Image télévisée des personnes condamnées

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Image télévisée des personnes condamnées

L’Essentiel : Une personne condamnée a tenté, sans succès, d’assigner un diffuseur et son producteur pour violation de ses droits à la vie privée et à l’image, suite à la diffusion d’une émission intitulée « Tu ne commettras pas l’adultère : l’affaire du Lord SHAFTESBURY ». Le tribunal a rappelé que le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression ont une valeur normative équivalente. Les faits évoqués, déjà publiés dans des comptes rendus judiciaires, ne constituent pas une atteinte à la vie privée, surtout lorsqu’ils sont relatifs à une affaire médiatisée et jugée en audience publique.

Une personne condamnée a fait assigner sans succès un diffuseur et son producteur sur le fondement, notamment, des articles 9 et 1382 du code civil pour violation de ses droits à la vie privée, à l’image et à l’oubli en raison de la diffusion à la télévision d’une émission qualifiée par ses soins de « docufiction », intitulée « Tu ne commettras pas l’adultère : l’affaire du Lord SHAFTESBURY».

Droit au respect de la vie privée

A titre liminaire, il doit être rappelé d’une part que le droit au respect de la vie privée, dont le droit à l’image est une des composantes, et la liberté d’expression revêtent la même valeur normative, tous deux devant être considérés comme fondements d’une société démocratique, d’autre part que le rappel de faits publics déjà divulgués ne constitue pas en soi une atteinte au respect de la vie privée.

S’agissant par ailleurs de faits licitement révélés par des comptes rendus de débats judiciaires, leur nouvelle publication, a fortiori lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, ils sont relatifs à une affaire jugée en audience publique ayant rencontré un écho médiatique important, ne peut pas être considérée comme sans justification légitime, même si elle ne se rattache pas directement à un événement d’actualité ou aux nécessités de l’information exclusive de toutes préoccupations commerciales, dès lors que les faits ne sont pas dénaturés et que la relation qui en est faite répond à l’exigence de prudence que doit dicter le respect au droit à la réputation d’autrui.

Au cas particulier, s’agissant des différents éléments cités par la personne condamnée comme constitutifs d’une atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image, force est de constater tout d’abord que: i) son passé d’escort-girl, mentionné dans le seul résumé de l’émission, a été évoqué à la fois dans l’ordonnance de mise en accusation et dans de nombreux articles de presse; ii) qu’elle même convient dans ses écritures que cette indication peut être utile à la compréhension de la personnalité de son époux en ce qu’elle éclaire les particularités de sa vie amoureuse (aucune violation de la vie privée n’a donc été retenue) ; iii) sa vie familiale et conjugale a fait l’objet de mentions expresses dans l’ordonnance de mise en accusation et a été évoquée dans de nombreux articles de presse; iv) les éléments relatifs à son domicile d’une part figuraient déjà dans l’ordonnance de mise en accusation ; v) la totalité des photographies utilisées dans l’émission ont déjà été diffusées dans la presse, ainsi qu’en attestent les pièces communiquées par l’ensemble des défenderesses.

Publication des photographies des personnes condamnées

La liberté de communication des informations justifie la publication de photographies de personnes impliquées dans une affaire judiciaire, et tout particulièrement de photographies d’identité judiciaire; la  référence à l’article 41 de la loi dite « pénitentiaire » du 24 novembre 2009 n’est pas pertinente. En effet, cet article, qui dispose que « les personnes détenues doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l’utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification » ne s’applique, à l’évidence, qu’aux seules images représentant des personnes en situation de détention susceptibles d’être identifiées et non à celles les représentant antérieurement. Or, aucune des photographies diffusées en l’espèce n’a été prise durant l’incarcération de la personne condamnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les fondements du droit au respect de la vie privée ?

Le droit au respect de la vie privée est un principe fondamental qui protège les individus contre les intrusions non justifiées dans leur vie personnelle. Ce droit inclut le droit à l’image, qui est une composante essentielle de la vie privée.

A noter que ce droit doit être équilibré avec la liberté d’expression, qui est également un pilier des sociétés démocratiques. Les deux droits ont une valeur normative équivalente et doivent être considérés dans leur ensemble.

La jurisprudence a établi que le rappel de faits déjà publics ne constitue pas nécessairement une atteinte à la vie privée. Ainsi, la publication d’informations licitement révélées, notamment dans le cadre de débats judiciaires, peut être justifiée, surtout si ces faits ont été largement médiatisés.

Comment la jurisprudence traite-t-elle les faits publics et leur publication ?

La jurisprudence considère que la publication de faits déjà divulgués, en particulier ceux issus de débats judiciaires, ne constitue pas une atteinte au respect de la vie privée. Cela est particulièrement vrai lorsque ces faits ont été discutés en audience publique et ont suscité un intérêt médiatique.

Dans le cas évoqué, les éléments mentionnés par la personne condamnée, tels que son passé d’escort-girl, avaient déjà été abordés dans des documents judiciaires et des articles de presse.

De plus, la personne elle-même a reconnu que ces informations pouvaient être pertinentes pour comprendre la personnalité de son époux, ce qui renforce l’argument selon lequel il n’y a pas eu de violation de sa vie privée.

Quelles sont les conditions de publication des photographies de personnes condamnées ?

La publication de photographies de personnes impliquées dans des affaires judiciaires est généralement justifiée par la liberté de communication des informations. Cela inclut les photographies d’identité judiciaire, qui peuvent être diffusées sans que cela constitue une atteinte à la vie privée.

L’article 41 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 stipule que les personnes détenues doivent donner leur consentement écrit pour la diffusion de leur image. Cependant, cet article ne s’applique qu’aux images prises durant la détention.

Dans le cas présent, les photographies diffusées n’ont pas été prises pendant l’incarcération de la personne condamnée, ce qui signifie qu’elles ne sont pas soumises à cette exigence de consentement.

Quels éléments ont été considérés pour évaluer la violation de la vie privée ?

Dans l’évaluation de la violation de la vie privée, plusieurs éléments ont été pris en compte. Tout d’abord, le passé de la personne condamnée, mentionné dans le résumé de l’émission, avait déjà été largement discuté dans des documents judiciaires et des articles de presse.

Ensuite, la personne a elle-même admis que certaines informations pouvaient être utiles pour comprendre la dynamique de sa vie conjugale.

De plus, des éléments concernant sa vie familiale et son domicile avaient déjà été divulgués dans des documents judiciaires, ce qui renforce l’argument selon lequel il n’y a pas eu de déformation des faits ou atteinte à sa réputation.

Enfin, toutes les photographies utilisées dans l’émission avaient déjà été publiées dans la presse, ce qui limite la possibilité d’une atteinte à son droit à l’image.


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