Importation de modèle contrefait : statut de faveur pour les particuliers ?

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Importation de modèle contrefait : statut de faveur pour les particuliers ?

L’Essentiel : Un particulier, condamné pour contrefaçon d’un presse-citron, a vu sa peine suspendue en raison de conséquences manifestement excessives. Bien qu’il ait été reconnu coupable d’importation et de commercialisation de modèles contrefaits, la cour a noté qu’il ne disposait pas des moyens financiers pour s’acquitter de sa condamnation. Cette décision souligne la possibilité pour les particuliers de bénéficier d’un statut de faveur en cas d’impossibilité d’exécution d’une décision judiciaire, même en matière de contrefaçon. La juridiction a ainsi refusé la radiation de l’affaire, tenant compte de la situation financière du condamné.

Un particulier, condamné sévèrement pour contrefaçon par importation de modèle (presse-citron), peut obtenir la suspension de sa condamnation au titre des conséquences manifestement excessives.

Il a été jugé qu’un particulier a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table « Press Art » en déposant le dessin et modèle n° 20163075 et, en tant que dirigeant de la société CPIM Thaïlande, en fournissant à la société Polymonde les presse-citrons litigieux (plus de 100 000 euros de dommages et intérêts).

S’agissant des conséquences manifestement excessives ou de l’impossibilité d’exécuter la décision, la juridiction a relevé que le particulier ne disposait pas des moyens de payer sa condamnation, la radiation de l’affaire a donc été refusée au titulaire des droits.

COUR D’APPEL

DE [Localité 3]

1ère chambre civile

N° RG 22/02068 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBI3

Appel d’une décision rendue par le tribunal judiciaire de NANCY en date du 24 juin 2022 – RG n° 17/00100

Ordonnance n° /2023

du 19 Juillet 2023

O R D O N N A N C E D’ I N C I D E N T

Nous, Nathalie CUNIN-WEBER, magistrat chargée de la mise en état de la 1ère chambre civile à la cour d’appel de NANCY, assistée de Céline PERRIN, greffier, lors de l’audience de cabinet du 31 Mai 2023,

Vu l’affaire en instance d’appel inscrite au répertoire général sous le N° RG 22/02068 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBI3,

APPELANT

Monsieur [Z] [U]

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l’AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Florian DUBOIS, substituant Me Gilles RINGEISEN, avocat plaidant, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.R.L. POLYMONDE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]

Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY

S.A.S. PRESS ART, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Sabine TOUSSAINT de la SELARL VIBIA, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Clothilde DELBECQ, avocat au barreau de LILLE

Avons, après avoir entendu à l’audience de cabinet du 31 Mai 2023 les avocats des parties en leurs explications, mis l’affaire en délibéré pour l’ordonnance être rendue le 19 Juillet 2023;

Et ce jour, 19 Juillet 2023, assistée de Céline PERRIN, greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSE :

Par jugement du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a statué ainsi dans le litige qui oppose la société Press’Art à la société Polymonde et à Monsieur [Z] [U] :

– Déclare la Société Press’Art recevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société Polymonde et de Monsieur [Z] [U],

– Déboute la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] de leurs demandes,

– Dit que la société Polymonde a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table « Press Art » en important et en commercialisant sur le territoire français les presse-citrons litigieux présentés sous la dénomination « L’indispensable »,

– Dit que Monsieur [Z] [U] a commis des actes de contrefaçon du presse-citron individuel de table « Press Art » en déposant le dessin et modèle n° 20163075 et, en tant que dirigeant de la société CPIM Thaïlande, en fournissant à la société Polymonde les presse-citrons litigieux,

– Condamne in solidum la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] à payer à la société Press’Art les sommes de :

– quarante-neuf mille six cents euros (49600 €) au titre du préjudice de perte d’exploitation,

– trente-neuf mille deux cent douze euros (39212 €) au titre du bénéfice retiré de l’atteinte aux droits,

– dix mille euros (10000 €) au titre du préjudice moral,

– Condamne Monsieur [Z] [U] à payer la somme de mille euros (1000 €) au titre du préjudice résultant du dépôt du modèle n° 20163075,

– Prononce la nullité du modèle n° 20163075,

– Ordonne la transmission de la décision à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des dessins et modèles,

– Condamne in solidum la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] à payer à la société Press’Art la somme de dix mille euros (10000 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Interdit la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] de reproduire, de représenter, de fabriquer, d’importer d’exporter et de commercialiser des copies du presse-citron individuel de table « Press Art », sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

– Ordonne la remise par la société Polymonde des moules permettant la fabrication des copies du presse-citron individuel de table « Press Art » à la société Press’Art en vue de leur destruction,

– Ordonne le rappel des copies du presse-citron individuel de table « Press Art » déjà mises sur le marché et la destruction de ces copies ainsi que de tout stock contrefaisant détenu directement ou indirectement par la société Polymonde ou Monsieur [U] aux frais des défendeurs,

– Ordonne la publication judiciaire du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet de la société Polymonde situé à l’adresse et de la société Press’Art situé à l’adresse pendant une durée de deux mois, ainsi que dans trois revues ou journaux au choix de la société Press’Art et aux frais avancés par la société Polymonde et par Monsieur [Z] [U], dans la limite de 5000 € par publication,

– Condamne in solidum la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] aux dépens, en ce compris l’ensemble des frais et charges exposés au titre de la saisie-contrefaçon réalisée, Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration au greffe en date du 1er août 2022 enregistrée le 2 août 2022, la société Polymonde a interjeté appel d’un jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy dans l’instance qui l’oppose à la société Press’Art, en présence de Monsieur [Z] [U] (RG 22/1816).

Par déclaration au greffe en date du 12 septembre 2022 enregistrée le 13 septembre 2022, Monsieur [Z] [U] a interjeté appel d’un jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy dans l’instance qui l’oppose aux sociétés Press’Art et Polymonde (RG 22/2068).

Par conclusions communiquées par voie électronique les 3 mars, 10 mai et 30 mai 2023, la société Press’Art a formé incident contre la société Polymonde et Monsieur [U] ;

elle conclut à la caducité de l’appel de la société Polymonde pour défaut de signification de la déclaration d’appel et subsidiairement, à la jonction des procédures d’appel initiées par la société Polymonde et Monsieur [U] dans un souci de bonne administration de la justice, de prononcer la radiation des appels faute d’exécution par les appelants du jugement déféré, de rejeter les prétentions des défendeurs à l’incident et de les condamner in solidum à payer à la société Press’Art une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience sur incidents du 31 mai 2023.

Elle a été mise en délibéré au 19 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de radiation de l’appel

A l’appui de son recours, la société Press’Art indique que Monsieur [U] se présente comme étant le fabriquant des produits en litige, selon les consignes de la société Polymonde qui les commercialise ;

elle fait valoir que Monsieur [U] sollicite la réformation du jugement entrepris, sans qu’il n’ait exécuté ses termes étant exécutoire par provision, ce qui justifie le prononcé de la radiation de l’appel de Monsieur [U] ;

Monsieur [U] affirme que la demande de radiation formée aurait des conséquences manifestement excessives et qu’il se trouve dans l’impossibilité d’exécuter le jugement étant un particulier qui ne dispose ni de fonds ni d’une trésorerie suffisante pour exécuter la décision dont appel ;

L’article 524 du code de procédure civile prévoit que « lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ; »

S’agissant des conséquences manifestement excessives ou de l’impossibilité d’exécuter la décision, il y a lieu de relever que Monsieur [U] simple particulier ne dispose pas des moyens de l’exécuter ;

Dès lors la demande de radiation formée par la société Press’Art sera rejetée ;

Sur la demande de jonction des appels

Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, ‘le juge peut à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt de bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble’;

En l’espèce nonobstant les particularités procédurales de chaque appel, lesquelles ont été arbitrées dans le cadre de la procédure sur incident, il est de l’intérêt d’une bonne justice de juger ensemble les appels formés par la société Polymonde d’une part et d’autre part par Monsieur [U], contre le jugement prononcé le 24 juin 2022, lequel emporte condamnation de l’un et de l’autre au titre d’actes de contre-façon ainsi que leur condamnation in solidum à indemniser la société Press’Art de son préjudice ; elle sera effectuée dans les termes prévus au dispositif ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Eu égard à la nature du litige, il n’apparaît pas opportun de faire bénéficier la société Press’Art des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les dépens de l’incident seront laissés à la charge de la société Press’Art.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente de chambre chargée de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d’être déférée à la cour conformément aux dispositions de l’article 916 du code de procédure civile,

Rejetons la demande de radiation formée par la société Press’Art ;

Ordonnons la jonction des procédures d’appel diligentées contre le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 24 juin 2022 tant par la société Polymonde (n°22/1816) que par Monsieur [Z] [U] (n°22/02068), sous le premier numéro ;

Condamnons la société Press’Art aux dépens de la procédure sur incident.

Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.

Signé : C. PERRIN Signé : N. CUNIN-WEBER

Minute en cinq pages.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire de contrefaçon impliquant Monsieur [Z] [U] et la société Press’Art ?

L’affaire concerne un particulier, Monsieur [Z] [U], qui a été condamné pour contrefaçon liée à un presse-citron individuel de table, dénommé « Press Art ».

Il a déposé le dessin et modèle n° 20163075 et, en tant que dirigeant de la société CPIM Thaïlande, a fourni à la société Polymonde des presse-citrons litigieux.

La décision du tribunal judiciaire de Nancy a entraîné des dommages et intérêts s’élevant à plus de 100 000 euros, ce qui a conduit à une demande de suspension de la condamnation en raison de conséquences manifestement excessives.

Quelles ont été les décisions prises par le tribunal judiciaire de Nancy concernant cette affaire ?

Le tribunal judiciaire de Nancy a rendu plusieurs décisions importantes dans cette affaire.

Il a déclaré la société Press’Art recevable à agir en contrefaçon contre la société Polymonde et Monsieur [Z] [U].

Le tribunal a également reconnu que la société Polymonde et Monsieur [Z] [U] avaient commis des actes de contrefaçon en important et commercialisant le presse-citron litigieux.

Monsieur [Z] [U] a été condamné à verser des sommes significatives à la société Press’Art, incluant des indemnités pour préjudice moral et perte d’exploitation.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel concernant la demande de radiation de l’appel ?

La cour d’appel a rejeté la demande de radiation de l’appel formulée par la société Press’Art.

Monsieur [Z] [U] a soutenu qu’il ne pouvait pas exécuter la décision en raison de son statut de particulier sans moyens financiers suffisants.

La cour a reconnu que l’exécution de la décision pourrait entraîner des conséquences manifestement excessives pour lui.

Ainsi, la demande de radiation a été refusée, permettant à Monsieur [Z] [U] de poursuivre son appel.

Quelles sont les implications de la jonction des appels dans cette affaire ?

La cour a ordonné la jonction des appels formés par la société Polymonde et Monsieur [Z] [U].

Cette décision a été prise dans un souci de bonne administration de la justice, permettant de traiter ensemble les appels contre le jugement du tribunal judiciaire de Nancy.

La jonction vise à simplifier le processus judiciaire et à éviter des décisions contradictoires concernant les mêmes faits de contrefaçon.

Cela permet également de garantir que les parties soient jugées de manière équitable et cohérente.

Quels sont les montants des dommages et intérêts accordés à la société Press’Art ?

La société Press’Art a été accordée plusieurs montants en dommages et intérêts suite à la décision du tribunal.

Elle a reçu 49 600 euros pour perte d’exploitation, 39 212 euros pour le bénéfice retiré de l’atteinte à ses droits, et 10 000 euros pour préjudice moral.

De plus, Monsieur [Z] [U] a été condamné à verser 1 000 euros pour le préjudice résultant du dépôt du modèle n° 20163075.

Ces montants illustrent l’impact financier significatif de la contrefaçon sur la société Press’Art.

Quelles sont les conséquences de la nullité du modèle n° 20163075 ?

La nullité du modèle n° 20163075 prononcée par le tribunal a des conséquences juridiques importantes.

Cela signifie que le modèle n’est plus protégé par les droits de propriété intellectuelle, ce qui empêche Monsieur [Z] [U] et la société Polymonde de l’utiliser légalement.

Cette décision vise à protéger les droits de la société Press’Art en tant que titulaire légitime des droits sur le presse-citron.

Elle permet également d’éviter que des produits contrefaisants continuent d’être commercialisés sur le marché.


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