Identité et Maternité : Enjeux de la Reconnaissance Légale dans un Contexte de Fraude Documentaire

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Identité et Maternité : Enjeux de la Reconnaissance Légale dans un Contexte de Fraude Documentaire

L’Essentiel : Dans cette affaire, M. [N] [W] a contesté la maternité de Mme [J] [I] [A] [Y] pour ses enfants nés entre 2009 et 2018, en établissant celle de Mme [K] [R] [F]. Après une procédure judiciaire débutée le 23 mars 2022, le tribunal a ordonné une expertise génétique. Le jugement du 23 janvier 2024 a déclaré irrecevable l’action pour deux enfants, mais recevable pour le troisième. Finalement, le tribunal a statué que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère, établissant ainsi Mme [K] [R] [F] comme leur mère légale, avec modification des actes de naissance.

Contexte Familial

[D], [B] et [Z] [W] sont nés respectivement en 2009, 2010 et 2018 de M. [N] [W] et de Mme [J] [I] [A] [Y]. M. [N] [W] a agi en tant que représentant légal des enfants pour contester la maternité de Mme [J] [I] [A] [Y] et établir celle de Mme [K] [R] [F].

Procédure Judiciaire

M. [N] [W] a assigné Mme [J] [I] [A] [Y] et Mme [K] [R] [F] devant le tribunal le 23 mars 2022. Il a révélé que Mme [J] [I] [A] [Y] avait utilisé une fausse identité pour entrer en France. Un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter les enfants dans cette affaire.

Jugements et Décisions

Le tribunal a révoqué une ordonnance de clôture le 23 mai 2023 et a ordonné une expertise génétique. Le jugement du 23 janvier 2024 a déclaré la compétence du tribunal et a jugé irrecevable l’action concernant deux des enfants, tout en la déclarant recevable pour le troisième. L’expertise a été déposée le 2 mai 2024.

Conclusions des Parties

M. [N] [W] a demandé l’annulation de la maternité de Mme [J] [I] [A] [Y] et l’établissement de celle de Mme [K] [R] [F]. L’administrateur ad hoc a également demandé l’annulation de la filiation de Mme [J] [I] [A] [Y] et l’établissement de la maternité de Mme [K] [R] [F]. Le ministère public a soutenu la recevabilité de l’action et a demandé une expertise.

Décision Finale

Le tribunal a statué que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère des enfants et a établi que Mme [K] [R] [F] est leur mère. Les actes de naissance des enfants seront modifiés en conséquence, sans changement de nom de famille. Mme [K] [R] [F] a été condamnée aux dépens, et la décision est susceptible d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 311-14 du Code civil dans le cadre de la contestation de maternité ?

L’article 311-14 du Code civil stipule que « l’action en recherche de maternité peut être exercée par la mère, par l’enfant ou par toute personne ayant un intérêt légitime ».

Dans le cas présent, M. [N] [W] a agi en son nom personnel et en qualité de représentant légal des enfants pour contester la maternité de Mme [J] [I] [A] [Y].

Cet article permet donc à M. [W] d’introduire une action en recherche de maternité, en raison de son lien de parenté avec les enfants, et de revendiquer la maternité de Mme [K] [R] [F].

Il est important de noter que la loi française est applicable à cette action, car les enfants sont de nationalité française, ce qui renforce la recevabilité de l’action introduite par M. [W].

Ainsi, l’article 311-14 joue un rôle crucial en permettant aux représentants légaux d’agir pour établir la maternité, ce qui est fondamental dans le cadre de la filiation.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur la filiation des enfants ?

Le tribunal a déclaré que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère des enfants [D], [B] et [Z], et a établi que Mme [K] [R] [F] est leur mère.

Cette décision a des conséquences directes sur la filiation des enfants, car elle annule les reconnaissances de maternité effectuées par Mme [J] [I] [A] [Y].

Conformément à l’article 311-1 du Code civil, « la filiation est établie par la reconnaissance, par le mariage ou par la décision de justice ».

En annulant la filiation de Mme [J] [I] [A] [Y], le tribunal a rétabli la vérité biologique en établissant la maternité de Mme [K] [R] [F].

De plus, le tribunal a ordonné la transcription de cette décision sur les actes de naissance des enfants, ce qui est conforme à l’article 47 du Code civil, qui stipule que « les actes de l’état civil doivent être tenus à jour ».

Ainsi, la décision du tribunal a pour effet de clarifier la situation juridique des enfants et de leur attribuer une mère légale, ce qui est essentiel pour leur statut civil.

Comment la loi angolaise est-elle prise en compte dans cette affaire ?

L’administrateur ad hoc a soutenu que l’action en recherche de maternité devrait être régie par la loi angolaise, sauf pour l’enfant [D], pour lequel la loi française s’applique.

L’article 311-14 du Code civil, qui permet l’action en recherche de maternité, est en effet applicable, mais la question de la loi applicable est complexe.

La loi angolaise, qui autorise l’enfant à faire établir sa maternité sans condition de délai, a été mentionnée pour justifier la recevabilité de l’action.

Cependant, le tribunal a finalement déclaré que la loi française était applicable à l’action en recherche de maternité, en raison de la nationalité française des enfants.

Cela signifie que, bien que la loi angolaise ait été considérée, la loi française a prévalu dans cette affaire, ce qui est conforme à l’article 3 du Code civil, qui stipule que « la loi française est applicable aux personnes qui ont leur domicile en France ».

Ainsi, la décision du tribunal illustre l’importance de la nationalité et du domicile dans la détermination de la loi applicable en matière de filiation.

Quelles sont les implications de la décision sur le nom de famille des enfants ?

Le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à modification du nom de famille des enfants, qui portent actuellement le nom du père, M. [N] [W].

Cette décision est conforme à l’article 311-21 du Code civil, qui stipule que « lorsque la filiation est établie à l’égard d’un père et d’une mère, l’enfant porte le nom de famille du père ».

Dans ce cas, bien que la maternité de Mme [K] [R] [F] ait été établie, le tribunal a choisi de maintenir le nom de famille actuel des enfants, ce qui reflète la volonté de préserver la stabilité et la continuité dans leur identité.

Il est également important de noter que le tribunal a ordonné la transcription de la décision sur les actes de naissance, ce qui est essentiel pour la mise à jour des informations d’état civil des enfants.

Ainsi, la décision du tribunal a des implications significatives sur le nom de famille des enfants, en préservant leur lien avec leur père tout en établissant leur maternité légale.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

Pôle Famille 2ème section

JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024

N° RG 22/03202
N° Portalis DB3R-W-B7G-XMPZ

N° Minute : 24/

AFFAIRE

[N] [U] [W]

C/

[R] [F] SE DISANT [I] [A] [Y], [J] [I] [A] [Y]

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

Monsieur [N], [U] [W]
[Adresse 1] – [Localité 7]
Ayant pour avocat Me Alain T.G. MAFOUA BADINGA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 128

DEFENDERESSES

Madame [K] [R] [F] se disant [I] [A] [Y]
[Adresse 1] – [Localité 7]
Défaillante

Madame [J] [I] [A] [Y]
[Adresse 1] – [Localité 7]
Défaillante

AUTRES PARTIES

[D] [W], née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 10]
[B] [W] , née le [Date naissance 4] 2010 à [Localité 10]
[Z] [W], née le [Date naissance 3] 2018 à [Localité 8]
Ayant toutes trois pour représentant légal Mme [P] [V], administrateur ad hoc et pour avocat Me Laurence JARRET, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, vestiaire PN752

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République

L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :
Monia TALEB, Vice-Présidente
Cécile BAUDOT, Première Vice-Présidente Adjointe
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.

Albane SURVILLE, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

[D], [B] et [Z] [W] sont respectivement nées les [Date naissance 5] 2009 à [Localité 10], [Date naissance 4] 2010 à [Localité 10], et [Date naissance 3] 2018 à [Localité 8], de M. [N] [W] et de Mme [J] [I] [A] [Y].

Par assignation délivrée le 23 mars 2022, M. [N] [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal des enfants, a cité Mme [J] [I] [A] [Y] et Mme [K] [R] [F] devant ce tribunal, afin de contester la maternité de la première à l’égard des enfants, et de faire établir celle de la seconde.

Au soutien de ses demandes, il expose avoir fait la connaissance en France, où il résidait depuis de nombreuses années, de Mme [J] [I] [A] [Y], de laquelle il a eu trois enfants. Il ajoute que celle-ci lui a révélé, après la naissance de leur troisième enfant, qu’elle s’appelait en réalité [K] [R] [F], et que, ne disposant pas de titre de séjour l’autorisant à vivre en France, elle était entrée sur le territoire national sous l’identité de Mme [J] [I] [A] [Y], ressortissante française. Elle précisait que cette identité lui avait été communiquée par le réseau du passeur, lequel lui avait indiqué que Mme [J] [I] [A] [Y] était décédée, mais que son décès, survenu à l’étranger, n’avait jamais été transcrit dans les registres de l’état civil français.

Par ordonnance en date du 10 mai 2022, le juge de la mise en état a désigné un administrateur ad hoc afin de représenter les enfants dans le cadre de la présente procédure.

Mme [J] [I] [A] [Y] et Mme [K] [R] [F], toutes deux citées à étude à la même adresse, n’ont pas constitué avocat.

Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal a révoqué l’ordonnance de clôture et invité le demandeur à mettre en cause Mme [J] [I] [A] [Y] de façon régulière.

Par acte de commissaire de justice du 19 mai 2023, M. [N] [W] a fait assigner Mme [J] [I] [A] [Y] devant ce tribunal.

Régulièrement citée à son domicile à [Localité 9], par remise de l’acte à son frère, Mme [J] [I] [A] [Y] n’a pas davantage constitué avocat.

Par jugement en date du 23 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
déclaré la juridiction compétente, dit la loi française applicable, déclaré irrecevable l’action en contestation de maternité introduite par M. [W] en son nom propre concernant [D] et [B],déclaré recevable l’action en contestation de maternité introduite par M. [W] en son nom propre concernant [Z], déclaré recevable l’action en contestation de maternité introduite par M. [W] en qualité de représentant légal des enfants et reprise par l’administrateur ad hoc,ordonné une expertise génétique avant dire droit au fond.
L’expert désigné par la juridiction a déposé son rapport au greffe le 2 mai 2024.

Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 11 juin 2024, M. [N] [W] demande au tribunal de :
juger que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère des enfants [D], [B] et [Z],annuler les reconnaissances effectuées par Mme [J] [I] [A] [Y],dire que Mme [K] [R] [F] est la mère des enfants, dire que les trois enfants se nommeront désormais [R] [F],ordonner mention de la décision en marge des actes de naissance des enfants.
Il conclut, au regard des conclusions de l’expertise, à l’annulation de la filiation établie à l’égard de Mme [J] [I] [A] [Y].
Il soutient ensuite au visa de l’article 311-14 du code civil que les enfants étant de nationalité française, il y a lieu d’appliquer la loi française et qu’il est recevable à agir.

Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 13 mai 2024, l’administrateur ad hoc de [D], [B] et [Z] demande au tribunal de :
annuler la filiation de [D], [B] et [Z] à l’égard de Mme [J] [I] [A] [Y],établir la maternité de Mme [K] [R] [F] à l’égard des trois enfants,ordonner mention de la décision en marge des actes de naissance des enfants.
Il fait valoir que les conclusions d’expertise permettent d’écarter la maternité de Mme [J] [I] [A] [Y].
Il conclut, au visa de l’article 311-14 du code civil, à l’application de la loi angolaise à l’action en recherche de maternité sauf en ce qui concerne [D], pour laquelle s’applique la loi française car celle-ci serait française. Il soutient que l’action est recevable au regard du droit angolais, qui autorise l’enfant, représenté par une personne spécialement désignée à cet effet et sans condition de délai à faire établir sa maternité, le cas échéant au moyen d’une expertise. Il conclut donc à l’établissement de la filiation à l’égard de Mme [K] [R] [F] et relève que cela n’emporte pas de conséquence sur le nom de famille des enfants qui portent à ce jour le nom du père.

Par conclusions signifiées par la voie électronique et par acte d’huissier le 30 janvier 2023, le ministère public demandait au tribunal de déclarer l’action recevable et d’ordonner une expertise. Il n’a pas pris de nouvelles conclusions au fond.

Informées de leur droit, [D] et [B] ont fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas être entendues. [Z] n’a pas été informée de ce droit en raison de son absence de discernement découlant de son jeune âge.

La clôture a été prononcée le 11 juin 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 24 septembre 2024.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement en matière civile, par jugement réputé contradictoire, après débats en chambre du conseil,

DIT que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère de [D], [L] [W], née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère de [B], [O] [W], née le [Date naissance 4] 2010 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT que Mme [J] [I] [A] [Y] n’est pas la mère de [Z], [T] [W], née le [Date naissance 3] 2018 à [Localité 8] (Hauts-de-Seine),

DIT que la loi française est applicable à l’action en recherche de maternité,

DIT que l’action en recherche de maternité introduite par l’administrateur ad hoc des enfants [D], [B] et [Z] est recevable,

DIT que Mme [K] [R] [F] est la mère de [D], [L] [W], née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

ORDONNE la transcription du présent jugement sur l’acte de naissance n°66 dressé le 7 janvier 2009 par l’officier d’état civil de la maire de [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT que Mme [K] [R] [F] est la mère de [B], [O] [W], née le [Date naissance 4] 2010 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

ORDONNE la transcription du présent jugement sur l’acte de naissance n°2407 dressé le 27 août 2010 par l’officier d’état civil de la maire de [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT que Mme [K] [R] [F] est la mère de [Z], [T] [W], née le [Date naissance 3] 2018 à [Localité 8] (Hauts-de-Seine),

ORDONNE la transcription du présent jugement sur l’acte de naissance n°1355 dressé le 22 mai 2018 par l’officier d’état civil de la maire de [Localité 8] (Hauts-de-Seine),

DIT n’y avoir lieu à modification du nom de famille de [D], [L] [W], née le [Date naissance 5] 2009 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT n’y avoir lieu à modification du nom de famille de [B], [O] [W], née le [Date naissance 4] 2010 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine),

DIT n’y avoir lieu à modification du nom de famille de [Z], [T] [W], née le [Date naissance 3] 2018 à [Localité 8] (Hauts-de-Seine),

CONDAMNE Mme [K] [R] [F] aux dépens, comprenant les frais d’expertise,

DIT que la présente décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire par la partie la plus diligente et qu’elle sera susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la cour d’appel de Versailles ;

RAPPELLE qu’à défaut d’avoir été signifiée dans les six mois de sa date, la présente décision est réputée non avenue ;

signé le 26 novembre 2024 par Monia Taleb, Vice-Présidente et par Albane Surville, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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