L’Essentiel : Monsieur [P] [E] a été embauché le 1er novembre 2010 par la société [3] en tant qu’assistant de piste. Le 3 août 2018, il a subi un accident du travail, entraînant une tendinite de Quervain au bras droit. La CPAM a pris en charge l’accident, et Monsieur [P] a été en arrêt de travail jusqu’au 28 février 2019. Contestant cette prise en charge, la société [3] a saisi le tribunal, mais la CPAM a prouvé l’imputabilité de l’accident. Le tribunal a débouté l’employeur, considérant que les éléments fournis justifiaient les arrêts de travail.
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Embauche et Accident de TravailMonsieur [P] [E] a été embauché le 1er novembre 2010 par la société [3] en tant qu’assistant de piste et tractiste d’avions. Le 6 août 2018, la société a déclaré un accident du travail survenu le 3 août 2018, lorsque l’agent a ressenti une douleur au coude droit en chargeant des bagages dans la soute de l’avion. Certificat Médical et Prise en ChargeLe certificat médical initial, établi le 3 août 2018, mentionne une « tendinite de Quervain bras droit » et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 8 août 2018. Le 8 août 2018, la CPAM de l’Isère a notifié la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. La guérison de Monsieur [P] [E] a été fixée au 28 février 2019, totalisant 162 jours d’arrêts de travail imputés à cet accident. Contestation de l’EmployeurPar courrier du 7 avril 2020, la société [3] a contesté l’opposabilité des soins et des arrêts de travail auprès de la commission de recours amiable de la CPAM, qui a rejeté le recours le 15 mai 2020. La société a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Lyon le 25 juin 2020, demandant une expertise médicale judiciaire pour déterminer si l’accident avait révélé ou aggravé un état antérieur. Absence de la CPAM et ConclusionsBien que la CPAM de l’Isère ait été régulièrement convoquée, elle n’était pas présente lors de l’audience du 23 octobre 2024, mais a transmis ses conclusions au tribunal. La CPAM a demandé le déboutement de la société [3] de ses demandes. Présomption d’ImputabilitéL’article L.411-1 du code de la sécurité sociale établit une présomption d’imputabilité au travail pour les accidents survenus au temps et au lieu de travail, s’étendant aux soins et arrêts de travail prescrits. Cette présomption s’applique tant que l’arrêt de travail est justifié par un certificat médical initial. Éléments de Preuve et Décision du TribunalLa CPAM a fourni des éléments prouvant la présomption d’imputabilité, y compris le certificat médical initial et un contrôle médical confirmant la justification des arrêts de travail. En réponse, l’employeur a présenté un avis médico-légal contestant l’imputabilité des arrêts, mais le tribunal a relevé que la lésion initiale était compatible avec les arrêts de travail. Conclusion du JugementLe tribunal a débouté la société [3] de sa demande d’expertise médicale, considérant que les éléments fournis par la CPAM étaient suffisants pour justifier la prise en charge des arrêts de travail. La société a également été condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?La présomption d’imputabilité d’un accident du travail est régie par l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule : « Un accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé imputable au travail. Cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail et pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. » Cette présomption s’applique dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. À défaut, cette présomption s’applique à la condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins. Il est également précisé que cette présomption s’applique y compris aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale. Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de contestation de l’imputabilité des soins et arrêts de travail ?L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale précise que l’employeur peut contester l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse. Cependant, il lui incombe de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail. Il est important de noter qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle. De plus, l’article 146 du Code de procédure civile stipule que « une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de pallier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. » Ainsi, une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Quelles sont les conséquences d’une absence de justification de l’employeur concernant l’imputabilité des arrêts de travail ?En l’absence de justification suffisante de l’employeur concernant l’imputabilité des arrêts de travail, la présomption d’imputabilité au travail demeure en vigueur. Cela signifie que la caisse primaire d’assurance maladie peut se prévaloir de cette présomption pour justifier la prise en charge des soins et des arrêts de travail. Dans le cas présent, la CPAM a produit un certificat médical initial qui constate les lésions imputables à l’accident du travail et prescrit un arrêt de travail. Elle a également justifié de la guérison de l’assuré, intervenue le 28 février 2019, et a confirmé, par un contrôle médical, que les arrêts de travail étaient justifiés. Ainsi, sans preuve de la part de l’employeur d’une cause totalement étrangère au travail, la demande d’expertise médicale sur pièces a été déboutée. Comment le tribunal évalue-t-il la pertinence d’une demande d’expertise médicale ?Le tribunal évalue la pertinence d’une demande d’expertise médicale en fonction des éléments de preuve fournis par les parties. Selon l’article 146 du Code de procédure civile, une expertise ne peut être ordonnée que si des éléments probants sont présentés. Dans le cas présent, l’employeur a tenté de contredire la présomption d’imputabilité en fournissant un avis médico-légal, mais le tribunal a constaté que le certificat médical initial mentionnait clairement une « tendinite de Quervain bras droit ». Le tribunal a également noté que les considérations de l’employeur sur la durée des arrêts de travail et la gravité de la lésion initiale ne suffisaient pas à établir une cause totalement étrangère au travail. Ainsi, le tribunal a jugé que la demande d’expertise médicale n’était pas justifiée et a débouté l’employeur. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
22 Janvier 2025
Jérôme WITKOWSKI, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, greffiere
tenus en audience publique le 23 Octobre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Janvier 2025 par le même magistrat
S.A.S.U. [3] C/ CPAM DE L’ISERE
N° RG 20/01255 – N° Portalis DB2H-W-B7E-U645
DEMANDERESSE
S.A.S.U. [3],
siège social : Aéroport de [4] – [Localité 2]
représentée par la SAS BDO AVOCATS LYON, avocats au barreau de LYON,
DÉFENDERESSE
CPAM DE L’ISERE,
Siège social : [Adresse 1]
non comparante, moyens exposés par écrit (art R 142-10-4 du code de la sécurité sociale).
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
S.A.S.U. [3]
CPAM DE L’ISERE
la SAS BDO AVOCATS LYON, toque 1134
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CPAM DE L’ISERE
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [P] [E] a été embauché le 1er novembre 2010 par la société [3] en qualité d’assistant de piste et tractiste d’avions.
Le 6 août 2018, la société [3] a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Isère un accident du travail survenu le 3 août 2018 à 7h00 et décrit de la manière suivante : « En chargeant les bagages dans la soute de l’avion, l’agent aurait ressenti une douleur au coude droit ».
Le certificat médical initial établi le 3 août 2018 fait état des lésions suivantes : « tendinite de Quervain bras droit » et prescrit un premier arrêt de travail jusqu’au 8 août 2018 inclus.
Le 8 août 2018, la CPAM de l’Isère a notifié à la société [3] la prise en charge de l’accident du 3 août 2018 au titre de la législation professionnelle.
La guérison de monsieur [P] [E] a été fixée au 28 février 2019.
Au total, 162 jours d’arrêts de travail ont été imputés à cet accident du travail sur le compte de cotisations de l’employeur.
Par courrier du 7 avril 2020, la société [3] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de l’Isère afin de contester l’opposabilité à son égard des soins et des arrêts de travail imputés à cet accident du travail.
Le 15 mai 2020, la commission de recours amiable de la CPAM de l’Isère a rejeté le recours de l’employeur.
La société [3] a saisi du litige le pôle social du tribunal judiciaire de LYON par requête du 25 juin 2020, réceptionnée par le greffe le 30 juin 2020.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 23 octobre 2024, la société [3] demande au tribunal d’ordonner une expertise médicale judiciaire afin essentiellement de dire si l’accident du travail a révélé ou aggravé temporairement un état antérieur et, dans l’affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte.
Bien que régulièrement convoquée par le greffe par lettre recommandée réceptionnée le 29 juillet 2024, la CPAM de l’Isère n’était pas présente, ni représentée lors de l’audience du 23 octobre 2024.
Elle a cependant fait parvenir au tribunal ses conclusions par courrier réceptionné le 7 octobre 2021, lesquelles ont été transmises contradictoirement conformément à l’article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le jugement sera donc contradictoire à son égard.
Aux termes de ses conclusions, la CPAM de l’Isère demande au tribunal de débouter la société [3] de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au temps et au lieu du travail, qui s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail et pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.
Cette présomption d’imputabilité au travail s’applique dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. A défaut, cette présomption s’applique à la condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins.
Cette présomption s’applique y compris aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale.
De même, la révélation ou l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en totalité au titre de l’accident du travail.
Cette présomption ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’employeur conteste l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ultérieurement à l’accident du travail, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail, étant précisé qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Il est rappelé à cet égard qu’aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de palier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. Ainsi, une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés.
Enfin, la référence à la durée excessive des arrêts de travail, à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ou à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur, n’est pas de nature à établir de manière suffisante l’existence d’un litige d’ordre médical susceptible de justifier une demande d’expertise.
En l’espèce, la CPAM de l’Isère verse aux débats le certificat médical initial établi le 3 août 2018, constatant les lésions imputables à l’accident du travail et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 8 août 2018 inclus.
Elle justifie également de la guérison de l’assuré, intervenue le 28 février 2019.
Au surplus, la caisse primaire justifie du contrôle réalisé le 28 novembre 2018 par un praticien du service médical de la caisse, confirmant que les arrêts de travail prescrits au titre de la législation professionnelle sont justifiés.
La caisse primaire d’assurance maladie produit donc des éléments suffisants lui permettant de se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail des arrêts de travail et des soins prescrits au salarié à compter du 3 août 2018 et jusqu’au 28 février 2019, date de la guérison.
Pour tenter de contredire cette présomption, l’employeur verse aux débats un avis médico-légal établi sur pièces par son médecin conseil, le docteur [C] [D], en date du 11 octobre 2021 (pièce n°7) mettant en cause l’imputabilité au travail des arrêts litigieux au motif que le certificat médical initial faisant état d’une tendinite de De Quervain, seules doivent être prises en charge les lésions au niveau du poignet droit.
Selon le médecin conseil de l’employeur, les certificats médicaux de prolongation au-delà du 7 septembre 2018 étant justifiés par une « tendinite au bras droit », il en déduit que la prise en charge des arrêts de travail et des soins au titre de la législation professionnelle ne serait plus justifiée à compter de cette date, en l’absence de notification de prise en charge d’une nouvelle lésion par l’organisme.
Sur ce, le tribunal relève que le certificat médical initial porte dès l’origine la mention d’une « Tendinite de Quervain bras droit ».
Ainsi, en dépit de l’imprécision de la terminologie utilisée par le médecin prescripteur dès le certificat médical initial, puis sur certains certificats médicaux de prolongation édités à compter du 10 septembre 2018, le médecin conseil de la caisse a néanmoins considéré, notamment à l’occasion du contrôle effectué le 28 novembre 2018, que la lésion ainsi décrite demeurait compatible avec la lésion initiale et affectait en réalité le même siège de lésion.
Enfin, les considérations générales de l’employeur tenant à la disproportion entre la lésion initiale et la durée des arrêts de travail ne sont pas davantage de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine exclusive des arrêts de travail et des soins prescrits à compter du 7 septembre 2018.
La société [3] sera par conséquent déboutée de sa demande d’expertise médicale sur pièces.
Le pôle social du tribunal judiciaire de LYON, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la société [3] de sa demande d’expertise médicale judiciaire ;
CONDAMNE la société [3] aux dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2025 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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