L’Essentiel : Monsieur [Z] [O] a été embauché le 26 mai 2003 par la société S.A.S [5] [Localité 7] en tant qu’agent de piste. Le 24 février 2015, il a subi un accident du travail, entraînant 271 jours d’arrêt. En décembre 2018, la société a contesté les arrêts de travail auprès de la CPAM de l’Isère, puis a demandé une expertise judiciaire. Lors de l’audience du 2 mai 2024, la société a soutenu que la durée des arrêts était excessive. Le tribunal a finalement débouté la société de sa demande d’expertise, déclarant inopposables les soins à partir du 8 mars 2015.
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Embauche et Accident de TravailMonsieur [Z] [O] a été embauché le 26 mai 2003 par la société S.A.S [5] [Localité 7] en tant qu’agent de piste. Le 27 février 2015, la société a déclaré un accident du travail survenu le 24 février 2015, où Monsieur [Z] [O] a ressenti des douleurs au bas du dos en chargeant la soute d’un avion de fret. Suite à cet incident, il a bénéficié de 271 jours d’arrêt de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle. Contestation des Arrêts de TravailLe 3 décembre 2018, la société S.A.S [5] [Localité 7] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de l’Isère pour contester l’opposabilité des arrêts de travail et des soins liés à l’accident. Par la suite, le 19 février 2019, elle a introduit une requête auprès du tribunal de grande instance de Lyon, demandant une expertise médicale judiciaire pour déterminer si l’accident avait révélé ou aggravé un état antérieur. Demande d’Expertise MédicaleLors de l’audience du 2 mai 2024, la société a demandé que les arrêts de travail et les soins prescrits au-delà du 8 mars 2015 soient déclarés inopposables. Elle a soutenu que la durée des arrêts de travail était anormalement longue, suggérant une possible pathologie antérieure. La CPAM de l’Isère, bien que convoquée, n’était pas présente lors de l’audience. Jugement et Décisions du TribunalLe tribunal a ordonné la réouverture des débats pour permettre à la CPAM de faire valoir ses observations. Cependant, la CPAM n’a pas comparu lors de l’audience du 23 octobre 2024, et le jugement a été réputé contradictoire à son égard. Le tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité au travail s’applique aux accidents survenus au temps et au lieu de travail, mais que l’employeur peut contester cette imputabilité. Conclusion du TribunalLe tribunal a débouté la société S.A.S [5] [Localité 7] de sa demande d’expertise médicale, considérant que les éléments fournis ne justifiaient pas une telle mesure. Il a également déclaré inopposable à la société la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits à Monsieur [Z] [O] à compter du 8 mars 2015, condamnant la CPAM de l’Isère aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité au travail en cas d’accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale établit une présomption d’imputabilité au travail pour les accidents survenus au temps et au lieu de travail. Cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident et pendant toute la durée d’incapacité de travail, jusqu’à la guérison complète ou la consolidation de l’état de la victime. Il est précisé que cette présomption s’applique dès qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. À défaut, la présomption s’applique à condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins. Cette présomption couvre également les lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale. Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de contestation des soins et arrêts de travail ?L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale précise que l’employeur peut contester l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse. Cependant, il doit rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail. Il est important de noter qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle. De plus, l’article 146 du Code de procédure civile stipule qu’une mesure d’instruction ne peut pas pallier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. Ainsi, une mesure d’expertise n’est ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Quelles sont les conséquences de l’absence de justification de la CPAM concernant les soins et arrêts de travail ?Dans le cas présent, la CPAM de l’Isère n’a pas justifié des lésions imputables à l’accident du travail qui seraient à l’origine des soins et des arrêts de travail contestés. Elle n’a pas non plus fourni de preuve concernant la date de consolidation de l’état de l’assuré. En conséquence, la CPAM ne peut bénéficier de la présomption d’imputabilité au travail des soins et des arrêts de travail prescrits à Monsieur [Z] [O] au-delà du 7 mars 2015. Cela signifie que la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail et des soins prescrits à compter du 8 mars 2015 est déclarée inopposable à la société S.A.S [5] [Localité 7]. Quelles sont les conditions pour qu’une demande d’expertise médicale soit justifiée ?La demande d’expertise médicale formulée par la société S.A.S [5] [Localité 7] doit être fondée sur des éléments probants. Cependant, la référence à la durée excessive des arrêts de travail, à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ou à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur ne suffit pas à établir un litige d’ordre médical. Il est rappelé que la demande d’expertise devient dépourvue d’objet si la caisse primaire ne justifie pas de l’imputabilité des soins et arrêts de travail. Dans ce cas, la demande d’expertise a été rejetée, car elle n’était pas fondée sur des éléments probants suffisants. Ainsi, le tribunal a débouté la société S.A.S [5] [Localité 7] de sa demande d’expertise médicale judiciaire. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
22 Janvier 2025
Jérôme WITKOWSKI, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, greffiere
tenus en audience publique le 23 Octobre 2024
jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Janvier 2025 par le même magistrat
S.A.S. [5] [Localité 7] C/ CPAM DE L’ISERE
N° RG 19/00740 – N° Portalis DB2H-W-B7D-TUKT
DEMANDERESSE
S.A.S. [5] [Localité 7],
Siège social : [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par la SAS [6] [Localité 7], avocats au barreau de [Localité 7],
DÉFENDERESSE
CPAM DE L’ISERE,
Siège social : [Adresse 1]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
S.A.S. [5] [Localité 7]
CPAM DE L’ISERE
la SAS [6] [Localité 7], toque 1134
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
S.A.S. [5] [Localité 7]
la SAS [6] [Localité 7], toque 1134
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [Z] [O] a été embauché le 26 mai 2003 par la société S.A.S [5] [Localité 7] en qualité d’agent de piste.
Le 27 février 2015, la société S.A.S [5] [Localité 7] a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Isère un accident du travail survenu le 24 février 2015 à 22h15 et décrit de la manière suivante : « Douleur au niveau du bas du dos en chargeant la soute d’un avion de fret ».
Suite à cet accident, monsieur [Z] [O] a bénéficié de 271 jours d’arrêt de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle et imputés sur le compte employeur.
Par courrier du 3 décembre 2018, la société S.A.S [5] [Localité 7] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de l’Isère afin de contester l’opposabilité des arrêts de travail et des soins imputés à l’accident dont a été victime monsieur [Z] [O] le 24 février 2015.
Par requête réceptionnée par le greffe le 19 février 2019, la société S.A.S [5] [Localité 7] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, devenu tribunal judiciaire de Lyon.
Aux termes de sa requête introductive d’instance, soutenue oralement lors de l’audience du 2 mai 2024, la société S.A.S [5] [Localité 7] demande au tribunal d’ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire afin essentiellement de dire si l’accident du travail a révélé ou aggravé temporairement un état antérieur et, dans l’affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte.
Oralement lors de l’audience, la société S.A.S [5] [Localité 7] ajoute une demande subsidiaire, tendant à ce que lui soient déclarés inopposables les arrêts de travail et les soins prescrits au-delà de l’arrêt de travail prévu par le certificat médical initial, soit à compter du 8 mars 2015.
Au soutien de ses demandes, la société S.A.S [5] [Localité 7] fait valoir que la durée anormalement longue des arrêts de travail accordés au salarié semble conforter l’idée que la date de consolidation a été fixée tardivement ou qu’il existait un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte. Elle ajoute que pour solliciter une expertise médicale, l’employeur n’a pas besoin à ce stade de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail, la seule production d’un commencement de preuve accréditant cette hypothèse étant suffisante.
Bien que régulièrement convoquée par le greffe par lettre recommandée réceptionnée le 26 février 2024, la CPAM de l’Isère n’était pas présente, ni représentée lors de l’audience du 2 mai 2024.
Par jugement du 8 juillet 2024, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère de faire valoir ses éventuelles observations sur la demande subsidiaire de la S.A.S. [5] [Localité 7], tendant à ce que lui soient déclarés inopposables les arrêts de travail et les soins prescrits à monsieur [Z] [O] au-delà de l’arrêt de travail prévu par le certificat médical initial, soit à compter du 8 mars 2015.
La caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère, à qui la décision précitée valant convocation a été régulièrement notifiée, n’a pas comparu et n’était pas représentée lors de l’audience du 23 octobre 2024.
Elle n’a pas davantage transmis ses moyens par courrier adressé au tribunal, en application des dispositions de l’article R.142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le présent jugement sera donc réputé contradictoire à son égard.
L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au temps et au lieu du travail, qui s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail et pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.
Cette présomption d’imputabilité au travail s’applique dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. A défaut, cette présomption s’applique à la condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins.
Cette présomption s’applique y compris aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale.
De même, la révélation ou l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en totalité au titre de l’accident du travail.
Cette présomption ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’employeur conteste l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ultérieurement à l’accident du travail, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail, étant précisé qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Il est rappelé à cet égard qu’aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de palier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. Ainsi, une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés.
Enfin, la référence à la durée excessive des arrêts de travail, à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ou à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur, n’est pas de nature à établir de manière suffisante l’existence d’un litige d’ordre médical susceptible de justifier une demande d’expertise.
En l’espèce, la CPAM de l’Isère ne justifie ni des lésions imputables à l’accident du travail qui seraient à l’origine des soins et des arrêts de travail contestés, ni de la date de consolidation de l’état de l’assuré.
Elle ne peut donc bénéficier de la présomption d’imputabilité au travail des soins et des arrêts de travail prescrits à monsieur [Z] [O] au-delà du 7 mars 2015, c’est à dire au-delà de la période couverte par le certificat médical initial et dont la prise en charge au titre de la législation professionnelle n’est pas contestée par la société S.A.S [5] [Localité 7].
Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer inopposable à la société S.A.S [5] [Localité 7] la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail et des soins prescrits à monsieur [Z] [O] à compter du 8 mars 2015.
Enfin, la demande d’expertise médicale formulée par la société requérante, justifiée par considérations générales relatives à la durée excessive des arrêts de travail eu égard à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ainsi qu’à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur, non seulement n’apparaît pas fondée mais devient, en tout état de cause, dépourvue d’objet compte tenu de la carence de la caisse primaire.
Cette demande d’expertise sera donc rejetée.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la société S.A.S [5] [Localité 7] de sa demande d’expertise médicale judiciaire.
DECLARE inopposable à la société S.A.S [5] [Localité 7] la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail et des soins prescrits à monsieur [Z] [O] à compter du 8 mars 2015 ;
CONDAMNE la CPAM de l’Isère aux dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2025 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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