, la société [5] est en droit de considérer qu’il existe de sérieux doutes quant au caractère professionnel de la totalité des arrêts de travail et des soins pris en charge au titre de l’accident ; qu’il convient à cet égard de rappeler que seules les lésions directement et exclusivement imputables à la lésion initiale doivent être prises en charge au titre de la législation professionnelle ; que l’employeur doit être admis à réclamer une expertise, afin de distinguer les arrêts de travail relevant des seules conséquences de l’accident du 31 août 2020, de ceux résultant d’un état pathologique préexistant ou indépendant, qui sont inopposables à l’employeur.

Par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique demande au tribunal de :
– Donner acte à la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique de ce qu’elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;
– Déclarer opposables à la société [5] l’ensemble des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N] au titre de son accident du travail du 31 août 2020 ;
– Débouter la société [5] de toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires, en ce comprise sa demande d’expertise médicale ;
A titre subsisiaire,
– Mettre les frais d’expertise à la charge de la société [5], quelle que soit l’issue du litige ;
– Condamner la société [5] aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique fait notamment valoir qu’il incombe à l’employeur qui souhaite combattre la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail prescrits après un accident du travail, de produire des éléments médicaux objectifs et vérifiables, susceptibles d’établir l’existence d’un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident, ou d’une cause totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs; que les documents présentés par la société [5] n’identifient pas d’état pathologique antérieur ou postérieur ; que la caisse peut se prévaloir de la présomption d’imputabilité pour toute la durée de l’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime ; que l’absence de continuité des symptômes et des soins est impropre à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et travaux litigieux ; que par ailleurs, le simple fait de s’interroger ou d’émettre des doutes ne constitue pas un motif suffisant pour qu’une expertise soit ordonnée ; que la société [5] ne produit aucun élément conduisant au renversement de la présomption d’imputabilité ou justifiant la mise en oeuvre d’une expertise médicale ; qu’en conséquence, les demandes d’inopposabilité et de mise en oeuvre d’une expertise formulées par l’employeur ne peuvent qu’être rejetées.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie expressément aux conclusions déposées au greffe et soutenues à l’audience, ainsi qu’à l’ensemble des pièces communiquées et aux prétentions orales telles qu’elles sont rappelées ci-dessus.

La décision a été mise en délibéré au 20 décembre 2024. Cette date a été prorogée au 10 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours contentieux de la société [5] :

Selon l’article R 142-1-A.III, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, s’il n’en est disposé autrement, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.

La décision de la commission médicale de recours amiable lui ayant été notifiée par lettre du 21 septembre 2021, la société [5] est recevable en son recours contentieux formé le 14 octobre 2021 devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes.

Sur la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite de l’accident du travail du 31 août 2020, contestée par la société [5]:

Il résulte des articles L 411-1 et L 461-2 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

L’absence de continuité des symptômes et soins est impropre à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et arrêts de travail prescrits à la victime à la suite de cet accident.

C’est donc à tort que la société [5] entend tirer argument de l’absence d’arrêt de travail prescrit à M. [N] entre le 23 octobre et le 13 novembre 2020 pour en conclure qu’en l’absence de continuité des symptômes et soins la caisse ne saurait se prévaloir de la présomption d’imputabilité à compter du 23 octobre 2020.

C’est à juste titre, dans ces conditions, que la commission de recours amiable a considéré qu’il appartenait à la société [5] d’apporter la preuve de l’existence d’un état pathologique préexistant.

Sur la demande d’expertise médicale judiciaire formulée par la société [5] :

Il incombe à l’employeur qui entend contester la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle d’apporter la preuve contraire ou, à tout le moins, de produire un faisceau d’éléments concordants de nature à faire présumer l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Si la note médico-légale en date du 24 août 2021 du docteur [U], médecin conseil de la société [5], produite par cette dernière au débat, indique que la durée des arrêts de travail prescrits à M. [N] à la suite de son accident du travail du 31 août 2020 est « très supérieure au délai habituel » et si ce praticien indique que la date de consolidation est « fixable au 31 décembre 2020 », après deux mois d’arrêt de travail et de soins, de sorte que ceux-ci ne seraient plus justifiés au delà du 30 décembre 2020, ce praticien ne fournit cependant aucune explication et ne fait état d’aucun élément précis au soutien de ses affirmations.

La société [5], dans ses écritures, se borne pour sa part à faire état d’une durée « anormalement longue » des arrêts de travail prescrits à M. [N] semblant conforter l’idée que la date de consolidation aurait été fixée tardivement ou qu’il existerait un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, sans faire cependant état d’aucun élément précis et objectif de nature à établir l’existence d’un état pathologique préexistant sans lien avec l’accident du travail du 31 août 2020 ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Il apparaît, dans ces conditions, que l’expertise médicale judiciaire sollicitée par la société [5] a en réalité pour objet de fournir à celle-ci des éléments médicaux objectifs lui permettant de contester utilement l’imputabilité à l’accident du travail du 31 août 2020 des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N].

Or, aux termes de l’article 146, alinéa 2, du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Il y a donc lieu, dans ces conditions, de débouter la société des [5] de sa demande d’expertise médicale judiciaire et de lui déclarer, en conséquence, opposable l’ensemble des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N] à la suite de son accident du travail du 31 août 2020.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe :

DÉCLARE la société [5] recevable en son recours contentieux ;

DÉBOUTE la société [5] de toutes ses demandes ;

DÉCLARE opposables à la société [5] l’ensemble des soins et des arrêts de travail prescrits à M. [N] au titre de son accident du travail du 31 août 2020 ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens ;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par M. Hubert LIFFRAN, Président, et par Mme Julie SOHIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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