L’Essentiel : Le 11 juin 2021, la S.A.S. PELLENC a signalé un accident du travail survenu le 27 mai 2021, lorsque Monsieur [O] [T] a été blessé par la porte d’un camion. Un certificat médical a constaté une douleur à l’épaule, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 24 juin 2021. La CPAM a pris en charge l’accident, avec des prolongations d’arrêts jusqu’à la consolidation fixée au 17 juillet 2024. Contestant cette décision, la S.A.S. PELLENC a saisi le tribunal judiciaire d’Avignon, demandant une expertise judiciaire pour évaluer les lésions et leur lien avec l’accident.
|
Contexte de l’accidentLe 11 juin 2021, la S.A.S. PELLENC a déclaré un accident du travail survenu le 27 mai 2021, impliquant son salarié Monsieur [O] [T]. L’accident s’est produit alors que la victime déchargeait un camion, lorsque la porte arrière a été fermée brusquement par le vent, frappant son épaule droite. Un certificat médical initial a constaté une douleur à l’épaule, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 24 juin 2021. Prise en charge par la CPAMLe 30 juin 2021, la CPAM du Vaucluse a accepté de prendre en charge l’accident du travail, avec plusieurs prolongations d’arrêts de travail jusqu’à la date de consolidation fixée au 17 juillet 2024, avec des séquelles indemnisables. Contestation de la S.A.S. PELLENCLe 17 décembre 2021, la S.A.S. PELLENC a contesté la durée des arrêts de travail et les prestations associées, saisissant la commission de recours amiable (CRA). La CRA a rejeté la demande le 17 mars 2022, ce qui a conduit la S.A.S. PELLENC à saisir le tribunal judiciaire d’Avignon le 27 avril 2022. Demandes de la S.A.S. PELLENCLa S.A.S. PELLENC a demandé au tribunal d’ordonner une expertise judiciaire pour examiner l’évolution des lésions de Monsieur [T], déterminer la causalité des arrêts de travail avec l’accident, et évaluer si des pathologies antérieures ont influencé l’état de santé de la victime. Position de la CPAMLa CPAM a demandé le rejet des demandes de la S.A.S. PELLENC, affirmant que la présomption d’imputabilité s’applique jusqu’à la consolidation de l’état de santé de l’assuré, sans nécessité de démontrer la continuité des symptômes. Elle a également contesté la demande d’expertise, arguant que l’état pathologique antérieur ne prive pas l’assuré de ses droits. Décision du tribunalLe tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces pour évaluer si les soins et arrêts de travail sont directement liés à l’accident du 27 mai 2021. Les frais de cette consultation seront à la charge de la CPAM, conformément aux dispositions légales en vigueur. Procédure à venirUne audience a été fixée pour le 22 janvier 2025, où les parties seront convoquées à nouveau après la consultation médicale. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de sa décision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail en cas d’accident du travail ?La présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que : « Les soins et arrêts de travail résultant d’un accident du travail sont présumés imputables au travail pendant toute la durée de l’incapacité de travail, soit jusqu’à la guérison complète, soit jusqu’à la consolidation de l’état de la victime. » Cette présomption s’applique également aux nouvelles lésions apparues avant la consolidation. Il est important de noter que cette présomption n’est pas subordonnée à la démonstration d’une continuité de soins et de symptômes par le salarié ou la caisse. Ainsi, lorsque l’employeur conteste le caractère professionnel de la lésion ou des soins pris en charge, il doit prouver qu’il existe une cause totalement étrangère au travail. Cela signifie que l’employeur doit apporter des éléments concrets permettant de susciter un doute sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident déclaré. Quelles sont les conditions pour contester la date de consolidation de l’état de santé d’un salarié ?La date de consolidation de l’état de santé d’un salarié est fixée par le médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie, conformément à l’indépendance des rapports entre la caisse, l’assuré et son employeur. Cette règle est précisée dans la jurisprudence, qui indique que : « La date de consolidation ne peut être contestée que par l’assuré. » L’employeur, en l’occurrence la S.A.S. PELLENC, ne peut pas contester cette date, car son recours ne peut porter que sur la prise en charge des soins et arrêts de travail en résultant. Ainsi, pour contester la date de consolidation, l’employeur doit démontrer que l’état de santé de l’assuré n’est pas consolidé, ce qui nécessite des éléments médicaux probants. Quels sont les droits des parties concernant la communication des dossiers médicaux dans le cadre d’une expertise ?Les droits des parties concernant la communication des dossiers médicaux sont encadrés par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du Code de la sécurité sociale. L’article L. 142-10 stipule que : « Les assurés ont droit à la communication de leur dossier médical. » De plus, l’article R. 142-16-3 précise que : « La caisse doit communiquer l’entier dossier médical de l’assuré à son médecin consultant, dans le respect des principes du contradictoire et de l’égalité des armes. » Cela signifie que la CPAM doit fournir l’intégralité du dossier médical de Monsieur [T] au médecin consultant de la S.A.S. PELLENC, permettant ainsi une évaluation complète et équitable des éléments médicaux en jeu. Quelles sont les implications de la présomption d’imputabilité sur les arrêts de travail ?La présomption d’imputabilité a des implications significatives sur les arrêts de travail. Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, cette présomption s’étend pendant toute la durée de l’incapacité de travail. Cela signifie que tant que l’assuré est en incapacité de travail, les soins et arrêts de travail sont présumés liés à l’accident. L’employeur qui conteste cette présomption doit prouver qu’il existe une cause totalement étrangère au travail. En cas de contestation, le juge peut ordonner une mesure d’instruction, mais cela nécessite que l’employeur présente des éléments concrets pour susciter un doute sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail. Comment se déroule une expertise médicale dans le cadre d’un litige sur un accident du travail ?L’expertise médicale dans le cadre d’un litige sur un accident du travail est régie par les articles 143, 144 et 146 du Code de procédure civile, ainsi que par l’article R. 142-1-A du Code de la sécurité sociale. Le juge du contentieux de la sécurité sociale a la faculté d’ordonner une mesure d’instruction, y compris une expertise médicale, pour éclairer le litige. Il peut décider de la nature de l’expertise, qui peut être réalisée sur pièces, sans convocation des parties, si le juge estime être suffisamment informé. Le rapport de l’expert doit répondre à des questions précises, notamment sur le lien entre les arrêts de travail et l’accident, et doit être communiqué aux parties pour garantir le respect du contradictoire. En cas d’empêchement du consultant, un remplacement peut être effectué par simple mention au dossier. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON
N° RG 22/00344 – N° Portalis DB3F-W-B7G-JCQU
Minute N° : 25/00092
CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
JUGEMENT DU 22 Janvier 2025
DEMANDEUR
S.A.S. PELLENC
Notre Dame
B.P. 47
84120 PERTUIS
représentée par Me Michael RUIMY, avocat au barreau de LYON
DEFENDEUR :
CPAM HD VAUCLUSE
Service Juridique et Fraude
TSA 99998
84000 AVIGNON
représentée par Mme [W] [S] (Salarié) muni d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Olivia VORAZ, Juge, Présidente
M. René BERTOLINI, Assesseur employeur,
Madame Tedjinia-Teddy LOUAFIA, Assesseur salarié,
assistés de Mme Fabienne RAVAT,greffier,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE
Audience publique du 27 Novembre 2024
JUGEMENT :
A l’audience publique du 27 Novembre 2024 , après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé à la date du 22 Janvier 2025 par la mise à disposition au greffe, Contradictoire, avant dire droit.
_______________________
Copie exécutoire délivrée à :
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Le 11 juin 2021, la S.A.S. PELLENC a transmis à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Vaucluse une déclaration d’accident du travail, concernant son salarié Monsieur [O] [T], survenu le 27 mai 2021 dans les circonstances suivantes : “activité de la victime lors de l’accident : il était en train de décharger un camion – nature de l’accident : la porte arrière du camion a été fermée brusquement à cause du vent et a frappé son épaule- objet dont le contact a blessé la victime : porte du camion-siège des lésions : épaule droite-nature des lésions : douleurs”.
Le certificat médical intial en date du 10 juin 2021 établi par le docteur [Z] [L] a constaté une “douleur épaule droite”. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu’au 24 juin 2021.
Le 30 juin 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Vaucluse a notifié à la S.A.S. PELLENC la prise en charge de l’accident du travail de Monsieur [O] [T] du 27 mai 2021, au titre de la législation professionnelle. Plusieurs certificats de prolongation sont intervenus, jusqu’à la date de consolidation fixée par la CPAM au 17 juillet 2024 avec séquelles indemnisables.
Le 17 décembre 2021, la S.A.S. PELLENC a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM du Vaucluse en contestation de la longueur des arrêts de travail et prestations pris en charge au titre de l’accident du travail du 27 mai 2021.
Par décision explicite du 17 mars 2022 notifiée le 22 mars 2022, la CMRA a rejeté la demande de la S.A.S. PELLENC tendant à lui déclarer inopposables les arrêts de travail et autres prestations pris en charge au titre de l’accident de travail de Monsieur [O] [T], survenu le 27 mai 2021.
Contestant cette décision, la S.A.S. PELLENC, par l’intermédiaire de son avocat, a, par recours du 27 avril 2022, saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon.
Cette affaire a été fixée et évoquée à l’audience du 27 novembre 2024.
La S.A.S. PELLENC, par conclusions déposées et soutenues oralement par son avocat, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, demande au tribunal de: :
– ordonner avant dire droit une mesure d’expertise judiciaire sur pièces et nommer un expert qui aura pour mission de :
* se faire remettre l’entier dossier médical de Monsieur [T] par la CPAM et/ou son service médical ;
* retracer l’évolution des lésions de Monsieur [T] ;
* retracer les éventuelles hospitalisations de Monsieur [T] ;
* déterminer si l’ensemble des lésions à l’origine de l’ensemble des arrêts de travail pris en charge peuvent résulter directement et uniquement de l’accident du 27 mai 2021 ;
* déterminer quels sont les arrêts et lésions directement et uniquement imputables à cet accident ;
* déterminer si une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l’accident du 27 mai 2021 est à l’origine d’une partie des arrêts de travail ;
* dans l’affirmative, dire si l’accident du 27 mai 2021 a pu aggraver ou révéler cette pathologie ou si, au contraire, cette dernière a évolué pour son propre compte ;
* fixer la date à laquelle l’état de santé de Monsieur [T] directement ou uniquement imputable à l’accident du 27 mai 2021 doit être considéré comme consolidé
*convoquer uniquement la société PELLENC et la CPAM, seules parties à l’instance, à une réunion contradictoire ;
* adresser aux parties un pré-rapport afin de leur permettre de présenter d’évenutelles observations et ce avant le dépôt du rapport définitif ;
– juger que les opérations d’expertise devront se réaliser uniquement sur pièces, en l’absence de toute convocation ou consultation médicale de l’assurée et ce, en vertu des principes de l’indépendance des rapports et des droits acquis des assurés ;
– ordonner, dans le cadre du respect des principes du contradictoire, du procès équitable et de l’égalité des armes entre les parties dans le procès, la communication de l’entier dossier médical de Monsieur [T] par la CPAM au docteur [K], médecin consultant de la société PELLENC, demeurant Les Aulnes I – 13 rue des Aulnes 69760 LIMONEST et ce, conformément aux dispositions des articles L.142-10 et R.142-16- 3 du code de la sécurité sociale ;
– juger que les frais d’expertise seront entièrement mis à la charge de la CPAM ;
– dans l’hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité directe et certain avec la lésion initiale, la juridiction devra juger ces arrêts inopposables à la société PELLENC.
Par conclusions déposées et soutenues oralement par sa représentante, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la CPAM HD VAUCLUSE demande au tribunal de :
à titre principal,
– débouter la société PELLENC de l’intégralité de ses demandes ;
– confirmer en tous points la décision critiquée ;
– déclarer opposable à la société PELLENC l’ensemble des arrêts de travail imputables à l’accident du travail du 27 mai 2021 dont a été victime Monsieur [T] ;
à titre très subsidiaire,
– si par impossible la présente juridiction venait à ordonner une expertise médicale sur pièces concernant la longueur des arrêts de travaildu salarié Monsieur JOUVALJean-[C] des suites de l’accident de travail dont il a été vicitime le 27 mai 2021 ;
– bien vouloir alors mettre l’ensemble des frais d’expertise à la charge de la société PELLENC.
Cette affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 janvier 2025, par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal, de même que les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Il convient préalablement de rappeler qu’en application des articles 5 et 12 du code de procédure civile, le juge du contentieux de la sécurité sociale, qui n’est pas juge de la légalité ou de la régularité de la décision prise par la caisse ou sa commission de recours amiable (en ce sens Cass. Civ. 2ème, 11 février 2016, pourvoi n° 15-13.202), doit statuer sur le bien-fondé de la contestation qui lui est soumise (Cass. Civ. 2ème, 21 juin 2018, pourvoi n° 17-27.756).
En considération de ce qui précède, la CPAM HD VAUCLUSE ne saurait solliciter la confirmation de la décision prise par la caisse dès lors que le juge du contentieux de la sécurité sociale n’est pas juge de la légalité ou de la régularité de la décision prise par la caisse ou sa commission de recours amiable, mais du litige qui lui est soumis.
Enfin, il convient de rappeler qu’en raison de l’indépendance des rapports entre la caisse, l’assuré et son employeur, la date de consolidation de l’état de santé de Monsieur [O] [T] est fixée par le médecin-conseil de la caisse et ne peut être contestée que par l’assuré. N’intervenant pas dans les relations entre la caisse et l’assuré, la société ne peut pas être admise à contester la date de consolidation de l’état de santé de l’assuré et ainsi solliciter la fixation d’une nouvelle date de consolidation, le recours de la S.A.S PELLENC ne pouvant porter que sur la prise en charge des soins et arrêts de travail en résultant.
Sur l’imputabilité des soins et arrêts
Il résulte des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l’état de la victime (Civ. 2ème, 17 février 2011, n°10-14.981; Civ. 2ème, 16 février 2012, n°10-27.172, 2 Civ., 15 février 2018, n°16-27.903 ; 4 mai 2016, n°15-16.895) et que l’application de cette règle, qui s’étend aux nouvelles lésions apparues avant consolidation (2e Civ., 15 février 2018, n° 16-27.903) n’est aucunement subordonnée à la démonstration d’une continuité de soins et symptômes par le salarié ou la caisse subrogée dans ses droits (2e Civ., 17 février 2011, n°10-14981; 5 avril 2012, n°10-27912 ; 1er juin 2011, n°10-15837; 6 novembre 2014, n°13-23.414; 2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-17.626, arrêt PBI; 18 février 2021, n°19-21.940 ; 22 septembre 2022, n°21-12.490 ; 2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-20.655; 2 juin 2022, n°20-19.776 ; 2e Civ., 29 février 2024, n° 22-16.847).
Il résulte du même texte que lorsque la présomption précitée s’applique, il appartient à l’employeur qui conteste le caractère professionnel de la lésion ou tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par l’organisme, de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail (Soc, 23 mai 2002, Bull. n°178 ; 2e Civ.,10 avril 2008, n°06-12.885 ; 17 mars 2011, n°10-14.698 ; 7 novembre 2013, n°12-22.807 ; 7 mai 2015, n°13-16.463 ; 24 novembre 2016, n°15-27.215 ; 2e Civ., 29 février 2024, n° 22-16.847) et que pour détruire la présomption l’employeur peut obtenir que soit ordonnée une mesure d’instruction mais à la condition de produire au préalable des éléments concrets permettant de susciter un doute sur l’imputabilité à l’accident déclaré des soins et arrêts de travail.
L’arrêt de travail doit avoir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge (civ.2e 7 mai 2015 pourvoi n° 14-14064), ce lien disparaissant lorsqu’un état pathologie antérieur, même révélé par l’accident du travail ou la maladie professionnelle, n’évolue plus que pour son propre compte. (civ.2e 1er décembre 2011 pourvoi n°10-23032)
Les articles 143, 144 et 146 du code de procédure civile, rendus applicables par l’article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions spécialement désignées aux articles L. 211-16 et L. 311-15 du code de l’organisation judiciaire, donnent au juge du contentieux de la sécurité sociale la faculté d’ordonner une mesure d’instruction.
S’il appartient au juge du fond de rechercher si la présomption d’imputabilité est, ou non, utilement combattue par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant eux (Civ. 2ème, 20 décembre 2012, n°11- 20.173) et peut, à cet égard, ordonner une mesure d’expertise (2e Civ., 16 février 2012, pourvoi n°10-27.172), il n’en demeure pas moins que la faculté d’ordonner une telle mesure relève de son pouvoir souverain d’appréciation (Civ 2ème 18 novembre 2010, n°09-16.673, 2e Civ., 16 février 2012, pourvoi n° 10-27.172, 28 novembre 2013, n°12-27.209) et qu’il n’est nullement tenu d’en user dès lors qu’il s’estime suffisamment informé ( 2e Civ., 11 janvier 2024, n° 22-15.939 P).
En l’espèce, un certificat médical initial en date du 10 juin 2021, constate “douleur épaule droite”. Entre le 10 juin 2021 et le 17 juillet 2024, sont intervenus des prolongations, notamment 13 sont transmis par la caisse faisant état :
le 24 juin 2021, “douleur épaule droite” et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 25 juillet 2021;- le 19 juillet 2021,“ tendinopathie de coiffe droite” et prescrivant un arrêt de travail et des soins jusqu’au 30 juillet 2021;
– le 30 juillet 2021, “ lésion fissuraire du sus épineux bursite SAD-poursuitte MK“ et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 18 août 2021;
– le 18 août 2021, “ lésion fissuraire du sus épineux droit bursite” et prescrivant un arrêt de travail et des soins jusqu’au 16 septembre 2021 ;
– le 16 septembre 2021,“lésion fissuraire du sus épineux droit en attente avis spécialiste-MK en cours“ et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 30 octobre 2021 ;
– le 29 octobre 2021,“ lésion fissuraire du sus épineux droit arthroscanner programmé avant consultation chirurgical”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 30 novembre 2021 ;
– le 30 novembre 2021, “ rupture de coiffe épaule dt”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 11 janvier 2022 ;
– le 11 janvier 2022, “ rupture de coiffe épaule dte”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 15 mars 2022 ;
– le 15 mars 2022, “ rupture de coiffe épaule dte”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2022 ;
– le 31 mars 2022, “ rupture de coiffe épaule droite”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 28 avril 2022 ;
– le 28 avril 2022, “ suite intervention de coiffe épaule droite”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 02 juin 2022 ;
– le 24 mai 2022, “ réparation de coiffe épaule dte”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 16 août 2022 ;
– le 16 août 2022, “ rupture de coiffe dte opérée”et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 15 novembre 2022 ;
La date de consolidation a été fixée au 17 juillet 2024.
La S.A.S. PELLENC remet en cause le lien de causalité entre l’accident du travail du 27 mai 2021 et un certain nombre d’arrêts de travail successifs pris en charge par la CPAM HD VAUCLUSE. Elle verse au débat deux avis médicaux établis par le médecin consultant de la société, le docteur [O] [V]. Le premier avis date du 20 janvier 2022 et fait état “Donc , compte tenu des éléments en notre possession, de leur qualité , de l’analyse qui en a été faite, l’AT du 27/05/2021 n’est responsable que d’une simple contusion de l’épaule. Il est possible d’affirmer : les lésions initiales sont bénignes puisque le salarié n’a consulté que 14 jours après l’AT. Cela montre l’absence de caractère invalidant et douloureux de l’atteinte ; il existe un état pathologique antérieur représenté par une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de cette épaule droite. En effet, une atteinte traumatique des tendons de la coiffe est d’emblée hyperalgique et invalidante et aurait poussé le salarié à consulté immédiatement. L’absence de cette consultation avant 14 jours montre l’absence d’atteinte anatomique grave ; cet état antérieur évolue pour son propre compte, n’est pas d’origine traumatique et ne peut être imputable à l’AT ; la date de consolidation doit être fixée au 10/06/2021, date de rédaction du CMI et délai habituel pour ce type de pathologie contusionnelle simple”. Le 08 novembre 2024, le docteur [O] [K] établi un second avis complémentaire faisant état de ce que “ On peut donc confirmer que la pathologie tendineuse présentée est d’origine dégénérative et non traumatique comme nous l’indique le délai de prise en charge chirurgicale et la symptomatologie présentée. Il s’agit donc bien d’une pathologie totalement étrangère à l’AT. Dans ce contexte, l’ensemble des arrêts et soins prescrits ne peut être lié de manière directe et certaine au sininstre nous intéressant. Après étude attentive des éléments transmis récemment seuls les arrêts jusqu’au 19/07/2021, date à laquelle est mis en avant cette tendinopathie non traumatique, peuvent être imputés à l’AT.”. La S.A.S PELLENC sollicite une expertise médicale.
La CPAM HD VAUCLUSE estime pour sa part que la présomption d’imputabilité s’applique jusqu’à la consolidation de l’état de santé de l’assuré, sans que la caisse ait besoin de démontrer la continuité des symptômes et des soins. Elle rappelle l’avis de son médecin conseil qui a conclu que l’ensemble des soins et arrêts de travail jusqu’à la date de consolidation était en rapport avec l’accident du travail du 27 mai 2021. Elle sollicite le rejet des demandes formulées par la S.A.S. PELLENC, et s’oppose également à sa demande d’expertise médicale estimant notamment, outre la démonstration de la continuité des symtomes et soins, que l’existence d’un état patholgique antérieur ne prive pas l’assuré du bénéfice de la législation professionnelle.
Compte tenu des appréciations divergentes des parties, il y a lieu de considérer que les éléments de l’espèce mettent en évidence la présence d’un différend médical qui doit donner lieu à une consultation médicale hors audience sur pièces aux fins de prendre en compte l’ensemble des documents médicaux établis dans ce dossier et d’estimer si les arrêts de travail et soins prescrits du 10 juin 2021 jusqu’à la date de consolidation soit le 17 juillet 2024 sont la conséquence directe et exclusive de l’accident de travail dont a été victime Monsieur [O] [T] le 27 mai 2021, dans les conditions précisées dispositif du présent jugement.
Sur les frais de la mesure expertale
Il convient de rappeler que, depuis le 1er janvier 2022, il n’y a pas lieu à consignation à valoir sur les honoraires du consultant qui seront à la charge de la caisse de sécurité sociale en application de l’article L.142-11 du code de la sécurité sociale, modifié par la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 (article 61).
En l’espèce, le recours ayant été introduit le 28 Avril 2022, il n’y a pas lieu à consignation, les honoraires du consultant devant être pris en charge par caisse, conformément aux dispositions de l’article précité dans sa version applicable aux contestations, aux recours préalables et aux recours juridictionnels introduits à compter du 1er janvier 2022.
Sur les dépens
Au vu de la consultation ordonnée, les dépens seront réservés.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article R.142-10-6 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le tribunal peut ordonner l’exécution par provision de ses décisions.
Au vu de la consultation ordonnée, l’exécution provisoire s’impose.
Le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, avant dire droit :
Ordonne une consultation médicale sur pièces confiée au docteur [C] [D], qui aura lieu le 16 mai 2025 à 10h30 au cabinet médical du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon :
2 Boulevard Limbert
Rez de chaussée
84078 AVIGNON CEDEX 9
Tel : 04.32.74.74.00
pole-social.tj-avignon@justice.fr
Fixe la mission suivante:
– prendre connaissance du dossier et de tous les certificats et documents médicaux qui lui paraitront utiles pour l’accomplissement de sa mission et de se les faire remettre en quelque mains qu’ils se trouvent;
– procéder à l’examen sur pièces du dossier de [O] [T], le médecin conseil et le médecin recours ([O] [K] – BP22 – 69370 SAINT DIDIER au MONT D’OR Cedex) ayant été préalablement avisés de la date et du lieu de cet examen;
– prendre connaissance des éléments produits par les parties, à charge pour le consultant de les inventorier.
Ordonne à la CPAM HD VAUCLUSE et en tant que de besoin à son service médical de communiquer au greffe du pôle social dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision un courrier, sous pli fermé avec la mention « confidentiel » à l’attention du docteur [C] [D], contenant l’intégralité du rapport médical reprenant éventuellement les constats résultant de l’examen clinique de [O] [T] ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision ;
Ordonne à la CPAM HD VAUCLUSE, et si besoin son service médical, de communiquer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision, l’intégralité du rapport médical ayant fondé la décision litigieuse, reprenant éventuellement les constats résultant de l’examen clinique de [O] [T] ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision, au médecin mandaté par la S.A.S. PELLENC : docteur [O] [K] – BP22 – 69370 SAINT DIDIER au MONT D’OR Cedex;
Dit que le consultant établira, sans avoir à établir un pré-rapport, ni recueillir au préalable les observations des parties, un rapport répondant aux questions suivantes en détaillant les éléments médicaux retenus :
dire si les arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse de sécurité sociale au titre de l’accident du travail du 27 mai 2021sont en relation directe et exclusive avec les lésions décrites dans le certificat médical initial ou s’ils correspondent en tout ou partie à un état pathologique préexistant ou indépendant ;le cas échéant, fixer la durée des arrêts de travail en lien direct et certain avec l’accident du travail;faire toute observation utile.
Dit que le médecin consultant établira un rapport écrit rappelant succinctement les éléments retenus pour répondre aux questions susvisées ;
Rappelle que les frais de la consultation sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie en application des dispositions de l’article L.142-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux contestations, aux recours préalables et aux recours juridictionnels introduits à compter du 1er janvier 2022 ;
Rappelle en tant que de besoin que la présente mission est une mission de consultation, ordonnée en application des articles 256 et suivants du code de procédure civile et 1 de l’arrêté du 21 décembre 2018 et non une mission d’expertise, qu’ainsi notamment, il est demandé au consultant de donner un avis succinct, et il ne lui est pas demandé de dresser un pré-rapport ni de répondre aux observations éventuelles des parties ;
Dit qu’en cas d’empêchement légitime du consultant, il sera procédé à son remplacement par simple mention au dossier ;
Dit que le médecin consultant déposera son rapport, soit après la consultation, soit dans le délai de quinze jours suivant la consultation, auprès du greffe du tribunal, qui en assurera la transmission aux parties ;
Rappelle qu’en application de l’article R.142-16-4 du code de la sécurité sociale, le rapport du médecin-consultant sera notifié par le greffe du tribunal au médecin-conseil mandaté par l’employeur si ce dernier en fait la demande et dit qu’en application du principe d’égalité des armes résultant du droit à un procès équitable posé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme le rapport du médecin-consultant sera également notifié au praticien-conseil de la caisse si cette dernière en fait la demande ;
Dit que postérieurement au dépôt du rapport, les parties seront à nouveau convoquées par les soins du greffe à une nouvelle audience ou à l’initiative de la partie la plus diligente
Réserve le sort des autres demandes ainsi que des dépens de l’instance ;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon le 22 janvier 2025.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Laisser un commentaire