L’Essentiel : Monsieur [O] [B], embauché le 5 juin 2017 comme ouvrier carreleur, a subi un accident de travail le 15 juin, entraînant une lombosciatique. Un certificat médical a été établi, et la CPAM a pris en charge l’accident. Malgré 489 jours d’arrêts de travail, la société [4] a contesté la durée des soins, mais la commission de recours amiable a rejeté sa demande. Le tribunal a confirmé la présomption d’imputabilité des arrêts de travail à l’accident, déboutant la société [4] de ses demandes et la condamnant aux dépens.
|
Embauche et Accident de TravailMonsieur [O] [B] a été embauché le 5 juin 2017 par la société [4] en tant qu’ouvrier carreleur. Il a été mis à disposition de la société [6]. Un accident du travail a été déclaré le 19 juin 2017, concernant un incident survenu le 15 juin 2017, où Monsieur [O] [B] a ressenti une douleur dans la jambe gauche en descendant du matériel au fond d’une piscine en construction. Certificat Médical et Prise en ChargeLe certificat médical initial, établi le 15 juin 2017, a diagnostiqué une lombosciatique gauche sans déficit sensitivo-moteur, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 16 juin 2017. La CPAM de la Gironde a notifié la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle le 25 juillet 2017. La consolidation de l’état de Monsieur [O] [B] a été fixée au 16 octobre 2018, avec un taux d’IPP de 3 % pour des séquelles liées à une hernie discale. Arrêts de Travail et ContestationAu total, 489 jours d’arrêts de travail ont été imputés à cet accident. Le 13 novembre 2019, la société [4] a contesté la durée des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM. La commission de recours amiable a rejeté cette contestation le 29 janvier 2020, ce qui a conduit la société [4] à saisir le tribunal judiciaire de Lyon le 30 juillet 2020. Demandes de la Société [4]La société [4] a demandé au tribunal de déclarer inopposables les arrêts de travail et soins pris en charge au-delà du 15 septembre 2017, et, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire pour déterminer les soins ayant une cause étrangère à l’accident. Elle a soutenu que l’assuré avait un état lombaire pathologique antérieur à l’accident. Position de la CPAMLa CPAM de la Gironde a demandé au tribunal de débouter la société [4], rappelant que les arrêts de travail bénéficient d’une présomption d’imputabilité à l’accident. Elle a souligné que l’employeur doit prouver l’existence d’une cause totalement étrangère pour contester cette présomption, ce qu’elle estime ne pas avoir été fait. Décision du TribunalLe tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité s’applique tant que l’incapacité de travail persiste. Il a noté que la société [4] n’a pas fourni d’éléments suffisants pour prouver une cause totalement étrangère aux arrêts de travail. En conséquence, la société [4] a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité des accidents du travail selon le Code de la sécurité sociale ?La présomption d’imputabilité des accidents du travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « Tout accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé imputable au travail. Cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident, pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. » Cette présomption s’applique également aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale. Elle demeure en vigueur même lorsqu’un accident révèle ou aggrave un état pathologique préexistant. Ainsi, tant que l’arrêt de travail a été initialement prescrit, la présomption d’imputabilité s’applique, sauf preuve du contraire par l’employeur. Quelles sont les obligations de l’employeur pour contester l’imputabilité des arrêts de travail ?L’employeur qui souhaite contester l’imputabilité des arrêts de travail doit se conformer à certaines exigences. Selon l’article L. 411-1 précité, l’employeur doit prouver que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail. Il est précisé que : « Une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle. » Cela signifie que l’employeur doit apporter des éléments probants pour établir que les arrêts de travail ne sont pas liés à l’accident du travail. En outre, l’article 146 du Code de procédure civile stipule que : « Une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de pallier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. » Ainsi, l’employeur ne peut pas demander une expertise judiciaire simplement pour combler un manque de preuves. Quelles sont les conséquences de la non-présentation de preuves suffisantes par l’employeur ?Si l’employeur ne présente pas de preuves suffisantes pour contester l’imputabilité des arrêts de travail, il risque de voir sa demande rejetée. Dans le cas présent, la CPAM a fourni des éléments médicaux justifiant la prise en charge des arrêts de travail, notamment : – Le certificat médical initial qui mentionne une lombosciatique invalidante. En conséquence, le tribunal a constaté que la société [4] n’avait pas apporté d’éléments probants pour établir l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Ainsi, la société a été déboutée de ses demandes, conformément aux dispositions légales en vigueur. Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur la demande d’expertise judiciaire ?La demande d’expertise judiciaire formulée par la société [4] a été rejetée par le tribunal. L’article 146 du Code de procédure civile précise que : « Une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de pallier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. » Cela signifie que l’expertise ne peut être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments crédibles justifiant l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que la société [4] n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir un lien de causalité entre les arrêts de travail et une cause étrangère. Par conséquent, la demande d’expertise a été considérée comme non fondée, et la société a été déboutée de l’ensemble de ses demandes. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
22 Janvier 2025
Jérôme WITKOWSKI, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, greffiere
tenus en audience publique le 23 Octobre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Janvier 2025 par le même magistrat
Société [4] C/ CPAM DE LA GIRONDE
N° RG 20/01472 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VC3U
DEMANDERESSE
Société [4],
Siège social : [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP DUVAL AVOCAT & CONSEIL, avocats au barreau de DIJON,
DÉFENDERESSE
CPAM DE LA GIRONDE,
Siège social : [Adresse 5]
[Localité 2]
non comparante, moyens exposés par écrit (art R 142-10-4 du code de la sécurité sociale ).
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
Société [4]
CPAM DE LA GIRONDE
la SCP DUVAL AVOCAT & CONSEIL, (DIJON)
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CPAM DE LA GIRONDE
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [O] [B] a été embauché le 5 juin 2017 par la société [4] en qualité de d’ouvrier carreleur et mis à la disposition de la société [6] (entreprise utilisatrice).
Le 19 juin 2017, la société [4] a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde un accident du travail survenu le 15 juin 2017 à 11h30 et décrit de la manière suivante : « En descendant du matériel au fond d’une piscine en construction, monsieur [O] [B] a ressenti une douleur dans la jambe gauche et s’est senti partir (malaise) ».
Le certificat médical initial établi le 15 juin 2017 fait état des lésions suivantes : « lombosciatique gauche sans déficit sensitivo-moteur » et prescrit un premier arrêt de travail jusqu’au 16 juin 2017.
Le 25 juillet 2017, la CPAM de la Gironde a notifié à la société [4] la prise en charge de l’accident du 15 juin 2017 au titre de la législation professionnelle.
La consolidation de monsieur [O] [B] a été fixée au 16 octobre 2018 avec attribution d’un taux d’IPP de 3 % au titre des séquelles suivantes : « raideur lombaire minime sur hernie discale L4 L5, survenue sur un état antérieur lombaire pathologique ».
Au total, 489 jours d’arrêts de travail ont été imputés à cet accident du travail sur le compte de cotisations de l’employeur.
Le 13 novembre 2019, la société [4] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de la Gironde afin de contester l’opposabilité à son égard de la durée des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Le 29 janvier 2020, la commission de recours amiable de la CPAM de la Gironde a rejeté le recours de l’employeur.
La société [4] a saisi du litige le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon par requête du 30 juillet 2020, réceptionnée par le greffe le 3 août 2020.
Aux termes de sa requête, soutenue oralement lors de l’audience du 23 octobre 2024, la société [4] demande au tribunal, à titre principal, de lui déclarer inopposable les arrêts de travail et les soins pris en charge au titre de la législation professionnelle par la CPAM de la Gironde au-delà du 15 septembre 2017 et, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer ceux des soins et arrêts de travail ayant une cause totalement étrangère à l’accident du 15 juin 2017.
La société [4] expose que l’assuré était atteint, avant l’accident, d’un état lombaire pathologique médicalement documenté et que les lésions apparues le 15 juin 2017 s’analysent en réalité en une majoration des symptômes de cet état antérieur. Il convient selon elle de distinguer les arrêts de travail et les soins justifiés par cette majoration des symptômes, imputables au sinistre du 15 juin 2017, de ceux justifiés par l’état pathologique antérieur qui ne le sont plus. Sur la base de divers barèmes indicatifs, elle propose de fixer à trois mois la part des arrêts de travail strictement imputables au sinistre, soit jusqu’au 15 septembre 2017.
Au soutien de sa demande subsidiaire d’expertise judiciaire, la société [4] prétend que les éléments ci-dessus évoqués constituent à tout le moins un commencement de preuve de nature à justifier du défaut de lien de causalité entre le sinistre du 15 juin 2017 et la durée des arrêts de travail, ajoutant qu’à défaut de disposer des éléments médicaux détenus par la caisse primaire, elle est en droit de solliciter l’institution d’une mesure d’expertise.
Bien que régulièrement convoquée par le greffe, la CPAM de la Gironde n’était pas présente, ni représentée lors de l’audience du 23 octobre 2024. Elle a cependant fait parvenir au tribunal ses conclusions par courrier réceptionné le 18 octobre 2024, lesquelles ont été transmises contradictoirement conformément à l’article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale de sorte que le jugement sera contradictoire à son égard.
Aux termes de ses conclusions, la CPAM de la Gironde demande au tribunal de débouter la société [4] de ses demandes.
La caisse primaire rappelle que les arrêts de travail et les soins prescrits jusqu’à la guérison ou la consolidation de l’assuré bénéficient d’une présomption d’imputabilité à l’accident et que l’employeur ne peut renverser cette présomption qu’à la condition de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine des arrêts contestés, ce qu’il ne fait pas en l’espèce. Elle précise que le service médical de la caisse a, quant à lui, confirmé la prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation professionnelle à deux reprises.
La caisse primaire s’oppose en outre à la demande d’expertise formulée par société [4], considérant que celle-ci ne justifie d’aucun élément objectif permettant d’établir que les arrêts de travail pourraient avoir une cause totalement étrangère au travail. Elle ajoute que de simples doutes fondés sur la longueur des arrêts de travail ou sur différents référentiels ne sauraient suffire à justifier une mesure d’expertise, rappelant également que celle-ci n’a pas pour finalité de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au temps et au lieu du travail, qui s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail, pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.
Cette présomption s’applique également aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale et demeure en outre lorsqu’un accident révèle ou aggrave un état pathologique préexistant.
Cette présomption d’imputabilité a vocation à s’appliquer pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant la guérison ou la consolidation, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. Dans le cas contraire, cette présomption s’applique à la condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins.
Cette présomption ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’employeur conteste l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ultérieurement à l’accident du travail, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail, étant précisé qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Il est rappelé à cet égard qu’aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de palier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. Ainsi, une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés.
Enfin, la référence à la durée excessive des arrêts de travail, à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ou à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur, n’est pas de nature à établir de manière suffisante l’existence d’un litige d’ordre médical susceptible de justifier une demande d’expertise.
En l’espèce, la CPAM de la Gironde verse aux débats le certificat médical initial établi le 15 juin 2017 par le docteur [R] [M], assorti d’un arrêt de travail jusqu’au 16 juin 2017 inclus.
Elle justifie également de la consolidation de l’état de l’assuré fixée au 17 octobre 2018.
Au surplus, la CPAM de la Gironde verse aux débats deux fiches de liaisons médico-administratives automatisées, éditées suite aux contrôles réalisés les 8 août 2017 et 7 novembre 2017 par deux praticiens différents du service médical et confirmant tous deux que les arrêts de travail prescrits au titre de la législation professionnelle sont justifiés.
La caisse primaire d’assurance maladie justifie ainsi d’éléments suffisants lui permettant de se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail des arrêts et des soins prescrits à compter du 15 juin 2017 et jusqu’au 17 octobre 2018, date de la consolidation.
Sur ce, la société [4] verse aux débats un compte rendu de service des urgences du 15 juin 2017, qualifiant la douleur ressentie par monsieur [O] [B] dans la jambe gauche de « majoration d’une sciatalgie ancienne ». Par ailleurs, la décision fixant le taux d’IPP après consolidation fait état, au titre des séquelles indemnisables, d’une « raideur lombaire minime sur hernie discale L4 L5 gauche, survenue sur un état antérieur lombaire pathologique ».
Si l’existence d’un état lombaire pathologique antérieur à l’accident ne fait aucun doute à la lecture de ces éléments, le tribunal relève que le certificat médical initial et l’intégralité des arrêts de travail de prolongation prescrits jusqu’au 16 octobre 2018 mentionnent une lombosciatique gauche « invalidante » ou « avec impotence fonctionnelle », caractérisant la « majoration » de l’état antérieur, qui ne causait manifestement pas une telle impotence fonctionnelle avant le sinistre dans la mesure où le salarié était en capacité de travailler.
En outre, le tribunal relève que les séquelles constatées lors de la consolidation sont consécutives à une hernie discale L4 L5 gauche, « survenue sur un état antérieur ». Il résulte de cette formulation que l’hernie discale constitue, après diagnostic, la lésion imputable au sinistre, non l’état antérieur allégué. Elle figure d’ailleurs sur certains certificats médicaux de prolongation à compter du 11 septembre 2017, précisant également le traitement de cette lésion par infiltrations à deux reprises ainsi que l’étude d’une éventuelle intervention chirurgicale en cas de besoin.
Il résulte de ces éléments que la prise en charge de l’aggravation de l’état antérieur au titre de la législation professionnelle demeurait justifiée tant que l’impotence fonctionnelle perdurait et tant que le traitement de l’hernie discale était en cours.
Ainsi, la société requérante ne verse aux débats aucun élément pertinent de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine exclusive des arrêts de travail et des soins prescrits au-delà du 15 septembre 2017, ni même ne justifie d’un commencement de preuve de nature à justifier que soit ordonnée une expertise judiciaire sur pièces.
La société [4] sera par conséquent déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la société [4] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la société [4] aux dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2024 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Laisser un commentaire