L’Essentiel : Mme [E] [O] a été vaccinée contre l’hépatite B en 1994 et 1995 avec le vaccin ENGERIX B, et souffre de sclérose en plaques depuis 2001, qu’elle attribue à ce vaccin. En 2017, elle a assigné le laboratoire GLAXOSMITHKLINE et la CPAM pour établir un lien de causalité. Après une expertise judiciaire, Mme [O] a contesté le rapport, invoquant un manque d’impartialité de l’expert. Le tribunal a rejeté sa demande, concluant qu’aucun lien de causalité n’avait été prouvé et a débouté toutes ses demandes, la condamnant aux dépens de l’instance.
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Exposé du LitigeMme [E] [O] a été vaccinée contre l’hépatite B en 1994 et 1995 avec le vaccin ENGERIX B, produit par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE. Elle souffre de sclérose en plaques depuis 2001 et attribue cette maladie à l’administration du vaccin. En octobre 2017, elle a assigné le laboratoire et la CPAM de Meurthe-et-Moselle pour obtenir une expertise judiciaire afin de déterminer un lien de causalité entre le vaccin et sa maladie. Procédures JudiciairesLe président du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné une expertise judiciaire en janvier 2018, qui a été confiée au Docteur [G], puis remplacé par le Docteur [S] et enfin par le Docteur [X]. Ce dernier a déposé son rapport en novembre 2018. En juin 2020, Mme [O] a de nouveau assigné le laboratoire et la CPAM, demandant la nullité du rapport d’expertise et la désignation d’un nouvel expert, tout en invoquant la défectuosité du produit. Arguments de Mme [O]Mme [O] a soutenu que l’expert judiciaire manquait d’impartialité en raison de liens financiers avec le laboratoire. Elle a demandé la nullité du rapport d’expertise et la désignation d’un collège d’experts pour examiner son état de santé et établir un lien de causalité entre le vaccin et sa sclérose en plaques. Elle a également demandé des provisions pour ses préjudices. Arguments du Laboratoire GLAXOSMITHKLINELe Laboratoire GLAXOSMITHKLINE a contesté la demande de Mme [O], affirmant qu’aucun lien de causalité n’avait été établi entre la vaccination et la sclérose en plaques. Ils ont soutenu que le rapport d’expertise était valide et que les allégations de Mme [O] ne reposaient pas sur des preuves suffisantes. Ils ont également demandé le rejet de toutes les demandes de Mme [O]. Décision du TribunalLe tribunal a rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise, considérant que Mme [O] n’avait pas prouvé l’impartialité de l’expert. Il a également conclu que la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ne pouvait être engagée, car aucun lien de causalité n’avait été établi entre le vaccin et la maladie de Mme [O]. En conséquence, toutes les demandes de Mme [O] ont été déboutées. Conséquences FinancièresMme [O] a été condamnée aux dépens de l’instance et sa demande de provision a été rejetée. Le tribunal a également déclaré le jugement commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’expert judiciaire en matière d’impartialité ?L’article 237 du Code de procédure civile stipule que « Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ». Cette obligation d’impartialité est une formalité substantielle, et son inobservation peut entraîner la nullité de l’expertise. Dans le cas présent, Madame [O] conteste l’impartialité du Docteur [X], en raison de sa participation à des colloques financés par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE. Cependant, il a été établi que la simple participation à des événements scientifiques, même financés par une partie, ne suffit pas à remettre en cause l’indépendance de l’expert. Il n’a pas été prouvé que le Docteur [X] ait des liens d’intérêts significatifs avec le Laboratoire, ce qui pourrait affecter son impartialité. Ainsi, la demande d’annulation du rapport d’expertise a été rejetée, car Madame [O] n’a pas démontré de manière convaincante l’existence de conflits d’intérêts. Quelles sont les conditions pour engager la responsabilité du producteur d’un produit défectueux ?Selon l’article 1245 du Code civil, « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». Pour établir la responsabilité du producteur, il est nécessaire de prouver trois éléments : le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. L’article 1245-8 précise que « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». Dans cette affaire, le rapport d’expertise a conclu qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques de Madame [O]. L’expert a noté que les premières manifestations de la maladie sont survenues plusieurs années après la dernière injection du vaccin, ce qui remet en question l’existence d’un lien de causalité direct. Ainsi, la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ne peut être engagée, car les conditions pour établir un produit défectueux n’ont pas été remplies. Comment la preuve du lien de causalité peut-elle être établie dans le cadre d’un produit défectueux ?L’article 1245-3 du Code civil définit qu’un produit est défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». La jurisprudence a établi que la preuve du lien de causalité peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Cela signifie que le demandeur doit démontrer que le facteur invoqué est susceptible de causer le dommage, qu’il est hautement probable que ce facteur soit à l’origine du dommage, et que les autres causes possibles doivent être exclues. Dans le cas de Madame [O], bien que des éléments aient été présentés pour établir un lien entre la vaccination et la maladie, l’expert a conclu qu’il n’existait pas de preuve scientifique solide pour soutenir cette hypothèse. Les autorités sanitaires ont également affirmé qu’aucun lien n’avait été établi entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, ce qui a conduit à rejeter la demande de Madame [O]. Quelles sont les conséquences de l’absence de preuve d’un lien de causalité dans une action en responsabilité ?L’absence de preuve d’un lien de causalité a des conséquences directes sur la recevabilité de la demande en responsabilité. En effet, si le demandeur ne parvient pas à établir ce lien, comme le stipule l’article 1245-8 du Code civil, il ne peut pas obtenir réparation pour le dommage allégué. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que Madame [O] n’avait pas prouvé l’existence d’un lien de causalité entre le vaccin et sa sclérose en plaques, ce qui a conduit à la débouter de toutes ses demandes à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE. Ainsi, la responsabilité du producteur ne peut être engagée, et les demandes de provision et de dommages-intérêts sont également rejetées. En conclusion, l’absence de preuve d’un lien de causalité direct et certain entre le produit et le dommage est déterminante pour le rejet de la demande en responsabilité. |
JUGEMENT DU : 10 Janvier 2025
DOSSIER N° : N° RG 20/01586 – N° Portalis DBZE-W-B7E-HOYM
AFFAIRE : Madame [E] [O] C/ S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANCY
POLE CIVIL section 5
JUGEMENT
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRESIDENT : Madame Mathilde BARCAT,
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : Madame Emilie MARC
PARTIES :
DEMANDERESSE
Madame [E] [O], née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
représentée par Maître Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocats au barreau de NANCY, avocats plaidant, vestiaire : 16
DEFENDERESSES
S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 642 041 362, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sylvie MENNEGAND, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant, vestiaire : 50, Me Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, organisme de sécurité sociale de Madame [E] [O], immatriculée sous le n° [Numéro identifiant 2], dont le siège social est sis [Adresse 5]
défaillant
Clôture prononcée le : 12 septembre 2023
Débats tenus à l’audience du : 13 Novembre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 10 Janvier 2025
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 10 Janvier 2025
le
Copie+grosse+retour dossier : Maître Sylvie MENNEGAND
Copie+retour dossier : Maître Christian OLSZOWIAK
Mme [E] [O] explique qu’elle a été vaccinée en 1994 et 1995 contre le virus de l’hépatite B. Le vaccin ENGERIX B qui lui a été injecté a été produit par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE.
Mme [E] [O] qui souffre de sclérose en plaques depuis 2001 impute à l’administration de ce vaccin la survenue de cette maladie.
Par acte en date du 11 octobre 2017, elle a fait assigner le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE et la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) de Meurthe-et-Moselle devant le président du tribunal de grande instance de Nancy aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire pour déterminer s’il existe un lien de causalité entre l’apparition de la sclérose en plaques dont elle souffre et le vaccin contre le virus de l’hépatite B qui lui a été injecté.
Par ordonnance du 23 janvier 2018, le président du tribunal de grande instance de Nancy, statuant en référé, a fait droit à la demande de Madame [O] en ordonnant une mesure d’expertise confiée au Docteur [G].
Par ordonnances des 27 mars et 17 avril 2018, le président du tribunal de grande instance de Nancy a prononcé le remplacement du Docteur [G] par le Docteur [S], puis le remplacement du Docteur [S] par le Docteur [X].
L’expert judiciaire a déposé son rapport en date du 26 novembre 2018.
Par actes des 12 et 22 juin 2020, Madame [O] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nancy le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE et la CPAM DE MEURTHE-ET-MOSELLE pour à titre principal voir prononcer la nullité du rapport d’expertise, obtenir la désignation d’un nouvel expert médical, à titre subsidiaire pour voir constater la défectuosité du produit issu du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE et voir constater que la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE est engagée sur le fondement du produit défectueux.
Par conclusions d’incident en date du 19 janvier 2021, le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE a saisi le juge de la mise en état afin que la demande de Madame [O] visant à titre principal à prononcer la nullité du rapport d’expertise et ordonner une nouvelle expertise soit déclarée irrecevable, cette dernière ne formulant pas de demande de condamnation à l’encontre du concluant.
Par ordonnance du 31 janvier 2022, le juge de la mise en état a considéré que Madame [O] avait valablement saisi la juridiction d’une demande à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE en sollicitant « à titre subsidiaire, de constater que le vaccin produit par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE était défectueux ».
Par des conclusions notifiées au RPVA le 14 septembre 2022, qui sont ses dernières conclusions, selon les moyens de fait et de droit, Madame [E] [O] a demandé au tribunal, au visa des articles 232 et suivants, 237 et suivants du code de procédure civile, des articles 1245 et suivants du code civil, de :
A titre principal :
-constater l’existence de soupçons sur l’impartialité et l’indépendance de l’expert judiciaire ;
En conséquence prononcer la nullité du rapport d’expertise ;
-ordonner une expertise médicale et commettre pour y procéder tel expert qu’il plaira à la Juridiction avec mission de :
—désigner un collège d’experts composé d’un médecin spécialiste en neurologie, d’un médecin spécialiste en immunologie et d’un médecin spécialiste en épidémiologie et dire que ceux-ci auront pour mission de :
—faire injonction aux parties de communiquer aux experts toutes les pièces médicales et de toute autre nature qu’elles estiment propres à établir le bien fondé de leurs prétentions, ainsi que toutes celles que leur réclameront les experts dans le cadre de leur mission,
—dire qu’en cas de besoin et sans que le bénéfice du secret professionnel puisse leur être opposé, les experts pourront se faire directement communiquer par tous les tiers concernés (médecins, établissements hospitaliers, établissements de soins, praticiens ayant prodigué des soins à la demanderesse), toutes les pièces qui ne leur auront pas été produites par les parties et dont la production leur apparaîtra nécessaire à l’accomplissement de leur mission, à charge pour eux de communiquer aux parties les pièces ainsi directement obtenues afin qu’elles en aient contradictoirement connaissance,
—convoquer les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et leurs Conseils respectifs par simple lettre,
—convoquer, interroger, examiner Madame [O], rendre contradictoirement connaissance de son entier dossier médical,
—décrire les symptômes présentés par Madame [O] et dire de quelle pathologie elle est atteinte,
—préciser les différentes circonstances connues d’apparition de la pathologie présentée par Madame [O] et les modalités évolutives connues,
—préciser par quels moyens et à quelle date le diagnostic a été établi ainsi que les motifs de la recherche, décrire les différents épisodes de la maladie et leurs conséquences,
—dire, s’il y a lieu, quelles sont les conséquences pathologiques au jour de l’expertise, en décrire les signes cliniques, para-cliniques et biologiques et dire s’ils peuvent être rattachés à 14 d’autres causes,
—préciser si un traitement a été nécessaire et quels en ont été les modalités et les résultats,
—rechercher si Madame [O] a présenté, dans la période qui a précédé l’apparition des symptômes, des infections, affections ou autres événements qui peuvent leur être associés, dire notamment quels étaient les traitements médicaux suivis par Madame [O],
—rechercher les différentes vaccinations qui ont pu être pratiquées sur sa personne rechercher les numéros de lots et les dates d’injection, ainsi que les spécialités administrées,
—pour tous ces événements, préciser pour chacun d’eux les dates, les circonstances et les raisons, —décrire l’état antérieur ou certains facteurs de cet état antérieur qui ont pu avoir une conséquence sur la gravité ou l’évolution de l’affection en cause,
—donner un avis précis et circonstancié sur l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre l’administration du vaccin à Madame [O] et la pathologie et les symptômes ayant été présentés et étant encore présentés par la demanderesse,
—dire que les experts n’auront à examiner les troubles présentés par Madame [O] que pour autant que ceux-ci seront susceptibles d’être en relation avec la vaccination pratiquée,
-dire que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix ;
-dire que l’expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai d’un mois pour la production de leurs dires écrits ;
A titre subsidiaire :
-constater la défectuosité du produit issu du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ;
-constater que la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE est engagée sur le fondement du produit défectueux,
En tout état de cause :
-dire et juger que Madame [O] se réservera la possibilité de chiffrer ses préjudices après dépôt du rapport de l’expert qui aura été désigné ou la suite de la reconnaissance de la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE, en renvoyant le dossier au fond ;
-inviter Madame [O] à conclure sur l’étendue de ses préjudices ;
Mais d’ores et déjà,
-condamner la société Laboratoire GLAXOSMITHKLINE au paiement d’une provision de 30.000€ ;
-condamner le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE à verser à Madame [O] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE aux entiers frais et dépens de la procédure.
Au soutien de ses prétentions, Madame [E] [O] fait valoir :
-qu’un lien financier avec l’une des parties à l’instance remet inévitablement en cause l’objectivité et l’impartialité d’un expert judiciaire ;
-qu’en l’espèce, le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE finance les colloques auxquels participe le Professeur [X] comme intervenant ;
-que cette proximité entre une partie au procès et l’expert judiciaire fait planer un doute sur son objectivité et son impartialité, proximité qui doit être jugée suffisante pour remettre en cause l’indépendance et l’impartialité du Professeur [X] lors de cette expertise ;
-que dès lors, la nullité du rapport d’expertise doit être prononcée et une nouvelle expertise doit être ordonnée ;
A titre subsidiaire,
-que la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE se trouve engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1245-3 et suivants du code civil du fait de son produit défectueux ;
-que dans 4 arrêts du 22 mai 2008, la cour de cassation a reconnu au visa de l’article 1353 du code civil que tant la preuve du lien de causalité entre le défaut et le dommage que celle de la défectuosité du produit peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ;
-qu’il appartient donc aux juges du fond d’apprécier souverainement les présomptions au moyen de la technique du faisceau d’indices ;
-que parmi les indices permettant de présumer le lien de causalité, il a été reconnu d’une part la proximité chronologique entre la vaccination et la survenance des symptômes de la sclérose en plaque et d’autre part l’absence d’autres causes possibles de la maladie (ainsi de l’absence de prédispositions personnelles ou familiales notamment) ;
-qu’en l’espèce, Madame [O] n’avait aucun antécédent familial et aucune prédisposition personnelle ; que la première manifestation de la maladie a été concomitante à l’injection du vaccin, ce qui constitue un indice important du lien de causalité entre l’administration du vaccin et le développement de la sclérose en plaque ;
-qu’en outre, l’agence du médicament reconnaît explicitement que le vaccin accélère le développement de la sclérose en plaque déjà présente chez le sujet ; qu’il est mentionné dans la base de données publiques des médicaments que l’ENGERIX B peut avoir comme effet indésirable une affection démyélinisante du système nerveux central ; que plusieurs cas de scléroses en plaque à la suite d’une vaccination ont été rapportés ;
-que par ailleurs, la cour de cassation affirme parfaitement l’autonomie de la causalité juridique par rapport à la causalité scientifique ; ainsi, l’absence de certitude de l’existence d’un lien de causalité scientifique n’empêche pas la reconnaissance d’une causalité juridique ;
-qu’en l’espèce, le lien de causalité résulte de présomptions graves, précises et concordantes entre l’apparition de la maladie et l’injection de la dernière dose de vaccin ;
-que le tribunal ne pourra que reconnaître la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE du fait de son produit défectueux.
Par des conclusions récapitulatives notifiées au RPVA le 18 novembre 2022, qui sont ses dernières conclusions, selon les moyens de fait et de droit, le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE a demandé au tribunal, au visa des articles 143 et suivants du code de procédure civile et des articles 1245 et suivants du code civil, de :
A titre principal, sur la demande de nouvelle expertise,
-juger que la demande de nullité du rapport d’expertise déposée par le Docteur [X] le 26 novembre 2018 n’est justifiée par aucun motif sérieux ;
-débouter Madame [O] de sa demande d’annulation du rapport d’expertise déposé par le Docteur [X] le 26 novembre 2018 et de sa demande d’une nouvelle expertise formulée à titre principal en raison de son irrecevabilité ;
-débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ;
Si par impossible, le Tribunal devait ordonner une nouvelle expertise,
-mettre les frais de l’expertise qui serait le cas échéant ordonnée, à la charge de Madame [O] ;
-désigner, aux frais de la demanderesse, un collège expertal composé au minimum d’un médecin spécialisé en médecine légale, d’un neurologue et d’un médecin spécialisé en médecine interne (immunologue), avec la mission suivante :
« Fait injonction aux parties de communiquer aux experts toutes les pièces médicales et de toute autre nature, qu’elles estiment propres à établir le bien fondé de leurs prétentions, ainsi que toutes celles que leur réclameront les experts dans le cadre de leur mission ;
Dit qu’en cas de besoin ou à la demande d’une des parties, et sans que le bénéfice du secret professionnel puisse leur être opposé, les experts pourront se faire directement communiquer par tous les tiers concernés (médecins, établissements hospitaliers, établissements de soins, praticiens ayant prodigué des soins au demandeur) toutes les pièces médicales qui ne leur auront pas été produites par les parties, à charge pour eux de communiquer aux parties les pièces ainsi directement obtenues, afin qu’elles en aient contradictoirement connaissance ;
Donne aux experts la mission suivante, en les invitant à répondre à chacun des points visés :
1 – prendre connaissance de la présente ordonnance dans son intégralité ;
2 – convoquer toutes les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et leur conseil respectif par lettre simple ;
3 – procéder à l’audition contradictoire des parties et consigner leurs déclarations respectives ;
4 – procéder à l’examen clinique contradictoire du demandeur, noter ses doléances et les constatations effectuées, consigner les déclarations éventuelles des défendeurs ;
5 – déterminer la pathologie dont le demandeur est atteint au jour de l’examen ;
6 – décrire l’étiologie de la maladie dont souffre Madame [O] et préciser en l’état actuel de la science s’il est possible de circonscrire les facteurs pouvant être à l’origine de sa maladie. Donner si possible une liste exhaustive de ces facteurs ;
7 – déterminer les noms et numéros de lots de chacun des vaccins administrés à Madame [O], ainsi que leur date d’administration ;
8 – déterminer, de manière précise et circonstanciée, l’état le demandeur antérieurement à la vaccination litigieuse, en précisant notamment si il était ou non déjà atteint de cette pathologie et donner dans le cas de Madame [O], l’ensemble des facteurs ayant pu être à l’origine de cette pathologie ;
9 – déterminer s’il existe un lien de causalité direct et certain entre chacune des vaccinations reçues par le demandeur et les symptômes et troubles qu’il allègue, notamment en précisant si ces symptômes et troubles étaient ou non, la manifestation de l’apparition de ladite pathologie ou la manifestation d’une pathologie préexistante à l’injection litigieuse ;
10 – En cas de réponse positive à la question susvisée, rechercher l’état des connaissances scientifiques et de la pratique médicale à l’époque des faits ;
11 – décrire l’ensemble des lésions et séquelles constatées au jour de l’examen, directement et exclusivement imputables aux conséquences des injections litigieuses ;
12 – en ne s’attachant qu’aux seules lésions et séquelles décrites au point n°11 et dont demeure atteinte le demandeur à ce jour, évaluer contradictoirement l’ensemble des préjudices imputables aux vaccinations susvisées, en distinguant :
12-1. Gêne temporaire, totale ou partielle, constitutive d’un déficit fonctionnel temporaire
Que le demandeur exerce ou non une activité professionnelle, prendre en considération toutes les gênes temporaires, totales ou partielles, subies dans la réalisation de ses activités habituelles ; en préciser la nature et la durée,
12-2. Arrêt temporaire des activités professionnelles
En cas d’arrêt des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise,
12-3. Dommage esthétique temporaire
Décrire, en cas de besoin, le dommage esthétique avant consolidation représenté par « l’altération de l’apparence physique du patient, qui aurait eu des conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré »,
12-4. Les aides qui ont permis de pallier les gênes dans la réalisation des activités habituelles
Préciser si une aide – humaine ou matérielle – a été nécessaire et pendant quelle durée ; en discuter l’imputabilité aux vaccinations incriminées,
12-5. Soins médicaux avant consolidation
Préciser quels sont les soins consécutifs aux vaccinations incriminées, indépendamment de ceux liés à toute pathologie initiale,
12-6. Fixer la date de consolidation
12-7. Atteinte à l’intégrité physique et/ou psychique constitutive d’un déficit fonctionnel permanent Chiffrer le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique (AIPP) par référence au « barème d’évaluation des taux d’incapacité des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales », publié à l’annexe 11-2 du Code de la santé publique (décret n° 2003-314 du 4 avril 2003) ; au cas où le barème ne comporte pas de référence, indiquer les références à l’aide desquelles il a été procédé à l’évaluation,
12-8. Répercussion des séquelles sur l’activité professionnelle
Donner un avis médical sur l’éventuelle répercussion des séquelles imputables aux vaccinations incriminées sur les activités professionnelles antérieurement exercées,
12-9. Souffrances endurées
Décrire les souffrances endurées ; les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés,
12-10. Répercussion sur les activités d’agrément
Donner un avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour le demandeur, à des activités de loisir effectivement pratiquées antérieurement,
12-11. Soins médicaux après consolidation
Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillage ou de prothèse, après consolidation pour éviter une aggravation de l’état séquellaire ; justifier l’imputabilité des soins aux vaccinations incriminées, indépendamment de ceux liés à toute pathologie initiale, en précisant s’il s’agit de frais occasionnels, c’est-à-dire limités dans le temps, ou de frais viagers, c’est-à-dire engagés la vie durant.
12-12. En cas de perte d’autonomie : aide à la personne et aide matérielle
o dresser un bilan situationnel en décrivant avec précision le déroulement d’une journée (sur 24 h.),
o préciser les besoins et les modalités de l’aide à la personne, nécessaires pour pallier l’impossibilité ou la difficulté d’effectuer les actes et gestes de la vie courante, que cette aide soit apportée par l’entourage ou par du personnel extérieur,
o indiquer la fréquence et la durée d’intervention de la personne affectée à cette aide, en précisant, pour ce qui concerne la personne extérieure, la qualification professionnelle éventuelle,
o dire quels sont les moyens techniques palliatifs nécessaires au demandeur (appareillage, aide technique, véhicule aménagé…),
o décrire les gênes engendrées par l’inadaptation du logement, étant entendu qu’il appartient à l’expert de se limiter à une description de l’environnement en question et aux difficultés qui en découlent,
Dit qu’en cas d’empêchement, ou de refus du collège expertal ou d’un membre du collège expertal d’accomplir sa mission, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
Dit que pour une bonne administration de la justice et pour assurer le respect du contradictoire, il sera établi un pré-rapport d’expertise qui devra être communiqué à l’ensemble des parties sur lequel elles pourront faire valoir leurs observations ;
Dit qu’en cas de difficultés, il devra en être fait rapport au magistrat chargé du contrôle des expertises. »
A titre subsidiaire, sur l’absence de responsabilité,
-juger que les conditions pour engager la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ne sont pas réunies ;
En conséquence,
-débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ;
En tout état de cause,
-débouter Madame [O] de sa demande de provision ;
-rejeter la demande de Madame [O] tendant à la condamnation du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-débouter Madame [O] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ;
-condamner Madame [O] aux dépens.
En défense, le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE réplique :
-qu’aucun lien de causalité n’a été identifié par la communauté scientifique entre la vaccination contre l’hépatite B, pratiquée depuis de nombreuses années, et la survenue de maladies démyélinisantes dont la sclérose en plaques ;
-qu’en l’espèce, le rapport d’expertise judiciaire a conclu qu’aucun lien de causalité n’était établi entre la vaccination administrée à Madame [O] et les troubles dont cette dernière souffre ;
-qu’elle doit être déboutée de sa demande de voir ordonner une nouvelle expertise en ce qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une cause justifiant la nullité du rapport d’expertise judiciaire du Docteur [X] ;
-que la notion de conflit d’intérêts, non définie par le code de procédure civile mais dans la Charte de l’expertise sanitaire, se caractérise par des liens d’intérêts qui, de par leur nature et leur intensité, mettent en cause l’impartialité et l’indépendance de l’expert ;
-que la participation du Docteur [X], parmi d’autres experts, à des conférences portant sur la neurologie ne saurait justifier l’annulation du rapport d’expertise déposé par ce dernier dans une expertise judiciaire portant sur la recherche des causes de la maladie dont souffre Madame [O] ;
-que la simple participation à des réunions scientifiques, quand bien même seraient-elles financées en partie par le Laboratoire GlaxoSmithKline (parmi de nombreux industriels intervenant dans les domaines concernés) n’est pas de nature à remettre en cause l’impartialité et l’objectivité de l’expert;
-qu’en outre, à supposer que les prétendus liens d’intérêts exposés par Madame [O] seraient de nature à faire douter de l’impartialité du Docteur [X], Madame [O] ne rapporte aucunement la preuve d’un grief que lui causerait la situation alléguée, comme l’exige la jurisprudence ; qu’en effet, la Cour de cassation juge que le manquement à l’obligation d’impartialité qui lui incombe par un expert judiciaire constitue la violation d’une formalité substantielle, qui n’est sanctionnée de la nullité de l’acte qu’à charge pour celui qui l’invoque de justifier du grief qu’elle lui a causé ;
-par ailleurs, contrairement à ce que prétend Madame [O], la demande d’une nouvelle d’expertise constitue en réalité une demande de contre-expertise en ce qu’elle tend d’une part, à remettre en cause les conclusions de l’expert judiciaire et d’autre part, à obtenir une mesure d’expertise ayant une finalité strictement identique à celle réalisée par ce dernier ;
-que le Tribunal ne saurait faire droit à la demande de Madame [O] de voir ordonner une nouvelle mesure d’expertise alors que le rapport d’expertise de l’expert préalablement désigné ne contient aucune lacune et, en particulier, est clair, précis et sans ambiguïté quant à ses conclusions excluant tout lien de causalité certain et direct entre l’administration du vaccin ENGERIX et la survenue chez Madame [O] d’une sclérose en plaques ;
A titre subsidiaire et en tout état de cause, sur l’absence de responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE :
-que les circonstances mises en exergue par Madame [O] ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes de causalité ;
-que s’il est admis que la preuve du lien de causalité puisse être établie par recours aux présomptions visées à l’article 1382 du Code civil à la condition qu’elles soient « graves, précises et concordantes », ces présomptions supposent nécessairement la réunion cumulative des trois conditions suivantes :
*le facteur invoqué doit pouvoir constituer une cause génératrice du dommage, au regard des données acquises de la science ;
*il doit être hautement probable que ce facteur soit à l’origine dudit dommage ;
*les autres causes possibles de ce dommage doivent pouvoir être exclues ;
-ainsi, l’admission de ces présomptions suppose notamment la constatation d’un risque potentiel du produit scientifiquement établi et la connaissance parfaite des facteurs déclencheurs de la maladie ;
-qu’en l’espèce, aucun lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparition de la sclérose en plaques ne peut être ni établi ni retenu, fut-ce au titre des présomptions de fait ;
-que la prétendue relation temporelle entre la vaccination et la survenue de la pathologie, l’absence d’antécédents personnels ou familiaux et l’absence d’autre causes possibles sont rejetées par l’ensemble des juridictions, à quelque degré que ce soit, faute d’être suffisantes pour justifier de présomptions graves, précises et concordantes ;
-que Madame [O] ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre la vaccination par ENGERIX B et la survenue de sa pathologie alors que de manière générale, aucun lien de causalité n’a été établi entre vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques en l’état des données scientifiques et que les autorités sanitaires renouvellent publiquement leur confiance dans la vaccination contre l’hépatite B ;
-que s’agissant spécifiquement de la sclérose en plaques, dans ses deux arrêts du 23 septembre 2003, la Cour de Cassation a « constaté que l’étiologie de la sclérose en plaques était inconnue et que ni les expertises, ni les études scientifiques ne concluaient à l’existence d’une association entre la vaccination et cette maladie » ;
-que la coïncidence chronologique ne saurait constituer, tant d’un point vue juridique que d’un point de vue scientifique, un indice de causalité suffisant ;
-de même, l’absence d’antécédent n’est pas suffisant, en l’espèce, pour justifier d’un quelconque lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ;
-qu’à titre surabondant, Madame [O] ne rapporte pas la preuve d’un défaut du vaccin alors que conformément à l’article 1245-8 du code civil, il appartient au demandeur de rapporter la preuve du défaut du produit afin de démontrer, à travers une appréciation in abstracto, que ce dernier ne présente pas la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s’attendre ;
-que la demande tendant à obtenir le paiement d’une provision se heurte à une contestation sérieuse dès lors que les conditions cumulatives pour engager la responsabilité du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ne sont nullement établies.
***
Il sera rappelé qu’en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de chacune des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens.
Bien que régulièrement assignée, par dépôt de l’acte en étude, la CPAM de Meurthe-et-Moselle n’a pas constitué avocat.
La présente décision est donc réputée contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 novembre 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré au 10 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
MOTIVATION DU JUGEMENT
Au préalable, il convient de rappeler que les demandes de « donner acte », de « dire et juger » ou de « constater », expressions synonymes, n’ont, en ce qu’elles se réduisent en réalité à une synthèse des moyens développés dans le corps des écritures, aucune portée juridique (Cass. Civ. 3ème, 16 juin 2016, n°15-16.469) et, faute de constituer des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, ne sont pas rappelées ni examinées au dispositif.
1°) SUR LA DEMANDE DE NULLITE DU RAPPORT D’EXPERTISE
Aux termes de l’article 237 du code de procédure civile, « Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ».
Il est constant que l’obligation d’impartialité mise à la charge de l’expert par l’article 237 du code de procédure civile constitue une formalité substantielle dont l’inobservation est susceptible d’entraîner la nullité de l’expertise.
En l’espèce, Madame [O] met en cause l’objectivité et l’impartialité du Docteur [X] au motif que son nom apparaît en qualité de conférencier lors de colloques professionnels de neurologie en 2004, 2008 et 2013, lesquels ont notamment été financés par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE.
Il ressort des programmes de ces évènements versés aux débats que le nom du Docteur [X] apparaît parmi des dizaines d’autres intervenants d’une part, et que le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE est mentionné en qualité de partenaire de ces évènements parmi de nombreuses autres entreprises, d’autre part.
La participation à trois réunions scientifiques, quand bien même seraient-elles financées entre autres par le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE, ne peut à elle seule suffire à remettre en cause l’indépendance et l’impartialité de l’expert. Au demeurant, ces événements en 2004, 2008 et 2013 sont antérieurs à la réalisation de la mission d’expertise et il n’est pas établi par les pièces versées aux débats que de telles participations se poursuivent à ce jour.
En tout état de cause, il n’est pas avéré que le Docteur [X] serait intervenu à titre quasi exclusif pour le compte du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE et serait rémunéré directement ou indirectement par cette société. Ce grief insuffisamment établi n’est pas de nature à mettre sérieusement en cause son indépendance et plus particulièrement à faire douter de son impartialité dans l’accomplissement de sa mission.
Ainsi, il y a lieu de constater que Madame [O] ne rapporte pas la preuve de l’existence de liens d’intérêts entre le Docteur [X] et le Laboratoire GLAXOSMITHKLINE qui, par leur nature et leur intensité, seraient susceptibles de remettre en cause l’indépendance et l’impartialité de l’expert.
Il est constant que l’objectivité d’un rapport d’expertise est souverainement appréciée par le juge dès lors que sa décision est motivée.
En l’espèce, aucun élément relatif aux conclusions du rapport d’expertise ou à la façon dont l’expertise a été conduite ne conduit à douter de l’objectivité et de l’impartialité du Docteur [X].
En conséquence, la demande d’annulation du rapport d’expertise sera rejetée.
En l’absence d’annulation, il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise.
2°) SUR LA RESPONSABILITE DU LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE
Aux termes de l’article 1245 du code civil, « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».
L’article 1245-3 du code civil prévoit qu’« Un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation ».
Selon l’article 1245-8 du code civil, « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».
Il est constant que la responsabilité du fait d’un produit de santé suppose que soit rapportée la preuve d’un dommage, de l’imputabilité d’un dommage à l’administration du produit, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et ce dommage.
Selon une jurisprudence désormais établie, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes.
En l’espèce, le Docteur [X] a relevé que Madame [O] est affectée d’une sclérose en plaques et que le diagnostic, certain, a été confirmé par une IRM et la ponction lombaire.
L’expert a souligné que si la maladie avait été reconnue en mars 2002, sur la conjonction des symptômes présentés lors de la première poussée et de l’IRM cérébrale, il existait une incertitude sur la date du premier événement de la maladie, d’évolution régressive (janvier 2001 ou janvier 2002 selon les courriers médicaux, 2000 selon Madame [O]). Il conclut qu’en tout état de cause, il convient de considérer que les premières manifestations cliniques de la sclérose en plaques sont survenues 5 à 6 ans et demi après la dernière injection vaccinale.
Il est retenu que Madame [O], qui ne présente pas d’état antérieur, ni d’antécédent familial de sclérose en plaques, a reçu trois injections vaccinales d’Engérix B, contre l’hépatite B, les 5/11/1994, 5/12/1994 et 5/06/1995, chacune de ces trois injections ayant été parfaitement supportée, selon les déclarations de Madame [O].
Après étude de la littérature scientifique mis à sa disposition par les parties, l’expert a conclu que, sur la base des connaissances actuelles, il n’existait aucune preuve scientifique de risque accru de développer une sclérose en plaques après une vaccination contre l’hépatite B.
Il sera noté que la grande majorité des études scientifiques conclut qu’un lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la maladie de la sclérose en plaques n’est pas établi et que la principale étude ayant admis ce lien est discutée dans sa méthodologie.
L’affirmation selon laquelle l’absence totale d’influence de la vaccination sur le déclenchement de la maladie ne peut être exclue constitue une réserve scientifique, habituelle en la matière, mais ne permet pas d’établir le lien de causalité nécessaire sur le plan juridique.
La mention dans la base de données publique des médicaments de la sclérose en plaques au titre des effets indésirables participe au principe de précaution et au devoir d’information dû au patient, mais ne saurait par elle-même constituer une reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au vaccin en l’absence d’éléments médicaux concordants.
Après plusieurs années d’enquête, les autorités sanitaires ont constaté l’absence de lien démontré entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparition de maladies démyélinisantes. Cette position est partagée par les autorités médicales qui s’accordent à penser, tout en rappelant que les causes de la sclérose en plaques ne peuvent être circonscrites, que ses origines sont multifactorielles.
Il n’existe donc actuellement pas de consensus scientifique reconnaissant un lien de causalité certain entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques.
Cependant, comme le relève l’expert, ces données établies à l’échelle de populations, ne peuvent exclure le principe d’une relation de causalité à l’échelon individuel, chaque cas devant faire l’objet d’une analyse spécifique.
Selon le Docteur [X], la question d’un rôle favorisant du vaccin comme inducteur ou précipitant de l’auto-immunité caractérisant la sclérose en plaques peut éventuellement se discuter lorsque le début des symptômes de la sclérose en plaques est survenu dans un délai court après la vaccination. Il note cependant que cela n’est pas le cas chez Madame [O], dont la maladie s’est révélée plus de 5 ans après la vaccination.
L’expert relève en outre que l’absence d’antécédent familial de sclérose en plaques ou d’autre maladie auto-immune, ainsi que la bonne tolérance immédiate à la vaccination contre l’hépatite B, n’apportent pas d’argument en faveur d’une susceptibilité génétique particulière chez Madame [O].
Aussi, dans ce contexte de long délai entre la dernière vaccination et l’apparition certaine de la maladie, il y a lieu de considérer que même si elle ne présentait aucun élément pathologique particulier avant la vaccination ni d’antécédents familiaux, Madame [O] ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre le vaccin qui lui a été administré et le développement de sa sclérose en plaques.
Il s’ensuit que la responsabilité du producteur du vaccin ne saurait être retenue, la question de la défectuosité du vaccin n’ayant dès lors pas besoin d’être examinée.
Madame [O] doit en conséquence être déboutée de toutes ses demandes dirigées à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE, en ce compris sa demande de provision.
3°) SUR LA DECLARATION DE JUGEMENT COMMUN
Lorsqu’une personne victime d’un préjudice corporel agit à l’encontre d’un tiers qu’elle estime responsable de son préjudice, il lui appartient de mettre en cause son organisme de sécurité sociale. La Caisse de Sécurité Sociale peut intervenir volontairement à l’instance civile. A défaut, le tiers payeur doit être cité aux fins de déclaration de jugement commun, en application des articles L. 376-1 alinéa 8 et R. 376-2 du Code de Sécurité Sociale. Devant une juridiction civile, l’organisme de sécurité sociale ne peut être régulièrement mis en cause que par la délivrance d’une assignation, comme en l’espèce.
Il y a lieu de déclarer le présent jugement commun à la CPAM DE MEURTHE-ET-MOSELLE prise en la personne de son représentant légal.
4°) SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Selon l’article 696 du code de procédure civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
Madame [O], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Compte tenu de la solution apportée au litige, il y a lieu de débouter Madame [O] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
5°) SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
En application de l’article 514 du code de procédure civile, il y a lieu de rappeler que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DIT n’y avoir lieu à annulation du rapport d’expertise déposé le 26 novembre 2018 par le Docteur [X] ;
DEBOUTE Madame [E] [O] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre du Laboratoire GLAXOSMITHKLINE ;
DEBOUTE Madame [E] [O] de sa demande de provision ;
DECLARE le présent jugement commun à la CPAM DE MEURTHE-ET-MOSELLE prise en la personne de son représentant légal ;
CONDAMNE Madame [E] [O] aux dépens de l’instance ;
DEBOUTE Madame [E] [O] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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