Image diffamatoire, c’est possible

·

·

Image diffamatoire, c’est possible

L’Essentiel : L’article 12 du Code de procédure civile impose au juge de qualifier avec précision les faits litigieux, surtout en matière de liberté d’expression. Lorsqu’une image est en cause, la victime peut choisir de poursuivre sur le fondement du droit à l’image ou du respect de l’honneur, sans que ces qualifications ne soient incompatibles. Dans le cas présent, la photographie incriminée ne revêt aucun caractère diffamatoire. Les allégations de moqueries ne suffisent pas à établir une atteinte à la considération professionnelle, car l’appréciation de l’honneur doit se faire selon des critères objectifs, et non sur la sensibilité personnelle.

Qualification des prétentions des parties

L’article 12 du Code de procédure civile impose au juge de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux», obligation d’autant plus impérative lorsqu’est en cause le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression qui implique, lorsque les faits incriminés relèvent d’une des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que le demandeur ne puisse, notamment pour échapper aux contraintes procédurales de cette dernière, se prévaloir pour les mêmes faits, de qualifications juridiques distinctes restreignant la liberté protégée par cette loi dans des conditions qu’elle ne prévoit pas.

Cumul de qualifications juridiques

Cependant, les droits consacrés par l’article 9 du Code civil – droit à l’image et au respect dû à la vie privée – et le droit au respect de l’honneur et de la considération prévu par l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, sont des droits protégés par une loi ; ils sont également des attributs de la personne parfaitement distincts qui ne sauraient être confondus. Ces deux qualifications ne sont nullement incompatibles entre elles, la victime a la possibilité de choisir de poursuivre sur l’un ou sur l’autre de ces fondements, à condition que son choix ne procède pas d’un détournement des règles procédurales de la loi sur la liberté de la presse.

Une requalification des faits ne saurait porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès à un juge, consacré par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, si les faits dont se plaint la victime sur le fondement de l’article 9 du Code civil et 8 de ladite convention, ne relèvent pas d’une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881.

Image et diffamation

En l’espèce, non seulement le cliché photographique incriminé, représentant une conférence au Grand Palais, ne présente, à l’évidence, aucun caractère diffamatoire ou injurieux envers quiconque mais, de surcroît, l’indication dans l’assignation que le demandeur a fait l’objet de « moqueries » de la part de ses collègues de travail ce dont il déduit une atteinte à sa « considération professionnelle », ne saurait conduire à considérer que le demandeur se plaint d’une infraction à la loi du 29 juillet 1881, l’appréciation de l’honneur et la considération au sens de ladite loi se faisant non pas en considération de la sensibilité de la personne concernée, mais au regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale, que le fait imputé soit prohibé par la loi ou considéré comme d’évidence contraire à la morale commune.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’obligation du juge selon l’article 12 du Code de procédure civile ?

L’article 12 du Code de procédure civile impose au juge de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ». Cette obligation est particulièrement cruciale lorsque le principe de la liberté d’expression, qui a une valeur constitutionnelle, est en jeu.

En effet, lorsque les faits en question relèvent des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur ne peut pas se prévaloir de qualifications juridiques distinctes pour échapper aux contraintes procédurales de cette loi. Cela vise à protéger la liberté d’expression dans des conditions prévues par la loi, évitant ainsi toute manipulation des qualifications juridiques.

Quelles sont les implications du cumul de qualifications juridiques ?

Le cumul de qualifications juridiques est possible, notamment en ce qui concerne les droits à l’image et au respect de la vie privée, ainsi que le droit au respect de l’honneur. Ces droits, consacrés par l’article 9 du Code civil et l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, sont distincts et ne doivent pas être confondus.

La victime a la possibilité de choisir de poursuivre sur l’un ou l’autre de ces fondements, tant que ce choix ne constitue pas un détournement des règles procédurales de la loi sur la liberté de la presse. Cela permet une certaine flexibilité dans la protection des droits individuels, tout en respectant les contraintes légales en matière de liberté d’expression.

Comment la requalification des faits affecte-t-elle le droit d’accès à un juge ?

Une requalification des faits ne doit pas porter atteinte de manière disproportionnée au droit d’accès à un juge, qui est garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Si les faits dont se plaint la victime, sur le fondement de l’article 9 du Code civil et de l’article 8 de la Convention, ne relèvent pas d’une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, alors la requalification est acceptable. Cela garantit que les victimes peuvent toujours faire valoir leurs droits sans être entravées par des qualifications juridiques inappropriées.

Quelle est la position sur l’image et la diffamation dans le cas présenté ?

Dans le cas présenté, le cliché photographique incriminé, qui représente une conférence au Grand Palais, ne présente aucun caractère diffamatoire ou injurieux. De plus, l’argument selon lequel le demandeur a subi des « moqueries » de la part de ses collègues ne suffit pas à établir une infraction à la loi du 29 juillet 1881.

L’appréciation de l’honneur et de la considération, selon cette loi, doit se faire sur des bases objectives, et non en fonction de la sensibilité personnelle du demandeur. Cela signifie que pour qu’il y ait diffamation, il doit y avoir une réprobation générale des faits imputés, ce qui n’est pas le cas ici.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon