Évaluation des conditions d’hospitalisation sous contrainte en cas de péril imminent et absence de consentement.

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Évaluation des conditions d’hospitalisation sous contrainte en cas de péril imminent et absence de consentement.

L’Essentiel : Le 24 décembre 2024, [D] [M] a été admise en hospitalisation complète à l’EPSM de l’agglomération lilloise, en raison d’un péril imminent pour sa santé. Le 30 décembre, le directeur a sollicité un contrôle judiciaire de cette mesure. Le conseil de [D] [M] a contesté l’hospitalisation, évoquant une insuffisance de motivation et l’absence de consentement. Malgré ces arguments, le juge a confirmé la nécessité de l’hospitalisation, soulignant que les troubles justifiant cette mesure étaient suffisamment documentés. Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation jusqu’à une éventuelle levée médicale, pour une durée maximale de six mois.

Admission en hospitalisation complète

Le 24 décembre 2024, [D] [M] a été admise en hospitalisation complète à l’EPSM de l’agglomération lilloise, sur décision du directeur de l’établissement, en raison d’un péril imminent pour sa santé, conformément à l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique. Le maintien de cette hospitalisation a été décidé le 26 décembre, après évaluation médicale à 24 et 72 heures.

Contrôle judiciaire de la mesure

Le 30 décembre 2024, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat pour un contrôle de la mesure d’hospitalisation. Le ministère public a exprimé son avis en faveur du maintien de l’hospitalisation sous contrainte. Le conseil de [D] [M] a demandé la mainlevée de la mesure, arguant d’une insuffisance de motivation et d’une absence de consentement dans le certificat médical d’admission.

Arguments du conseil de [D] [M]

Le conseil a soulevé des points concernant la motivation des troubles justifiant l’hospitalisation et l’absence de consentement, tout en mentionnant une demande de la famille et la présence d’une voisine lors de l’admission. Le directeur a soutenu que l’existence de tiers ne suffisait pas à écarter l’admission en cas de péril imminent, et [D] [M] a choisi de ne pas se présenter à l’audience.

Évaluation médicale et péril imminent

Le certificat médical d’admission a décrit des troubles du comportement, des déambulations fréquentes, et une anosognosie, indiquant un péril imminent pour la santé de la patiente. Bien que le conseil ait contesté la suffisance de ce certificat, le juge a souligné qu’un niveau de détail précis n’était pas requis dans une procédure d’urgence. Les certificats médicaux ultérieurs ont confirmé la nécessité de l’hospitalisation.

Justification de la procédure de péril imminent

La procédure d’admission en cas de péril imminent est conçue pour pallier l’absence de demande d’un tiers. Le certificat d’admission a clairement mentionné l’impossibilité d’obtenir une demande de tiers, en raison de relations conflictuelles. Le directeur a donc justifié le recours à la procédure de péril imminent.

Poursuite de l’hospitalisation

Conformément à l’article L.3212-1, l’hospitalisation sans consentement est justifiée lorsque les troubles rendent impossible le consentement et nécessitent des soins immédiats. Les pièces médicales et l’avis du docteur [O] ont confirmé la nécessité de prolonger l’hospitalisation, en raison de la persistance des troubles et de l’incapacité de [D] [M] à consentir aux soins.

Décision du magistrat

Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète de [D] [M], avec effet jusqu’à une levée médicale ou une décision de placement sous soins ambulatoires sans consentement, et ce, pour une durée maximale de six mois. La décision a été prononcée le 02 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de l’admission en hospitalisation complète en cas de péril imminent selon l’article L3212-1 du code de la santé publique ?

L’article L3212-1 du code de la santé publique précise les conditions d’admission en hospitalisation complète en cas de péril imminent.

Il stipule que le directeur de l’établissement peut prononcer la décision d’admission lorsque :

1. Il s’avère impossible d’obtenir une demande d’un tiers dans les conditions prévues au 1° du même II.

2. Il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°.

Ainsi, la notion de péril imminent est essentielle pour justifier une admission sans consentement.

Le certificat médical doit donc attester de l’urgence de la situation, et le directeur doit démontrer l’impossibilité d’obtenir une demande d’un tiers.

En l’espèce, le certificat médical d’admission a bien constaté un péril imminent, ce qui a permis de justifier l’hospitalisation sous contrainte.

Comment le juge évalue-t-il la nécessité de l’hospitalisation sous contrainte ?

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins concernant les troubles psychiques du patient et son consentement aux soins.

Cette position est confirmée par la jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation (civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

L’article L3212-1 du code de la santé publique précise que l’hospitalisation sans consentement est possible uniquement si les troubles rendent impossible le consentement et nécessitent des soins immédiats.

Dans le cas présent, les certificats médicaux ont confirmé la persistance des troubles et l’impossibilité pour [D] [M] de consentir aux soins.

Le juge a donc validé la décision du directeur de l’établissement, en se basant sur l’évaluation médicale.

Quelles sont les implications de l’absence de consentement aux soins dans le cadre de l’hospitalisation sous contrainte ?

L’absence de consentement aux soins est un critère fondamental pour justifier l’hospitalisation sous contrainte, comme le stipule l’article L3212-1 du code de la santé publique.

Cet article indique qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats.

Dans le cas de [D] [M], les certificats médicaux ont clairement établi que son état de santé ne lui permettait pas de consentir valablement aux soins.

Les médecins ont observé des troubles du comportement et une anosognosie, ce qui a conduit à la conclusion que l’hospitalisation était nécessaire pour sa sécurité et celle des autres.

Ainsi, l’absence de consentement a été un élément déterminant pour la poursuite de l’hospitalisation.

Quelles sont les obligations du directeur de l’établissement en matière de recherche de tiers lors de l’admission en péril imminent ?

L’article L3212-1 II 2° impose au directeur de l’établissement de justifier l’impossibilité d’obtenir une demande d’un tiers lors de l’admission en péril imminent.

Il doit mentionner clairement dans le certificat d’admission les raisons pour lesquelles il n’a pas pu obtenir une demande d’un tiers, que ce soit en raison de relations conflictuelles ou du refus du patient de communiquer des coordonnées.

Dans le cas présent, le certificat d’admission a bien noté l’impossibilité d’obtenir une demande d’un tiers, en raison de relations conflictuelles entre [D] [M] et ses proches.

De plus, il a été mentionné que le patient refusait de communiquer les coordonnées d’une personne à prévenir.

Ainsi, le directeur a rempli ses obligations en matière de recherche de tiers, justifiant le recours à la procédure de péril imminent.

Le juge a donc rejeté les arguments du conseil de [D] [M] sur ce point.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

Magistrat Délégué
Dossier – N° RG 24/02358 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDMX

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ORDONNANCE DU 02 Janvier 2025

DEMANDEUR
Monsieur LE DIRECTEUR DE L’EPSM DE L’AGGLOMÉRATION LILLOISE – Hôpital [2] – [Adresse 1]
Représenté par Mme [R],

DEFENDEUR
Madame [D] [Y] us. [M]
L’EPSM DE L’AGGLOMÉRATION LILLOISE – Hôpital [2] – [Adresse 1]
Absente, représentée par Maître Manon DENANT, avocat commis d’office

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Non comparant – conclusions écrites du procureur de la République en date du 31/12/2024

COMPOSITION

MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat Délégué
GREFFIER : Louise DIANA

DEBATS

En audience publique du 02 Janvier 2025 qui s’est tenue dans la salle d’audience de L’EPSM de L’AGGLOMÉRATION LILLOISE, la décision ayant été mise en délibéré au 02 Janvier 2025.

Ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 02 Janvier 2025 par Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat délégué, assisté de Louise DIANA, Greffier.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;Vu la requête en date du 30 Décembre 2024 présentée par LE DIRECTEUR DE L’EPSM DE L’AGGLOMERATION LILLOISE et les pièces jointes ;Vu les pièces visées par l’article R 3211-12 du code de la santé publique ;Vu la présence d’un avocat pour l’audience de ce jour ;Vu les conclusions du Ministère Public ;

Les parties présentes entendues.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[D] [M] a fait l’objet le 24 décembre 2024 d’une admission en hospitalisation complète à l’EPSM de l’agglomération lilloise sur décision du directeur d’établissement selon la procédure prévue à l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique soit en l’absence de tiers en cas de péril imminent.

Sur la base des certificats médicaux établis aux échéances de 24 et de 72 heures son maintien en hospitalisation complète a été décidé le 26 décembre suivant.

Par requête en date du 30 décembre 2024, le directeur de l’établissement psychiatrique a saisi le magistrat du siège désigné par le Président aux fins de contrôle à 12 jours de la mesure.

Par mention écrite au dossier, le ministère public a fait connaître son avis requérant le maintien de l’hospitalisation sous contrainte.

***

Entendu le conseil de [D] [M] sollicite la mainlevée de la mesure et développe les moyens suivants :
– sur la violation de l’article L3212-1 du code de la santé publique concernant l’insuffisance de motivation des troubles nécessitant l’hospitalisation de [D] [M] et l’absence de consentement dans le certificat médical d’admission,
– sur l’impossibilité de tiers lors de l’admission en ce qu’ il est évoqué une demande de la famille et l’existence d’une voisine dans le certificat d’admission.

Le directeur de l’établissement demande la poursuite de la mesure. [D] [M] a refusé de communiquer les coordonnées de tiers à prévenir. L’existence de tiers ne suffit pas à écarter l’admission en péril imminent.

[D] [M] n’a pas souhaité être présente à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’absence de caractérisation du péril imminent dans le certificat médical d’admission :

Il résulte de l’article L3212-1 II 2° que le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°.

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En l’espèce, le certificat médical d’admission établi le 24 décembre 2024 par le docteur [H] relève les troubles suivants : “troubles du comportement avec déambulations fréquentes, cris et époside d’agitation envers le personnel soignant. Elle rapporte un vécu de persécution centré sur le personnel hospitalier”, “La patiente reste anosognosique et adhère peu aux soins proposés”, précisant que les troubles observés représentent un péril imminent pour la santé de la patiente.

Si, selon le conseil de [D] [M], ce certificat initial ne caractérise pas suffisamment les troubles justifiant la mise en place d’une hospitalisation sous contrainte, de même que l’absence de consentement aux soins, il sera souligné qu’il ne saurait être exigé un niveau de détail précis dans un document établi dans le cadre d’une procédure impliquant une notion d’urgence importante.

Il peut être relevé que les troubles constatés sont ensuite précisés dans les certificats médicaux des 24h et des 72h, de même que l’absence de consentement aux soins, permettant de comprendre l’urgence à agir. Il est en effet relevé notamment une symptomatologie dépressive avec une thymie basse ainsi qu’une altération de l’élan vital et un ralentissement psychomoteur. Les fonctions institutionnelles sont franchement altérées avec perte de poids et un sommeil non réparateur ainsi qu’une perte d’autonomie. [D] [M] est dans le déni des troubles du comportement et peu accessible à la réassurance et imperméable aux arguments médicaux expliquant la nécessité de poursuite une hospitalisation.

L’état ainsi décrit étant effectivement susceptible d’entraîner des comportements de mise en danger, notamment du fait de l’existence de troubles du comportement et d’une altération des fonctions institutionnelles, il n’appartient pas au juge de contredire cette conclusion, et ce d’autant qu’aucun élément médical du dossier ne permet de la contester, les certificats médicaux postérieurs ayant au contraire confirmé la nécessité de la mesure en caractérisant l’existence de troubles nécessitant l’hospitalisation de [D] [M] et son absence de consentement aux soins.

Dès lors, les conditions de mise en oeuvre du II § 2 de l’article L3212-1 du code de la santé publique étant bien remplies au moment de l’admission, ce moyen sera donc rejeté.

Sur l’absence de justification du recours à la procédure de péril imminent en l’absence de tiers :

Il résulte de l’article L3212-1 II 2° que le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°.

La procédure d’admission en cas de péril imminent est de nature à pallier l’absence constatée de tiers, soit que l’entourage ne veuille pas ou refuse de prendre l’initiative d’une demande de soins, soit que le patient se trouve dans une situation de désocialisation le privant de toute attache. C’est ensuite sur le double constat de l’impossibilité d’obtenir une demande d’un tiers et de l’existence d’un péril imminent pour la santé de la personne que le directeur de l’établissement prendra l’initiative de prononcer l’admission.

Il sera rappelé que l’imminence du péril n’impose pas au directeur de l’établissement de rechercher à tout prix un tiers. En revanche, le directeur de l’établissement devra mentionner l’impossibilité de rédaction et signature immédiates d’une demande d’admission par un tiers.

En l’espèce, le certificat d’admission mentionne clairement l’impossibilité d’obtenir la demande d’un tiers relevant qu’”il existe des relations conflictuelles entre les tiers connus et le patient”.

En l’espèce, il est indiqué dans le relevé des démarches de recherche et d’information de la famille et de proches (pièce 06) que “Le patient refuse de communiquer les coordonées d’une personne à prévenir et/ou ne souhaite pas que l’on divulgue sa présence à l’hôpital”.

Par conséquent, le directeur a rempli ses obligations en terme de recherche de tiers et a justifié l’impossibilité pour un tiers de rédiger et signer immédiatement la demande d’admission, nécessitant le recours à la procédure de péril imminent.

Par conséquent, le moyen sera rejeté.

Sur la poursuite de la mesure :

En application de l’article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En l’espèce, il résulte des pièces médicales, de l’avis motivé établi par le docteur [O] le 30 décembre 2024 et des débats de l’audience que l’hospitalisation sous contrainte de l’intéressée doit être prolongée, en l’état de la persistance des troubles et de l’impossibilité pour le patient de consentir valablement aux soins nécessités par son état de santé.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué statuant après débats, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort

ORDONNE la poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [D] [Y] us. [M].

DIT que cette mesure emporte effet jusqu’à levée médicale ou décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement et à défaut jusqu’à un délai de six mois suivant le prononcé de cette décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Janvier 2025.

Le Greffier, Le Magistrat Délégué,

Louise DIANA Aurore JEAN BAPTISTE


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